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époque où, par leurs coups de bélier répétés sur la Somme, les troupes franco-britanniques avaient ébranlé la solidité du front allemand. Hindenburg ne se sentait plus en sécurité. Ii risquait d'être pris entre les deux pinces d'un étau par une attaque des Anglais. dans le secteur d'Arras, combinée avec une attaque française, sur l'Aisne. Avec une heureuse audace, il rompit, pour s'établir sur un front rectiligne, choisi et aménagé par lui, d'où il pourrait voir venir. Dans sa retraite, il donnait l'ordre de tout détruire il démolissait les villages, il rasait les bois. Non pas seulement par vandalisme de barbare, mais aussi par précaution de stratège. Il transformait une plaine sans accident en vaste glacis qui devait être le théâtre d'une future rentrée en scène. Il est permis de supposer que notre offensive d'avril 1916 dont ce n'est point le lieu d'apprécier l'opportunité et la conduite a retardé la riposte allemande.

Cependant les événements se précipitaient. La révolution puis la défection russes libéraient les divisions et le matériel du front oriental. L'Italie avait été mise hors de cause. L'artillerie autrichienne devenait, dans une large mesure, disponible, et même s'il était nécessaire des renforts d'infanterie austro-hongrois et bulgares (1). L'Allemagne s'assurait sur notre front la supériorité numérique. Elle y entretenait 160 divisions. La navette recommençait entre l'Orient et l'Occident. Une cinquantaine de divisions nouvelles étaient transportées sur le seul théâtre de la guerre qui, désormais, comptât.

Mais le secteur où les Allemands allaient attaquer comportait d'autres avantages. Il était à la soudure des armées françaises et anglaises. Ces points de jonction sont toujours des points faibles. Les Anglais venaient de nous relever sur une cinquantaine de kilomètres. Ils n'étaient peut-être pas encore complètement assis. En outre, il suffisait de pousser un peu pour trouver la vallée de l'Oise, couloir naturel de la marche sur Paris. Le rêve ébauché et presque réalisé à la bataille de la Marne près en 1914, pouvait être repris. Etait-il un plan plus séduisant ?

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Il soulevait une difficulté : l'entrée en action de l'armée de manœuvre française dont les Allemands n'ignoraient point qu'elle existât quelque part, sous le haut commandement du général Foch. Où Foch massait-il ses réserves? S'il les tenait prêtes à intervenir derrière l'armée anglaise il pouvait faire échouer l'entreprise. Il fallait donc nous faire accroire que le premier coup serait porté ailleurs en Champagne, devant Reims, ou en Lorraine, contre Nancy, à moins que ce ne fût en l'un Alsace. Pour pouvoir se porter rapidement sur quelconque de ces points menacés, on devait être partout, c'est-à-dire nulle part. Afin de nous tenir le plus longtemps possible dans l'incertitude, l'Allemagne avait opéré ses concentrations fort en arrière si bien qu'on pouvait les supposer destinées à tel ou tel secteur. En pareille conjoncture celui qui attaque a toujours une avance de quarante-huit heures. Or quarante-huit heures peuvent suffire à décider du sort d'une bataille.

Dernière considération si les Anglais, déconcertés

sous

la brusquerie et l'énormité de l'avalanche qui s'abattrait sur eux lâchaient pied, ils se replieraient vers leurs bases, c'est-à-dire vers le Nord-Ouest. Ils refuseraient ainsi leur aile droite et découvriraient Paris. Voilà pourquoi l'offensive fut décidée au nord et au sud de Saint-Quentin.

III.

LES ACTEURS.

çait le secteur français les Anglais opposaient deux armées. La III, sous les ordres du général Byng, le vainqueur du Cambrésis, tenait le secteur nord et descendait jusqu'à la Vacquerie, près de la route de Péronne à Cambrai. Elle était forte de divisions. Au sud, il y avait les divisions de la V° armée - celle

du général Gough, qui s'était illustré sur la Somme et à Bapaume.

