LE CALIFE. Autrefois dans Bagdad le calife Almamon Cent colonnes d'albâtre en formaient le portique : Dans les appartements embellis de sculpture, Et les trésors du luxe et ceux de la nature, Roulant leurs ondes bondissantes A côté des lits de brocart. Près de ce beau palais, juste devant l'entrée, Là, content du petit produit D'un grand travail, sans dette et sans soucis pénibles, Le bon vieillard, libre, oublié, Point envieux, point envié. J'ai déjà dit que sa retraite Masquait le devant du palais. Le vizir veut d'abord, sans forme de procès, Mais le Calife veut que d'abord on l'achète. Répond doucement le pauvre homme; Je n'ai besoin de rien avec mon atelier; Et quant à ma maison je ne puis m'en défaire; C'est là que je suis né, c'est là qu'est mort mon père; Je prétends y mourir aussi. Le Calife, s'il veut, peut me chasser d'ici, Mais, s'il le fait, il me verra Venir chaque matin sur la dernière pierre Je connais Almamon, son cœur en gémira. Cet insolent discours excita la colère Du vizir, qui voulait punir ce téméraire J'ordonne qu'à mes frais elle soit réparée; Ma gloire tient à sa durée : Je veux que nos neveux, en la considérant, IX LA MORT. La Mort, reine du monde, assembla certain jour Elle voulait choisir un bon premier ministre Pour remplir cet emploi sinistre, Du fond du noir Tartare avancent à pas Rendaient justice à leurs talents. lents La Mort leur fit accueil. La Peste vint ensuite. Lorsque d'un médecin arriva la visite, Et l'on ne sut alors qui devait l'emporter; Mais les Vices étant venus, Dès ce moment la Mort n'hésita plus: Elle choisit l'Intempérance. |