Imágenes de páginas
PDF
EPUB

votre sang avec le nôtre », on lui fait seulement cette proposition: << Entreriez-vous dans une association d'intérêts? >>

Pour ce qui est de l'inventaire des richesses de l'Espagne, je vous renvoie au bel exposé qu'en a fait M. de Launay dans la Revue des Deux Mondes du 1er juillet dernier. Vous y verrez que l'Espagne est le pays d'Europe le plus riche en métaux et qu'elle vient loin en tête de la production du vieux continent pour le cuivre, le plomb et le mercure; mais qu'elle a besoin de houille et de coton. Je n'exagère rien en affirmant que deux tiers de l'Espagne vous sont acquis et qu'ils adhéreraient, les yeux fermés, à la Société des Alliés. Reste à fonder votre politique vis-à-vis de l'autre tiers sur des relations économiques. Je vois dans les avantages matériels qui résulteraient pour mon pays d'une telle combinaison un merveilleux moyen de donner du relief à la doctrine dont le président Wilson a jeté les premiers linéaments. Vos cloches sonnent la note juste. S'agit-il en somme d'autre chose que de leur donner plus de volée ? »

[blocks in formation]

Lorsque M. Caillaux a parlé l'autre jour de la <«< culture anglaise » que tout jeune il avait reçu, il devait songer à la gouvernante anglaise qui l'initia tout petit à la langue de Shakespeare.

Tout enfant, il comprenait l'anglais, c'est ce qui lui permit d'être en huitième au Collège Rollin, un très bon élève de Stéphane Mallarmé qui cumulait les fonctions de prince des Poètes avec celles de professeur d'anglais au Collège Rollin. Mallarmé faisait traduire à ses petits élèves le Corbeau d'Edgar Poe et M. Caillaux fut même interrogé par Mallarmé sur le sens symbolique de cette œuvre. Il paraît que, déjà débrouillard, M. Caillaux fournit une explication.

M. Caillaux, par contre, ne fournissait pas toujours ses pensums. Il doit encore, paraît-il, mille lignes de pensum à Stéphane Mallarmé.

Quelle fut l'influence de Mallarmé sur M. Caillaux? Les critiques de l'avenir étudieront peut-être ce problème.

Dans The New Europe du 22 novembre, a paru un article sur M. Clemenceau. L'auteur de l'article y rapporte une visite que le Tigre lui demanda de faire avec lui à un hôpital. Là, le Tigre se pencha sur un lit et avec émotion embrassa avec effusion un beau jeune homme, tout couvert de bandages; d'une voix émue, il lui posa bien des questions. « Puis, dit l'auteur de l'article, il me présenta; et ç'a été pour moi, peutêtre, le plus grand honneur de toute ma vie ».

Le jeune homme avait eu l'épaule fracassée quelques jours auparavant à Verdun. C'était le petitfils de M. Clemenceau.

L'autre semaine il y eut un léger émoi à la ComédieFrançaise. Un « aboyeur » trop zélé (c'est-à-dire l'un des émissaires chargés d'appeler nos charmantes comédiennes sur le plateau et d'annoncer la fin des entractes) un aboyeur donc s'était précipité chez M. Fabre pour annoncer que M. Venizelos se promenait seul par les

couloirs et qu'on l'avait aperçu errant par le Foyer des artistes. Comme précédemment un gala avait eu lieu en l'honneur du fameux Crétois, l'administrateur de la Maison de Molière se hâta pour saluer le visiteur, pensant qu'il était revenu incognito parmi nos artistes.

Or il se trouva soudain en face de... M. Lafferre! Le ministre de l'instruction publique et des beaux-arts inspectait tranquillement son nouveau domaine et regardait avec curiosité les tableaux qui ornent le Foyer. Sa ressemblance avec le premier de Grèce — on ne saurait nier une certaine similitude de traits avait causé ce quiproquo. M. Lafferre du reste paraissait enchanté de tout le mouvement auquel avait donné lieu sa présence et de la méprise dont il avait été l'objet Passer pour une manière de grand classique grec à la Comédie-Française c'est toujours flatteur!