En face se développait l'éventail des forces allemandes. Deux groupes d'armées, sous les ordres des deux kronprinz: celui de Bavière, au nord, avec la 17o armée (Otto von Below), de la Scarpe à Cambrai, et la 2o armée (von Marwitz) de Cambrai au Catelet ; le kronprinz impérial, au sud, avec la 18° armée (von Hutier), du Catelet à la Fère, et la 7o armée (von Boehm) au sud de la Fère. Les communiqués allemands ont, en outre, cité quelques noms d'autres généraux dont les unités ont eu l'occasion d'appuyer les armées précédentes les corps de von Kathen et de von Gontard, dans le groupe de Rupprecht de Bavière; le général Gail, dans le groupe du kronprinz.

Parmi tous ces chefs, il en est un qu'il convient de mettre en lumière. C'est le général von Hutier. Français d'origine son grand'père mourut capitaine dans l'armée impériale, en 1864 il est le « vainqueur de Riga ». C'est le grand innovateur en tactique, la dernière révélation de la guerre. Il a appliqué sa méthode contre les Russes et elle a obtenu un plein succès. Après cette « répétition générale », on l'a chargé de l'exploiter en grand sur le front français. Des manœuvres spéciales ont eu lieu, depuis le mois de janvier, à l'arrière-front, pour y exercer les troupes. En quoi consiste-t-elle ?

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Une préparation d'artillerie courte — de quelques heures seulement mais d'une intensité inouïe et sur une grande profondeur, de manière à battre les deuxième et troisième lignes en même temps que la première. On se sert particulièrement d'obus toxiques qui empêchent la contre-batterie ennemie et les tirs de barrage. Les troupes, tenues jusque-là assez loin des champs de bataille pour éviter de donner l'éveil par des concentrations, ont été amenées au dernier moment sur le lieu de l'attaque. Elles ont gagné leurs emplacements par une approche de nuit. A l'heure fixée, l'assaut est donné en masses profondes. Chaque division a deux régiments en première ligne et un en réserve. On jette dans la bataille la totalité des forces disponibles pour produire un effet d'accablement de l'adversaire. Les pertes ne comptent point. Elles seront gigantesques, comme la lutte elle-même. Peu importe, l'infanterie progresse en plusieurs vagues échelonnées à courte distance: trois ou quatre. Dès que la première a atteint son objectif elle ouvre, par fusils, mitrailleuses et fusils-mitrailleurs un tir de barrage à 1.500 ou 2.000 mètres. Elle crée devant elle comme une pluie de fer et de feu. Sous la protection de ce rideau, la seconde vague dépasse la première et procède de la même manière, de façon à se laisser

Quels allaient être, cependant, les acteurs de ce drame dépasser à son tour par la troisième vague. Si l'on ren

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contre des îlots de résistance, des nids de mitrailleuses, etc., on les contourne sans s'en préoccuper. Des troupes spéciales sont chargées de les réduire. Elles y procèdent à la grenade, par les lance-flammes, mais surtout par

les engins de tranchée. Chaque vague est accompagnée en effet d'une artillerie légère : « minenwerfers » sur roues, petits canons analogues à notre canon de 37. Les Allemands ont eu l'idée d'adapter leurs « minenwerfers », destinés au tir courbe, au tir horizontal. Ils s'en servent comme d'un canon lisse, tirant de plein fouet à 100 ou 200 mètres. On conçoit l'action de ces projectiles sur le matériel et le personnel. Le seul problème est d'en avoir une quantité suffisante, en raison du déchet considérable. Outre cette « artillerie d'accompagnement d'infanterie » il y a aussi, pour trois bataillons en première ligne, une batterie de 77, une compagnie et demie de mitrailleuses supplémentaires, une demi-compagnie du génie. Avec le régiment, en soutien immédiat, il doit y avoir des tanks et une compagnie d'assaut, auxquels incombe particulièrement le « nettoyage » des îlots de résistance.

Voilà le formidable arsenal mouvant qui constitue la masse d'attaque allemande. Voilà la tactique de von Hutier qui va mettre en œuvre toutes ses ressources pour forcer le front britannique.

Les acteurs sont prêts. Chacun a reçu son rôle. La bataille peut s'engager.

V. — LA RUÉE (21-23 MARS)

Elle s'engage en effet, le 21 mars, au lever du jour. Une bataille, non : mais une ruée immense de six cent mille hommes, derrière lesquels il y en a six cent mille autres qui vont entrer eux aussi dans la fournaise avec une rapidité effrayante de consommation.

