Le pauvre lievre part. A quelques pas plus loin, D'arrêter un moment cette meute en furie Qui de ses cornes aura peur. Hélas! dit le taureau, ce seroit de grand cœur: Est seule dans ce bois, je l'entends qui m'appelle; Le 1 Tant ils ont peur du bruit des cors. pauvre infortuné, sans force et sans courage, Alloit se rendre aux chiens, quand, du milieu du bois, Deux chevreuils reposant sous le même feuillage Des chasseurs entendent la voix : L'un d'eux se leve et part; la meute sanguinaire Quitte le lievre et court après. En vain le piqueur en colere Crie, et jure, et se fâche; à travers les forêts Va faire un long circuit, et revient au buisson Où l'attendoit son compagnon, Qui dans l'instant part à sa place. Celui-ci fait de même; et, pendant tout le jour, Enfin les chasseurs tout honteux Et les chevreuils rejoints. Le lievre palpitant UN vieux renard cassé, goutteux, apoplectique, Mais instruit, éloquent, disert, Se mit à prêcher au désert. Son style étoit fleuri, sa morale excellente. Donnent à peu de frais cette félicité Qu'un monde imposteur nous présente, Et nous fait payer cher sans la donner jamais. Notre prédicateur n'avoit aucun succès ; Personne ne venoit, hors cinq ou six marmotes, Ou bien quelques biches dévotes Qui vivoient loin du bruit, sans entour, sans faveòr, Lear soif, léur rage sanguinaire. Tout le monde accourut alors à ses sermons; Un lion, roi de la contrée, Bon homme au demeurant, et vieillard fort pieux, Le renard fut charmé de faire son entrée Peint la foible innocence à leur aspect tremblante, Car le roi trouvoit cela bien. monarque enchanté La nouveauté par fois fait aimer la rudesse. Je vous dois un juste salaire; Que me demandez-vous pour prix de vos leçons? CERTAIN roi qui régnoit sur les rives du Tage, Mais parcequ'il étoit savant, Alphonse, fut sur-tout un habile astronome. Pour la lune ou pour le soleil. Un soir qu'il retournoit à son observatoire, Mes amis, disoit-il, enfin j'ai lieu de croire Qu'avec mes nouveaux instruments Je verrai, cette nuit, des hommes dans la lune. Votre majesté les verra, Répondoit-on; la chose est même trop commune, Elle doit voir mieux que cela. Pendant tous ces discours, un pauvre, dans la rue, S'approché en demandant hùmblement, chapeau bas, Quelques maravédis; le roi ne l'entend pas, Enfin le pauvre le saisit Par son manteau royal, et gravement lui dit ; Regardez à vos pieds; là vous verrez des hommes, FABLE I X. Le Sanglier et les Rossignols. Un homme riche, sot et vain, Qualités qui par fois marchent de compagnie, Croyoit pour tous les arts avoir un goût divin, Et pensoit que son or lui donnoit du génie. Chaque jour à sa table on voyoit réunis Peintres, sculpteurs, savants, artistes, beaux esprits, Qui lui prodiguoient les hommages, Lui montroient des dessins, lui lisoient des ouvrages, Ecoutoient les conseils qu'il daignoit leur donner, |