Sous la Coupole.

Le maréchal Joffre sera de l'Académie... nous l'avions annoncé déjà. Il ne s'agissait que d'une question de procédure et aujourd'hui tout est réglé. Le maréchal a écrit, non pas une lettre mais deux lettres, à l'Illustre Compagnie et voilà deux autographes fort précieux pour la postérité! La première de ces lettres était adressée à titre privé à l'un des membres de l'Académie et elle expliquait que le maréchal serait très honoré de venir siéger sous la coupole, puisque plusieurs des Immortels l'avaient gracieusement invité à partager leur immortalité. Ce document fut communiqué à la séance du jeudi 27 décembre et aussitôt cet acte de candidature fut unanimement approuvé. Néanmoins la tradition exige que le désir de devenir membre de l'Académie soit officiellement exprimé au secrétaire perpétuel. Les membres de la Compagnie décidèrent donc de rendre public un communiqué dans lequel ils annonçaient « qu'ayant été pressentis» ils seraient heureux d'accueillir le glorieux vainqueur de la Marne.

A cette invite si catégorique, le maréchal Joffre a répondu par une nouvelle épître pondu par une nouvelle épître adressée cette fois à M. Etienne Lamy, le secrétaire perpétuel — qui l'a reçue pour ses étrennes le 1er janvier 1918.

Et maintenant que la période des courtoisies préliminaires est close on ne tardera pas à passer aux actes. C'est après la réception de M. Henry Bergson que l'Académie Française procédera, par acclamation, à l'élection de notre grand maréchal.

Ça et là.

A l'occasion du premier janvier, tous les journaux nous ont régalé de prédictions variées pour l'année 1918. C'est une très vieille tradition. Illusion singulière, où il reste quelque trace des superstitions médiévales nous croyons tous peu ou prou qu'au changement du millésime doit correspondre fatalement quelque modification dans notre destinée.

Le barbier de Victor Hugo, vers la fin de 1839, annonça au grand poète la fin du monde pour les premiers jours de l'année suivante :

Le 2 janvier, les bêtes mourront; le 4 janvier, ce sera le tour des hommes.

Le lion romantique ne fronça même pas le sourcil. Il se contenta de murmurer, d'un air légèrement inquiet

Mais alors, le 3 janvier, qui me fera la barbe ?

La ménagerie du Jardin des Plantes abrite en ce moment des hôtes de passage qui lui ont été confié: pour l'hiver. Ce sont de jeunes lionceaux mascottes que des tommies coloniaux avaient emmenés avec eux

dans les cantonnements et dont ils ont été obligés de se séparer à cause de la rigueur de la température. Or, les soldats britanniques les avaient apprivoisés au point de faire de ces fauves d'agréables compagnons de jeux. Ils leur ont enseigné jusqu'aux principes de la boxe! Ils viennent, lors de leurs permissions, voir leurs amis, et passent derrière les barreaux des cages. Alors, étendant par terre leurs manteaux kakis, ils se couchent de tout leur long et les petits lionceaux luttent avec eux comme de vrais champions. A tel point que l'un des animaux eut récemment un œil au beurre noir et fut ainsi tout à fait krock out pour plusieurs

jours.

X

Le tabac dont on parle tant depuis qu'on n'en a plus avait fait changer jadis tout un département d'opinion politique.

Ce département est celui du Lot: il possède comme chacun sait de vastes plantations de cette précieuse plante. Or, cette culture ne vas pas sans risques, un mauvais orage, une gelée précoce, la récolte est perduc. C'est ce qui arriva en l'an 1885. Jusque-là les Quercynois s'étaient montrés d'irréductibles bonaparUstes le baron Dufour, le baron de Lamberterie, le. comte Arthur de Valon, le prince Murat étaient leurs représentants parlementaires. On était à l'époque des élections. Le gouvernement, par l'intermédiaire du préfet et des sous-préfets, fit distribuer de larges indemnités aux propriétaires éprouvés, ses candidats furent élus. Ce fut en vain que la Chambre parla d'invalidations... Ce changement électoral causa l'avènement de M. de Verninac qui devait être vice-président du Sénat et beau-père de M. Malvy, dont il a fait la fortune politique.