Tout d'abord un bombardement violent depuis la Scarpe, à l'est d'Arras, jusqu'à Vendeuil, à 14 kilomètres au sud de Saint-Quentin, dans les conditions qui ont été prévues. Vers 8 heures du matin — d'après le communiqué britannique du 21 au soir -- l'assaut général est donné, sur plus de 80 kilomètres, entre l'Oise, dans la région de la Fère, et la Sensée, vers Croisilles. En même temps de larges démonstrations d'artillerie sont faites plus au nord, dans la région du canal de la Bassée et dans le secteur d'Ypres, afin de faire croire à une extension possible de l'attaque plus au nord et de retenir les réserves anglaises. Quarante divisions allemandes, soutenues par de l'artillerie autrichienne, donnent à la fois. Les premières lignes anglaises sont franchies, mais la progression est inégale.

La 3° armée britannique, en effet, résiste mieux que la 5o. Aux abords de Croisilles, la 3° division et, des deux côtés de la route de Bapaume à Cambrai, la 51° soutiennent le choc sans faiblir. Mais il n'en va pas de même dans le secteur sud. Les Anglais sont rejetés jusque sur l'autre rive du canal Crozat, entre SaintSimon et Tergnier, qui est enlevé par l'ennemi. Les Français, sur le front desquels aucune attaque ne s'est produite, commencent à appuyer sur leur gauche et à relever un certain nombre d'unités britanniques qui refluent. Comme s'ils n'étaient pas encore certains du succès de leur entreprise, les Allemands se contentent d'annoncer dans leur communiqué du 21 au soir non point qu'ils ont pris une formidable offensive, mais qu'« entre Cambrai et La Fère ils ont pénétré dans des parties des positions anglaises >>.

La nuit du 21 au 22 est calme. C'est que les Allemands procèdent à une relève ou renforcent leurs divisons de première ligne. La bataille reprend le 22, dans la matinée. Cette journée va être décisive et procurer à l'ennemi de sérieux avantages sur tout le front. L'empereur, d'ailleurs, est présent. Il est venu assister en personne à la victoire de ses troupes.

Au nord, l'armée von Below prend d'assaut les hauteurs au nord et au nord-ouest de Croisilles. Entre Fontaine-les-Croisilles et Moeuvres, elle pénètre dans

la deuxième position anglaise, et s'empare de Vaulx, Vrancourt et Morchies. Elle est en liaison, à sa gauche, avec l'armée von Marwitz. Entre Gonnelieu et le ruisseau Ornignon, les deux premières positions de nos alliés sont percées. Les hauteurs à l'ouest de Gouzeaucourt, Heudicourt et Villers-Faucon sont enlevées, Roisel et Marquaix, dans la vallée de la Cologne, occupés. Le combat, pour les hauteurs d'Epehy, est acharné. Les Allemands en restent maîtres. En vain les Anglais. effectuent des contre-attaques entre Epehy et Roisel. Ils perdent également les hauteurs au nord de Vermand. Leur troisième position est atteinte. Sous la pression grandissante, ils évacuent le saillant au sudouest de Cambrai, talonnés par l'ennemi au delà de Demicourt, de Flesquières et de Ribécourt. Entre l'Omignon et la Somme, l'armée von Hutier se fraye une. route à travers la forêt d'Holnon et par dessus les hauteurs de Savy et de Roupy. Elle pénètre dans la troisième position britannique. Au sud de la Somme, le canal Crozat est franchi, le passage de l'Oise forcé à l'ouest de la Fère. Telle est la situation le 23, à midi.

