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M. Coué, professeur d'auto-suggestion, à Nancy, joint olontiers l'exemple à la parole.

Récemment il faisait une conférence sur les sujets qui ui sont chers.

S'aperçut-il que ses arguments n'emportaient pas la onviction de ses auditeurs? Devina-t-il chez ceux-ci, uelque lassitude? Ou bien un bâillement indiscret l'avait-il pas témoigné qu'une auditrice était sur le oint de quitter la salle? Toujours est-il que, soudain, An asistant ayant porté la main à son front ne put l'en létacher.

Au même instant sa voisine découvrit avec horreur u'elle ne pouvait lever ses pieds du sol; cependant qu'un grave monsieur faisait de vains efforts pour détaher son bras du fauteuil où il s'était accoudé, et qu'une imable jeune fille s'agaçait de ne pouvoir séparer ses nains jointes.

M. Coué venait de se livrer à une petite expérience qu'il espère convaincante.

Que d'orateurs envieront un pouvoir qui permet de s'assurer le silence et aussi la présence de ses auditeurs, pien mieux leurs applaudissements.

Une citation malheureuse.

Le Graphic, en publiant les photographies du Renown, prises au moment où le bateau qui porte le prince de Galles s'engageait dans le canal de Suez, a u l'étrange idée de mettre en épigraphe ce vers de Kipling dans Mandalay :

Ship me somewhere east of Suez

Qu'on m'embarque pour un pays qui soit à l'est de Suez) L'ennuyeux, c'est que le héros de Kipling est un oldat qui, revenu de l'Orient, regrette surtout les orgies le là-bas et que le poème se poursuit ainsi :

Where there aren't no Ten Commandments an'a man can raise a thirst.

Là ou il n'y a plus dix commandements et où un homme peut s'offrir une soif qui compte) Espérons que le prince de Galles n'est pas parti pour es Indes, avec des pensées comme celles-là!

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papier et 500 kilos de pommes de terre, ce qui fait làbas 35.000 couronnes).

C'est que les paysans, après avoir dépensé leurs scandaleux bénéfices en vêtements de soie, en pianos, en bijoux et en valeurs étrangères, ne savent plus que trouver pour se débarrasser des liasses de billets autrichiens qui les encombrent. Il leur restait à faire faire leurs portraits.

Les peintres s'exécutent; ils préféreraient travailler pour le compte d'un Américain qui les paierait en dollars; car, cinquante mille couronnes, cela ne va pas loin. Mais la vie est dure: on prend ce qu'on trouve.

L'habitude des paiements en nature tend à se généraliser là-bas pour les professions libérales. Ainsi un médecin de campagne apprécie en livres de farine le taux de ses consultations. Et l'on parle aussi d'un peintre d'intérieurs qui va de village en village, peignant les cuisines des paysans en échange de dix livres de saindoux et de vingt livres de farine.

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La question des loyers peut servir, merveilleusement, de thème à cet examen. Convient-il de blâmer la Chambre d'avoir perdu son temps à la solution d'un problème insoluble car il n'est dans l'esprit de personne, n'est-ce pas, que ce problème soit résolu, ou faut-il la féliciter, le sachant tel, de n'avoir pas désespéré, et de s'être efforcée, de toute son énergie et de tout son labeur, de la résoudre au moins partiellement ?

Toute solution, même bénigne, même partielle, du problème des loyers, est dictée par le prétexte d'ordre public, et porte atteinte au droit de propriété. Queile doit être la part des deux éléments dans la mixture finale ? Le problème est délicat, encore que d'autres le déclarent simple, et ne comporte pas d'autre altemative que le droit commun, avec toute ses conséquences, ou la révolution. Cette simplicité est terrible, et dire que le problème est délicat, ce n'est pas assez dire. Il est insoluble. Car en voici les données : il y a plus de gens à loger que d'abris à leur donner, et il est déraisonnable de penser à construire de nouveaux immeubles, étant données les circonstances.

Si on permet une expulsion sous un prétexte quelconque, en vertu de la loi ou du droit commun, on jette à la rue quelqu'un qui ne trouvera pas d'autre abri. Si on maintient, à des conditions quelconques, les occupants dans leurs locaux, on condamne tous ceux qui cherchent un abri à n'en jamais trouver.

