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Plus que jamais nous sommes aujourd'hui dans l'attente. Jamais peut-être, depuis le début de la guerre, on n'a mieux senti autour de soi l'immense et multiple interrogation. On a l'impression que quelque chose de grand, de décisif s'élabore, et l'on frissonne un peu dans l'attente de ce futur, si proche d'être le présent.

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Deux êtres ne peuvent se rencontrer sans s'interroger : Savez-vous quelque chose? Avez-vous des

<< tuyaux ? ». On éprouve le besoin d'imaginer des hypothèses, et, bien mieux, on excite son interlocuteur à en forger de son côté, et à vous les soumettre quoiqu'on les sache sans valeur. Que d'énigmes demain va résoudre!... L'offensive allemande si souvent annoncée se produirat-elle; et si elle se produit, quelle sera sa forme, sa force et son succès? - L'Autriche tiendra-t-elle, et la Turquie? Le mouvement révolutionnaire russe ne gagnerat-il pas les armées de nos ennemis, et les Russes euxmêmes se ressaisiront-ils ? L'effort américain aboutira-t-il? L'effort anglais faiblira-t-il? En France, triomphera-t-on des difficultés économiques? Viendra-t-on à bout des luttes politiques renaissantes? Et surtout, et encore, que sera l'attaque allemande, et, même sera-t-elle? A toutes les énigmes on s'évertue à donner des réponses, pour s'étourdir, pour passer le temps, pour tromper l'attente.

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Ce n'est pas l'attente fiévreuse d'août et septembre 1914. Ce n'est pas l'attente pleine d'angoisse de février et mars 1916, c'est une attente plus calme, mais plus triste et durant laquelle on a l'impression qu'il ne convient pas de parler trop haut. On sent que la fin approche; que des heures vont sonner qui devront nous donner la preuve que toutes nos souffrances n'ont pas

été vaines. Et c'est là vraiment ce qui rend ces instants si graves. La crainte d'une souffrance physique est bien moins redoutable que l'appréhension d'une souffrance morale.

Et à laisser courir sa pensée, on finit par se convaincre que l'attente aura été l'un des plus gros efforts de cette guerre, comme elle le fut de l'avant-guerre, et l'on est tenté de faire un « éloge » de la patience et d'admettre qu'elle est la grande vertu dont notre triomphe depend

Depuis 1871 et la victoire prussienne, le monde a vécu dans l'attente.

nous.

Nous, Français, attendîmes longtemps l'heure de ce que d'aucuns appelaient la « justice immanente ». Les désastres de l'« Année Terrible » pesaient sur Notre vie était bridée par le mors que nous avait passé notre vainqueur. La masse du pays n'oubliait pas, et attendait l'homme « nécessaire » et le conflit inévitable. Et les années passaient; les hommes qui avaient connu la défaite mouraient les uns après les autres, et leur attente avait été vaine, et, parmi les jeunes, certains se lassaient, et se refusaient à attendre plus longtemps.

Et cependant, à nos portes une autre attente s'allon geait plus douloureuse que la nôtre et qui eut dû nous servir d'exemple. Muet, têtu, concentré et vaillant, l'esprit de la Lorraine et de l'Alsace annexées se refusait à abdiquer. L'ennemi pouvait lui appliouer n'importe quel régime, la douceur ou la violence, la flatterie ou le mépris, il pouvait confisquer les biens, emprisonner les corps, interdire la rentrée des exilés volontaires, sénarer les fils rebelles des pères mourants; il pouvait, orâce à la délation domestique, traquer l'esprit de la France jusqu'au sein de la famille mais ne parvenait pas à arracher les annexés à leur rêve. Ils avaient leur manière

à eux de se tenir aux écoutes de la France qui vient, et, fidèles à la protestation de 1871, ils l'attendaient.

Partout en Europe c'était la même attente.

Nos voisins d'Italie attendaient le retour des terres irrédentes, et regardaient vers Trieste comme nous-mêmes vers Strasbourg ou Metz; mais surtout les Italiens d'Autriche persécutés et souffrant, attendaient de toute leur patience leur libération.

Plus à l'Est, les Serbes de Bosnie et d'Herzégovine, attendaient eux aussi la rupture du traité injuste qui les avaient rendus sujets de l'empereur François-Joseph, quand leur volonté était de s'unir aux Serbes de Serbie, du Montenegro et de Dalmatie. Pour eux, comme pour les Italiens et les Annexés français, l'attente était longue, et l'on cherchait à l'abréger par tous les moyens possibles on ne reculait pas devant le complot; on alla jusqu'à l'assassinat politique.

Longtemps les Grecs de Macédoine ou de Crète, les Bulgares, et les Serbes macédoniens attendirent le retour à leur patrie d'origine. Les Roumains de Transylvanie ou de Bessarabie, sans s'émouvoir du long temps écoulé attendaient l'arrivée de leurs frères libérés. Dès le 22 août 1868 les Tchèques revendiquaient leur indépendance; les Polonais déperés le 25 juillet 1772, puis en mars-avril 1793. en janvier-octobre 1795, luttaient vainement tout un siècle; menacés, espionnés, exilés, martyrisés par les Russes ou les Prussiens, mais hypnotisés par l'espoir de la résurrection de leur patrie, ils attendaient toujours. Près de la Baltique les Danois du Schleswig annexés par la force au royaume de Prusse attendaient eux aussi la liberté, comme les Finlandais du Grand duché, ou les Arméniens qu'on assommait méthodiquement, ou les Syriens ou les Arabes.

