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Dès la pointe du jour sortant de son hameau,
Colas, jeune pasteur d'un assez beau troupeau,
Le conduisait au pâturage.

Sur sa route il trouve un ruisseau

Que, la nuit précédente, un effroyable orage
Avait rendu torrent; comment passer cette eau?
Chien, brebis et berger, tout s'arrête au rivage.
En faisant un circuit l'on eût gagné le pont :
C'était bien le plus sûr, mais c'était le plus long;
Colas veut abréger. D'abord il considère

Qu'il peut franchir cette rivière;

Et, comme ses béliers sont forts,

Il conclut que sans grands efforts

Le troupeau sautera. Cela dit, il s'élance;

Son chien saute après lui, béliers d'entrer en danse A qui mieux mieux; courage! allons!

Après les béliers les moutons;

Tout est en l'air, tout saute, et Colas les excite

En s'applaudissant du moyen.

Les béliers, les moutons sautèrent assez bien;

Mais les brebis vinrent ensuite,

Les agneaux, les vieillards, les faibles, les peureux;
Les mutins, corps toujours nombreux,
Qui refusaient le saut ou sautaient de colère,
Et, soit faiblesse, soit dépit,

Se laissaient choir dans la rivière.

Il s'en noya le quart; un autre quart s'enfuit,
Et sous la dent du loup périt.

Colas, réduit à la misère,

S'aperçut, mais trop tard, que pour un bon pasteur Le plus court n'est pas le meilleur.

VI

LE BOUVREUIL ET LE CORBEAU.

Un Bouvreuil, un Corbeau, chacun dans une cage,

Habitaient le même logis.

L'un enchantait par son ramage

La femme, le mari, les gens, tout le ménage;
L'autre les fatiguait sans cesse de ses cris;

Il demandait du pain, du rôti, du fromage,
Qu'on se pressait de lui porter

Afin qu'il voulût bien se taire.

Le timide Bouvreuil ne faisait que chanter,
Et ne demandait rien; aussi pour l'ordinaire
On l'oubliait; le pauvre oiseau

Manquait souvent de grain et d'eau.
Ceux qui louaient le plus de son chant l'harmonie,
N'auraient pas fait le moindre pas

Pour voir si l'auge était remplie :

Ils l'aimaient bien pourtant, mais ils n'y pensaient pas.
Un jour on le trouva mort de faim dans sa cage.
-Ah! quel malheur ! dit-on : las! il chantait si bien!
De quoi donc est-il mort? Certes, c'est grand dommage!
Le Corbeau crie encor et ne manque de rien.

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LE SINGE QUI MONTRE LA LANTERNE MAGIQUE.

Messieurs les beaux esprits, dont la prose et les vers Sont d'un style pompeux et toujours admirable,

Mais

que l'on n'entend point, écoutez cette fable,
Et tâchez de devenir clairs.

Un homme qui montrait la lanterne magique

Avait un singe dont les tours

Attiraient chez lui grand concours;

Jacqueau (c'était son nom), sur la corde élastique
Dansait et voltigeait au mieux,

Puis faisait le saut périlleux,

Et puis, sur un cordon, sans que rien le soutienne,
Le corps droit, fixe et d'aplomb,
Notre Jacqueau fait tout du long

L'exercice à la prussienne.

Un jour qu'au cabaret son maître était resté

(C'était, je pense, un jour de fête),

Notre singe en liberté

Veut faire un coup de sa tête.

Il s'en va rassembler les divers animaux

Qu'il peut rencontrer dans la ville;

Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux

Arrivent bientôt à la file.

Entrez, entrez ! messieurs, criait notre Jacqueau ; C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau

Vous charmera gratis. Oui, messieurs, à la porte
On ne prend point d'argent; je fais tout pour l'honneur.
A ces mots chaque spectateur

Va se placer, et l'on apporte

La lanterne magique; on ferme les volets,
Et par un discours fait exprès
Jacqueau prépare l'auditoire.
Ce morceau vraiment oratoire
Fit bâiller; mais on applaudit.

Content de son succès, notre Singe saisit
Un verre peint, qu'il met dans sa lanterne.
Il sait comment on le gouverne,

Et crie en le poussant: -Est-il rien de pareil?
Messieurs, vous voyez le soleil,

Ses rayons et toute sa gloire.

Voici présentement la lune, et puis l'histoire
D'Adam, d'Eve et des animaux...........

Voyez, messieurs, comme ils sont beaux !
Voyez la naissance du monde ;

Voyez... Les spectateurs, dans une nuit profonde,
Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir,

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