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LES DEUX PAYSANS ET LE NUAGE.

-Guillot, disait un jour Lucas
D'une voix triste et lamentable,

Ne vois-tu pas venir là-bas

Ce gros nuage noir? C'est la marque effroyable

Du plus grand des malheurs.-Pourquoi? répond Guillot. -Pourquoi ? regarde donc; ou je ne suis qu'un sot,

Ou ce nuage est de la grêle

Qui va tout abîmer, vigne, avoine, froment;

Toute la récolte nouvelle

Sera détruite en un moment.

Il ne restera rien; le village en ruine

Dans trois mois aura la famine,

Puis la peste viendra, puis nous périrons tous.

- La peste ! dit Guillot doucement, calmez-vous,
Je ne vois point cela, compère :

Et, s'il faut vous parler selon mon sentiment,
C'est que je vois tout le contraire ;

Car ce nuage assurément

Ne porte point de grêle, il porte de la pluie.

La terre est sèche dès longtemps,

Il va bien arroser nos champs;

Toute notre récolte en doit être embellie;

Nous aurons le double de foin,

Moitié plus de froment, de raisins abondance;

Nous serons tous dans l'opulence,

Et rien, hors les tonneaux, ne nous fera besoin.
C'est bien voir que cela! dit Lucas en colère.
Mais chacun a ses yeux, lui répondit Guillot.
-Oh! puisqu'il est ainsi, je ne dirai plus mot;
Attendons la fin de l'affaire:

Rira bien qui rira le dernier. - Dieu merci!
Ce n'est pas moi qui pleure ici.

Ils s'échauffaient tous deux ; déjà, dans leur furie,
Ils allaient se gourmer, lorsqu'un souffle de vent
Emporta loin de là le nuage effrayant :

Ils n'eurent ni grêle ni pluie.

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DON QUICHOTTE.

Contraint de renoncer à la chevalerie,

Don Quichotte voulut, pour se dédommager,
Mener une plus douce vie,

Et choisit l'état de berger.

Le voilà donc qui prend panetière et houlette,
Le petit chapeau rond garni d'un ruban vert
Sous le menton faisant rosette.

Jugez de la grâce et de l'air

De ce nouveau Tircis! Sur sa rauque musette
Il s'essaie à charmer l'écho de ces cantons,

Achète au boucher deux moutons,

Prend un roquet galeux, et, dans cet équipage,
Par l'hiver le plus froid qu'on eût vu de longtemps,
Dispersant son troupeau sur les rives du Tage,
Au milieu de la neige il chante le printemps.
Point de mal jusque-là; chacun à sa manière
Est libre d'avoir du plaisir.

Mais il vint à passer une grosse vachère;
Et le pasteur, pressé d'un amoureux désir,

:-O belle Timarette!

Court et tombe à ses pieds : —

Dit-il, toi que l'on voit parmi tes jeunes sœurs

Comme le lis parmi les fleurs,

Cher et cruel objet de ma flamme secrète,

Abandonne un moment les soins de tes agneaux,
Viens voir un nid de tourtereaux

Que j'ai découvert sur ce chêne.

Je veux te le donner : hélas! c'est tout mon bien.

Ils sont blancs: leur couleur, Timarette, est la tienne : Mais, par malheur pour moi, leur coeur n'est pas le tien. A ce discours, la Timarette,

Dont le vrai nom était Fanchon,

Ouvre une large bouche, et d'un œil fixe et bête

Contemple le vieux Céladon,

Quand un valet de ferme, amoureux de la belle,
Paraissant tout-à-coup, tombe à coups de bâton
Sur le berger tendre et fidèle,

Et vous l'étend sur le gazon.

Don Quichotte criait : - Arrête,

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Pasteur ignorant et brutal;

Ne sais-tu pas nos lois? le cœur de Timarette
Doit devenir le prix d'un combat pastoral:
Chante, et ne frappe pas. Vainement il l'implore,
L'autre frappait toujours, et frapperait encore

Si l'on n'était venu secourir le berger

Et l'arracher à sa furie.

Ainsi, guérir d'une folie,

Bien souvent ce n'est qu'en changer.

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