Ces attentes multiples étaient diverses et portaient la marque des peuples. L'attente française était nerveuse, instable, exaltée et abattue tour à tour; l'attente alsacienne, affectait l'indifférence, le calme un peu méprisant des êtres supérieurs, le sourire, et ridiculisait ses adversaires; les Polonais, les Tchèques, les Serbes, les Bulgares, les Irlandais, luttaient prement, par la parole, comme par la bombe, par l'association secrète, ct le complot, tandis que les Arméniens attendaient avec la résignation monotone du mouton qu'on tue.

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Puis la guerre éclata, et plus que jamais civils et soldats durent attendre. On attendit dès l'arrivée à la caserne; on attendit dans les gares, dans les champs, dans les tranchées. Dans des notes de soldats on lit des phrases comme celles-ci : « On distribue les parts; on mange mais du bout des lèvres... Attente nouvelle... Attendre... Il faut attendre toujours et pour tout. Contrainte odieuse à laquelle je n'ai pu jusqu'ici, me plier complètement. Nous sommes si peu de chose que nous ne valons même pas un ordre. On ne nous dit pas : «Attendez une heure, deux heures... » Mais on nous laisse là sans autres formes; on nous y laisserait aussi bien un jour, deux jours... Des hommes!... Cela compte si peu ... Et plus loin : « ...Nous nous sentons emportés par un irrésistible mouvement dont nous n'entrevoyons pas la fin; tout en marchant, nous détournons la tête pour suivre des yeux, entre les arbres, la longue théorie des heures pâles, lentes et voilées de crêpe: le corps dompté tourne comme dans un manège tandis qu'étourdi, isolé, l'esprit s'endort bercé par l'éternelle attente... ›› A l'arrière, la vie du « civil » est aussi toute attente. C'est au début l'attente des deux communiqués de la journée.c'est l'attente des lettres, c'est l'attente du journal, c'est en plus, aujourd'hui, l'attente du charbon, du

vi. qui

pain ou du lait, c'est l'attente des avions ennemis après l'alerte, c'est l'attente d'un colis envoyé en petite tesse, depuis deux mois, ou l'attente d'un bateau porte des amis au milieu des mines et des torpilles, ou l'attente d'un taxi qui ne vient pas, ou d'un « papier »> quelconque qu'un bureau vous refuse.

Ainsi, à quelque classe sociale qu'on appartienne, qu'on soit à l'arrière ou au front, on doit toujours attendre, et aujourd'hui plus que jamais. Plus que jamais ces mois du premier semestre de 1918 nous aurons besoin de toute notre patience et le mot doit s'entendre dans son vrai sens qui est l'aptitude à supporter.

Que l'exemple de tous les peuples qui surent attendre ne soit pas perdu pour nous; la patience des Finlandais, des Tchèques, des Alsaciens, des Polonais, des Syriens, des Arabes, des Arméniens ou des Lorrains n'aura pas été vaine puisque l'aube du salut luit pour eux. Imitons leur longue volonté. Il faut lutter, nous taire, attendre.

ANDRÉ FRIBOURG.

La parole de Wilson

« Nous ne saurions nous laisser séparer dans nos intérêts ni diviser dans nos buts ». WILSON.

« Wilson prétend achever l'œuvre commencée par Lloyd George : il reprend sur un ton lyrique les arguments froidement présentés par le premier ministre anglais ». Voilà comment la Gazette de Cologne, organe officieux de la Chancellerie allemande, définit le dernier message du président Wilson. Le jugement est un peu court: il contient cependant, outre la notation sommaire de la différence des styles, l'aveu très intéressant, venant de l'enneini, de la parfaite concordance des intentions. Des deux documents, celui qui fut publié le second avait été sans doute composé le premier. M. Wilson tenait tout prêt, depuis quelque temps déjà, programme de paix, lorsque M. Lloyd George fut amené à déclarer le sien devant les représentants des TradeUnions. Que le président de la république américaine, après avoir connu le discours du Premier anglais, ait été amené à modifier en quelques points le texte de son message, c'est possible: il aurait ainsi donné une preuve nouvelle de sa grande sagesse politique. Tel qu'il est, le message Wilson constitue, plus encore qu'un document, un acte de première importance. Un député français, à la séance du 11 janvier, a cru devoir en louer la forme « toute française ». Louange indiscrète et, à notre avis, peu fondée. Le style du message est si américain, si wilsonien même, que la traduction littérale en est impossible. Il y a certainement, parmi les documents de cette guerre, des pages mieux écrites que le dernier message Wilson; il n'y en a pas de plus profondément pensées, ni de plus fortement voulues.

On n'entreprendra pas, en quelques colonnes de journal, l'analyse complète d'un programme, où presque tous les problèmes nés de la guerre sont envisagés. Des deux parties essentielles dont se compose le message du président Wilson, la première exprime d'une manière frappante la moralité, l'« humanité» de l'auteur; la seconde révèle sa méthode politique et traduit son attitude à l'égard d'un certain nombre de questions, qui pourraient encore diviser des philosophes, même des historiens, mais qui doivent trouver unis des peuples qui font la guerre ensemble et qui s'efforcent ensemble de donner au monde une paix juste et durable.

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