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il a voulu les reprendre et les retoucher souvent, elles sont disséminées dans une foule d'écrits, dans plusieurs articles de l'Economiste français des années 1878, 1879, 1882 et 1899, dans le chapitre XXVII de la France économique, dans une conférence faite à la Sorbonne en 1883, dans son article Richesse, publié en 1892, par le Dictionnaire d'Economie politique de Léon Say, dans trois articles donnés à la Revue Politique et Parlementaire, en 1902 et 1903, dans son rapport présenté à la session de l'Institut International de Statistique tenue à Berlin, en 1903; enfin, dans son article d'avril 1906 publié par la Revue Economique internationale de Bruxelles.

Il y a peu de chose à dire de ses définitions de la richesse. Ce sont les définitions courantes qu'il a formulées avec son habituelle clarté. Il a pourtant essayé d'introduire, dans la doctrine classique, une conception nouvelle, la conception du Capital humain. « Le capital humain, disait-il, dans son rapport de la session de l'Institut International de Statistique tenue à Berlin (1903), c'est ce que vaut, économiquement parlant, la machine humaine, agissant comme agent de production et source de revenu. » « L'homme en tant qu'instrument de production, disait-il, déjà, dans la première édition de la France économique, (1887), (p. 428), est bien un capital, au même titre qu'un cheval, une machine à vapeur ou un champ, et l'évaluation du capital humain n'est pas un problème plus compliqué que bien d'autres. » Et il ajoutait, dans une note greffée sur ce dernier passage: « L'assimilation du capital humain aux autres capitaux, quand la science en aura pris son parti, lui rendra bien des services ».

Mais la science s'est refusée à le suivre dans cette voie. Et il reconnaissait sans amertume que sa conception du capital humain lui était restée toute personnelle.

Sa théorie fiscale se relie étroitement à une définition nouvelle qu'il propose de donner du revenu. Il l'a vigoureusement exposée dans un article de dix pages (1). Mais on se tromperait, si on en mesurait l'intérêt au nombre des pages.

(1) V. Revue Politique et Parlementaire 10 avril 1902. Voir également son Rapport sur la Question fiscale, présenté à la première commission de la dépopulation, le 23 mars 1904 (p. 6-9.

Tout son effort tend à définir ce mot reproduit par la plupart de nos constitutions françaises, depuis la déclaration des Droits de l'homme : « L'impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Que faut-il entendre par « les facultés du contribuable? » C'est le revenu dont il jouit », dit-on. Encore faut-il, pense de Foville, «< bien définir ce revenu et dégager ce qu'il y a de réel en lui de ce qui ne serait qu'apparent. C'est faute d'avoir pris parti sur ce point que les théoriciens ont eu tant de peine a se mettre d'accord sur le fond de la question et que l'empirisme a pu continuer à se donner librement carrière. » II n'y a de vrai, il n'y a de réel, à ses yeux, au point de vue de l'impôt, que le REVENU NET. N'est-ce pas la pensée de notre grande loi de 1790, quand elle a taxé les propriétés foncières « à raison de leur revenu net? » Voilà le principe de justice qu'il s'agit de généraliser, et d'étendre à l'homme, au ménage, à la famille, quand on veut soumettre leur revenu à l'impôt. « Le revenu taxé ne peut être que le revenu brut diminué de tous les frais indispensables de la vie, « du coût de ce minimum d'existence », le mot est de Montesquieu, sans lequel la machine humaine périrait vite ».

En donnant délibérément, à notre système fiscal, cette assise, le revenu net, de Foville a voulu « résoudre les principales difficultés contre lesquelles se débat la science financière » et mettre fin à d'anciennes et stériles controverses, à la controverse entre les partisans de l'impôt sur le capital et ceux de l'impôt sur le revenu, à la controverse entre les partisans de la proportionnalité et ceux de la progressivité. L'impôt, dans son système deviendrait naturellement progressif pour le revenu brut et resterait proportionnel pour le revenu net, ainsi qu'il le démontre par un graphique saisissant. Il y a mieux encore. Notre système fiscal français actuel contribue visiblement à déconseiller aux époux les postérités abondantes »; « il met à l'amende les familles nombreuses et chaque berceau de plus provoque de sa part de nouvelles rigueurs ». Voilà des injustices qui « doivent tarir autour de nous les sources de la vie ». Il suffirait, pour les effacer, de se rallier à l'idée du revenu net, ce qui reviendrait à déduire

du revenu brut «ces frais d'entretien, ces dépenses obligatoires, sans lesquels la famille périrait ou dépérirait ».

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La terre. La terre, « la propriété » comme il dit, dans la France économique (ch. III, p. 60-76), en empruntant à la langue courante un terme impropre mais clair, de Foville paraît avoir éprouvé pour elle l'amour du paysan français si poétiquement décrit par Michelet. C'est pourquoi, sans doute, il a traité avec tant de maîtrise, quelques-unes des questions économiques qui se posent à son sujet. De son livre sur le Morcellement, on peut dire qu'à l'époque où il a paru (1885) il épuisait le sujet en le renouvelant. La richesse de la documentation, la fermeté des discussions doctrinales y sont également remarquables et en font, sur les questions relatives à la propriété foncière, une des œuvres les plus importantes de la littérature économique contemporaine (1). Il est permis de penser que la plupart des conclusions de l'auteur sont, pour l'économie politique, des acquisitions définitives. Là aussi, comme dans l'étude des prix et de la monnaie, la statistique a fourni à de Foville son plus utile instrument d'observation. « Nous croyons lui avoir à peu près demandé, déclare-t-il (p. 191), tout ce qu'elle était en mesure de nous apprendre quant aux mouvements successifs et quant aux conditions actuelles du morcellement considéré dans ses trois faces division de la propriété, fractionnement parcellaire et dispersion des propriétés ». Et ce que la statistique lui a appris, ce qu'il croit avoir démontré, c'est que le morcellement de la propriété foncière française est loin d'avoir entraîné tous les abus qu'on lui reproche et d'être, comme certains l'ont prétendu, « un ennemi aussi redoutable pour l'agriculture que le phylloxera pour la vigne ». « Au travailleur qui aime la terre pour elle-même, dit-il (2), comme au spéculateur qui