Des épisodes héroïques ont marqué cette journée et demie de lutte. Un des plus saillants est la magnifique défense de la 24° division britannique au Verguier. Nous ne possédons pas encore de détails complets sur reconstituer la marche de l'armée von Hutier. Elle s'est le détail des opérations. Toutefois il a été possible de avancée en six colonnes. La première, partant de SaintQuentin, avait comme points de direction Ham, puis Noyon. La deuxième a suivi la rive sud de la Somme, vers Saint-Simon, puis vers Villeselve et le nord de Guiscard. La troisième, partie d'Itancourt, a attaqué sur l'axe Essigny-Jussy. Elle a été contenue à Jussy, dans la nuit du 22 au 23. Elle a alors obliqué vers l'ouest, et, renforcée, est venue, le 23, occuper Cugny. La quatrième est descendue d'Itancourt, dans la direction nord-sud, vers Benay et Hinancourt. C'est elle qui franchit le canal Crozat dans la nuit du 22 au 23. De là elle converge vers le sud-ouest, dans la direction de Villequier-Aumont. On la retrouvera, le 26, à l'est de Noyon. La cinquième vient par Moy, au nord de la Fère, et oblique plus à l'ouest. Elle est arrêtée le 22, à Liez, après avoir tenté d'atteindre la vallée de l'Oise. Quelques-uns de ses éléments sont, le 23, à VillequierAumont. Enfin la sixième, débouchant de la Fère, a marché sur Tergnier, qu'elle a pris dès le 21. Des renforts la dépassent, et poussent le 23 en direction de Chauny.

D'une façon générale, la progression de toutes ces divisions présente la caractéristique suivante ayant comme objectif évident de s'infiltrer le plus rapidement possible dans le couloir de l'Oise, elles ont, les unes après les autres, orienté leur marche vers l'ouest. Ce n'est pas un hasard ni l'effet d'un contre-ordre: c'est parce que, devant elles, elles ont trouvé l'obstacle de troupes françaises.

:

C'est le 22, dans l'après-midi, que le général P..., commandant un de nos corps d'armée, a reçu la mission suivante soutenir la droite de l'armée britannique qui s'appuyait au canal Crozat, entre Tergnier et SaintSimon. Aussitôt, laissant une division aux abords de Tergnier, il se prépare à relever par deux autres divisions deux divisions anglaises sur le canal. Le 23 au matin, il exécute une marche rapide dans la zone des bois de Beaumont, des bois de Genlis et des bois de Frières. Une troisième division suit en réserve. Mais dès la matinée les Allemands ont passé la Somme à Ham. Ils l'auraient sans doute franchie plus tôt et il en serait résulté peut-être les conséquences les plus gracar les nôtres n'étaient pas encore parvenus à leurs emplacements de combat si, dans la soirée du

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22 au 23, notre haut commandement n'avait donné un ordre qui fut comme un trait de génie : « Tout ce que nous avons d'aviation disponible, à Ham ! ». Une heure après, nos escadrilles de chasse et de bombardement harcèlent les rassemblements ennemis, lancent des tonnes de projectiles, mitraillent les troupes à quelques mètres du sol ! Il en résulte une perturbation profonde dans deux divisions allemandes et un retard de plusieurs heures dans l'exécution des ordres reçus, qui a grandement contribué à rétablir la situation compromise. L'aviation avait suppléé l'infanterie.

Cependant le général P... apprend que la direction suivie par les Allemands est celle du sud-ouest, vers Emery-Hallon. I y envoie aussitôt sa division de réserve tandis que les deux autres continuent vers le canal. Elles rencontrent les divisions anglaises qui se replient evrs Frières, Cailouel, Bois-l'Abbé. La bataille qui portera sans doute le nom de « bataille de Noyon» va commencer.

Nous sommes le 23 au soir. Notre front se jalonne par Barisis, Amigny, Noureuil, la lisière nord du bois de Genlis, Beaumont-en-Buire, Villeselve, le PlessisPatte-d'Oie, Flavy-le-Meldeux, la lisière nord du bois de l'Hopital. De là il gagne la Somme qu'il suit jusqu'à l'est de Péronne, où est parvenu dans sa retraite le centre anglais. Plus au nord, la ligne remonte par Nurlu, l'ouest de Bertincourt, Beugnâtre, Saint-Léger, Hénin, Gavrelle. L'ennemi, peut-on dire en raccourci, s'échelonne de l'est de Bapaume au sud de Ham, par les abords est de Péronne. Il a gagné ce terrain en deux jours. Il peut faire un premier bilan. Son communiqué du 23 au soir annonce : « La première partie de la grande bataille en France est terminée ».