[blocks in formation]

Ce qui fait le malheur des uns...

!

Cette fois, le bonheur est pour les gens de lettres. Les voilà profiteurs de guerre et de quelle guerre l'armi les navires coulés par les pirates germaniques, plusieurs étaient chargés de livres, de plusieurs tonnes de livres à destination de l'Inde et de l'Australie. L'assurance a payé les livres aux éditeurs; les éditeurs ont payé les droits aux auteurs. Et maintenant on imprime de nouvelles éditions pour exécuter les commandes. Mais à présent, le romancier sans lecteurs ne pourra plus être aussi fier d'annoncer que sa dernière œuvre en est déjà à la troisième édition se trouverait peut-être quelqu'un pour suggérer que les deux premiers tirages n'ont été connus que des poissons de la Méditerranée.

il

Chez nos Alliés.

Un patriote américain, M. R. G. Freeman, déplorant que l'Etat « n'alloue qu'une misérable pitance au président des Etats-Unis, à l'homme qui occupe la plus haute situation de la Terre », a laissé par testament une rente de 60.000 francs destinée à être employée comme argent de poche par la femme du Président. De fait, les appointements présidentiels ne sont que de 375.000 francs et la veuve du premier magistrat n'a droit qu'à 25.000 francs de pension. Il y a quatre ans, ces sommes nous auraient paru décentes, au moins en Europe. Aujourd'hui, le geste galant de M. Freeman nous séduit sans nous étonner - peutêtre qu'il permettra aux « présidentes » américaines de manger chaque matin deux ceufs frais avec une tartine de vrai beurre... si la hausse ne continue pas indéfiniment.

Modes d'hiver.

La présente saison donne à l'« anti-nudity campaign » du District-Attorney Swang, de New-York, un à-propos que les moins puritains eux-mêmes ne sauraient discuter. C'est l'avis des « chorus girls » qui paraissaient dans la scène du désert de Chu Chin Chou, sur un théâtre de New-York. Ces pauvres « filles du désert » portaient, suivant la mode du lieu, un costume qui consistait à peu de chose près à n'avoir pas de costume du tout. M. Swang a décidé qu'elles seraient désormais revêtues « de knickerbockers descendant jusqu'aux genoux, et d'un supplément de vêtements couvrant des portions spécifiées de la partie supérieure du corps >>> le tout de couleur brune. La couleur locale se perd sans doute dans cette couleur brune. Les spectateurs ne sont pas fort satisfaits. Mais les « chorus girls bénissent M. Swang et sa compréhension des exigences de la pudeur et de la saison.

X

Il s'appelait Tirpitz. Il avait assisté sur un navire de guerre allemand à la bataille de Falkland. Un marin anglais l'ayant sauvé des flots sur lesquels sa rotondité lui permettait de flotter sans être incommodé, il fut emmené en Angleterre. Là, il continua à prospérer -insoucieux de son Vaterland. Et puis n jour, une vente aux enchères, au profit de la CroixRouge, eut lieu. Il fut un des lots les plus appréciés

et un amateur donna 10.500 francs de Tirpitz, simaple porc de Pangermanie, dont la carrière fut certes plus utile à l'humanité que celle de son illustre homo

nyme.

Ce qu'on lit...

La Flamme au poing, per HENRY MALHERBE.

Ce livre dont le titre semblait nous promettre une action farouche nous offre surtout la méditation d'un contemplateur qui ne se lasse pas d'analyser sa stupeur devant l'infini de souffrance qu'est la guerre. Beaucoup moins de largeur, de vastes descriptions et de couleur que dans Le Feu, mais la même force à rendre sensibles -et en style bien supérieur à la langue qui déparait le précédent Prix Goncourt, l'atmosphère et la physionomie d'un champ de bataille d'aujourd'hui, ce qu'il a de recueilli, d'usé, d'artificiel, d'abstrait, d'insensible et de désertique : « Des senteurs pharmaceutiques imprègnent les arbres amputés, traînent sur le sol noirâtre et grêlé, les obus y versent des odeurs insinuantes et aigues de moutarde, de santal et d'encens ». Tableau très juste et sans la moindre déclamation.

