Que j'aime les héros dont je conte l'histoire ! Je conviens cependant, et c'est avec douleur, Plusieurs, que l'on connaît sans qu'ici je les nomme, De nos vices ont bonne part: Mais je les trouve encor moins dangereux que l'homme, Un bon fermier de mon pays. Depuis quatre-vingts ans, de tout le voisinage, Chaque mot qu'il disait était une sentence. Il jugeait les procès ou réglait les familles, Je me souviens qu'un jour, dans son champêtre asile Il vint un savant de la ville, Qui dit au bon vieillard: - Mon père, enseignez-moi Vous apprîtes l'art d'être sage. Chez quelle nation, à la cour de quel roi, Prendre des leçons de justice? Celle de Pythagore ou du divin Platon ? - De tous ces messieurs-là je ne sais pas le nom, Répondit le vieillard: mon livre est la nature, Et mon unique précepteur C'est mon cœur. Je vois les animaux, j'y trouve le modèle En voyant la Fourmi j'amassai pour jouir; Mes Brebis la douceur, mes Chiens la vigilance; Pour aimer mes filles, mes fils, La Poule et ses Poussins me serviraient d'exemple. Ma raison sait régler mes vœux ; C'est mon secret pour être heureux. |