(1) Fourtant le savant professeur A. Wagner a pu écrire, dans le T. V de ses Fondements de l'Economie politique, un énorme chapitre de 287 pages (p. 106-392 de la traduction française) sur la propriété foncière, tout bourré d'indications bibliographiques, sans faire an livre de de Foville l'honneur d'une simple citation. Cette omission surprenante s'explique-t-elle par l'ignorance ou par le dédain? Nous ne voulons pas le rechercher ici.

(2) P. 206-207.

l'achète pour la revendre, il serait temps de faciliter définitivement l'accès de la propriété foncière en brisant la double haie de formalités et d'impôts qui en obstrue le seuil. Laissons passer et laissons faire. Laissons passer ceux qui se présentent à cette grande porte soit pour entrer, soit pour sortir. Laissons faire à l'hérédité son œuvre naturelle. Emancipons de commerce de la terre comme celui du blé. Pas d'échanges forcés. Pas de domaines indivisibles... L'équili bre ici-bas peut se faire de deux manières : il peut se faire par l'immobilité absolue comme pour les montagnes, ou par l'extrême mobilité comme pour les mers. Or, de ces deux équilibres, il faut bien se persuader que le second est le seul auquel les sociétés humaines puissent désormais aspirer. »> C'est également son amour pour la terre et pour l'habitation qui nous attache si étroitement à la terre, qui conduisit de Foville à organiser, sous le couvert du COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES, sa grande enquête sur « les conditions de l'habitation en France. » Et voici qui prouverait encore, s'il en était besoin, qu'il savait, à l'occasion, dépasser l'horizon borné du statisticien. « On pourrait regretter, dit-il, de ne trouver dans l'enquête administrative sur l'état actuel de la propriété bâtie en France, que des données abstraites, chiffres, taux, proportions diverses. Le Comité des travaux historiques et scientifiques a pensé qu'il serait avantageux de compléter l'œuvre de l'Administration en demandant à ses correspondants, aux membres des Sociétés savantes et à toutes autres personnes qui voudraient bien s'employer à cet effet, des renseignements d'une nature plus concrète sur les conditions de l'habitation dans les diverses parties de la France (1). »

On peut lire et relire avec profit la solide introduction qu'il a placée en tête du premier volume où sont déposés les résultats de l'enquête entreprise par le Comité des travaux historiques : c'est une brillante étude de « physique sociale » d'une haute portée scientifique dont « ne peuvent se désintéresser, comme il le dit lui-même fort justement (p. 15), ni l'économiste, ni le moraliste, ni le philosophe ».

(1) Enquête sur les conditions de l'habitation en France. Introduction, p. 2, 1er volume, 1891.

Les moyens de transport. C'est leur transformation, à travers les siècles, que de Foville a tout spécialement étudiée, suivant le vœu de l'Institut dans la note qui expliquait le choix de ce sujet de concours. Et ce sont aussi, bien entendu, les effets de cette transformation qu'il a minutieusement décrits dans le mémoire que l'Institut fut heureux de couronner, en 1880; effets directs, tels que l'accélération, la sécurité plus grande, l'abaissement du coût du transport; effets indirects, sur le développement de la production, sur l'accroissement de la fortune publique et de la fortune privée, sur le nivellement des prix (1). Veut-on avoir une idée du rôle que joue la statistique dans le livre que de Foville a fait avec son mémoire? Sur les 453 pages du volume, il y en a 129 où l'on trouve des tableaux de chiffres. On y trouve notamment, (p. 418-419), une statistique assez rare, celle des abonnés et du tirage des principaux journaux politiques français en 1803, 1824, 1833, 1834 et 1877. On y trouve aussi, les produits du fermage de la poste, sous la monarchie française de 1672 à 1786 (p. 185-186).

OEUVRE STATISTIQUE.

Le statisticien a été, comme l'économiste, très sobre de définitions et de classifications. Ses doctrines sur la statistique sont courtes, un peu trop courtes même, du moins à notre gré.

Indifférent aux 63 définitions qu'avait collectionnées Rümelin, de Foville paraît n'avoir jamais attaché que peu d'importance à la question de savoir si la statistique est une science ou une méthode, et, en admettant qu'elle soit une science, à la question de savoir si elle est comme le pensait Léon Say, « la science des dénombrements » ou comme le pensait Moreau de Jonnès, « la science des faits naturels, sociaux et politiques exprimés par des termes numériques » (2).

(1) V. le chap. XII où le nivellement des prix est expliqué avec une précision, une clarté, une élégance remarquables.

(2) Voici, pourtant, la définition qu'il proposerait, si on lui en demandait une: «La statistique, c'est le chiffre, mis avec toutes ses

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