Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Les disciples, les amis, les admirateurs d'un professeur connu viennent d'inaugurer un reverbère qui lui a été solennellement dédié, ainsi que le rappellera aux générations à venir une inscription fixée sur le socle. Chez nous, tout de même, on n'aimerait pas beaucoup cette façon de commémorer les « lumières >>.

Le tennis sans partenaire

Les Américains éprouvent pour le tennis une telle frénésie que, pour leur plaire,. un de leurs inventeurs a mis en vente une machine qui permet aux futurs champions de s'entraîner en secret. C'est un serveur automatique. Vous bourrez la machine de balles, vous la montez à la force voulue, vous lui donnez l'angle que vous désirez, et vous pouvez ainsi expérimenter à loisir toutes les diverses variétés de ripostes qu'il vous plaira.

Le sixième sens.

La semaine dernière un incendie détruisait les forêts de pins qui couvrent les coteaux avoisinant Bisley, en Angleterre. Le feu dura plusieurs jours. Dans les vallons qui coupent ces forêts se trouvaient d'immenses nids de fourmis, de véritables petits montagnes, où l'on constata une activité exceptionnelle, 24 heures avant l'approche du feu. La population entière d'une dizaine de colonies abandonna les nids, emportant œufs, progé niture, réserves de nourriture et jusqu'à des matériaux de construction pour de nouvelles demeures.

Ces fourmis se mirent en route en longues et épaisses colonnes et finirent par s'arrêter de l'autre côté d'une route qui bordait une grande forêt. Le lendemain, le brasier atteignait cette route et s'éteignait de lui-même. Les fourmis, fort occupées à leurs nouvelles constructions, ne semblaient nullement s'inquiéter des flammes qui achevaient leur œuvre à quelques mètres de là.

Quel dommage que les ingénieurs ne puissent acquérir et développer ce précieux sixième sens! Ils nous préviendraient à temps des inondations et aussi de la sécheresse...

Pour éclipser Saint-Pierre de Rome.

Les Méthodistes américains, qui disposent d'énormes ressources, ont décidé, non seulement de construire d'importantes églises à Constantinople, à Tunis et à Alger, mais d'élever sur le Monte Mario (sur les lisières nord de Rome) une immense basilique, plus vaste encore que celle de Saint-Pierre. Dès que le projet a été connu à Rome, il y a été accueilli très fraichement. Les milieux catholiques ont été évidemment froissés ; mais la presse anticléricale, de son côté, proteste contre l'audace et le mauvais goût de ces étrangers qui ont entrepris de gâter un des plus beaux panoramas du monde.

La plus vieille police d'assurances maritimes.

La maison Lloyd's publie un fac-simile photographique de ce qu'elle croit être la police d'assurance maritime la plus ancienne qui existe. Cet intéressant document a été découvert dans les archives du ministère des Indes. Elle date de février 1656 (vieux style); c'est une assurance de 400 livres sterling pour des marchandises chargées sur le bateau londonnien Les Trois Frères, vaisseau de 250 tonnes, qui se rendait de Macassar à Londres. Le taux de l'assurance était de 5 livres.

Un temple selon le Christ.

Certaines. nuits, plus. de 400 personnes viennent sy réfugier. Des bancs y ont été aménagés qui réservent aux premiers venus l'illusion d'un lit. Les retardataires s'installent où ils peuvent et comme ils peuvent, jusqu'au pied de l'autel, jusque dans la chaire. Un côté de l'église est réservé aux hommes, l'autre aux femmes. Il arrive que la douce lumière du temple éclaire une maman allaitant son enfant. Le temple-hôtel est surveillé tantôt par un vicaire, tantôt par une femme.

Et, tout comme aux temps où la maison du Seigneur était un asile sacré, inviolable, l'abri saint reçoit tous les malheureux, qu'ils soient les victimes de leurparesse et de leurs fautes ou simplement les victimes du hasard et de la malchance.

Ce remède à la crise du logement méritait d'être donné en exemple.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Sans un guide expert, il est impossible d'en dénouer l'écheveau. Le général Weygand et M. Paul Tirard m'ont ouvert, avec leur affectueuse bienveillance, l'accès de tous les observatoires. Mais je conserve un souvenir par ticulier des après-midi que j'ai passées au Bureau mili taire du Haut-Commissariat Rhénan, avec l'autorisation de leur chef, le colonel d'Arbonneau, des spécialistes, le commandant Tixier, le capitaine Prieur, le capitaine Parent, m'ont aidé, avec une infinie patience, à voir clair à travers ce réseau d'associations militaires qui recouvre l'Allemagne républicaine d'une maille assez serrée pour en masquer les caractères, et peut-être pour.

en modifier les destinées.

