outre les intérêts, une annuité destinée à l'amortissement de la série. Le remboursement des titres se fait alors par voie de tirage au sort suivant le plan d'amortissement arrêté lors de l'émission et auquel le propriétaire ou l'établissement chargé de l'émission sont tenus de se conformer; les titres amortis doivent être annulés. Si les obligations sont émises sous forme de lettres de rente, ces opérations sont officiellement contrôlés par les cantons. Enfin les articles 916 à 918 autorisent les établissements de crédit foncier désignés par les cantons, à émettre, avec l'autorisation des pouvoirs publics compétents, des lettres de gage garanties, même sans contrat d'engagement spécial et sans nantissement, par les titres de gage immobilier dont l'établissement est propriétaire et par les créances résultant de ses opérations ordinaires. C'est à peu près la situation faite en France au Crédit Foncier par le décret-loi du 28 février 1852. Nous arrêterons ici cette courte étude. Si brève qu'elle soit, elle donne une idée de l'effort considérable que représente le nouveau Code civil suisse, et pourra donner à nos propres législateurs le désir de faire profiter notre pays de quelques-unes des réformes réalisées par nos excellents voi sins. LE HÉNAFF. LA FORMATION MORALE DE L'INGÉNIEUR I L'ingénieur, dans l'industrie moderne, n'est pas seulement un agent technique; il n'a pas uniquement à surveiller et à diriger des engins mécaniques, à résoudre des problèmes scientifiques; il a également à commander à des moteurs humains, à résoudre des problèmes sociaux : c'est un conducteur d'hommes. Or la hâte de la vie industrielle ne lui permet point de poursuivre au cours, ni même au début de sa carrière, l'apprentissage de son métier : il doit arriver à l'usine prêt à rendre des services immédiats au chef d'entreprise dont il est le collaborateur, et, s'il doit comme tout individu éclairé et réfléchi, tirer de la pratique journalière les leçons d'une expérience féconde, il n'a ni le loisir ni les moyens de compléter par un enseignement didactique le bagage de connaissances. indispensables à l'exercice de sa profession. L'obligation, qui s'impose à lui, de pourvoir à la solution. de questions, non plus seulement techniques, mais encore sociales, le met, par suite dans la nécessité de posséder, dès l'ouverture de sa vie industrielle, un armement social au même titre qu'un armement technique. Cet armement ne doit pas toutefois se borner à des notions théoriques recueillies dans les livres ou dans les cours; il doit consister également dans l'éducation du caractère et de la volonté, en un mot dans la formation morale. Si de telles considérations qui semblent l'expression de vérités évidentes méritent d'être formulées, c'est qu'elles sont trop souvent méconnues. Pour les uns, le rôle social de l'ingénieur ne s'enseigne pas: il se règle au hasard des circonstances avec la spontanéité d'une nature primesautière qui fait. face aux difficultés lorsqu'elles surgissent; dans une de nos plus grandes écoles techniques, un éminent professeur, qui jouit dans les milieux scientifiques d'une réputation mondiale n'a pas hésité à profiter d'un changement de titulaire pour demander la suppression de l'enseignement social. Pour d'autres, la conduite des ouvriers ne réclame pas plus de ménagements que celle des organes mécaniques; un contrat de travail dressé avec précision doit prévoir toutes les sources de conflits et suppléer à toute précaution dans les relations entre chefs et subordonnés. Pour d'autres, qui soupçonnent la nécessité de la formation morale de l'ingénieur, l'idée demeure trop imprécise pour revêtir un caractère de réalisation pratique. Il est donc opportun de répondre à ces objections et de définir avec netteté le but poursuivi et les moyens de l'atteindre: 1o A ceux qui ne voient dans la mission sociale de l'ingénieur qu'une sorte d'accessoire de sa mission technique ou qu'une variante du devoir social qui incombe à tout homme cultivé, il suffira de citer deux témoignages empruntés à des pays de puissant essor économique l'un en Europe, l'autre en Amérique. M. Döll, maître de conférences à l'Ecole supérieure de commerce de Leipzig, dans une étude consacrée à la formation professionnelle du commerçant (1), déclarait que « l'intelligence sans le caractère ne rend capable de rien de véritablement grand; il y a bien assez de talents, ajoutait-il, auxquels manque un caractère ferme; ils font parfois étalage d'une sorte de désordre dans la vie, comme de prétendus génies dont, en réalité, ils ne sont que la caricature ». Un grand chef d'entreprise américain, M. E. B. Kirby, directeur de la Compagnie fédérale du plomb à Flat River (Missouri), dans un discours prononcé le 10 juin 1908 devant les élèves de l'Ecole des mines et de la métallurgie de l'Université de Missouri, exposait le rôle de l'ingénieur dans ses rapports avec les hommes (2): « J'insiste, disait-il, pour que vous n'oubliez pas que le monde est fait de choses et de per(1) Fachbildung, Fachtüchtigheit und jugendliche Lebensweise. Handelstudent und studentisches Wesen. 