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L'oiseau qui porte le tonnerre, Disgracié, banni du céleste séjour Par une cabale de cour,

S'en vint habiter sur la terre :

Il errait dans les bois, songeant à son malheur,

Triste, dégoûté de la vie,

Malade de la maladie

Que laisse après soi la grandeur.

Un vieux Hibou, du creux d'un hêtre, L'entend gémir, se met à sa fenêtre,

Et lui prouve bientôt que la félicité

Consiste dans trois points: Travail, paix et santé.
L'Aigle est touché de ce langage:

Mon frère, répond-il (les aigles sont polis
Lorsqu'ils sont malheureux), que je vous trouve sage !
Combien votre raison, vos excellents avis,

M'inspirent le désir de vous voir davantage,

De vous imiter, si je puis!

Minerve, en vous plaçant sur sa tête divine,

!

Connaissait bien tout votre prix,
C'est avec elle, j'imagine,

Que vous en avez tant appris.

Non, répond le Hibou, j'ai bien peu de science;
Mais je sais me suffire, et j'aime le silence,
L'obscurité surtout. Quand je vois des oiseaux
Se disputer entre eux, la force, le courage,
Ou la beauté du chant, ou celle du plumage,
Je ne me mêle point parmi tant de rivaux,
Et me tiens dans mon hermitage.
Si malheureusement, le matin dans le bois,
Quelque étourneau bavard, quelqué méchante pie,
M'aperçoit, aussitôt leur clapissante voix
Appelle de partout une troupe étourdie,
Qui me poursuit et m'injurie :

Je souffre, je me tais; et, dans ce chamaillis,
Seul, de sang-froid et sans colère,
M'esquivant doucement de taillis en taillis,
Je regagne à la fin ma retraite si chère.

Là, solitaire et libre, oubliant tous mes maux,
Je laisse les soucis, les craintes à la porte;
Voilà tout mon savoir: Je m'abstiens, je supporte;
La sagesse est dans ces deux mots.

Tu me l'as dit cent fois, cher Ducis, tes ouvrages,
Tes beaux vers, tes nombreux succès,
Ne sont rien à tes yeux, auprès de cette paix
Que l'innocence donne aux sages.

Quand, de l'Eschyle anglais heureux imitateur,
Je te vois, d'une main hardie,

Porter sur la scène agrandie

Les crimes de Macbeth, de Léar le malheur,
La gloire est un besoin à ton âme attendrie,
Mais elle est un fardeau pour ton sensible cœur,

Seul, au fond d'un désert, au bord d'une onde pure,
Tu ne veux que ta lyre, un saule et la nature:

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Certain Poisson volant, mécontant de son sort,

Disait à sa vieille grand'mère :
Je ne sais comment je dois faire
Pour me préserver de la mort.
De nos aigies marins je redoute la serre
Quand je m'élève dans les airs;

Et les requins me font la guerre

Quand je me plonge au fond des mers.
La vieille lui répond: Mon enfant, dans ce monde,
Lorsqu'on n'est pas aigle ou requin,

Il faut tout doucement suivre un petit chemin,

En nageant près de l'air, et volant près de l'onde.

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Epilogue.

C'est assez, suspendons ma lyre,
Terminons ici mes travaux :
Sur nos vices, sur nos défauts,
J'aurais encor beaucoup à dire ;
Mais un autre le dira mieux.
Malgré ses efforts plus heureux,
L'orgueil, l'intérêt, la folie,
Troublerent toujours l'univers;
Vainement la philosophie

Reproche à l'homme ses travers;
Elle y perd sa prose et ses vers.
Laissons, laissons aller le monde
Comme il lui plaît, comme il l'entend,
Yivons caché, libre et content,
Dans une retraite profonde.
Là, que faut-il pour le bonheur?.
La paix, la douce paix du cœur,
Le désir vrai qu'on nous oublie,
Le travail qui sait éloigner;
Tous les fléaux de notre vie.
Assez de bien pour en donner,
Et pas assez pour faire envie.

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Il consolait la veuve, adoptait l'orphelin ;
Le cri d'un opprimé réglait seul son chemin;

C

Et lorsque ses amis, effrayés de son zèle,
Lui présageaient du roi la vengeance cruelle,
Je crains Dieu, disait-il, eñcor plus que le roi,
Et les infortunés me sont plus chers que moi.
Un jour, après avoir, pendant la nuit obscure,
A des morts délaissés donné la sépulture,
De travail épuisé, de fatigue abattu,
Sa force ne pouvant suffire sa vertu,

Le vieillard lentement au pied d'un mur se traîne.
Il dormait, quand l'oiseau que le printemps ramène,
Du nid qu'il construit au-dessus de ce mur,
Fait tomber sur ses yeux un excrément impur:
A Tobie aussitôt la lumière est ravie.

Sans se plaindre, adorant la main qui le châtie,
O Dieu, s'écria-t-il, tu daignes m'éprouver!
Je n'en murmure point, tu frappes pour sauver :
Mes yeux, mes tristes yeux, privés de la lumière,
Ne pourront plus au ciel précéder ma prière ;
Vers le pauvre avec peine, hélas ! j'arriverai;
Je ne le verrai plus, mais je le bénirai.

Ses amis cependant, sa famille, sa femme,
Loin d'émousser les traits qui déchiraient son âme,
De porter sur ses maux le baume précieux
De la compassion, seul bien des malheureux,
Viennent lui reprocher jusqu'à sa bienfaisance;
Où donc, lui disent-ils, est cette récompense
Qu'aux vertus, à l'aumône, accorde le Seigneur ?
Le vieillard ne répond qu'en leur montrant son cœur ;
Mais ce cœur, accablé de ces cruels reproches,
Fort contre le malheur, faible contre ses proches,
Désire le trépas, et le demande au ciel :

Sa prière monta jusques à l'Eternel :

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