A la veille de son suprême effort, en mars 1918, l'Alla lemagne impériale avait créé l'organisme type: Reichszentrale fur Heitmatdienst. Ce service d'Etat diL'église de la Sainte-Trinité, Kingsway (Anglevisé en vingt-six sections, renseigné par 17.000 affiliés, terre) est un lieu de prières durant le jour et devient un crédité de 15 millions de marks, soigneusement conser hôtel la nuit ; mais un hôtel d'un genre particulier, puis-vé par la République,« se proposait d'éclairer sur les

qu'il offre un asile gratuit à tous ceux qui sont à la recherche d'un abri

(1) Voir l'Opinion du 30 juillet.

[graphic]

es de

S VIC

urtant

'avait

point

agée

fer entab

unité

ourne

s, dep

resent

st org

He F

[ocr errors]

ciabi

fot

rése

144

créer dans chaque localité un Einwohneramt qui, en tenant à jour le fichier de la population, peut, éventuellement, rendre les mêmes services qu'un bureau de recrutement. Sans elles, il eût été aussi difficile de constituer ces groupements secrets d'engagés éventuels qui, en échange d'une petite indemnité, tout en conservant leur emploi, sont disposés à galvaniser les associations sportives et prêts à rejoindre la Reichswehr. Si le fameux Ehrhardt, le collaborateur de Ludendorff, est parvenu à organiser depuis peu de temps, en secret, un autre Orgesch, dont le centre principal se trouve à Salzbourg et dont les premières unités sont réparties dans les grands domaines de Prusse ou les vastes forêts de Bavière, c'est que cet officier de valeur a pu compter sur la collaboration des trois Fédérations.

Mais, dira-t-on, d'où vient l'argent ? Certes, dans bien des cas, le mouvement est parti de Bavière. Souvent, le Reich a consenti des sacrifices. Mais ces subsides officiels n'auraient jamais suffi pour alimenter un pareil effort. Comme toujours, la grande industrie fait les frais de cette campagne pangermaniste, antifrançaise et belliqueuse. Dans presque tous les groupements, les agents locaux du Parti Populiste, - son organisme électoral,

jouent un rôle actif. Je pourrais citer des noms. Stinnes est intervenu en personne. Je pourrais donner des faits. Et s'il se trouve, en France, dans le gouvernement et dans le pays, des hommes, pour croire, aujourd'hui comme sous le règne de Caillaux, à la possibilité d'assurer la paix européenne par une collaboration intime avec l'industrie allemande, cela prouve simplement qu'après avoir ignoré l'Allemagne d'avant-guerre, ils ne connaissent pas davantage celle d'après-guerre.

Le parti populiste et les magnats industriels sont les collaborateurs officiels de cette campagne pour la restauration de l'esprit et de la méthode de 1813. Dans les villes, les conseils bourgeois, les Burgerraete, ont ecruté la Réserve de techniciens volontaires, défendu l'existence des Einwohnerwehren bavaroises et collaborent avec l'Orgesch. Dans les usines, l'Okulus, qui organise des gardes armées et le contre-espionnage ouvrier, travaille en liaison étroite avec les fédérations militaires et notamment avec le R. A. N. O. et le D. O. B. La haute industrie et le pangermanisme ont toujours été solidaires. Ils le furent dans la guerre. Ils le restent dans la paix. Dans les sociétés scrètes, qui germent un peu partout, aujourd'hui, comme au lendemain de Tilsitt, les unes, par exemple le Deutsch Voelkischer S. U. P. Bund pour combattre le judaïsme, les autres pour préparer la restauration, d'autres enfin pour imiter les Sinn-Feiners et organiser l'assassinat politique, ce sont toujours les mêmes qui fournissent soit les bras, soit l'argent.

[ocr errors]

Mais 1921 n'est pas 1813. Des usines déterminées ont beau être affectées à des commandes de l'Orgesch. L'usine d'Erfurt a beau commencer la fabrication en grand d'une carabine de chasse qui a le même canon, les mêmes rayures, le même chargeur, la même culasse, le même projectile que la carabine de guerre. Ce ne sont pas des guérillas, qui suffiront pour gagner la guerre des tanks, des avions et des gaz.