Si on limite le prix des loyers, on taxe, donc, on raréfie, ou du moins on décrète que jamais plus un nouvel immeuble ne s'élèvera sur le sol de France, que jamais un immeuble ancien ne sera entretenu et restauré. Si on ne taxe pas, on laisse, logiquement, le prix du loyer subir l'augmentation des prix de la viande, des vêtements, des

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Affaires Extérieures

chaussures, et on condamne à ne plus jamais se loger | Affaires

le moindre fonctionnaire ou le moindre rentier; le moindre citoyen non commerçant qui ne peut à son tour, récupérer sur ses clients le prix d'un loyer quintuplé. Problème insoluble !

sans

Insoluble encore si on l'envisage sous cette autre face. Il faut taxer tout ou rien. Si on décide que le porc est taxé seul et que le boeuf et le mouton ne le sont pas, on fait disparaître le porc. De même, comment prétendre limiter la hausse du loyer - et du loyer seul faire aussi sur la boucherie, le costume et l'ameublement une loi limitant aussi à 50 o/o l'augmentation sur les prix de 1914. Comment prétendre qu'un bailleur d'immeuble n'aura pas le droit de doubler sa denrét (100 0/0), alors qu'il paiera pour tout ce qui constitue sa vie, et pour toute la main-d'oeuvre nécessaire, des prix quintuplés! Problème insoluble !

L'Etat devra-t-il alors assurer à tous les sans-abri des

locaux construits en hâte, et y loger ses fonctionnaires, ses magistrats, ses professeurs, encasernés à des prix normaux ? Problème insoluble encore, car l'Etat, lui aussi, construit à des prix quintuplés, et avec l'argent du budget: une augmentation correspondante des impôts

serait le corollaire immédiat de cette solution. Problème insoluble !

On ne peut donc faire grief à la Chambre de s'être attardée à des bavardages sans résultat, et d'avoir donné une solution provisoire, insuffisante et mauvaise, à un problème insoluble, qui demeure entier. Le problème des loyers est fonction de tout le problème économique et social, et l'absurdité qui consiste à vouloir trancher un point spécial sans envisager la question dans son ensemble n'est pas particulière à la question des loyers. Ce n'est pas la Chambre qui a créé la carence gouvernementale, grâce à laquelle l'oeuf vaut vingt sous, la chaussure augmente lorsque les cours du cuir s'effondrent, et la diminution du bétail dans les foires n'a jamais sa répercussion chez les détaillants.

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La question des loyers est un exemple, mais elle n'est qu'un exemple : à autant de problèmes économiques la Chambre s'attachera, à autant de problèdes insolubles elle se heurtera.

La faute en est, lourdement, au gouvernement, ou plutôt à l'absence de gouvernement. Les choses ne s'arrangent pas toutes seules, et il est plus facile de prévenir le désordre et le gâchis social que d'y porter remède. La faute en est aussi à l'électeur, dont l'éducation civique n'est pas faite, et qui ne voit jamais qu'un côté des questions, incapable de comprendre que son intérêt est solidaire de celui du voisin, et exigeant, exigeant impérieusement, sous peine de mort, des promesses, et puis des promesses, et encore et toujours des promesses, et condamne ses mandataires à promettre et à parler, pour masquer l'insurmontable difficulté d'une tâche de Titans.

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Il est donc absolument injuste d'imputer à l'insuffisance de la Chambre les solutions qu'elle donne aux différents problèmes. Bien au contraire, ces hommes, héroïques de la tâche qu'ils ont affrontée en 1919, font pour le mieux, en s'efforçant de hâter une guérison lente par des remèdes de fortune, en évitant un aveu brusque gros de conséquences redoutables. Ces remèdes de fortune ne sont peut-être pas la plus mauvaise solution, à condition de bien savoir que ce ne sont que des remèdes de fortune et de ne pas perdre de vue l'ensemble du problème. Le problème général s'aggrave d'heure en heure. La Chambre le connaît. Elle ne manque pas de clairvoyance. Mais, si elle manquait d'énergie, elle mériterait alors toutes les critiques, car, dans les circonstances présentes, on pourrait dire, mais seulement alors, qu'elle a trahi l'intérêt national et criminellement abusé de son mandat.

TRYGÉE.