VI. LA BATAILLE DE NOYON (24-27 mars.)

Les troupes du général P... sont maintenant en posture de se mesurer à armes combien inégales ! avec l'adversaire. Elles ont déjà accompli une première prouesse en reprenant Tergnier, dès le 23, mais elles doivent bientôt abandonner le bourg reconquis. Une pression de plus en plus forte se fait sentir contre elles. Elles reculent, tout en combattant et sans se laisser entamer une seule fois. Le 24, il faut évacuer Chauny. Nous sommes ramenés sur la ligne Guiscard-Maucourt, mais en ayant contenu l'Allemand.

Dans la journée du 25, l'ennemi s'empare de Maucourt. Il faut reculer encore. On se bat alors avec acharnement sur le front Abbécourt-Grandru, tandis qu'à gauche on tient bon sur la ligne Murancourt-Le Frétoy. On couvre ainsi Lassigny et l'on organise une ligne de repli assez forte pour qu'on s'y puisse cramponner ensuite, de Genvry à Appilly, en avant de Noyon. A minuit notre front passe par Catigny, Sermaize, Porquéricourt, Pont-l'Evêque, le cours de l'Oise.

La bataille devient la bataille pour Noyon. L'évacuation de la ville est envisagée, mais il faut retarder le plus longtemps possible l'entrée des Allemands. Quelques heures valent une victoire. Une division et des éléments d'une autre se consacrent à cette rude besogne. Des Anglais, recueillis, s'amalgament spontanément aux nôtres. On combat un contre quatre. Le 25 au soir, on se replie en bon ordre sur Noyon. Un régiment s'y bat dans la nuit, mais c'est seulement pour permettre au reste d'un corps d'armée de s'établir sur sa ligne de résitance définitive. Un ordre du général commandant l'armée proclame : « Les troupes du ... corps d'armée et du corps de cavalerie (ce corps a combattu à pied) défendent le cœur de la France. Le sentiment de la grandeur de cette tâche leur montrera leur devoir !» Tous comprennent. A la lueur des flammes d'un

parc d'artillerie anglais, les tranchées se creusent. Le mont Renaud est solidement tenu. Compiègne est, de loin, couvert. Ces hauteurs au sud de Noyon, c'est la << petite Suisse ». Elles constituent le pivot de notre défense. Une division de cavalerie britannique vient, avec de beaux escadrons anglais et canadiens, se mettre à la disposition d'un de nos généraux. Elle se jette en avant, refoule les Allemands, prend le bois des Essarts, et ne se replie sur le bois de la Réserve qu'après un engagement qui a fait perdre à l'ennemi un moment dont il ne retrouvera plus l'opportunité. Pendant ce temps, le mont Renaud a été organisé. 11 va encore plusieurs fois changer de mains. Mais il nous restera, en définitive.

Les Allemands ont d'ailleurs essayé de rompre notre ligne vers Porquéricourt, au nord-ouest de Noyon. Ils n'y réussirent pas.

Le 27, la bataille de Noyon n'est pas terminée, car on va continuer à lutter, les jours suivants, mais elle est gagnée. Notre communiqué de 11 heures peut dire : « L'ennemi partout contenu ralentit son effort ». Paris peut respirer.

Car c'est la route de Paris par la vallée de l'Oise que le magnifique corps d'armée du général P... a fermé. Il a obligé l'ennemi à dévier vers la gauche, à changer d'objectif et à borner son entreprise à la course vers Amiens.

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Pendant la bataille, les aviateurs ont rivalisé d'audace et d'esprit de sacrifice avec les fantassins. Un de nos avions, monté par un sergent et un caporal, parti pour le bombardement de Roye, est atteint par une balle dans son moteur en cours de route. Obligé d'atterrir à Mesnil-Saint-Georges, l'équipage se réfugie près d'un terrain d'aviation où quatre appareils français ont été abandonnés. Sans souci de l'ennemi qui approche, les aviateurs mettent le feu aux hangars après avoir retiré les mitrailleuses qu'ils confient à une auto-canon de passage. Ils rentrent ensuite vers les nôtres en faisant le coup de feu avec nos fantassins.

