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l'appréciation du juge d'instruction, celui-ci pouvait ordonner des expertises, en dehors des formes légales, c'est-à-dire sans que l'inculpé y fût présent, sans même l'en aviser, et sans l'obligation de choisir dans la liste officielle. Mais, au cours de la discussion, et à la séance du 28 juillet 1882, M. le sénateur Bernard proposa un système plus radical que celui du projet il demandait que l'on organisât l'expertise, non pas seulement surveillée, mais absolument contradictoire, en donnant aux deux experts les mêmes pouvoirs et en les faisant procéder en commun à toutes les opérations de l'expertise. Ce système, combattu par le rapporteur, ne fut pas pris en considération. Le projet du Sénat organisait, en effet, plutôt un contrôle qu'une contradiction de l'instruction préparatoire, et le système de l'expertise était adapté aux conceptions générales qui avaient prévalu pour l'ensemble des opérations de cette phase du procès.

Transmis à la Chambre, le projet fut rapporté, le 15 novembre 1883, par M. Goblet '. La commission de la Chambre avait effacé, dans l'article 66, les mots dangereux, introduits par le Sénal, sans en avertir l'inculpé, estimant, avec quelque raison, que l'on pouvait, dans la plupart des cas dits d'urgence, sauvegarder le principe même du contrôle, et permettre à l'inculpé de choisir son expert, immédiatement, et sans retarder l'opération. Ce n'était plus alors que dans le cas où l'inculpé n'avait pas exercé ce choix que l'expertise se trouvait confiée à l'expert du juge d'instruction, agissant seul et sans contrôle. A part cette modification, les règles de l'expertise restaient les mêmes. Au cours de la discussion qui eut lieu, pendant les mois d'octobre et novembre 1884, le Dr Chevandier déposa un amendement, d'après lequel le juge d'instruction nommerait toujours, sauf pour les cas peu graves, deux experts, ayant le même caractère, les mêmes droits et agissant en commun. Avec cet amendement, les trois

1784.

7 V. Journ. off., Chambre, annexes, 1883, no 2377, p. 1784. 8 C'est le même Dr Chevandier qui devait faire voter plus tard la proposition de loi sur l'exercice de la médecine, qui est devenue la loi du 30 novembre 1892, dite loi Chevandier.

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systèmes, actuellement proposés, pour organiser la contradiction dans l'expertise, ont donc été examinés, au cours de la discussion du projet de réforme du Code d'instruction criminelle surveillance par un expert nommé par l'inculpé; opérations faites en commun par deux experts d'origine différente, désignés, l'un par le juge d'instruction, l'autre par l'inculpé; opérations faites en commun, par deux experts de même origine, nommés l'un et l'autre par le juge d'instruction'.

A la séance du 9 novembre 1884, la Chambre décida qu'elle passerait à une seconde délibération. Le rapporteur, M. Bovier-Lapierre déposa un rapport sur le projet voté en première lecture. Mais la législature prit fin sans que le projet pût ètre adopté en deuxième délibération. Malgré le vote de l'urgence, le 15 novembre 1887, et le dépôt successif de deux nouveaux rapports par M. Bovier-Lapierre, le 15 juin 1891 10 et le 3 décembre 1895 ", le projet ne put aboutir. Bien inspiré, M. Constans, en vue d'éviter un avortement définitif, déposait, en 1897, une proposition de loi, ayant pour but d'introduire, dans l'instruction préparatoire, les réformes les plus urgentes. Cette proposition devint la loi du 8 décembre 1897 qui ne modifie pas, directement au moins, le système des expertises criminelles.

