LE TROUPEAU DE COLAS. Dès la pointe du jour sortant de son hameau, Sur sa route il trouve un ruisseau Que, la nuit précédente, un effroyable orage Qu'il peut franchir cette rivière ; Et, comme ses béliers sont forts, Il conclut que sans grands efforts Le troupeau sautera. Cela dit, il s'élance; Son chien saute après lui, béliers d'entrer en danse A qui mieux mieux; courage! allons! Après les béliers les moutons; Tout est en l'air, tout saute, et Colas les excite En s'applaudissant du moyen. Les béliers, les moutons sautèrent assez bien; Mais les brebis vinrent ensuite, Les agneaux, les vieillards, les faibles, les peureux; Se laissaient choir dans la rivière. Il s'en noya le quart; un autre quart s'enfuit, Colas, réduit à la misère, S'aperçut, mais trop tard, que pour un bon pasteur Le plus court n'est pas le meilleur. -340 LE BOUVREUIL ET LE CORBEAU. Un Bouvreuil, un Corbeau, chacun dans une cage, Habitaient le même logis. L'un enchantait par son ramage La femme, le mari, les gens, tout le ménage; Afin qu'il voulût bien se taire. Le timide Bouvreuil ne faisait que chanter, Manquait souvent de grain et d'eau. Pour voir si l'auge était remplie : Ils l'aimaient bien pourtant, mais ils n'y pensaient pas. Un jour on le trouva mort de faim dans sa cage. -Ah! quel malheur ! dit-on : las! il chantait si bien! De quoi donc est-il mort? Certes, c'est grand dommage! Le Corbeau crie encor et ne manque de rien. LE SINGE QUI MONTRE LA LANTERNE MAGIQUE. Messieurs les beaux esprits, dont la prose et les vers Un homme qui montrait la lanterne magique Attiraient chez lui grand concours; Jacqueau (c'était son nom), sur la corde élastique Dansait et voltigeait au mieux, Puis faisait le saut périlleux, Et puis, sur un cordon, sans que rien le soutienne, L'exercice à la prussienne. Un jour qu'au cabaret son maître était resté (C'était, je pense, un jour de fête), Notre singe en liberté Veut faire un coup de sa tête. Il s'en va rassembler les divers animaux Qu'il peut rencontrer dans la ville; Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux Arrivent bientôt à la file. Entrez, entrez ! messieurs, criait notre Jacqueau ; C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau Vous charmera gratis. Oui, messieurs, à la porte Va se placer, et l'on apporte La lanterne magique; on ferme les volets, Fit bâiller; mais on applaudit. Content de son succès, notre Singe saisit Et crie en le poussant: -Est-il rien de pareil? Ses rayons et toute sa gloire. Voici présentement la lune, et puis l'histoire Voyez, messieurs, comme ils sont beaux ! Voyez la naissance du monde ; Voyez... Les spectateurs, dans une nuit profonde, Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir, |