La bataille financière

Thèse britannique thèse française

Le gouvernement britannique avait exprimé, jadi le regret que M. Loucheur eût négocié, tête à tête, avec M. Rathenau. Il vient de prendre sa revanche. E pour qu'elle fût éclatante, M. Rathenau n'a pas été seul à franchir le détroit : il avait été précédé par M. Stinnes. Et si M. Stinnes n'a pas connu l'hospita lité de Chequers, n'est-il point exact que M. Lloyd George l'a reçu le 18 novembre? Peu importe d'ailleurs Les cabinets anglais et français en sont à deux de je Et puisque le match, qu'il s'agisse de l'Allemagne or de l'Orient, la course aux irrégularités et aux infidé lités est largement gagnée par la Grande-Bretagne, on pourrait peut-être commencer à parler affaires. Cela vaudrait beaucoup mieux.

Une séculaire expérience a démontré aux deux pays ils devraient bien s'en souvenir

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que leur force de résistance peut être différente, mais reste égale. Now ne briserons pas la volonté anglaise. Le Foreign Offic ne brisera pas la volonté française. Interrompons donc cette dangereuse partie de rugby diplomatique. Ti chons de résoudre, à l'amiable, la bataille financière qui s'engage de nouveau et dans une fâcheuse atmosphère, au milieu des récriminations et des querelles. Causons

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Sur le point de départ l'accord est facile à réaliser La chute du mark à 0,5 cent. est aussi dangereuse pour l'industrie britannique qu'elle l'est pour les finances également grave pour les deux pays. Il faut le relever françaises. S'il reste à un pareil niveau, la situation est Mais comment?

En accordant à Berlin un moratorium de deux à trois ans, dont les inconvénients, au point de vue des réparations françaises, seraient compensés par le vasement d'indemnités en nature et par un prélèvement sur les fonds attribués le 13 août? Cette solution, qui glaise, est parfaitement inacceptable. n'est plus approuvée par l'unanimité de l'opinion an

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le

Remarquons tout de suite, qu'elle aurait pour consé hypothéquées par la priorité belge, d'ajourner de cinq quence, étant donné que les premières annuités sont ou six ans la date à laquelle la France pourrait compter sur des paiements en espèces. Or elle a déjà avancé indirectement à l'Allemagne une cinquantaine de milliards. Il lui est matériellement impossible de pourréparations pendant six années. J'entends bien que suivre cet effort pendant six ans et d'assurer seule le Spectator écrivait, le 3 décembre, que la République « ne se taxait pas du tout sérieusement ». Et l'opinion britannique reste convaincue que Grenouillard paie peu d'impôts et pourrait en payer davantage. Il est difficile possible d'évaluer l'effort fiscal, d'après les méthodes de l'éclairer sur cette erreur, car il est aujourd'hui imanciennes fondées sur les moyens vus et sur les statis tiques. Il faut établir le rapport qui existe entre la valeur du revenu et la valeur de la taxation. Un collabo rateur de la Société d'Etudes et d'Informations écono cherches, établir le tableau ci-dessous : miques, M. Compeyrot, a pu, après de

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savantes re

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France

1/10

1/5 du revenu

2/9

5/9

1/2

3/4

3/4

L'effort fiscal est donc à peu près égal dans les deux pays, sinon plus lourd en France. Or chacun reconnaît outre-Manche qu'il serait urgent de desserrer l'écrou iscal.Comment pourrait-on le resserrer encore, en France lans la patrie des petites et moyennes fortunes, alors que la guerre a décimé le capital humain et rogné le caital matériel ?

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payer aux spéculateurs de l'univers une bonne partie de la dette allemande. Voici comment. Dès décembre 1920 et pendant le premier semestre de 1921, au lendemain de la fermeture des centrales des devises, une hausse du mark se dessine. Elle est provoquée par des achats de l'Amérique, qui désire, en relevant les cours de la monnaie allemande, rendre possible l'importation d'une partie de ses stocks de matières premières, de coton notamment, et la liquidation d'une portion de ses titres allemands, industriels surtout. Le mouvement est (Milliards de francs-papier) suivi par tous les nigauds de la finance internationale.

1914

70

1921

140

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....

