exprimèrent l'idée que l'occupation de cette importante forteresse par les troupes moscovites devait infailliblement mettre pius que jamais à l'ordre du jour la question de voir jusqu'où cette occupation peut compromettre les intérêts de la Grande-Bretagne. Sur cette question, les hommes d'Etat de l'Angleterre sont loin. de s'entendre; dans le ministère même, il y a une grande divergence de vue; deux membres du cabinet, le ministre des affaires étrangères et le ministre des colonies, se sont retirés, et les libéraux ne sont guère d'accord sur l'influence que l'occupation de Kars par les Russes peut exercer sur l'empire des Indes anglaises. Sur ce sujet, voici comment s'est exprimé M. Forster: Je suis aussi déterminé à défendre nos colonies et à préserver notre empire. indien qu'aucun homme dans ce royaume. Il y a eu beaucoup de discussions dans ces dernièrs temps au sujet des responsabilités de notre position par rapport à nos colonies. J'accepte ces responsabilités, et je défendrai notre position, je combattrai pour la route vers l'Inde à travers le canal de Suez, mais non pas, ainsi qu'on l'a dit à Bristol, pour la route passant par dessus les montagnes de l'Arménie. Il n'y a pas de crime plus grave que celui de plonger son pays dans une guerre inutile, il ne faut la faire que pour les intérêts légitimes du pays ou pour accomplir un devoir. » Lord Cornavon, M. Gladstone, sir Harcourt et d'autres hommes d'Etat se sont exprimés comme M. Forster sur le même sujet. Et, à propos de la guerre de Crimée, Cobden disait dans une lettre écrite en décembre 1853, et publiée récemment par le DailyNews, Je ne crois pas qu'aucun pays pourrait gagner de rapides avantages par l'acquisition de Constantinople. Son importance dans l'équilibre du monde civilisé est fort exagérée. Elle est située dans un cul-de-sac, en dehors de la route des grands empires commerciaux de notre époque, et bien que ce fut un emplacement très important pour une capitale du monde, il y a 1500 ans, alors que le monde civilisé était dans les pays méditerranéens, elle doit à jamais jouer un rôle insignifiant en comparaison de Londres, Liverpool, New-York, Marseille et une dizaine d'autres villes que je pourrais citer. Si nous laissons les demi-barbares des rives du Danube et des côtes de la mer Noire livrer leurs propres batailles, peu d'effet sera produit sur le monde civilisé; mais si un coup de canon hostile est échangé entre de grandes puissances chrétiennes, la lutte prendra des proportions très différentes, toute l'Europe sera en commotion et cela sera entrepris dans le but sans espoir et ingrat de conserver les Turcs en Europe, tandis qu'il n'y a probablement pas un homme d'Etat parmi nous qui croie consciencieusement qu'en l'an de grâce 1900 il restera un seul Turc en Europe, si ce n'est quelques résidents temporaires dans un Etat chrétien. >> Du reste, la forteresse de Kars, nous l'avons déjà dit, est loin d'avoir l'importance politique ou stratégique qu'on veut bien lui attribuer; si elle jouit encore d'un certain prestige, c'est parce que dans l'antiquité, ce nid d'aigle a souvent résisté à des attaques furibondes de peuplades à demi-sauvages. Kars est même sans importance au point de vue du commerce, C'est Erzeroum qui est le lieu de tran sactions, l'entrepôt de l'Arménie. Les caravanes partant de la mer Noire, de Trébisonde, passent par cette capitale, soit pour y entreposer leurs chargements, soit pour continuer leur route vers le golfe Persique, ou par la Perse vers l'extrême Orient. Quoi qu'il en soit de l'importance de cette place, la prise de cette forteresse et les désastres que Moukhtar venait d'éprouver successivement sur les hauteurs d'Aladja et de Deveboyoun avaient démoralisé le peu de troupes qui lui restaient et l'auraient mis dans l'impossibilité de garder Erzeroum plus longtemps, si l'armistice n'était pas venu arrêter les hostilités Nos prévisions sur la guerre russo-turque, publiées avant l'ouverture des hostilités, en avril 1877, dans un fascicule qui a pour titre Considérations sur la guerre future, ont été très mal apprẻciées; on les a crues empreintes d'un russophilisme outré. Erreur. C'est le calcul basé sur la logique des faits qui a guidé notre raisonnemeut nous avons examiné la situation politique et militaire des grands Etats de l'Europe; les ressources de la Turquie, comparées à celles de la Russie, c'est-à-dire les forces morales et matérielles des deux puissances qui allaient entrer en guerre, et nous en avons déduit les conséquences qui, selon les probabilités, devaient en résulter. (A suivre.) Société des officiers de la Confédération suisse Section valaisanne. La fête cantonale de la société du Valais a eu lieu à St-Maurice, les samedi et dimanche 29 et 30 juin écoulé, en même temps que la réunion annuelle de la société de tir la Cible. La combinaison d'une partie du programme entre les deux sociétés, en faisant de ces deux jours