Des guérillas ne sauraient forcer le passage du Rhin, s'il est couvert par une armée mobile, entraînée et équipée, appuyée sur un terrain dont elle connaît les moindres replis, campée, cantonnée dans des provinces dont elle ménage la population et parle la langue. D'ailleurs, le réseau pangermaniste n'est point encore assez épais pour cacher aux yeux de l'observateur le plus superficiel l'autre Allemagne.

Cette Allemagne saura-t-elle, voudra-t-elle, pourra-telle survivre, lutter et vaincre ? JACQUES BARDOUX.

NOTES ET FIGURES

[graphic]

Si, non prévenu, on vient à le rencontrer, on s'arrête : ce front lumineux couronné d'une chevelure bouclée comme celle d'un dieu grec; cette moustache drue; ce regard tout ensemble aigu et caressant; ce menton volontaire, ces longs traits nobles, cet air de majesté et d'affabilité composent un visage qui frappe et ne s'oublie pas.

Qui mérite de n'être pas oublié. Car c'est celui d'un homme de grand esprit, de grand cœur et de grand caractère Myron T. Herrick, l'ambassadeur que les Etats-Unis viennent, pour la deuxième fois, de nous envoyer en gage d'une amitié dont les vicissitudes de la politique ne sauraient ébranler les assises profondes. la

[ocr errors]

La belle existence, équilibrée et harmonieuse, que sienne! Né dans ce Middle-West où la vie d'affaires est plus intense que partout ailleurs, Myron Herrick acquiert d'abord une vaste et solide culture générale. La carrière de scholar, de professeur, s'ouvre à lui, facile et accueillante. Il s'en détourne, estimant qu'un homme, un homme de sa trempe surtout, doit à son pays, se doit à lui-même de participer à la bataille politique. Mais il ne renonce pas pour cela il n'y renoncera jamais aux études désintéressées. Il s'inscrit au barreau, se spé cialise dans les questions financières et, tout jeune encore, à trente-deux ans, devient secrétaire de la Tésorerie. Quand, huit années plus tard, il quitte ce poste, les plus grands établissements de crédit se disputent son concours. Mais le simple idéal du businessman n'est pas celui de Myron Herrick et, s'il entre dans les affaires, ce sera pour s'attacher surtout aux questions d'assurances sociales et de mutualité. Il continue d'ailleurs à se donner à la chose publique; il se bat vaillamment au premier rang du grand parti républicain et, en 1903, les citoyens de son Etat natal, l'Ohio, le choisissent pour être leur gouverneur. Il le demeure jusqu'en 1906. Puis, après quelques années de repos et d'études, il est nommé, en 1912, ambassadeur à Paris.

La France va compter désormais une grande amitié de plus. On connaît l'attitude admirable de Herrick en 1914, son refus de se joindre au corps diplomatique qui suivait le gouvernement à Bordeaux : « S'il ne reste qu'un ambassadeur pour protéger Paris contre les fureurs de l'invasion, ce sera moi », dit-il. Quelques jours après, un Taube lance une bombe qui éclate non loin de lui. On s'empresse. On le félicite d'avoir échappé au danger. Et Myron Herrick simplement de répondre : << Il est des cas où un ambassadeur mort rend plus de de services qu'un ambassadeur vivant. » C'est du Plutarque.

Cependant, depuis 1913, un démocrate occupe la Maison-Blanche. Myron Herrick, républicain, doit, selon l'usage, résigner ses fonctions. A la fin de 1914, il quitte la France. Mais c'est pour la mieux servir. Tant que dure la guerre, il met toutes ses forces, toute son activité au service de la cause des Alliés. La paix venue, il sent que la partie n'est pas encore gagnée et, quand l'élection de Harding ramène le parti républicain au pouvoir, il accepte de revenir là où sa préférence est la plus utile et la plus désirée en France.