L'essentiel pourtant de La Flamme au poing ne le

[blocks in formation]

L'année 1917 s'est terminée sur le beau succès que les troupes françaises ont remporté en Italie. Ce premier contact de nos soldats avec un ennemi qui a été jusqu'à ce jour plus habitué à rencontrer des adversaires courageux qu'instruits dans l'art de la guerre, met en lumière la supériorité tactique et combative de nos unités. La division autrichienne qui tenait le Mont Tomba se sentait peut-être dans une position inexpugnable. Maîtresse du sommet et d'une partie des contre-pentes, elle pouvait à bon droit estimer comme improbable d'en être délogée. Et sans doute le commandement ennemi qui l'avait chargé de remplacer dans ce secteur le corps alpin bavarois éprouvé par les combats précédents comptait-il sur les avantages de la situation.

Son illusion aura peu duré. Après une préparation d'artillerie dont la précision et la violence a dû édifier les Autrichiens sur l'efficacité de nos méthodes de tir, nos chasseurs ont gravi, avec l'élan magnifique qui les caractérise, les pentes abruptes du Mont Tomba. L'opé ration menée par des effectifs restreints, puisque trois bataillons français seulement y ont pris part, a donné le maximum de l'effet qu'on en pouvait attendre. Outre la conquête de ce sommet sur quoi s'appuyaient à leur gauche les Austro-Allemands qui attaquent entre Piave et Brenta, elle nous a valu 1.450 prisonniers dont 40 officiers et un important matériel. Si l'on ajoute à ces chiffres les pertes subies par l'ennemi tant du fait de notre préparation que de la lutte, il est permis de supposer que la totalité des défenseurs du mont Tomba a disparu dans l'aventure. Les Allemands seront-ils obligés de ramener en face de nous des éléments de leur propre armée pour réparer leur échec ? C'est assez probable.

Quoi qu'il en soit, les Italiens qui résistent si vigoureusement aux assauts des Austro-Allemands trouveront dans ce succès un réconfort et des motifs de maintenir plus étroite l'union avec leurs Alliés.

X

La prise du mont Tomba couronne ainsi pour nous cette année 1917, qui, si elle a apporté maints sujets de tristesse, n'en a pas moins prouvé que le front francoanglais constituait l'obstacle le plus formidable aux prétentions allemandes.

Depuis le milieu de 1916, l'Allemagne a renoncé à nous imposer sa volonté par les armes. Les campagnes de Russie, de Roumanie et d'Italie sont plus des tentatives de diversion que des actes de conquérants. Quand, en 1914, l'état-major allemand confiant en sa force voulut remporter la victoire, il attaqua délibérément le principal adversaire, celui qu'il jugeait tel. Maintenant, l'Allemagne ne cherche plus la victoire, elle cherche à obtenir la paix la plus avantageuse. C'est pourquoi elle évite toute chance d'échec sur notre front. Elle est semblable à ce joueur qui, craignant d'aventurer son gain refuse obstinément les bances.

La défection de la Russie l'-t-elle décidée à changer ses plans et à tenter de nouveau la fortunc de la guerre. Nos ennemis, comme ils le font dire partout, préparentils une vaste offensive sur notre front? C'est possible. Mais je ne peux y croire. Un tel changement d'attitude répond si peu à la ligne de conduite adoptée après mûre réflexion par Hindenburg.

L'année 1917 est instructive à regarder sous cet aspect. La terrible défaite de Verdun avait comme dessillé les yeux du commandement allemand. La bataille de la Somme si meurtrière pour lui, si périlleuse l'a éclairé plus encore. Désormais, lui, si pressé d'en finir, il voudra gagner du temps. Mais pour cela il fallait éviter le choc formidable que l'armée française lui préparait pour 1917. Et ce fut le repli sur le front occidental. Grâce aux victoires remportées ailleurs, Hindenburg put s'offrir le luxe de refuser la bataille, celle qu'il cut désirée et recherchée s'il avait agi en conqué

rant.