une fête générale pour la localité, a donné à cette réunion un cachet tout particulier; le programme lui-même, des mieux préparés, alliait le travail, le devoir et le plaisir; la cordiale réception de la population de St-Maurice donnait à l'ensemble un caractère particulièrement joyeux. A 3 heures après-midi, le samedi, les officiers accourus des diverses parties du pays se réunissaient à la gare pour recevoir le drapeau de la société, apporté de Brigue par M. le conseiller national Clausen, ancien président. Le cortège se forme, et traversant la ville, entièrement pavoisée, se rend à la place du Parvis où a lieu la réception officielle par M. le colonel de Cocatrix, président en charge. Après la reconnaissance des logements, le cortège se forme de nouveau pour se rendre à la grotte des Fées, dont les souterrains illuminés retentissent longtemps des échos des tambours. Une excellente collation attend la société à la sortie de la grotte. Le soir, cortège aux flambeanx pour se rendre au stand, situé à quelques minutes de la ville, et où à lieu une soirée familière que l'excellente musique de St-Maurice transforme bientôt en bal champêtre. Dimanche matin, à 7 1/2 heures, réunion des officiers pour se rendre à la messe qui se célèbre ad-hoc à l'église abbatiale, puis ensuite assemblée générale au théâtre. Dans cette assemblée, en outre des affaires administratives courantes, se traite la question des mesures disciplinaires à prendre lors de la rentrée des troupes dans leurs foyers dès le moment du licenciement, la question des économies sur l'armée, concluant à demander l'appel pour les cours de répétition de toutes les classes de sous-officiers. Il est ensuite donné lecture d'un mémoire, de M. le 1er lieut. Pelissier, sur les modifications à apporter au service de sûreté. Nous reviendrons sur ce sujet. La séance se termine par la désignation de la localité ou se tiendra la prochaine réunion, et la nomination du nouveau comité. C'est Louèche qui est choisi, et le nouveau Comité se compose de : MM. Allet, Maurice, commandant, à Louèche, président. Zenruffinen, Léon cap.-adj. à Louèche, vice-président. de Werra, Raphaël, lieutenant, à Louèche, caissier. Willa, Guillaume, lieutenant, à Louèche, assistant. Pendant l'assemblée, dès 10 heures du matin, ouverture du tir pour MM. les officiers; des cibles spéciales, à 300 mètres leur sont réservées au stand, avec prix d'honneur offerts par les dames de St-Maurice. A midi, banquet officiel où sont réunis, en outre des officiers, des représentants de l'autorité civile, ecclésiastique et militaire cantonale, les toasts les plus chaleureux y sont prononcés et ne prennent fin que pour la reprise du tir qui se continue jusqu'à 6 heures. Dans l'aprèsmidi, une série de voitures et d'omnibus transportent aux bains de Lavey les officiers dont le tir est terminé, et où les attend, sous les ombrages, la plus charmante collation. Le soir, rentrée à St-Maurice pour la distribution des prix, puis là journée se termine par un bal officiel organisé par les officiers de la localité. Par les premiers trains du lendemain, chacun quittait à regret StMaurice, en emportant de cette réunion les meilleurs souvenirs. NOUVELLES ET CHRONIQUE BELGIQUE. La lettre du général Brialmont au général Totleben félicitant ce dernier de la prise de Plevna, lettre que nous avons publiée dans notre dernier No, ne paraît pas avoir l'assentiment de toute la presse belge. Le courrier de Bruxelles, par exemple,fait à ce sujet les réflexions ci-après : Nous n'ajouterons pas de longues réflexions à la lettre que l'on vient de lire. » Nous nous croyons cependant autorisés à demander de quel droit M. le général Brialmont écrit à un général russe, au nom de tout un corps d'officiers belges,une lettre qui nous parait compromettante pour la neutralité de la Belgique. L'Angleterre est certes l'une des puissances, pour ne pas dire la puissance qui, dans toutes les circonstances, et en 1870 en particulier, nous a témoigné le plus de sympathies. Nos rois et nos compatriotes ont toujours reçu de la nation anglaise le plus affectueux accueil; et si, ce qu'à Dieu ne plaise, notre indépendance se troula chose ne saurait être mise vait un jour menacée, c'est le peuple anglais encore en doute qui le premier volerait à notre secours. Or, lorsqu'on voit l'attitude du vainqueur des Turcs en présence du veto britannique on comprend que puissant intérêt nous avons à ne pas déplaire à la Reine des mers, qui tient en ses mains vigoureuses le trident de Neptune. Une appréciation publique, comme celle qui figure dans la lettre au général Totleben, serait déjà une grande maladresse, alors qu'elle émanerait simplement de M. Brialmont, lieutenant-général belge; mais lorsque c'est au nom du corps du génie belge, au nom des ingénieurs militaires belges que cette opinion est émise, nous sommes d'avis qu'il y avait là un danger auquel il était du devoir du gouvernement