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de munitions, sans qu'aucun embouteillage se produisît. Toute voiture en panne était imédiatement poussée au bord de la route afin de dégager la voie. On n'a eu dans ces circonstances qu'à se louer des conducteurs annamites, qui observent rigoureusement les consignes. Un système de flèches de toutes couleurs, admirablement compris, facilitait la circulation. Tel groupe de camions marchait dans le sens des flèches rouges, tel autre dans le sens des flèches bleues. Ainsi, sans arrêt, sans renseignements, chacun se hâtait vers le lieu d'arrivée qui lui était fixé. Mais quel est donc l'admirable service qui du jour au lendemain a trouvé le moyen de placer aux carrefours ces innombrables flèches multicolores? I mérite tous les éloges.

Çà et là

Alors qu'il professait à l'Ecole de guerre, où ses cours de stratégie et de tactique générale sont restés célèbres, Foch aimait à répéter le mot de Joseph de Maistre « Une bataille perdue est une bataille que l'on croit avoir perdue; une bataille ne se perd pas matériellement. » Et il ajoutait de son cru: « Une bataille gagnée, c'est une bataille dans laquelle on ne veut pas s'avouer vaincu. » Le général Foch l'a prouvé

sur la Marne et dans les Flandres.

Le seul chef allemand de la guerre de 1870 dont le général Foch reconnaît, dans ses ouvrages sur les Principes et la Conduite de la guerre, le « grand caractère », c'est précisément Avensleben. Le commandant du III corps prussien sut en effet montrer, dans la journée du 16 août 1870, qu'une indomptable énergie peut surmonter toutes les difficultés, « alors qu'on est engagé contre des forces très supérieures ». L'histoire a ses recommencements...

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Depuis que la vente des gâteaux est interdite, ies pâtissiers ont pris le parti de vendre toutes sortes de denrées et rivalisent d'ingéniosité dans la disposition de leurs étalages improvisés. Parfois, des passants s'arrêtent, avec un sursaut d'étonnement, devant une vitrine abondamment fournie de petits fours, mokas, pavés au chocolat, choux à la crème, etc. en dépit des ordonnances de M. Victor Boret. On s'approche, puis on sourit et on admire. Il n'y a là, en effet, qu'un miracle de trompe-l'œil. Les crèmes au café, au chocolat, à la vanille de ces prétendus gâteaux sont des mousses de foie gras, de brunes gelées de viande ou quelque classique mayonnaise, les petits fours sont des hors-d'œu

vre savamment présentés, les saint-honorés des timbales de gnocchi, les mokas des cubes de galantine...

Autrefois, certain's gâteaux mettaient leur amourpropre à ressembler à des fromages où à des pommes. de terre; maintenant, le poulet, le saumon, le macaroni et la salade s'ingénient à prendre figure de gâteaux. Ainsi va le monde... et il y a une ironie bien savoureuse dans cette conception de la défensive commerciale, avec un rien d'esprit philosophique digne de l'approbation des gens de goût.

Les diplomates allemands ont triomphé de leurs faciles succès sur les maximalistes. Ils ont beau se vanter, ce sont des lourdauds qui, lorsqu'ils n'ont pas devant eux des bolcheviks, ne manquent jamais l'occasion de se faire gentiment remettre à la page.

Un jour que Léon Gozlan dînait en ville, il y avait parmi les convives un diplomate d'outre-Rhin qui, pendant tout le repas, célébra sur tous les tons la patrie allemande, sa littérature, ses arts, sa philosophie, son climat, ses beautés naturelles, sa langue enfin, sa langue harmonieuse, illustrée par le génie des deux plus grands poètes de tous les temps, Goethe et Schiller.

C'est sans conteste, disait-il, la première du monde, la plus euphonique, la plus expressive, la plus suave, en un mot, celle que devaient parler Adam et Eve au paradis terrestre...

- Exact interrompit Gozlan qui n'avait pas encore prononcé un parole; c'est même pour cela qu'ils en furent chassés.

Chez nos Alliés.

De cette « gypsy », l'officier n'était pas un capitaine, et c'était bien plus qu'un lieutenant; il n'était rien de moins que général de brigade dans l'armée britannique; et, comme il partait le lendemain pour le front, il voulut se faire dire la bonne aventure. Or, en Angleterre, prédire l'avenir, c'est commettre un acte délic tueux. Un détective interrompit la consultation et emmena la devineresse au bureau de police.