Que prescrivent les ordres d'Hindenburg depuis ce repli de mars 1917? Uniquement ceci : la défensive. Les études de son état-major portent sur la façon d'organiser défensivement un front et l'imagination guerrière de Ludendorf ne cesse de s'exercer sur ce thème. La ligne Siegfried n'a pas d'autre raison d'être. Bien plus, dès qu'une méthode a fait son temps, on en préconise une autre. Aux lignes continues, renforcées par des abris bétonnés et casematés succède le champ d'entonnoirs qui offre moins de prise à l'artillerie. Et voici que le champ d'entonnoir est abandonné à son tour parce qu'il disperse la résistance.Dans cette lutte entre l'esprit offensif et l'esprit-défensif on devine que ce dernier a peu à peu le dessous. La victoire de la Malmaison, cette œuvre d'art parfaite qui marque l'apogée d'une méthode d'attaque, celle qu'exigeait les circonstances, démontre aux Allemands que nous possédons une supériorité matérielle croissante.

Cependant, par ses manoeuvres perfides, l'ennemi est parvenu à mettre hors de lutte un de adversaires. Il voit enfin se réaliser une partie de son plan, il espère bientôt pouvoir arrêter les frais et obtenir cette paix avantageuse que les armes n'ont pu lui donner.

Va-t-il subitement, revenant sur sa méthode, essayer de réduire par la force le principal adversaire grâce à ses disponibilités du front oriental?

I le dit. Mais soyez sûrs qu'il n'a pas renoncé à ses manoeuvres dilatoires, il en prépare d'autres assurément. Qu'il prenne ses dispositions pour une offensive, c'est probable. Ainsi faisant, il reste logique avec lui-même, il continue la politique militaire d'arrêt qu'il a adoptée depuis 18 mois sur le front occidental. En nous mençant d'une formidable offensive, il espère nous mettre dans l'attitude défensive pour quelque temps du moins, et c'est ce temps que sa diplomatie espère, utiliser.

L'Allemagne qui jusqu'à présent n'a pas gagné la guerre, n'a pas l'intention de la perdre. Elle sait qu'un second Verdun équivaudrait à ce résultat. Car si l'on veut bien comprendre nos ennemis c'est toujours là qu'il faut en venir.

[blocks in formation]

ajoute-t-il, ces bataillons ne sont pas, pour la plupart, des formations nouvelles : ils ont été enlevés à des régiments qui n'ont conservé que trois bataillons et même deux au lieu de quatre. »

Ici on ne comprend plus du tout! On voit bien comment, en enlevant des bataillons à des régiments pour en former d'autres régiments, les Allemands ont pu augmenter le nombre de leurs régiments. On ne voit pas comment ils auraient pu, par ce procédé : augmenter le nombre de leurs bataillons. Et on ne voit pas davantage comment « rien ne révèle mieux l'usure de l'armée ennemie que ces chiffres » s'ils sont comparables entre eux, c'est-à-dire si les bataillons de 1917 comptent le même nombre d'hommes que ceux de 1914. Mais s'ils ne sont pas comparables entre eux à quoi sert de les comparer ?

Un peu plus loin, le lieutenant-colonel Z... écrit que «<les renforts amenés de Russie ne servirent aux Allemands qu'à donner une 4 compagnie aux bataillons, à compléter les régiments ». Nous nous permettons de lui signaler que les bataillons allemands n'ont jamais cessé d'avoir quatre compagnies, les divisions allemandes, trois régiments (au moins) et les régiments, trois bataillons.

Affaires Extérieures

Notre tache en Rustic

J. S.

L'année 1917 s'est terminée sur une effroyable tragi-comédie. Quel que soit le résultat des négociations de Brest-Litovsk il restera dans l'histoire d'AIlemagne la honte, à côté de plusieurs autres, d'avoir engagé des pourpariers en vue de la chose la plus haute, la plus grande, la plus solennelle de l'époque contemporaine: la paix qui doit assurer le développement de l'Europe de demain, avec une bande d'aliénés ou de malfaiteurs.