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Ces 400 milliards, comme le démontre M. Charles ride dans un lumineux article, ne valent au point de ue de leur pouvoir d'achat, que 126 milliards d'avantuerre. « La richesse NOMINALE de la France a augmeniė peu près de moitié ; sa richesse RÉELLE aurait diminué Je moitié. »

La France ne peut ni fournir un nouvel effort, ni atendre un an de plus .Le moratorium aurait pour réultat, en ravalant le cours du franc, de fermer aux exportations anglaises un débouché précieux et de remplacer sur les marchés neutres la concurrence allemande doar la concurrence française.

La France aurait la maigre consolation d'assister à 'écroulement économique de cette Allemagne, dont John Bull veut assurer la restauration immédiate. Certes la baisse du mark, qui a pour résultat de faire passer en six semaines le prix d'un complet de 500 à 1.200 marks, e coût d'un ressemelage de 40 à 90 marks, 5 kilos de ommes de terre de 1,5 à 10 marks, ne peut manquer de rovoquer une crise sociale. Elle est aussi certaine, si ine hausse soudaine du mark et une baisse rapide du Franc viennent fermer les débouchés et suspendre les tommandes. Si encore cette baisse était définitive ! Mais tille sera suivie d'une baisse concordante,le jour où l'Alemagne reprendra ses paiements en espèces. Le moratoium n'entraînera, par lui-même, aucune amélioration lans la vie financière du Reich, consciemment sabotée par une ingénieuse ploutocratie et inconsciemment gâhée par une démocratie incapable. Le moratorium n'est qu'un cautère sur une jambe de bois. Il ajourne les diffiultés. Il marque les problèmes. Il ne résoud rien. Et lans deux ou trois ans les Alliés seront encore moins inis et moins forts pour dicter une politique financière une Allemagne plus endettée et plus hargneuse. D'ailleurs des deux Etats qui vivent côte à côte utre-Rhin, si l'un, l'Etat politique et démocratique, est i la veille de la faillite, l'autre, l'Etat industriel et arisocratique, est en pleine prospérité. Le premier n'est que le fantôme; le second détient la réalité du pouvoir. Celui-là durera l'espace d'un matin; celui-ci est la force de demain. L'un est la victime, l'autre est l'auteur de a débâcle financière.

Il faut être singulièrement ignorant pour croire que le versement des premières annuités explique la baisse du mark. Il ne suffirait même pas de faire entrer en ligne de compte, ni le déficit des budgets ordinaires (53 milliards), et extraordinaire (57 milliards), ni l'activité des planches à assignats: 102 milliards en circulation. La vérité c'est que l'Etat industriel et aristocratique vient de réaliser la plus splendide opération qu'ait jamais conçue un financier audacieux

faire

Et les presses de tirer des billets. Et les banques d'en exporter des liasses. Progressivement, à l'étranger, l'autre Etat allemand, l'invisible, c'est-à-dire le réel, se constitue des réserves en devises étrangères. Peu à peu l'évasion des capitaux, la hausse du déficit, les achats de devises enraient la hausse. Une baisse se dessine. Les spéculateurs s'affolent. Ils ont entre leurs mains 100, et peut-être 150 milliards de marks. Ils en lâchent une grosse partie. Les cours s'écroulent. C'est la panique. Et aussitôt l'Etat allemand, non pas le Reich, l'autre, de racheter à 0,5 centimes, le papier qu'il a vendu 0,35 et même 0,60. Il se constitue ainsi une seconde réserve, des bénéfices sûrs et nets, un stock d'or qui ne lui a rien coûté. Hier, un collaborateur du Times évaluait à I milliard de livres sterling les devises détenues à l'étranger, hors de la griffe du Reich, par son concurrent redoutable. Et devant cette double opération, exécutée sur une pareille étendue et avec une pareille audace, l'admiration se mêle à la colère. Les argentiers d'Angleterre et de France ont affaire à de rudes jouteurs. Ils feraient bien de se serrer les coudes et de vérifier leurs goussets.