Le général se conduisit en parfait gentleman. « Madame est une amie à qui je faisais visite, dit-il à l'agent de Scotland Yard et je ne lui ai point donné d'argent. D'ailleurs elle a eu juste le temps de couper les cartes et j'ignore ce qu'elle allait me dire. » Mais le gendarme est partout sans pitié. Et la liseuse de cartes n'eut que la consolation de faire cette remarque que la censure a laissé reproduire : « Pourquoi me poursuit-on, et non les gens qui viennent chez moi ? Je ne leur demande pourtant pas de venir. Il y a parmi eux des hommes d'Etat et des ministres sans parler des géné

raux. >>

La gypsy a été relâchée sous caution. Le général est parti pour la France sans que le voile du Destin ait été levé pour lui. Du moins, s'il arrive au petit matin parmi nos poilus, il n'est pas un cuistot qui ne se fera un plaisir de lui offrir assez de marc de café pour lire tout le reste de sa vie dans le fond de la belle gamelle de la compagnie.

L'Australie a tenu à conserver le système des engagements volontaires; elle n'en est pas moins l'un des pays qui fournissent l'un des plus forts contingents du monde, eu égard à sa population. D'ailleurs, quelle conscription eût jamais appelé une recrue de la classe 1836? Ce candidat de 102 ans s'est présenté il y a six semaines, à Singleton, en Nouvelle-Galles-du Sud; et comme l'officier de recrutement lui faisait remarquer qu'il avait passé l'âge militaire, le gaillard centenaire

offrit à son interlocuteur de lutter avec lui, afin de prouver son aptitude au service armé. On conçoit que dans un tel pays, le ministre de la guerre ait jugé inutile le projet de loi allouant aux sergents recruteurs une prime de 10 shillings par volontaire.

Ce qu'on lit...

La Jeune Italie, par ANDRÉ MAUREL.

militaires se lancer de nouveau à l'attaque, multiplier les coups de bélier dans l'espoir de réussir et avec la certitude de faire taire ceux qui les désapprouvent.

Quoi qu'il en soit, il faut attendre. Les résultats de l'offensive se sont fait nettement sentir chez les Alliés. L'unité de commandement est réalisée. Les Anglais, qui paraissaient jusqu'à ce jour décidés à limiter leurs sacrifices, en consentent de nouveaux sans compter. Les Américains, atteints par la fièvre générale, hâtent leurs armements et acceptent d'amalgamer leurs troupes avec les nôtres. Enfin l'union sacrée est rétablie en France indiscutablement.

Tout ceci qui se voit à l'œil nu n'est pas fait pour semer la joie chez nos ennemis. Les mécontents ne tarderont pas à élever la voix outre-Rhin.

De toutes façons il semble impossible que nos ennemis consentent à laisser la situation se stabiliser. Ils n'ont pas sacrifié 300.000 hommes pour recommencer leurs travaux de taupe. Même s'ils n'ont plus l'espoir de réussir la rupture décisive, ils peuvent espérer se rapprocher de Paris étapes par étapes. C'est à quoi notre commandement ne peut plus consentir. Puisque la formule « la guerre jusqu'au bout » a obtenu tous les suffrages de nos gouvernants, on se doit de la réaliser pleinement, jusqu'à la décision.

L'écrivain italien Diego Angeli se plaignait un jour, ici même (1) de ce que l'étranger persistait dans «< un préjugé indéracinable » et un « poncif en dehors duquel il ne peut exister une Italie concevable ». Et nous montrant «l'Italie telle qu'elle est », il prédisait un beau succès à l'écrivain « qui voudra découvrir la véritable Italie de 1916 », celle de la guerre, comme du grand effort industriel, et non plus « le pastiche conventionnel façonné par plusieurs siècles de littérature >>. Cet auteur désiré s'est rencontré, et c'est M. André Maurel. Il n'est pas approuvé comme le trop fougueux Marinetti de « tuer le clair de lune » et de « transformer la basilique de Saint-Marc en une usine à munitions »>, mais n'est-il pas instructif que ce soit précisément l'écrivain qui nous a promenés tant de fois dans les « petites villes d'Italie » et parmi « les paysages d'Italie » qui vienne nous donner aujourd'hui un tableau d'ensemble du front de mer et de terre, du front industriel et intellectuel de nos alliés, brossé de visu. Ce sont des pages chaleureuses et éloquentes, et d'un sentiment très juste. « Les Italiens nous aiment comme on aime, sans autre raison que cet amour même... Ils tiennent à nous comme on tient aux membres de sa famille... Ils ont la parfaite conscience que si l'Italie et la France forment deux nations, elles ne font qu'un seul peuple. » La France fraternelle, prendra place parmi ceux des mauvais serviteurs de la équitable et clairvoyante trouvera toujours en Italienation allemande. Ils sont, il est vrai, déjà assez nom«l'accueil le plus affectueux, le plus loyal ». M. André Maurel est un « bon » prophète.