Il est difficile de dire jusqu'à quel point l'incohérence de nos commentaires de presse depuis le début de la révolution russe a contribué au gâchis actuel. Nous ne voudrions point faire de peine aux hommes politiques qui ont patangé, avec une généreuse incompétence, dans le problème russe. Eux aussi ont une part de responsabilité dont ils ne paraissent pas se douter. L'accueil pompeux fait aux représentants des Soviets, commis-voyageurs en anarchie, comme le Kerenskisme délirant, simple école de déclamation, restera un assez mauvais souvenir. Il était évidemment plus facile d'improviser des harangues sur le triomphe de la démocratie ou de bâcler des articles où ra forteresse Pierre et Paul évoquait la Bastille que d'étudier les problèmes ethniques russes.

Le problème russe actuel est tout entier un problème de nationalités. Les Allemands le savent depuis longtemps. Recrutant les divers renégats de toutes provenances, ils ont organisé des comités ukraniens, polonais, lettons germanophiles ont fait paraît: revues, journaux, brochures sous l'étiquette de la d'ense des petites nationalités, fait miroiter des indépendances et des privilèges aux yeux des victimes d'un tsarisme centralisateur à outrance Ils ont cherché à diviser pour régner. Cette politique n'a pas été vaine. Tandis q'en France notre politique russe consistait en un aplatissement absolu devant le régime au pouvoir à Petrograd en s'interdisant de lui faire nulle peine même légère par une critique quelconque de ses procédés de gouvernement et qu'en vertu de cette tactique les aspirations particularistes étaient systémati

quement boycottées comme inconvenantes, l'Allemagne poursuivait tranquillement son jeu.

Nous arrivons ainsi à cette situation vraiment inouie : c'est à Berlin que les délégués de la République de Finlande vont demander la reconnaissance de leur liberté au lieu de s'adresser tout d'abord à la France, alors qu'en 1910 c'est du Parlement français qu'est partie la pétition à la Douma d'Empire en faveur dues droits de la Finlande, pétition où se trouvent côte à côte les noms d'hommes comme F. Buisson, Paul Painlevé, Steeg, Compère-Morel, Charles Dumas, Dalbiez, l'abbé Lemire, Vaillant, Sembat, Jules Guesde, Paul Boncour, Aibert Metin, Daniel Vincent, Jules Siegfried, Godart, Jaurès, Delpech, Bienvenu-Martin, Milliès-Lacroix, Chaumié, Albert Thomas, Dalimier, Félix Chautemps, Clémentel, Guisthau, Lafferre, de Lanessan, Lebrun, Messimy, Nail, Henry Paté, Jeanneney, etc.

A-t-on à Helsingfors impression que notre politique est à ce point hésitante en matière de questions russes que nous rêvons d'un rétablissement d'un pouvoir centralisateur et que nous sommes dès lors hostiles à tous les séparatismes ? Si l'on pense cela à Helsingfors, que pense-t-on en Pologne, en Ukraine, en Lithuanie? Peut-on encore, vraiment, au sein du gouvernement français, caresser l'espoir d'un retour offensif d'une Russie à nouveau unie sous un sceptre quelconque, avec une tête coiffée d'une couronne ou d'un bonnet phrygien ? L'évolution de la Révolution russe a pourtant démontré un fait, c'est que si l'on veut sauver quelque chose de l'emprise allemande, c'est par le renforcement des autonomies qui, seules, peuvent défendre des libertés et des intérêts qu'elles comprennent parce qu'ils leur sont strictement personnels. L'Allemagne a fait le travail premier de division dans un but immédiat, celui de désarmer l'adversaire. L'euvre est accomplie. Il n'y a pas à y revenir. Notre tâche est maintenant d'être les alliés de ces différentes autonomies, de reconnaître leurs aspirations nationales, d'aider à leur développement, de démasquer à leurs yeux l'entreprise allemande qui n'affectait de faire du nationalisme ukrainien ou lithuanien que pour mieux asservir ces nationalités les unes après les autres. Cette politique libérale peut avoir les plus heureuses répercussions sur la monarchie des Habsbourg qui souffre elle aussi du mal des nationalités.