369. Cependant, les projets de réforme de l'expertise n'étaient pas abandonnés. Au cours même de la discussion de la loi Constans, les sénateurs Thézard et Thévenet présen taient une proposition de loi, en trois articles, tendant à établir l'expertise contradictoire, et n'organisant, en réalité, que l'expertise surveillée. Mais le système de l'expertise contradictoire qui avait été, devant le Sénat, l'objet de l'amende ment de M. le sénateur Bernard, fut repris dans une proposition de loi, déposée à la Chambre des députés, le 8 décem

Journ. off., Chambre, annexes, 1885, p. 714. 10 Journ. off., Chambre, annexes, 1891, p. 115. 11 Journ. off., Chambre, annexes, 1895, p. 1520.

bre 1898, par M. Cruppi. Cette proposition contenait huit articles et n'avait pour objet que de réglementer les expertises. médico-légales. Renvoyée à la commission des réformes judiciaires, elle en revint modifiée, et fut étendue à toutes les expertises. Elle a été discutée, et, après déclaration d'urgence, adoptée, à la Chambre, le 30 juin 189912.

370. Les réformes, dont l'expertise serait l'objet, d'après ce projet de loi, portent sur trois points: 1° Création d'une liste annuelle; 2° Fonctionnement contradictoire de l'expertise; 3° Organisation d'un arbitrage, en cas de désaccord des experts.

I. Le choix des experts, sur une liste annuelle de capacité, paraît être la condition même de l'expertise contradictoire ".

12 Pour le texte de la proposition: Journ. off., Chambre, annexes, 1898, session extraordinaire, no 407, p. 310. Pour le rapport de M. Cruppi, Journ. off., Chambre, annexes, 1898, no 484, p. 447. Voy. les débats, à la Chambre, dans Journ. off. des 29 et 30 juin 1899.

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13 Les deux premiers articles du projet sont relatifs à la création de cette liste. Art. 1. « La liste des experts admis à pratiquer les expertises en ma<«tière criminelle et correctionnelle est dressée, chaque année, pour l'année << suivante, par les cours d'appel, le procureur général entendu, sur l'avis <«< des tribunaux de première instance. Les experts sont classés par caté«gories sur cette liste, qui ne comprend pas de membres de droit, à l'excep<«<tion de ceux qui sont institués à l'article 2 ». — Art. 2. « La liste des <«<médecins et chirugiens admis à pratiquer les expertises médico-légales de<< vant les tribunaux est dressée chaque année, pour l'année suivante, par << les cours d'appel, le procureur général entendu, sur la proposition des <<< tribunaux civils, des facultés et écoles de médecine, de pharmacie et de << sciences. Les professeurs et chargés de cours desdites facultés, les « médecins, chirurgiens, accoucheurs et pharmaciens des hôpitaux dans les « villes où siègent des facultés ou écoles de médecine de plein exercice, les <«< médecins d'hospices et d'asiles publics d'aliénés, les membres de l'Acadé«mie de médecine feront partie de droit de cette liste; ils seront autant <«< que possible classés par catégorie suivant leur spécialité ». Art. 3. «Le juge ou la juridiction compétente désigne, sur la liste annuelle « dressée en conformité des articles précédents, un expert ou plusieurs, s'il « y a lieu à des recherches scientifiques distinctes. — La désignation dudit << ou desdits experts est immédiatement notifiée à l'inculpé, qui a le droit « de choisir sur la liste annuelle qui lui est communiquée un nombre égal

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Cette liste sera dressée, pour tout le ressort, par la cour d'appel qui statuera annuellement, le procureur général entendu, sur la proposition des tribunaux de première instance. Le juge et l'inculpé pourront exercer leur choix sur tous les noms retenus par la cour, et non pas seulement sur les noms des seuls experts résidant dans le département.

Mais le projet ne prévoit pas les circonstances exceptionnelles dans lesquelles il peut être nécessaire que l'opération d'expertise soit confiée à une sommité scientifique ne résidant pas dans le ressort. L'institution de membres de droit vient limiter le pouvoir de la cour d'appel. Cette innovation a été introduite dans le but de donner plus de garanties à l'inculpé, en lui accordant la faculté de choisir des hommes d'autant plus indépendants de la justice qu'ils ne doivent leur vocation qu'à leur situation scientifique.

