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direct. Elle n'a pas de valeur théorique, parce qu'elle néglige les liens qui existent entre les branches les plus différentes de l'administration, les secours que chacune apporte aux autres et ceux qu'elle en reçoit, en un mot la solidarité qui les unit; parce qu'elle ne fait pas de place, au dessus de ces fonctions spécialisées, à la fonction générale et synthétique qui les coordonne et les harmonise, qui les empêche d'aboutir à des résultats contradictoires, qui les fait converger vers un même but supérieur. A cette fonction générale et synthétique il faut un organe. Remarquez qu'on peut bien ne pas la faire entrer en ligne de compte, mais qu'on ne s'en débarrasse pas pour cela; il faut qu'elle soit remplie, bien ou mal; dans le système dont nous parlons, et qu'on peut appeler conventionnel, parce qu'il a été appliqué sous la Convention, elle est remplie, mais irrégulièrement et d'une manière défectueuse, par la Chambre ellemême, qui prend à sa charge le gouvernement proprement dit, qui se fait le pouvoir exécutif.

C'est un fait qui devrait être considéré comme acquis, que la majorité d'une Assemblée représentative est apte à contrôler le pouvoir exécutif, non à l'exercer. Les radicaux qui méconnaissent ce fait restent au dessous de la science politique; ils se montrent, sur ce point, aussi arriérés que superficiels. « Il est essentiel à nos libertés, dit Macaulay, que la Chambre des communes exerce un contrôle sur toutes les branches du pouvoir exécutif. Et cependant il est évident qu'une Assemblée de cinq ou six cents individus, lors même qu'ils dépasseraient de beaucoup par l'intelligence la moyenne des membres du meilleur parlement, paraît impropre aux fonctions exécutives. » D'où vient ce défaut d'aptitude des Assemblées? Macaulay, après l'avoir constaté et déclaré évident, l'explique en gros en disant que, pour bien remplir les fonctions exécutives, elles sont trop nombreuses et trop diversement composées. Mais quel rapport le nombre et la diversité de composition ont-ils avec le défaut de capacité exécutive?

Il n'est pas bien difficile de répondre à cette question. La majorité d'une Assemblée représentative ne peut exercer le pouvoir exécutif qu'au moyen de comités qui lui proposent les décisions à prendre et qui surveillent l'exécution des décisions qu'elle a prises. Les ministres, simples agents chargés de les exécuter, ne sont pas responsables des conséquences qui en naissent. Les comités, groupes de députés formés et renouvelés par le choix de leurs collègues, ne sauraient l'être davantage, avec leur seul droit de proposition et de surveillance. Enfin, la responsabilité ne se trouve pas non plus dans l'Assemblée, chaque député ne devant compte qu'à sa conscience et à ses mandataires particuliers des votes qu'il émet et qui peuvent ou non s'accorder avec ceux de ses collègues. Il est vrai que l'Assemblée décide; mais sa volonté d'aujourd'hui, telle qu'elle est exprimée par le scrutin, résultant de la rencontre de volontés particulières sur un certain objet, n'engage pas sa volonté

de demain, qui se formera de la même manière, pas plus qu'elle n'était engagée par sa volonté d'hier. Elle ne sent pas de lien entre ses déterminations consécutives qui lui sont comme extérieures, qui peuvent quelquefois la surprendre elle-même. Que l'on compare, sous ce rapport, une Assemblée représentative à un cabinet parlementaire, ou encore à un président américain !

La responsabilité intellectuelle et morale ne peut exister en réalité que dans l'individu. Elle est insaisissable et se trouve réduite au minimum dans une Assemblée nombreuse, parce qu'elle s'amoindrit dans la mesure où elle se partage; chaque député se lave les mains de ce qui doit advenir, où il n'a pris qu'une faible part, et que son abstention ou son vote négatif, à lui tout seul, n'aurait pas empêché; chaque député rejette tout ce qui a été fait sur l'être collectif assemblée. Mais cet être collectif est une puissance impersonnelle et anonyme, et l'idée de responsabilité ne s'associe pas à celle d'une telle puissance. Ajoutons que cette puissance est variable; elle dépend des groupements et des combinaisons variables des partis. Dans une Assemblée représentative le mot majorité n'exprime pas une force et une direction politiques et administratives déterminées, toujours et nécessairement les mêmes. Les majorités se font et se défont; elles peuvent se faire par des coalitions; elles peuvent se défaire par des compétitions et des divisions de personnes. C'est ainsi qu'au nombre se joint la diversité de composition comme cause d'irresponsabilité. Il faut considérer que les Assemblées représentatives ne ressemblent pas aux sénats de l'antiquité, à la Chambre des lords de l'Angleterre. Les membres dont elle se compose sont tenus indépendants et insolidaires les uns des autres par la diversité des mandats qu'ils reçoivent. Ils le sont même quelquefois au point de ne pouvoir former une majorité assez unie, assez constante pour le simple contrôle. Comment ces mandats divers, plus ou moins précis, qui créent à chacun d'eux une responsabilité particulière devant ses électeurs, qui tendent par là même à les diviser, leur permettraient-ils de former une majorité assez unie, assez constante pour l'action gouvernementale? N'y a-t-il pas un antagonisme évident entre cette responsabilité particulière, qui vient du mandat, et la responsabilité gouvermentale de l'Assemblée? Nous saisissons en son principe le vice du régime conventionnel. La majorité d'une Assemblée représentative ne peut être qu'un mauvais pouvoir exécutif, parce qu'elle ne peut être qu'un pouvoir exécutif irresponsable.

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TABLE DES MATIÈRES

DU PREMIER VOLUME DE LA NEUVIÈME ANNÉE.

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Les labyrinthes de la méthaphysique. Le déterminisme et le libre arbitre.
VII. Le déterminisme stoïcien et ses adversaires (Renouvier).

1

49, 65

55, 91

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Les labyrinthes de la métaphysique. VII. Le libre arbitre selon les épicuriens
et le commentaire de M. Guyau (R.).

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Le fétichisme, sa définition, sa place dans l'histoire des religions (R.).
La source psychologique du fétichisme, de la sorcellerie, de la magie et de
l'astrologie (R.). . . .

Les vues de M. Pécaut sur les questions d'enseignement. Écoles d'apprentis-
sage, égalité des conditions légales de capacité pour l'enseignement (F. P.).

Les sentiments et les idées (J. M.).

97

107, 139

145, 209

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Les réformes de l'enseignement. IV. L'enseignement pratique (R.)

Les réformes de l'enseignement.
V. Les méthodes et les programmes de

-

Pages.

241, 339, 401

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Histoire de la démocratie en Europe, par sir Thomas Erskine May, traduit libre-
ment de l'anglais par H. Fargues.

198

22

The criminal code of the Jews, etc. Le code criminel des Juifs
Talmud

-

Massecheth Synhedrin, par Philip Berger Benny.

279, 305, 331, 361

Société pour le progrès des études; rapport présenté à l'asemblée générale
par M. Jules Nicole. . . .
Introduction à un nouveau système d'harmonie, par Abramo Basevi, traduite de
l'italien par Louis Delâtre.

Histoire du matérialisme et critique de son importance, par F.-A. Lange.

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