:

Encourageons les comités tchèques, yougo-slaves, roumains, à poursuivre leur lutte en leur montrant comment, dans la Russie abattue, l'Entente travaille à la résurrection et à l'épanouissement des nationalités.La propagande allemande emploie les armes dignes d'elle la trahison, le défaitisme, le boloïsme, le mensonge, la vénalité, tous procédés qui nous répugnent à juste titre et qui finiront par être payés de même monnaie. Notre force à nous réside dans le haut idéal qui dirige notre action. Que de misérables considérations d'opportunité et de tactique n'entravent point et ne retardent pas nos décisions. Nous ne réussirens pas à convertir les bolcheviks, c'est peine perdue. Les replâtrages et les poutres de soutènement arrivent trop tard. Il s'agit maintenant, près du palais qui s'écroule, de construire des cités ouvrières. Le jour viendra où ces agglomérations de travail se rencontreront d'elles-mêmes et reformeront une Russie non plus impériale mais coopérative, sous une forme fédérale ou sous une union économique.

l'ai déjà dit dans un précédent article l'intérêt que pouvait présenter l'entrée d'une république finlandaise dans le groupe scandinave. Pourquoi notre gouvernement n'étudierait-il pas l'envoi immédiat de

1

5 Janvier 1918

représentants diplomatiques et commerciaux dans la
capitale des nouveaux Etats autonomes qui se pré-
parent sur les ruines de l'ancienne Russie. Au lieu
d'une ambassade unique à Petrograd, dans une situa-
tion ambiguë, pour ainsi dire emprisonnée, continuant
à représenter quelque chose qui n'est plus, c'est-à-dire
une mission diplomatique auprès d'un empire russe
uni, créons des représentations multiples auprès des
berceaux d'Etats nouveaux. Quand Venizelos, écœure
de la politique de Constantin et de ses valets à la
solde de l'Allemagne, partit pour Salonique avec ses
amis, l'amiral Condouriotis, le général Danglis, M.
Politis et M. Argyropoulo pour y reconstruire une
Grèce nouvelle, l'Angleterre et la France, après de
trop longues hésitations, mais relativement assez vite,
accréditèrent des diplomates de carrière, dont M. R.
de Billy auprès du nouveau gouvernement. C'était
une innovation en fait d'usages diplomatiques, puis-
que nous continuions à avoir des ministres à Athènes
auprès de Constantin. M. Venizelos et ses amis étaient
en insurrection contre le gouvernement central. Ce pré-
cédent, qui a été particulièrement heureux, n'indique-
t-il pas la voie à suivre en Russie?

L'Europe se transforme assez vite et assez complètement pour que les vieux cadres se brisent. La guerre avec l'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie, la Turquie, a donné à notre ministère des Affaires étrangères tout un personnel de légation pour de nouveaux postes. Les fonds spéciaux permettent de se dispenser d'attendre de la Chambre les crédits pour l'installation des nouvelles légations. Tout peut être décidé et exécuté en quelques jours. N'y a-t-il pas là de quoi tenter un homme d'action et de réalisation comme notre premier ministre ? Il y a trop longtemps qu'en diplomatie comme sur le champ de bataille nous nous laissons manoeuvrer par l'ennemi qui prend les initiatives auxquelles nous nous contentons de répondre, d'ailleurs heureusement. Mais cela n'est pas suffisant. Si notre gouvernement est convaincu par ses informations, par son étude de la situation en Russie, que le mouvement des nationalités est une certitude de demain, qu'il prenne l'initiative d'être le premier à le reconnaître avant que l'Allemagne n'installe un haut commissaire. en Ukraine, en Lithuanie, en Finlande.

Le gouvernement bolchevik qui est, manifestement maintenant, entre les mains de l'Allemagne, vient de renier le principe du droit des petites nationalités de disposer d'elles-mêmes. Ce faisant, il jette bas le masque et capitule. L'Allemgane de son côté a toutes les audaces. Le Lokal Anzeiger en arrive à demander l'évacuation de la Courlande, de la Lithuanie, de la Livonie... par les Russes! sous le prétexte que ces provinces ont manifesté le désir d'être placées sous le protectorat allemand, ayant été libérées (sic) par l'épée et le sang allemands. La Gazette de Francfor! affirme que la délégation russe s'est déclarée à Brest-Litovsk d'accord sur la séparation de la Pologne, de la Courlande, de la Lithuanie ainsi que d'une partie de l'Esthonie et de la Livonie.