Qu'on ne vienne pas dire, en tout cas, que les bénéficiaires de ces gigantesques opérations sur la hausse et sur la baisse du mark sont incapables de prêter au Reich les devises étrangères dont il a besoin pour les termes prochains. Sans doute, lorsque le 1er novembre Wirth est venu demander aux 15 offices privés d'exportations commerciales de facturer leurs notes en monnaies étrangères et de verser à la Reichsbank une partie de leurs devises étrangères, les industries les plus exportatrices, celles qui figurent dans les ventes allemandes pour le chiffre le plus élevé - produits chimiques, grosse métallurgie, construction mécanique, électrotechnique ont gardé de Conrart le silence prudent et ont eu soin de ne point préciser le montant de leurs versements éventuels. Le Reich n'est pas le véritable Etat allemand; il faut le rappeler au sens des réalités et au culte de la raison. Evidemment, si la République se mettait au « garde à vous », si elle exécutait, docilement, au pas de l'oie, comme au bon vieux temps, les directives du super-Etat, de ses maîtres, leur attitude pourrait changer. Les 5 et 10 novembre, la Reichsverband der Deutschen Industrie, le 25, la Ligue des règne du bon vieux Dieu de Germanie, ont posé les Agriculteurs, d'accord, tout comme autrefois, sous le conditions auxquelles ils accepteraient d'avancer les libérer l'industrie de la bureaucratie républicaine, livrer devises étrangères nécesaires aux prochaines annuités : les chemins de fer d'Etat, obtenir des Alliés la modificabienveillants. Le Reichsverband remplacera le Reichstag. tion de l'ultimatum, accepter les directives des prêteurs Wirth sera un fantoche, dont Stinnes tirera les ficelles. La République ne sera plus qu'un mot. Pourtant la faillite de la démocratie allemande qui ne put être une démocratie bourgeoise et voulut être une démocratie socialiste l'oligarchie offre de gouverner, tout comme en 1914, abritée derrière un paravent utile pour masquer son autorité et tromper les Alliés. Et Wirth hésite

encore...

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Accorder le moratorium, c'est assurer le succès de ce complot et précipiter la restauration de 1914.

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Mais si on écarte le moratorium, est-ce à dire qu'il suffise, comme l'a fait la Commission des Réparations, le 2 décembre,

d'inviter instamment le gouvernement allemand à faire soit auprès de ses ressortissants qui, notoirement, possèdent des avoirs à l'étranger, soit auprès des prêteurs étrangers tous ses efforts pour obtenir le complément de devises étrangères... à prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour assainir la situation financière.

Je n'en crois rien. L'ère des invitations pressantes et des formules générales est close. Il faut trouver, sans tarder, une solution efficace, collective et définitive, une solution qui assure, sans modification dans la vie allemande, l'amélioration des changes dépréciés et la restauration des régions dévastées.

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s'il veut Il appartient au gouvernement français, pour la prochaine offensive, de trouver un moyen de réaliser ce triple objectif. Ne pourrait-il pas être cherché dans la direction que voici ?

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sur

L'Allemagne émet, pour une somme à déterminer, soit des bons en gold dollars, soit, comme on disait au XV° siècle, en marks-banco; les bons sont gagés sur les dont les droits seront payés en or douanes, un impôt complémentaire, qui frapperait l'alcool insuffisamment taxé, sur l'industrie allemande, (actions de priorité, ou bons hypothécaires, ou participations aux fonds de réserve). Les recettes seraient gérées par la Commission des garanties, siégeant à Berlin et présidée par un Belge. Elle contrôlerait la circulation fiduciaire de la Reichsbank, les bons recevraient la garantie de la S. D. N. Leurs coupons auraient priorité sur les coupons de la dette intérieure.

Après émission, ils seraient répartis entre les Alliés, conformément au pourcentage convenu et cotés sur tous les marchés.

Mais, dira-t-on, jamais Berlin n'acceptera d'être ains baissé au rang de Constantinople. Notons d'abord, que cette solution vaut à l'Allemagne quelques précieux avantages le paiement des droits de douanes en or; la garantie de la S. D. N., le relèvement parallèle et progressif des changes, l'assainissement de la situation financière. Les Alliés pourraient faire plus, consentir à une réduction des troupes d'occupation, associer l'industrie allemande, sous une forme différente de celle de Stinnes, au relèvement de la Russie. Enfin, l'heure paraît venue d'étudier, dans son ensemble, le problème

des dettes interalliées. Les créanciers n'ont aucune chance d'être remboursés, si l'indemnité allemande n'est point intégralement payée. Or Londres et Washington considèrent cet espoir comme chimérique. Ils le disent. Ils l'écrivent. Ils le répètent. En hommes d'affaires, les anglo-américains devraient envisager cette réalité et régulariser leurs écritures, accepter de compenser, au, moins partiellement, les dettes interalliées contre une portion de la dette allemande, réduire parailèlement les deux passifs. Le relèvement des changes et la stabilisation des cours, plus que la gratitude de l'Allemagne, récompenseraient les banquiers de l'Alliance.

