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Ce secret, c'est de les aimer.

Voilà, pour bien régner, la science suprême; Et si vous désirez la voir dans votre fils,

Sire, montrez-la-lui vous-même.

Tout le conseil resta muet à cet avis.

Le Lion court au Chien: - Ami, je te confie

Le bonheur de l'État et celui de ma vie;

Prends mon fils, sois son maître, et loin de tout flatteur,

S'il se peut, va former son cœur.

Il dit, et le Chien part avec le jeune prince.

D'abord à son pupille il persuade bien

Qu'il n'est point Lionceau, qu'il n'est qu'un pauvre chien, Son parent éloigné. De province en province

Il le fait voyager, montrant à ses regards

Les abus du pouvoir, des peuples la misère,

Les Lièvres, les Lapins mangés par les Renards,

Les Moutons par les Loups, les Cerfs par la Panthère,
Partout le faible terrassé,

Le Bœuf travaillant sans salaire,

Et le Singe récompensé.

Le jeune Lionceau frémissait de colère.

- Mon père, disait-il, de pareils attentats

Sont-ils connus du roi? - Comment pourraient-ils l'être?
Disait le chien: les grands approchent seuls du maître,
Et les mangés ne parlent pas.

Ainsi, sans raisonner de vertu, de prudence,

Notre jeune Lion devenait tous les jours.
Vertueux et prudent; car c'est l'expérience
Qui corrige, et non les discours.
À cette bonne école il acquit, avec l'âge,
Sagesse, esprit, force et raison.

Que lui fallait-il davantage?

Il ignorait pourtant encor qu'il fût Lion;
Lorsqu'un jour qu'il parlait de sa reconnaissance
A son maître, à son bienfaiteur,
Un Tigre furieux, d'une énorme grandeur,

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Paraissant tout-à-coup, contre le Chien s'avance.

Le Lionceau plus prompt s'élance,

Il hérisse ses crins, il rugit de fureur,

Bat ses flancs de sa queue, et ses griffes sanglantes Ont bientôt dispersé les entrailles fumantes

De son redoutable ennemi.

A peine il est vainqueur qu'il court à son ami:

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Oh! quel bonheur pour moi d'avoir sauvé ta vie!

Mais quel est mon étonnement !

Sais-tu que l'amitié, dans cet heureux moment,
M'a donné d'un Lion la force et la furie?

- Vous l'êtes, mon cher fils, oui, vous êtes mon roi,

Dit le Chien tout baigné de larmes.

Le voilà donc venu ce moment plein de charmes,
Où, vous rendant enfin tout ce que je vous doi,
Je peux vous dévoiler un important mystère !
Retournons à la cour, mes travaux sont finis.
Cher prince, malgré moi, cependant je gémis,
Je pleure, pardonnez: tout l'État trouve un père,
Et moi je vais perdre mon fils.

XVI

LE DANSEUR DE CORDE ET LE BALANCIER.

Sur la corde tendue un jeune voltigeur
Apprenait à danser; et déjà son adresse,
Ses tours de force, de souplesse,

Faisaient venir maint spectateur.

Sur son étroit chemin on le voit qui s'avance, Le balancier en main, l'air libre, le corps droit, Hardi, léger autant qu'adroit ;

Il s'élève, descend, va, vient, plus haut s'élance, Retombe, remonte en cadence,

Et, semblable à certains oiseaux

Qui rasent, en volant, la surface des eaux,
Son pied touche sans qu'on le voie

A la corde qui plie et dans l'air le renvoie.
Notre jeune danseur, tout fier de son talent,
Dit un jour : —A quoi bon ce balancier pesant
Qui me fatigue et m'embarrasse?

Si je dansais sans lui, j'aurais bien plus de grâce,
De force et de légèreté.

Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté,

Notre étourdi chancelle, étend les bras et tombe.
Il se cassa le nez, et tout le monde en rit.

Jeunes gens, jeunes gens! ne vous a-t-on
Que sans règle et sans frein tôt ou tard on succombe?
La vertu, la raison, les lois, l'autorité

pas

dit

Dans vos désirs fougueux vous causent quelque peine;

C'est le balancier qui vous gêne,,

Mais qui fait votre sûreté.

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