2o édition. Leipzig, 1900. (2) The human side of a mining engineer's work, (The engineering and mining journal, New-York, 18 juillet 1908, p. 131). sonnes et que les neuf dixièmes de votre profession consistent à être avec des personnes... Avec le temps vous découvrirez que le tact et la diplomatie résolvent plus de problèmes que des formules d'ingénieurs », et il ajoutait: « Vous avez étudié les réactions de la chimie, mais qu'avez-vous appris de ces subtiles réactions humaines qui détruisent l'indifférence et créent l'amitié? Mais vous m'objectez que celles-ci sont étrangères aux matières de l'art de l'ingénieur et que ce sont là les qualités qui assurent le succès pour tous les individus. Je réponds: Parfaitement, l'ingénieur qui réussit est l'homme qui réussit ». 2o A ceux qui estiment que le régime d'un contrat librement souscrit garantit la solution de tous les problèmes de la vie quotidienne, je répondrai que la permanence des engagements est liée non seulement à l'existence d'un texte, mais aussi au mode d'application. Quiconque sait la facilité avec laquelle les ouvriers soit isolés, soit associés rompent le contrat de travail, se rend compte de l'utilité d'éviter les froissements qui peuvent provoquer la désaffection et préparer l'abandon de l'usine: l'impossibilité pratique, où se trouve le patron, eu égard à l'absence de ressources de l'ouvrier ou du syndicat, d'obtenir une réparation du préjudice causé doit donner au souci de la continuation du travail une importance exceptionnelle. 3° Enfin à ceux qui considèrent la formation morale de l'ingénieur comme un de ces desiderata dont le caractère vague exclut la rédaction de préceptes ou de méthodes, je dirai que, si l'on admet qu'« il y a quelque chose à faire », c'est un élémentaire devoir que de chercher à définir ce « quelque chose », sans se laisser arrêter par les difficultés d'une tâche ingrate, par les périls de propositions hardies, par le scepticisme des paresseux qui cherchent une excuse à la résignation de leur inertie, par les railleries faciles des ignorants qui croient trouver dans l'arme du ridicule un moyen de suppléer au vide de leur argumentation. II La nécessité d'une formation morale antérieure à l'entrée dans la carrière industrielle une fois établie, il convient de déterminer comment et où l'ingénieur peut l'acquérir. La formation morale suppose à la fois une éducation générale et un apprentissage social. L'impossibilité, pour le conducteur d'hommes, de se passer d'une éducation générale est reconnue par tous. ་ Un exemple récent de cette unanimité d'opinions, indépendante de toute considération de parti, a été donné à la Chambre des députés par une discussion du 1er juillet 1908 relative au recrutement des officiers. M. Jaurès d'une part et M. Gouzy d'autre part ont développé la théorie de la nécessité d'une culture générale pour l'officier. D'après M. Jaurès, « l'élite professionnelle » ne semble être « constituée » que par « une haute culture,» et il ajoutait : « L'art militaire est le plus difficile de tous puisqu'il oblige l'homme à concentrer entre ses mains le mouvement des choses et le mouvement des hommes, puisqu'il faut que le chef groupe les éléments matériels de la bataille et de la guerre, les vivres, les munitions, les charrois, les transports et qu'il lui faut en même temps demander aux hommes les qualités modestes du travail quotidien et les qualités héroïques du courage. » M. Gouzy s'élevait avec non moins de force contre l'« école sceptique qui estime que l'on peut faire bon marché de cette instruction générale pourvu qu'on développe l'instruction professionnelle. » Or le tableau, que M. Jaurès trace des obligations de l'officier, s'applique à l'ingénieur qui doit, lui aussi, faire appel au concours journalier de l'ouvrier dans les tâches les plus infimes et à son dévouement exceptionnel en face du danger; les forces brutales de la nature n'exigent que trop souvent le sacrifice de vies humaines comme la rançon du progrès, et le courage que les catastrophes inspirent aux héros obscurs de l'usine ou de la mine est d'autant plus méritoire qu'il s'exerce indépendamment de l'excitation communicative du champ de bataille. Comment l'ingénieur pourra-t-il acquérir cette éducation générale? Il y parviendra par la réflexion et par l'intervention nécessaire du professeur. |