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XV

LE LIERRE ET LE THYM.

Que je te plains, petite plante!
Disait un jour le Lierre au Thym :
Toujours ramper, c'est ton destin;

Ta tige chétive et tremblante

Sort à peine de terre, et la mienne dans l'air, Unie au chêne altier que chérit Jupiter,

S'élance avec lui dans la nue.

Il est vrai, dit le Thym, ta hauteur m'est connue; Je ne puis sur ce point disputer avec toi :

Mais je me soutiens par moi-même ;

Et sans cet arbre, appui de ta faiblesse extrême, Tu ramperais plus bas que moi.

Traducteurs, éditeurs, faiseurs de commentaires, Qui nous parlez toujours de grec ou de latin,

Dans vos discours préliminaires,

Retenez ce que dit le Thym.

LE CHAT ET LA LUNETTE.

Un Chat sauvage et grand chasseur
pour faire bombance,

S'établit,

Dans le parc d'un jeune seigneur Où lapins et perdrix étaient en abondance. Là, ce nouveau Nembrod, la nuit comme le jour, A la course, à l'affût également habile, Poursuivait, attendait, immolait tour-à-tour

Et quadrupède et volatile.

Les gardes épiaient l'insolent braconnier;
Mais dans le fort du bois, caché près d'un terrier,
Le drôle trompait leur adresse.
Cependant il craignait d'être pris à la fin,

Et se plaignait que la vieillesse

Lui rendît l'œil moins sûr, moins fin.

Ce penser lui causait souvent de la tristesse, Lorsqu'un jour il rencontre un petit tuyau noir Garni par les deux bouts de deux glaces bien nettes;

C'était une de ces lunettes

Faites pour l'Opéra, que, par hasard, un soir,

Le maître avait perdue en ce lieu solitaire.
Le Chat, d'abord, la considère,

La touche de sa griffe, et de l'extrémité
La fait à petits coups rouler sur le côté,
Court après, s'en saisit, l'agite, la remue,
Étonné que rien n'en sortît.

Il s'avise à la fin d'appliquer à sa vue
Le verre d'un des bouts; c'était le plus petit.
Alors il aperçoit sous la verte coudrette

Un lapin que ses yeux tout seuls ne voyaient pas.

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-Ah! quel trésor! dit-il en serrant sa Lunette

Et courant au lapin, qu'il croit à quatre pas.
Mais il entend du bruit; il reprend sa machine,

S'en sert par l'autre bout, et voit dans le lointain
Le garde qui vers lui chemine.
Pressé par la peur, par la faim,

Il reste un moment incertain,

Hésite, réfléchit, puis de nouveau regarde :

Mais toujours le gros bout lui montre loin le garde,

Et le petit tout près lui fait voir le lapin.

Croyant avoir le temps, il va manger la bête;

Le garde est à vingt pas qui vous l'ajuste au front, Lui met deux balles dans la tête,

Et de sa peau fait un manchon.

Chacun de nous a sa lunette,

Qu'il retourne suivant l'objet : On voit là-bas ce qui déplaît, On voit ici ce qu'on souhaite.

XVII

LE JEUNE HOMME ET LE VIEILLARD.

De grâce, apprenez-moi comment l'on fait fortune, Demandait à son père un jeune ambitieux.

— Il est, dit le vieillard, un chemin glorieux,
C'est de se rendre utile à la cause commune,

De prodiguer ses jours,, ses veilles, ses talents
Au service de la patrie.

-Oh! trop pénible est cette vie;

Je veux des moyens moins brillants.

-Il en est de plus sûrs, l'intrigue...-Elle est trop vile. Sans vice et sans travail je voudrais m'enrichir.

-Eh bien ! sois un simple imbécile ;

J'en ai vu beaucoup réussir.

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