La rapacité pangermaniste montre qu'elle ne sait pas attendre. Elle nous fournit des armes pour ramener à une compréhension de leurs intérêts les nationalités de Russie. Elle nous indique elle-même le but de notre immédiat effort contre les bolcheviks et contre elle-même.

Envoyons des délégués auprès des nationalités de i Russie et non des orateurs à Stockholm ou à Petrograd.

INTÉRIM.

Armée & Marine

L'heure de l'aviation (1)

V. SON ROLE TACTIQUE

7

L'exposé qui précède montre que le problème de l'aéronautique de guerre est d'abord un problème de construction et d'organisation. Mais construction et organisation doivent être orientées vers les buts militaires que poursuit l'arme.

L'avion universel, celui qui aura toutes les qualités ensemble, vitesse horizontale, vitesse de montée, stabilité, charge, souplesse, est encore une utopie mécanique. Nos appareils possèdent une ou deux de ces qualités au détriment des autres. L'avion le plus ra pide enlève le moins de poids et l'avion le plus sta ble est aussi le moins souple.

Un appareil ne sert donc que dans des limites assez étroites. Il réunit les caractéristiques propres à l'accomplissement d'une certaine tâche ou d'un petit nombre de tâches analogues entre elles. Dans chaque ordre. de missions, les pilotes ne peuvent aller au-delà du degré d'exploitation que leur fixe le rendement spécial de la machine.

La lutte aérienne consiste à réaliser l'appareil qui surpasse, au moment de sa sortie et dans son genre, les appareils semblables de l'ennemi.

a) L'OBSERVATION

L'aviation a trois grands rôles militaires : observer, bombarder et combattre.

Elle est l'œil du commandement. Sans elle les états-majors, l'artillerie, l'infanterie seraient aveugles. Il semble naturel aujourd'hui de posséder la carte détaillée, tenue perpétuellement à jour, du front allemand, avec ses ouvrages repérés sur toute sa profondeur. On ne se donne pas la peine d'imaginer le nombre d'observations à Foeil nu, à la jumelle, de dessins plusieurs fois corrigés, de photographies que ce travail suppose. Une préparation d'attaque donne lieu à des milliers de clichés aériens. Pour la bataille de la Malmaison l'aviation d'un seul corps d'armée a tiré 8.000 épreuves en 24 heures. Chacune des photographies prises est étudiée, interprétée, les interprétations vérifiées par des reconnaissances particulières aux points importants. Les ouvriers de la carte du front sont les premiers ouvriers de la victoire.

Sur cette carte qu'elle établit, l'aviation d'observation sert de guide à l'artillerie et à l'infanterie. Elle explore le champ de tir, règle les coups, crie « trop court, trop long, trop long, au but! Elle constate l'état de l'objectif, l'enregiste sur la plaque. Les observateurs terrestres et les ballons prennent une très large part de cette tâche, mais les tirs les plus difficiles et les Il collabore de même avec l'infanterie, jalonne sa tirs lointains sont toujours contrôlés par l'avion. ligne et celle de l'ennemi. Il annonce les rassemblements, les travaux, les mouvements de l'adversaire, fouille les ravins et les bois où il se dissimule. Il est le plus actif des agents de liaison, suit la première vague à l'attaque, réclame les tirs de barrage, annonce les progrès ou les reculs. Plusieurs fois il a appelé des renforts pour dégager un groupe français que sa fougue avait entraîné trop loin et qui risquait d'être pris. Souvent il attaque avec l'infanterie à coups de mitrailleuse, toujours il l'encourage par sa présence.

La tâche des observateurs est rude. Ils volent dans les remous, parmi les trajectoires, au milieu des balles (1) Voir l'Opinion des 15, 22 et 29 décembre 1917.

« AnteriorContinuar »