Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Je veux peindre en mes vers des mères le modèle,

Le Sarigue, animal peu connu parmi nous,

Mais dont les soins touchants et doux,

Dont la tendresse maternelle

Seront de quelque prix pour vous.

Le fond du conte est véritable :

Buffon m'en est garant; qui pourrait en douter ! D'ailleurs tout dans ce genre a droit d'être croyable, Lorsque c'est devant vous qu'on peut le raconter.

— Maman, disait un jour à la plus tendre mère,
Un enfant péruvien sur ses genoux assis,
Quel est cet animal qui dans cette bruyère

Se promène avec ses petits?

Il ressemble au renard. - Mon fils, répondit-elle,

Du Sarigue c'est la femelle;

Nulle mère pour ses enfants

N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants,

La nature a voulu seconder sa tendresse,

Et lui fit près de l'estomac

Une poche profonde, une espèce de sac,
Où ses petits, quand un danger les presse,

Vont mettre à couvert leur faiblesse.

Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir. L'enfant frappe des mains: la Sarigue attentive

Se dresse, et d'une voix plaintive

[graphic]

Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,

Et de s'élancer vers la mère

En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.

La poche s'ouvre, les petits

En un instant y sont blottis,

Et disparaissent tous; la mère avec vitesse
S'enfuit emportant sa richesse.

La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris :
-Si jamais le sort t'est contraire,

Souviens-toi du Sarigue; imite-le, mon fils :
L'asyle le plus sûr est le sein d'une mère.

LE VIEUX ARBRE ET LE JARDINIER.

Un Jardinier dans son jardin

Avait un vieux arbre stérile;

C'était un grand poirier, qui jadis fut fertile :
Mais il avait vieilli, tel est notre destin.

Le Jardinier ingrat veut l'abattre un matin;
Le voilà qui prend sa cognée.

Au premier coup l'Arbre lui dit :

Respecte mon grand âge, et souviens-toi du fruit Que je t'ai donné chaque année.

La mort va me saisir, je n'ai plus qu'un instant;

N'assassine pas un mourant

Qui fut ton bienfaiteur. -Je te coupe avec peine, Répond le Jardinier; mais j'ai besoin de bois.

Alors, gazouillant à la fois,

De rossignols une centaine

[ocr errors]

S'écrie: Épargne-le; nous n'avons plus que lui.
Lorsque ta femme vient s'asseoir sous son ombrage,
Nous la réjouissons par notre doux ramage;

Elle est seule souvent, nous charmons son ennui.
Le Jardinier les chasse, et rit de leur requête.
Il frappe un second coup; d'abeilles un essaim
Sort aussitôt du tronc en lui disant : Arrête ;
Écoute-nous, homme inhumain ;

Si tu nous laisses cet asyle,

Chaque jour nous te donnerons

Un miel délicieux dont tu peux à la ville
Porter et vendre les rayons;

Cela te touche-t-il ? J'en pleure de tendresse,

Répond l'avare Jardinier :

Eh! que ne dois-je pas à ce pauvre poirier
Qui m'a nourri dans sa jeunesse ?

Ma femme quelquefois vient ouïr ces oiseaux ;
C'en est assez pour moi : qu'ils chantent en repos.
Et vous qui daignerez augmenter mon aisance,
Je veux pour vous de fleurs semer tout ce canton.
Cela dit, il s'en va, sûr de sa récompense,

Et laisse vivre le vieux tronc.

Comptez sur la reconnaissance
Quand l'intérêt vous en répond.

III

LA BREBIS ET LE CHIEN.

La Brebis et le Chien, de tous les temps amis,
Se racontaient un jour leur vie infortunée.
—Ah! disait la Brebis, je pleure et je frémis
Quand je songe aux malheurs de notre destinée.
Toi, l'esclave de l'homme, adorant des ingrats,
Toujours soumis, tendre et fidèle,

Tu reçois pour prix de ton zèle
Des coups et souvent le trépas.

Moi qui tous les ans les habille,

Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs, Je vois chaque matin quelqu'un de ma famille

Assassiné par ces méchants.

Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste.
Victime de ces inhumains,

Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains,
Voilà notre destin funeste!

« AnteriorContinuar »