De nouveau, le voici parmi nous. Son souvenir jamais n'en a été absent. Dans les paroles dont il a accompagné la remise de ses lettres de créance, on retrouve, spontané et vibrant, l'écho de son affection pour la «< doulce France ». Cette affection, en dépit d'apparences contraires, elle existe au cœur de la plupart des Américains. Mais chose fort rare chez Myron Herrick, elle est raisonnée et logique. Non seulement il aine de chez nous

[graphic]
[graphic]
[ocr errors]
[ocr errors]
[graphic]

errick

Enton

ajest

ne s

celui d

de

[ocr errors]

Fonds

use,

[ocr errors]

énéral

ui, faci

homme

ays, se

que

[ocr errors]
[ocr errors]

On murmure au Quai d'Orsay que, depuis moins de trois semaines que Myron T. Herrick a pris possession de son ambassade, son influence s'est déjà à propos d'une question très épineuse - heureusement exercée. Ce a jam n'est qu'un début et on peut, semble-t-il, attendre beaucoup, chez nous, de l'action de cet homme de bien qui nous revient, selon ses propres paroles, « avec de faibles illusions, mais aussi avec toutes les espérances >>.

reau, s

eune en

de la

[ocr errors]

les

s d'a

ailleurs

amment

t, en 10

Sissent

1906 ne se passionne guère, c'est à coup sûr cette partie de scientifiques du Jardin des Plantes. Homme d'action, il

nde

He

nati

il ne

re

Ques

pom

[graphic]

La bibliothèque de Louvain.

Messieurs, nous venons devant vous comme devant des magistrats constitués en jury d'honneur.

Lorsque le grand cardinal Mercier, dans l'amphithéâtre du Collège des Papes de Louvain, prononça l'autre jour cette phrase au cours de son éloquent réquisitoire contre la barbarie allemande, l'assistance entière se leva pour l'applaudir et l'acclamer.

Il y avait, réunis dans cet hémicycle, les représentants intellectuels du monde entier. L'Institut de France, la Sorbonne, presque toutes nos universités provinciales avaient envoyé des délégués. L'Amérique, l'Angleterre, Italie, la Suisse, le Danemark, l'Espagne, la Suède, le Japon étaient présents. Pas une seule nation, sauf la nation criminelle qui n'eût à cette séance mémorable un diplomate ou un universitaire.

En saluant d'ovations prolongées l'arrivée du roi et de la reine, les déclarations du cardinal, la lecture par Kambassadeur des Etats-Unis du message du président Harding, les paroles de M. Murray Butler l'admirable discours de M. Raymond Poincaré qu'a publié la Revue de la Semaine, et ceux, si émouvants, de M. Hellepute, ministre d'Etat, qui s'exprime en flamand et de M .Caron de Wiart, premier ministre, ce parterre d'intellectuels semblait rendre le verdict sollicité par le courageux protecteur de l'Université de Louvain.

A l'issue du déjeuner, un Italien, un Grec, deux Suisses, après M. Léon Bérard, représentant le gouvernement français, témoignèrent avec chaleur contre les insendiaires.

A cette minute, il apparaissait bien que ceux-ci étaient séparés du reste du monde pensant, depuis la tragique nuit du 26 août 1914 où disparurent dans les Hammes les trésors de la bibliothèque : 250.000 volumes, près d'un millier d'incunables, cinquante manuscrits dont le petit ouvrage écrit de la main de Thomas Kempis et les magnifiques livres d'heures.

Nous sommes retournés parmi ces ruines qui enfermaient jadis la belle grande salle des Livres, la salle Les portraits où avaient été réunies les images des professeurs les plus fameux de cette Université créée dans la première moitié du XVe siècle. Il ne reste plus qu'une carcasse de pierre, nue et propre. A l'intérieur, on a enlevé les décombres et placé dans une vitrine une trentaine de volumes carbonisés ou formant un gros bloc de poussière blanche qu'un souffle détruirait une dernière fois. Sur une couverture brûlée, on distingue encore le nom d'Aristote. C'est au-dessus de ces cadavres de papier et de parchemin que les Belges ont placé cette inscription: « Ici finit la culture allemande. » La nouvelle bibliothèque que les Etats-Unis ont généreusement voulu construire et dont M. Murray Butler, au nom du comité, a posé la première pierre le jeudi 28 juillet, ne s'élève pas sur le même emplacement que Les Halles universitaires qui doivent demeurer intactes avec l'inscription qui sert de légende à cet ouvrage de la sauvagerie d'un peuple.

Le bâtiment neuf, dont l'architecture s'inspire du vieux style flamand et où ceux qui connaissent bien Louvain retrouveront harmonieusement mélangés quelques-uns des éléments principaux des plus illustres monuments de la Cité, sera construit place du Peuple.