La Guerre

La situation militaire

Depuis le 1 avril un calme relatif s'est établi sur le front de l'attaque. La journée du 30 mars a marqué l'apogée de la poussée allemande, l'effort dernier de l'offensive. Ce jour-là les Allemands ont voulu atteindre la voie ferrée d'Amien. Ils ont échoué. Maintenant ils regroupent leurs forces, mettent en place leur artillerie et sur çertains points se retranchent profondément. La deuxième phase de la bataille commence. L'ennemi, qui jusque-là poussait droit devant lui, sans autre pensée les armées alliées en deux, commence à que de couper se tenir sur une certaine défensive.Il pressent que l'heure de la manœuvre va venir pour le général Foch. Prodigue de la vie de ses soldats pendant les dix premiers jours de la bataille, il va ménager ses réserves. Celui des belligérants qui conservera une masse de manoeuvre intacte frappera le dernier coup.

Mais, aussi bien, ne nous illusionnons pas sur ces formules. L'état-major allemand a son orgueil qui vient contrecarrer les plans les plus rationnels. D'autre part, il est soumis autant que nous à l'opinion publique. Nous croyons trop que le silence règne en Allemagne. En fait, un fort parti sans autorité déplore dans la coulisse les moyens de la violence, parce qu'il croit aux avantages de la ruse. Que ce parti suscite des murmures et manifeste une certaine impatience, on verra les

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(1) Opinion du 5 août 1916: « L'Italie telle qu'elle est ».

Affaires Extérieures

L'attentat du vendredi saint

J. S.

Le chef de batterie qui, le jour du vendredi saint, vers quatre heures, donna l'ordre de tirer à l'aveuglette sur Paris, mérite de faire connaître son nom. Ce nom

breux pour former un édifiant annuaire. Le jour où le peuple allemand se réveillera, nous pourrons l'aider à dresser cette liste complète de ceux qui portent non seulement la responsabilité initiale de la guerre, mais dont les ordres sur la conduite de la guerre ont, par la suite, entaché le nom allemand d'une souillure qu'il faudra des générations pour effacer.

L'Allemand qui, dans un instant de réflexion, voudrait bien mettre en parallèle le résultat militaire, dans le sens le plus large du mot, c'est-à-dire énervement des Parisiens, propagande pacifiste de gens apeurés, etc., et le résultat moral du désormais historique coup de canon du vendredi saint 1918, devrait logiquement vouer à l'exécration le commandant de batterie auteur de ce forfait et les chefs, au-dessus de lui, qui en ont autorisé ou commandé l'exécution. Il y a des maladresses qu'il ne faut pas commettre et celle-là est irréparable. Elle n'a même pas été corrigée par une abstention le dimanche de Pâques. Le chef de batterie a fait tirer comme à l'ordinaire. La foi religieuse est une force que l'on ne peut impunément braver. Latente, « en veil. leuse » chez un très grand nombre ; il suffit d'un choc brutal pour la ranimer. Des milliers d'incrédules, de ceux-là mêmes qui, par bravade, faisaient gras le vendredi saint, ont senti soudain, à la nouvelle de cet attentat, remonter en eux de vieilles croyances qu'ils imaginaient avoir abolies et leur pensée c'est immédiatement cristallisée autour de cette formule simpliste : cela ne portera pas bonheur à Guillaume II et aux Allemands. Si telle est l'opinion unanime des incroyants qui s'estiment dirigés uniquement par la notion de justice, alors qu'en fait des siècles d'enseignement chrétien ont malgré tout façonné leur cerveau, combien plus vibrante, plus profonde est l'indignation des dis

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