Mais si, par un geste de folie, toujours possible, le Reich, et surtout le Super-Etat germanique, refusaient cette transaction? Il faudrait alors la leur imposer. Par l'occupation de la Ruhr ? Nullement. « Suprême espoir et suprême pensée », cette carte d'ailleurs coûteuse et risquée, ne doit être jouée que dans une partie décisive, pour briser une offensive militaire. Il suffira de préparer la liquidation économique du gage Rhénan, la saisie des propriétés d'Etat, rails, mines et ports, en expulsant les fonctionnaires prussiens. Et les deux Reich, l'officiel et l'officieux, l'artificiel et le réel, le temporaire et le permanent, Wirth et Stinnes mettront les pouces.

JACQUES BARDOUX.

NOTES ET FIGURES

La misère de Verdun,

Rentré de son ambassade extraordinaire aux fêtes dr centenaire de l'indépendance péruvienne, après un long voyage où il fit acclamer le nom de la France au Chil en Argentine, en Uruguay et au Brésil, le général Man gin a déclaré : « Jusqu'au sommet des Andes, en Boli vie, on glorifie les soldats de Verdun. »

Verdun, en effet, n'est peut-être pas pour nous le plus grand nom de la guerre. Pratiquement, historiquement Marne a plus d'importance: c'est sur la Marne, qu'a 1914, l'Allemagne a perdu la guerre, et c'est sur la Mare qu'en 1918, nous l'avons gagnée. Mais la légende s'es emparée de Verdun. Pour le peuple, je veux dire pour l'univers, nous sommes les vainqueurs de Verdun. De 1916, le nom de Verdun a répandu son prestige à l'étran ger, chez nos amis, et chez les neutres. Qu'on le pronon çât Verdoune ou Veudeune, c'est à partir du jour o on l'a prononcé que les paris en faveur de l'Allemagne ont diminué. Et c'est à cause de Verdun que les Amé ricains se sont rangés enfin à côté de nous: une victoire allemande leur semblait définitivement impossible.

Verdun est désormais une de nos villes les plus gl rieuses. C'est juste. Mais comment soutiendra-t-elle so nom et son renom? Que reste-t-il de Verdun? Il y a u peu partout trop de gens qui croient que la guerre s'e terminée le 11 novembre 1918 ou le 29 juin 1919 Le problème des réparations n'est donc pas résolu? Now parlera-t-on encore de la guerre? N'avons-nous pas asse d'autres soucis? Les questions économiques sont s émouvantes! Et ceux-là veulent bien qu'on leur park de gloire, parce qu'ils en sont flattés, et ils refusen d'entendre ceux qui répondent : « Misère ». Quel revers à notre médaille!

M. Lolier, maire de Verdun, a écrit à l'Association des Ecrivains combattants une lettre pleine de dignité qu'il faut que l'on connaisse, et chez nous, et au dehors Le chef de la ville fameuse dit entre autres choses:

« A l'étranger, on doit penser, j'imagine, que la glor de Verdun lui a valu bien des secours. Voyez comme une telle pensée serait loin de la réalité! Notre gloire est faite de ruines et aussi du sang des trois cent mille héros tombés autour de nos murs; mais cette gloire couvre une misère réelle qu'on ne connaît pas assez. >>

On sera surpris, évidemment, d'une si déplorable nor velle. D'autres villes ont reçu des secours nombre Verdun, la plus glorieuse, demeure telle qu'au jour d l'armistice. D'autres villes ont été rasées complètement A Verdun, on aperçoit des maisons, beaucoup de ma sons. La façade paraît intacte ou peu s'en faut. Ma passez le seuil. Derrière la façade intacte des maison il n'y a rien. Il n'est pas de ruines plus tragiques sur to le front que celles-là, ni qui poignent davantage le vis

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teur.

