LES DEUX JARDINIERS. Deux frères Jardiniers avaient, par héritage, Ensemble ils faisaient leur ménage. L'un d'eux, appelé Jean, bel esprit, beau parleur. Et monsieur Jean passait sa vie Bientôt, donnant l'essor à son rare génie, Il voulut découvrir comment, d'un pois tout seul, Pourquoi la graine du tilleul, Qui produit un grand arbre, est pourtant plus petite Que la fève, qui meurt à deux pieds du terrain ; Enfin par quel secret mystère Cette fève, qu'on sème au hasard sur la terre, Place en bas sa racine et pousse en haut sa tige. Tandis qu'il rêve et qu'il s'afflige De ne point pénétrer ces importants secrets, Il n'arrose point son marais; Ses épinards et sa laitue Sèchent sur pied; le vent du Nord lui tue Ses figuiers, qu'il ne couvre pas. Point de fruits au marché, point d'argent dans la bourse : Et le pauvre docteur, avec ses almanachs, N'a que son frère pour ressource. Celui-ci, dès le grand matin, Travaillait en chantant quelque joyeux refrain, Ce fut lui qui nourrit son frère; Et quand monsieur Jean, tout surpris, Lequel rapporte davantage? Tu te tourmentes, je jouis: Qui de nous deux est le plus sage? Un vieux Chat, son compagnon, Voyant sa surprise extrême, En passant lui dit ce mot : - Tu croyais donc, pauvre sot, Que c'est pour nous qu'on nous aime! XII LE VACHER ET LE GARDE-CHASSE. Colin gardait un jour les vaches de son père; Et s'ennuyait tout seul. Le garde sort du bois : -Il vient de passer par là-bas, Lui répondit Colin: mais, si vous êtes las, Je réponds du chevreuil.—Ma foi, je le veux bien. S'arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu'à regret, Le chien bat les buissons; il va, vient, sent, arrête, Tire aussitôt, manque la bête, Et blesse le pauvre Sultan. |