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-Il est vrai, dit le Chien; mais crois-tu plus heureux

Les auteurs de notre misère?

Va, ma sœur, il vaut encor mieux

Souffrir le mal que de le faire.

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IV

LE BONHOMME ET SON TRÉSOR

Un Bonhomme de mes parents,
Que j'ai connu dans mon jeune âge,
Se faisait adorer de tout son voisinage;
Consulté, vénéré des petits et des grands,
Il vivait dans sa terre en véritable sage.
Il n'avait pas beaucoup d'écus,

Mais cependant assez pour vivre dans l'aisance;
En revanche force vertus,

Du sens, de l'esprit par-dessus,
Et cette aménité que donne l'innocence.
Quand un pauvre venait le voir,

S'il avait de l'argent il donnait des pistoles,
Et s'il n'en avait point, du moins par ses paroles
Il lui rendait un peu de courage et d'espoir.
Il raccommodait les familles,

Corrigeait doucement les jeunes étourdis,
Riait avec les jeunes filles,

Et leur trouvait de bons maris.

Indulgent aux défauts des autres,

Il répétait souvent : N'avons-nous pas les nôtres? Ceux-ci sont nés boiteux, ceux-là sont nés bossus, L'un un peu moins, l'autre un peu plus;

La nature de cent manières

Voulut nous affliger: marchons ensemble en paix;

Le chemin est assez mauvais

⚫ Sans nous jeter encor des pierres.

Or il arriva certain jour,

Que notre bon vieillard trouva dans une tour
Un trésor caché sous la terre.

D'abord il n'y voit qu'un moyen
De pouvoir faire plus de bien;

Il le prend, l'emporte et le serre.
Puis en réfléchissant le voilà qui se dit :
Cet or que j'ai trouvé ferait plus de profit

Si j'en augmentais mon domaine;

J'aurais plus de vassaux, je serais plus puissant.

Je

peux mieux faire encor; dans la ville prochaine Achetons une charge, et soyons président.

Président! cela vaut la peine.

Je n'ai

pas fait mon droit; mais avec mon argent, On m'en dispensera, puisque cela s'achète.

Tandis qu'il rêve et qu'il projète,

Sa servante vient l'avertir

Que les jeunes gens du village

Dans la cour du château sont à se divertir.

Le dimanche, c'était l'usage,

Le seigneur se plaisait à danser avec eux.
-Oh! ma foi, répond-il, j'ai bien d'autres affaires;
Que l'on danse sans moi. L'esprit plein de chimères,
Il s'enferme tout seul pour se tourmenter mieux.
Ensuite il va joindre à sa somme

Un petit sac d'argent, reste du mois dernier.
Dans l'instant arrive un pauvre homme
Qui, tout en pleurs, vient le prier

De vouloir lui prêter vingt écus pour sa taille :
Le collecteur, dit-il, va me mettre en prison,

Et n'a laissé dans ma maison

Que six enfants sur de la paille.

Notre nouveau Crésus lui répond durement
Qu'il n'est point en argent comptant.
Le pauvre malheureux le regarde, soupire,
Et s'en retourne sans mot dire;

Mais il n'était pas loin que notre bon seigneur
Retrouve tout-à-coup son cœur ;

Il court au paysan, l'embrasse.

De cent écus lui fait don,

Et lui demande encor pardon.

Ensuite il fait crier que sur la grande place
Le village assemblé se rende dans l'instant.
On obéit; notre bonhomme

Arrive avec toute sa somme,

En un seul monceau la répand.

Mes amis, leur dit-il, vous voyez cet argent : Depuis qu'il m'appartient je ne suis plus le même;

Mon ame est endurcie, et la voix du malheur

N'arrive plus jusqu'à mon cœur.

Mes enfants, sauvez-moi de ce péril extrême;
Prenez et partagez ce dangereux métal;
Emportez votre part chacun dans votre asile :
Entre tous divisé, cet or peut être utile;
Réuni chez un seul il ne fait que du mal.

Soyons contents du nécessaire.

Sans jamais souhaiter de trésors surperflus :
Il faut les redouter autant que la misère;
Comme elle ils chassent les vertus.

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