Le maire de Verdun écrit::

« De nos douze écoles communales, deux seulement subsistent, les autres sont installées tant bien que mal Le collège de garçons est un vaste chantier, et le collège de jeunes filles est abrité provisoirement dans u immeuble en ruines. Le réseau d'égouts, la canalisation d'eau potable sont à revoir en entier. Nous n'avons plus le gaz, et l'électricité fonctionne très mal. Les rues, les trottoirs sont à refaire totalement, et de cela rien encor n'est commencé. Les maisons pressent davantage. » Il ajoute :

«Heureusement, la petite nation du Luxembourg nous est venue en aide pour la reconstruction des bâtiments communaux, et son effort est considérable, eu égard an

hiffre de sa population. Verdun a émis un emprunt; e l'épargne française et alliée s'est empressée de couir. Cela va nous aider, mais cela ne suffira pas. » Pareil appel sonne douloureusement à nos oreilles. Ce est pas un cri de colère, c'est à peine une plainte, une lainte noble et d'une simplicité navrante. Nous qui yons combattu devant Verdun, nous ne pouvons pas e pas répéter l'appel de M. Lolier. Comme lui, nous .vons que l'Etat est dans une situation difficile; mais, is plus que lui, nous n'admettons qu'il faille attendre Le l'Allemagne ait payé pour qu'on puisse reconstruire erdun. Ceux qui sont disposés à s'attendrir sur le iste sort mérité de l'Allemagne coupable, qu'ils songent Zabord à la misère de Verdun, victime de l'Allemagne. THIERRY SANDRE.

ww

Fastes et fêtes gastronomiques.

Ce ne sont pas seulement les digestions des gourmets i sont laborieuses; ils témoignent, au contraire, d'une tivité infatigable et louable au profit de la cuisine ançaise. L'une de leur meilleures, et doublement meilures, initiatives, leur a permis d'obtenir que Brillat-SavaIn soit fêté dans le monde entier; hôtels et restaurants e sont engagés, en grand nombre, à s'inspirer, durant uelques semaines, des immortels principes de l'auteur e La Physiologie du Goût, et à rivaliser de zèle dans cet loge appliqué. En outre, Brillat-Savarin est célébré

Cannes, à Monte-Carlo, à Aix-les-Bains, comme sied, je l'espère, c'est-à-dire la bouche pleine, et donc ans discours. Un grand homme, dont la gloire n'exige ulle importune éloquence, saurait-on ne pas lui rendre ustice et ne pas l'aimer?

L'hommage à Brillat-Savarin présente, toutefois, un aractère restrictif qui me désole. A coup sûr le philoophe des Méditations est le maître souverain, et il conrenait de l'exalter le premier, mais, puisque nous sommes n si bonne veine, souhaitons que l'on continue et que égislateurs du goût, gourmets fameux, cuisiniers illusres, aient l'un après l'autre, leur tour. Ne craignons pas on plus de remonter dans le passé. La commémoration le Lucullus aux trois cents salles à manger, où chaque epas coûtait le revenu d'une province, s'impose, et celle 'Héliogabale à qui l'on servait en un seul dîner six ents têtes d'autruches, et celle de Trajan qui, campé sur es bords de l'Euphrate, recevait des huîtres du lac ucria, fraîches à miracle, et celle d'Apicius, auteur de "'estimable livre de Arte coquinarià, grand inventeur de auces et de mets, qui préféra la mort à une maigre hère, et celle de Phagon le Vorace, qui mangeait, devant 'empereur Aurélien, un sanglier complet, un mouton, un etit cochon, cent pains, sans oublier de boire une orque le vin, et celle de Grimod de la Reynière, et celle de M. de Talleyrand, et celle du marquis de Cussy, et celle le Carême, et celle de dix autres, de vingt autres ! Quelle suite étonnante de repas, selon les glorieuses recettes de :es autorités culinaires, en perspective! On devrait créer in calendrier gastronomique où les experts dans l'art du bien manger seraient fêtés, chaque semaine, par exemple, les estomacs les plus solides et les plus fermes appétits ne pouvant, j'imagine, en supporter davantage. Et puis, les grandes illustrations de la Table ayant été successivement et loyalement honorécs, il faudrait, tous les ans, évoquer d'un seul coup, en de copieuses agapes, les moindres renommées, ceux qui ont servi la grande cause selon leurs petits moyens. Combien d'ignorés et de dédaignés à réhabiliter de la sorte?