II. Le fonctionnement contradictoire de l'expertise est assuré par le système de la dualité et de l'égalité des experts:

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« d'experis. Cette désignation doit être faite dans le délai de trois jours << francs à dater de la notification. - Dans le cas où l'inculpé n'a pas répondu « dans ce délai, le juge nomme un deuxième expert, comme il est dit à l'ar«ticle 6 (Erreur matérielle, c'est l'art. 5 qu'il faut lire). — Dans le cas où « une opération urgente d'expertise est prescrite par le président de la cour d'assises, l'accusé exerce, séance tenante, s'il le juge utile, son droit de <<< choisir un expert. S'il y a plusieurs inculpés, ils doivent se concerter <«< pour faire cette désignation ». — Art. 4. « Les experts, désignés au pará«<graphe 2 de l'article 2, ne peuvent être choisis que si cette mesure qui doit « être justifiée par la gravité de l'affaire est autorisée par ordonnance moti«vée du président du tribunal ou du président de la juridiction saisie. «Lesdites ordonnances ne sont susceptibles d'aucun recours ». — Art. 5. «Si l'auteur du crime et du délit est inconnu, ou si le prévenu est en fuite, « l'expertise ordonnée par le juge devra être confiée à deux experts au moins, << choisis sur la liste annuelle ». Art. 6. Il ne peut être procédé aux opéra«tions par un seul expert que dans le cas où l'inculpé renonce formelle"ment à l'expertise contradictoire et accepte l'expert désigné par le juge ». Art. 7. « Les experts désignés par le juge d'instruction et le prévenu jouissent des mêmes droits et prérogatives. Ils procèdent ensemble à tou<< tes les opérations et leurs conclusions sont prises dans un rapport commun

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après avoir été discutées contradictoirement ». Art. 10. « Les frais « d'expertise résultant de la présente loi seront passés en frais de justice « criminelle ».

le juge d'instruction désigne, sur la liste annuelle, un ouplusieurs experts; l'inculpé choisit, à son tour, sur la liste, un nombre égal à celui des désignations opérées par le magistrat. La notification obligatoire de l'ordonnance du juge qui nomme les experts est le point de départ d'un délai de trois jours francs pendant lequel l'inculpé exerce son droit. Les experts ont le même rôle, les mêmes prérogatives; ils procèdent ensemble à toutes les opérations et leurs conclusions sont prises, dans un rapport commun, après avoir été discutées contraditoirement. Les frais d'expertise, sans distinction suivant l'origine des experts, sont entièrement compris dans les frais de justice.

Dans un certain nombre de cas exceptionnels, le principe de la contradiction, réalisé par deux groupes d'experts, a dù être abandonné. Le premier est celui où l'inculpé n'a pas répondu, dans le délai de trois jours, à la notification de l'ordonnance. Le second est le cas où l'inculpé renonce expressément à se prévaloir de son droit. Le troisième résulte de l'impossibilité matérielle de faire fonctionner le système; c'est le cas où l'auteur du crime est inconnu, où l'inculpé est en fuite. Enfin, le dernier cas exceptionnel, le plus important de tous, puisque, suivant la manière dont il sera compris, il appartiendra aux magistrats d'élargir ou de restreindre la contradiction dans l'expertise, est prévu par l'article 9, ainsi conçu : << Nonobstant les termes de l'article précédent, le procureur « de la République et le juge d'instruction pourront, dans les «< cas d'extrême urgence, notamment s'ils se sont transportés <«< sur les lieux pour constater un flagrant délit, ou si des in« dices sont sur le point de disparaître, commettre, à titre provisoire, un homme de l'art non inscrit sur la liste an<«<nuelle. L'expert provisoire procédera aux premières con<«<statations, assurera, s'il y a lieu, la conservation des pièces à expertiser et dressera un procès-verbal sommaire qui, après « avoir été visé par le juge d'instruction ou le procureur de « la République, sera transmis, avec tous autres documents, « aux experts qui seront immédiatement désignés, conformé<«<ment aux dispositions ci-dessus, à moins que ces constata

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