П contiendra environ 400.000 volumes. L'Université martyre a reçu, en effet, des dons de toutes les nations. L'élan a été universel. La Grèce a envoyé des moulages pour orner le hall. J'ai rencontré là-bas, le nez chevauché d'un pince-nez rouillé et suant sous une grosse redingote, Te délégué d'une société savante du Centre dont je ne me souviens plus s'il était ou non officier de l'Instruction publique. « Nous aussi, m'a-t-il dit, nous avons collaboré avec nos petits moyens à cette œuvre de reconstitution.

nous restait cinq mille francs en caisse. Ils ont été pour

Louvain. Chacun a encore ajouté aux doubles de notre bibliothèque de société les doubles de sa propre bibliothèque. Ainsi furent recueillis cent dix-sept volumes. » Et il ajoute : « C'est surtout un geste d'amour. » Au mortier dont M. Murray Butler se servit pour sceller la première pierre du monument avait été ajoutée une médaille d'or envoyée par la Ville de Rome. N'est-ce pas admirablement symbolique ?

Caruso.

C'était un bon et simple garçon de Naples, que les adulations, les flatteries et la révération quasi-religieuse des Américains n'avaient pas réussi à rendre fou. Il gagnait 2.500 dollars par soir au Metropolitan Opera, à New-York, chaque fois qu'il chantait, et ce cachet atteignit 8.000 dollars au Mexique et 10.000 à la Havane, durant sa dernière tournée. S'il acceptait le cachet relativement modeste de 2.500 dollars que lui allouait le Metropolitan, et s'il préférait chanter devant son public d'amis fidèles de New-York et ne pas courir après les cachets de 6 et 8.000 dollars que lui offraient les villes de l'intérieur des Etats-Unis, c'est parce qu'il aimait son théâtre, le directeur de ce théâtre, qui était son chef depuis des années, et parce que, tout en étant heureux de toucher de gros cachets, il n'était pas non plus particulièrement avide et affamé d'or.

Il avait eu et il avait la plus délicieuse voix du monde. Je l'ai entendu chanter plus de quarante fois, et encore à sa dernière représentation, la voix était moins légère que jadis, plus étoffée, un peu épaisse même, surtout dans les notes du haut, mais quelle douceur dans les pianos, quel charme tranquille et doux. Tel début d'air, ou le duo avec le baryton dans La Forza del Destino, de Verdi, étaient des délices.

Et à ce propos, que l'on me permette une petite que relle à l'adresse de certains soi-disant amateurs de musique français: on a dit, on a répété, à Paris, que ce grand ténor était un mauvais musicien, qu'il ajoutait des points d'orgue, des ralentissements aux airs qu'il chantait, qu'il changeait les mouvements, etc., etc. Tout cela est stupide et inspiré par la plus vaine des jalousies. Certes, Caruso était un homme de taille tout juste moyenne et épais de corps, et qui, par conséquent, n'avait pas toujours le physique des rôles d'amoureux que l'on rencontre si souvent dans l'emploi de ténor lyrique. Mais Caruso était un excellent acteur, et surtout un acteur bouffe (L'Elisir d'Amore) et de composition; c'est ainsi qu'il a dessiné une inoubliable figure dans le père de La Juive, où il avait bousculé toutes les traditions de fausse grandeur et d'éloquence pour se rapprocher de la vérité humaine du ghetto. Ensuite, Caruso était un excellent musicien, qui avait le sens inné du rythme et de la mesure, ce qui est le propre des vrais musiciens, et qui ne demandait jamais un changement de mouvement au chef d'orchestre qui le dirigeait. Au Metropolitan Opera, qui est une institution sérieuse, on ne l'eût pas toléré, et le bon et honnête Caruso avait le sentiment fort net qu'un chef d'orchestre est un personnage supérieur à la plus grande étoile du monde (c'est ce sentiment qui manque souvent aux dames que certaines influences imposent dans les théâtres musicaux de Paris).

Il est regrettable que Caruso n'ait pas plus souvent chanté à Paris, où il n'a fait que des apparitions rares. On se serait habitué à lui, et nos artistes auraient pris des leçons de chant en l'entendant. A l'heure actuelle, les bons chanteurs français sont rares, très rares, et la France est un pays où l'on chante indignement mal, à quelque six ou huit exceptions près. Tandis que le Metropolitan Opera a déjà découvert un second Caruso dans la personne de Gigli, qui a exactement la voix que Caruso possédait, il y a quinze ans. Espérons que

[graphic]
« AnteriorContinuar »