Des exemples? Laissons Chateaubriand et Mérimée qui jouissent d'une réputation usurpée, mais n'oublions pas Lamennais qui possédait le secret d'un moka délec

table, Feuillet de Conches habile à préparer les œufs au beurre noir, Monteil expert en pot-au-feu et en choux, sucrés, Suard et son punch, Sénac de Meilhan, créateur de la garbure aux marrons et de la soupe aux œufs pochés, le comte de Laplace qui découvrit une façon suave d'accommoder les fraises, le cardinal de Bernis. qui renversait les crêpes avec une grâce sans pareille, et Jean-Jacques Rousseau qui tournait la broche avec la sûreté d'un rôtisseur vétéran, le comte de Saint-Germain subtil préparateur de bonbons aux fruits, et Franklin qui, pour être cuisinier occasionnel, n'en était pas moins excellent maître-queux. Gloire aussi aux soupes de Regnard et aux déjeuners de Morellet. Sans doute' avez-vous remarqué que les écrivains sont fort nombreux dans cette liste. Il existe, en effet, d'indéniables rapports entre les gens de lettres et la cuisine. Je n'en mentionnerai qu'un. L'homme de lettres et la cuisinière ont ceci de commun que tout le monde prétend juger leur mérite. S'agit-il d'un livre ou d'un plat, chacun, n'est-il pas vrai, se découvre l'autorité d'une irrécusable compétence.

Iniquement, les noms que je viens de citer ne figurent pas dans les manuels et les histoires de la gastronomie. Vous n'y trouverez pas non plus mention de la cuiller à ragoût inventée par le duc de Beauvilliers, ni des exquises omelettes aux œufs de faisans et de perdrix rouges que le maréchal de Soubise faisait servir à Louis XV, dans sa maison de Saint-Ouen, après le tiré. Certain soir, ces illustres personnages préparèrent un dîner de Saint-Hubert. Le roi s'était chargé des poulets au basilic et du café, sa spécialité, qu'il daigna verser à ses hôtes. Le grand Condé, également s'essaya à la cuisine; Gourville raconte que, s'étant piqué de réussir une omelette dans une auberge de village, le prince la jeta dans le feu du premier coup. Peu importe, le bon vouloir de la tentative suffit. A l'égal des noms énumérés tout à l'heure, ces faits sont inconnus, ou presque, dans les annales de la gastronomie. Ils valent, pour des gourmets décidés à fêter leurs saints, d'être rappelés, les uns et les autres, une fois l'an.

A. DE BERSAUCOURT.

Le mystère d'Ubu-Roi.

Chacun sait qu'on vient de publier le texte d'UbuRoi à l'usage du vulgaire et que le vulgaire n'en a pas semblé frappé d'un foudroyant enthousiasme. Übu est un mythe, une religion même, à l'origine de laquelle il y a ou bien une révélation ou bien une imposture. Cela peut être une imposture innocente, inconsciente; mais il est permis aujourd'hui de la percer à jour. Si la loi des « trois états », dont Auguste Comte a donné la formule, peut s'appliquer à la critique littéraire, on peut dire qu'Ubu est sorti de la phase métaphysique pour entrer dans la phase positive: et tandis que les uns, à l'exemple de M. Canudo, continueront à révérer en Alfred Jarry le créateur inspiré d'une farce apocalyptique, d'une bouffonnerie éternelle, les autres se risqueront à expliquer la fortune de cette œuvre bizarre par une des plus belles mystifications de l'histoire.

Evidemment, la découverte ne vaut pas celle du poète à qui Shakespeare aurait servi de prête-nom; ni même l'explication des diverses hypostases qui ont écrit l'Enlisée et Marie-Magdelaine... Mais enfin elle est piquante et ne laisse pas d'amertume, n'ayant à nous révéler aucune malhonnêteté. A peine arrachera-t-elle une illusion.

En premier lieu, il est prouvé par les témoignages et les inductions les plus sûrs que l'auteur d'Ubu-Roi n'est pas fred Jarry. Un livre charmant de M. Charles

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