de parer sans retard.» BERNE, M. de Renthe-Fink, capitaine du 4e régimeut de gardes à pied, à été nommé par son gouvernement attaché militaire de la légation allemande à Berne, où il remplacera le capitaine de Wänker, décédé récemment. THOUNE. Il y a quelques jours, la Küherhüte de l'Allmend, à Thoune, a brùlé jusqu'à sa base. Ce chalet qui appartenait à la Confédération était occupé par le bétail qui paît sur l'Allmend. Il s'y trouvait aussi de grandes provisions de four rage. On a pu sauver le bétail, sauf deux veaux qui ont péri dans les flammes. A 9, heures, la garde de la caserne a signalé le feu, et à 11 heures, tout était fini. Le chalet était assuré. Tir fédéral. Le comité d'organisation de Bâle annonce au comité central qu'il accepte la fête pour 1879 et qu'il s'est constitué comme suit: MM. le colonel et conseiller d'Etat Falkner, président; le colonel et conseiller national Emile Frei, viceprésident; le chancelier Dr F. Göttisheim, premier secrétaire; E. Raillard, président de la Société des sous-officiers, second secrétaire. Comité des finances: MM. Emile Paravicini, président; Charles Von-der-Mühl, vice-président. Comité de construction: MM. Vicarino, ingénieur, président; Gustave Kelterborn architecte, vice-président. Comité de tir; MM. Hermann, président; H. Ludin, vice-président. Comité des vivres et liquides: MM. le conseiller d'Etat Lr G. Bischoff, président; R. Preiswerk. Comité de réception: M. Klein, conseiller national, président. Comité de police M. le colonel S. Bachofen, président. Comité des logements: M. le lieut.-colonel Trueb, président. Les travaux du comité commenceront incessamment. A Paris, chez TANERA; à Lausanne, chez B. BENDA, éditeurs GUERRE D'ORIENT EN 1876-1877 Esquisse des événements militaires par Ferdinand LECOMTE, colonel-divisionnaire. Tome Ier, in-8° avec 3 cartes, 6 francs. VIENT DE PARAITRE: ANNUAIRE MILITAIRE SUISSE Deuxième année. Traduit de l'allemand par le capitaine A. Salquin, Prix élégamment relié, fr. 2. En vente chez tous les libraires et chez l'éditeur K. J. Wyss à Berne. LAUSANNE. IMPRIMERIE ADRIEN BORGEAUD, CITÉ-DERRIÈRE, 26. $ 44. SOMMAIRE. Lausanne, le 18 Juillet 1878. XXIII® Année Cir La guerre russo-turque en 1877-1878, (Suite.) p. 289. culaires et pièces officielles, p. 301. - Nouvelles et chronique, p. 302. REVUE DES ARMES SPÉCIALES. Les camps retranchés en Prusse, p. 305. Rassemblement de troupes de 1878, p. 309. Organisation de l'artillerie anglaise, p. 310. Bibliographie, (Annuaire militaire suisse, Wyss, éditeur.) p. 313. Société des officiers, (Section neuchâteloise.) p. 314. Nouvelles et chronique, p 316. LA GUERRE RUSSO-TURQUE EN 1877-1878. (Suite.) Maintenant que les belligérants viennent de mettre l'épée dans le fourreau et que les diplomates vont se ranger autour du tapis vert, pour régler leurs différends et arrêter le bilan de la guerre, voyons jusqu'à quel point nos prophéties se sont, ou ne se sont pas réalisées. Sans le temps d'arrêt des Russes devant Plevna, occasionné par leur vicieux plan d'entrée en campagne, considération stratégique qui n'était pas à prévoir et que par conséquent nous ne pouvions pas faire entrer dans nos calculs, à part ce temps d'arrêt, jusqu'ici, nos prévisions se sont réalisées de A à Z. Au point de vue politique, nous avons dit que l'empereur Alexandre n'entreprendrait cette guerre qu'avec l'assentiment de FrédéricGuillaume et de François-Joseph, et que dès lors la guerre resterait localisée dans la presqu'île du Balkan; que les armées russes ne passeraient le moderne Rubicon qu'avec la permission de l'Autriche; que pour beaucoup de raisons les Moscovites n'essayeraient pas d'établir leur domination sur le Bosphore; qu'ils ne songeaient même pas à faire une conquête sur la rive droite du Danube; que vainqueurs, ils exigeraient naturellement la rétrocession de la partie de la Bessarabie qu'une guerre malheureuse leur a enlevée et qu'une guerre heureuse pourrait leur rendre; que si les vaincus se trouvaient réduits au point de ne pas pouvoir payer une indemnité de guerre, le vainqueur pourrait bien exiger une compensation territoriale en Asie; et enfin que pour le moment ce que les Russes avaient le plus à cœur, c'était la protection qu'ils veulent exercer en faveur des chrétiens orthodoxes en Turquie, ingérence que l'article 7 du traité de paix de Kainardji, en 1774, leur a octroyée et que la Porte et les puissances de l'Occident leur ont contestée, contestation qui a amené la guerre de 1853-1856, et dont le traité de Paris a fixé la solution politique. Et, au point de vue militaire, voici comment nous avons envisagé la guerre, alors qu'elle n'était que probable: Si, disions-nous, dans la presqu'île du Balkan, les Turcs n'ont pas su vaincre les Serbes où maîtriser la microscopique population du Monténégro, comment croire que la Porte veuille se mesurer avec la Russie, qui peut mettre deux millions de soldats sur pied. |