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Douce erreur qui toujours fait voir l'objet qu'on aime Ressemblant à nous trait pour trait!

Jaloux de son bonheur, un vieux Chardonneret

Vient lui dire : Il est temps enfin de vous connaître : Ceux pour qui vous avez de si doux sentiments

Ne sont point du tout vos parents,

C'est d'un chardonneret que le sort vous fit naître. Vous ne fûtes jamais serin: regardez-vous,

Vous avez le corps fauve et la tête écarlate,

Le bec...-Oui, dit l'oiseau, j'ai ce qu'il vous plaira : Mais je n'ai point une ame ingrate,

Et mon cœur toujours chérira

Ceux qui soignèrent mon enfance.

Si mon plumage au leur ne ressemble pas bien,
J'en suis fàché; mais leur cœur et le mien

Ont une grande ressemblance.

Vous prétendez prouver que je ne leur suis rien, Leurs soins me prouvent le contraire.

Rien n'est vrai comme ce qu'on sent.

Pour un oiseau reconnaissant

Un bienfaiteur est plus qu'un père.

LE CHAT ET LE MIROIR.

Philosophes hardis, qui passez votre vie

A vouloir expliquer ce qu'on n'explique pas, Daignez écouter, je vous prie,

Ce trait du plus sage des Chats.

Sur une table de toilette

Ce Chat aperçut un miroir ;

Il y saute, regarde, et d'abord pense voir
Un de ses frères qui le guette.

Notre Chat veut le joindre, il se trouve arrêté.
Surpris, il juge alors la glace transparente,

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Ne trouve rien, revient, et le chat se présente. Il réfléchit un peu : de peur que l'animal,

Tandis qu'il fait le tour, ne sorte,

Sur le haut du miroir il se met à cheval,
Une patte par ci, l'autre par là; de sorte

Qu'il puisse partout le saisir.

Alors, croyant bien le tenir,

Doucement vers la glace il incline sa tête,

Aperçoit une oreille, et puis deux... A l'instant,
A droite, à gauche, il va jetant

Sa griffe qu'il tient toute prête :

Mais il perd l'équilibre, il tombe, et n'a rien pris.

Alors, sans davantage attendre,

Sans chercher plus longtemps ce qu'il ne peut comprendre, Il laisse le miroir et retourne aux souris :

Que m'importe, dit-il, de percer ce mystère?

Une chose que notre esprit,

Après un long travail n'entend ni ne saisit,

Ne nous est jamais nécessaire.

LA CARPE ET LES CARPILLONS.

Prenez garde, mes fils, côtoyez moins le bord,

Suivez le fond de la rivière;

Craignez la ligne meurtrière,

Ou l'épervier, plus dangereux encor. C'est ainsi que parlait une Carpe de Seine

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A de jeunes poissons qui l'écoutaient à peine.
C'était au mois d'avril : les neiges, les glaçons,
Fondus par les zéphirs descendaient des montagnes;
Le fleuve enflé par eux s'élève à gros bouillons,
Et déborde dans les campagnes.

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Ah! ah! criaient les Carpillons,

Qu'en dis-tu, Carpe radoteuse?

Crains-tu pour nous les hameçons?

Nous voilà citoyens de la mer orageuse :

Regarde; on ne voit plus que les eaux et le ciel,

Les arbres sont cachés sous l'onde,

Nous sommes les maîtres du monde ;
C'est le déluge universel..

-Ne croyez pas cela, répond la vieille mère; Pour que l'eau se retire il ne faut qu'un instant : Ne vous éloignez point, et de peur d'accident Suivez, suivez toujours le fond de la rivière.

Bah! disent les poissons, tu répètes toujours
Mêmes discours.

Adieu, nous allons voir notre nouveau domaine.
Parlant ainsi, nos étourdis

Sortent tous du lit de la Seine,

Et s'en vont dans les eaux qui couvrent le pays.
Qu'arriva-t-il? Les eaux se retirèrent,

Et les Carpillons demeurèrent;
Bientôt ils furent pris,

Et frits.

Pourquoi quittaient-ils la rivière?
Pourquoi! je le sais trop, hélas !

C'est qu'on se croit toujours plus sage que sa mère,

C'est qu'on veut sortir de sa sphère,

C'est

c'est que...

que...

Je ne finirais pas.

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