Pour les points non soumis encore au pouvoir législatif, le pouvoir réglementaire est intervenu sans qu'aucune critique lui ait été adressée en 1873, par exemple, au moment de l'élaboration de la loi du 25 juillet, mais avant qu'elle fût promulguée, un décret du 20 mars limitait le nombre des décorations à accorder aux militaires; le 22 mars 1875 un décret augmentait les droits de chancellerie et le Parlement acceptait les chiffres budgétaires basés sur ce décret; le 10 mars 1891 un décret réglementait le port des décorations, etc. En résumé, il nous paraît résulter de cet exposé qu'en dehors des dispositions qui, établies par une loi, ne peuvent être modifiées que par voie législative (et qui, nous le répétons, sont les suivantes : fixation des effectifs, conditions d'admission et de promotion, fonctionnement financier de l'Ordre au point de vue de sa répercussion sur la subvention et par suite sur le budget de l'Etat), le pouvoir réglementaire peut s'exercer en exécution de l'article 3 de la loi constitutionnelle des 25-28 février 1875 pour assurer l'exécution de la loi du 29 floréal an x qui n'a jamais été abrogée et pour modifier, sauf sur les points que nous avons indiqués plus haut, le décret du 16 mars 1852 et les autres actes réglementaires relatifs à la Légion d'Honneur. PAUL DISLÈRE. Président de Section au Conseil d'Etat, Membre du Conseil de l'Ordre de la Légion d'honneur. nuer le nombre des candidats qui recherchent cette distinction. » Nous devons faire observer qu'un prélèvement sur les fonds de secours permet aujourd'hui de dispenser du payement des insignes les personnes qui ne peuvent supporter cette dépense. LA RÉFORME DE L'ARTILLERIE (QUATRIÈME ARTICLE) (1). I. La Commission sénatoriale de l'armée Depuis la publication de notre dernier article, la Commission sénatoriale de l'armée a assisté à de nouvelles expériences comparatives de manœuvre et de tir, de batteries à 4 et à 6 pièces, à la suite desquelles elle a pris deux décisions importantes: refus de créer un troisième régiment d'artillerie par corps d'armée et maintien de la batterie à 4 pièces (2). Ce sont là des faits nouveaux qui réclament quelques observations. Et d'abord, que vaut, en soi, cette méthode de préparation et d'étude qui a consisté à promener successivement les commissions de l'armée de la Chambre et du Sénat sur les champs de tir et à faire manœuvrer et tirer comparativement devant elles des groupes de batteries à 4 et à 6 pièces, pour les mettre, soi-disant, en mesure de choisir elles-mêmes, en complète connaissance de cause, la meilleure solution à adopter pour renforcer l'artillerie ? Nous n'hésitons pas, pour notre compte, à la déclarer détestable. Sans doute, ces excursions dans les champs de tir ont eu (1) Voir les numéros de janvier, de mars et de mai 1909 de la Revue politique et parlementaire. (2) Bien que cet article fût déjà rédigé et composé au moment où le rapport de M. Richard Waddington, rapporteur de la Commission sénatoriale de l'armée a paru, il répond complètement aux desiderata de cette Commission en ce sens que les propositions qu'il contient permettent de porter immédiatement le nombre des canons de nos corps d'armée au chiffre adopté par les Allemands et même à un chiffre supérieur, tout en conservant la batterie à 4 pièces et sans opérer aucun prélèvement d'hommes sur les autres armes. l'incontestable avantage de permettre aux sénateurs et aux députés qui y ont participé, de prendre contact personnel avec plusieurs régiments, de les voir à l'œuvre sur le terrain, de constater, de visu, leur excellent entraînement et enfin de se rendre compte, d'une façon générale, de l'état d'âme des officiers et de la troupe. Mais la réforme de l'artillerie les lecteurs de la Revue ont pu s'en rendre compte - est une question des plus délicates et des plus complexes, dont le choix entre la batterie à 4 ou à 6 pièces ne représente que l'un des aspects et sur la solution de laquelle les professionnels les plus éminents se sont trouvés et restent encore en désaccord. Il faudrait, vraiment, que sénateurs et députés eussent été touchés d'une grâce bien spéciale pour être devenus, du jour au lendemain, après une aussi sommaire initiation, des arbitres compétents, aptes à trancher un pareil différend. Le leur laisser entendre, constituait un acte manifeste de flatterie, et comme l'a dit excellemment le bon Lafontaine : Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute. Aussi fût-ce moins pour éclairer impartialement leur religion que pour façonner leur conviction en faveur d'une solution déterminée, celle du projet de loi, qu'on convia sénateurs et députés à ces petites fêtes militaires. Le parti-pris non dissimulé de la Commission militaire (1), contre tout autre solution et la vivacité avec laquelle plusieurs de ses membres prirent publiquement à parti quelques-uns des officiers des corps expérimentateurs qui soutenaient la batterie à 6 pièces, en font foi. Même au point de vue restreint où l'on s'était placé, toutes ces expériences étaient, d'ailleurs, sans valeur et sans portée techniques. Leur but déclaré étant de comparer la batterie à 4 pièces du projet de loi avec la batterie à 6 pièces, il eût fallu, pour les rendre concluantes, constituer, pour la circonstance, des batteries des deux types et les faire fonctionner parallèlement dans les situations diverses dans lesquelles elles se trouveront, non seulement en temps de paix, mais encore et (1) Commission d'officiers d'artillerie qui pilotait les membres du parlement sur les champs de tir. surtout au moment de la mobilisation et en temps de guerre. En ce qui concerne, en particulier, les batteries à 4 pièces, il eût fallu les constituer à 77 hommes plus 13 de complément, voir dans quelles conditions ces batteries pourraient vivre et travailler en temps de paix, passer du pied de paix au pied de guerre en constituant effectivement les batteries de renforcement prévues et comparer alors les résultats donnés par la mobilisation d'un groupe de ces batteries avec ceux que donnerait un groupe de batteries à 6 pièces, également mobilisé, en les faisant manoeuvrer et tirer, à l'effectif de guerre, dans des conditions semblables à celles dans lesquelles ils auraient à opérer en campagne. Au lieu de cela, on improvisa, en hâte, des batteries à 6 pièces, dans des conditions défavorables voulues et, sans leur laisser le temps de se reconnaître, de se tasser, de prendre forme, on les mit du jour au lendemain en parallèle sur le terrain, sous la forme de simples batteries de manœuvre, non avec des batteries du type du projet de loi,formées comme elles pour la circonstance, mais avec de vieilles batteries existantes, choisies parmi les meilleures des régiments expérimentateurs. Les expériences exécutées devant les membres du Parlement étaient donc viciées, parce que truquées, et il était d'autant plus difficile d'en tirer aucune conclusion en faveur de la batterie à 4 pièces du type du projet de loi, qu'aucune batterie de cette sorte n'y avait pris part. Ce n'est donc pas comme conclusion des expériences exécutées devant les membres du Parlement que la batterie à 4 pièces doit être maintenue, mais pour des raison techniques d'un ordre tout différent, sanctionnées par une longue expérience, dont nous avons résumé les principales dans l'un de nos précédents articles (1). Ajoutons immédiatement que ces raisons s'appliquent uniquement à des batteries assez fortes en hommes et en chevaux pour être en mesure d'assurer convenablement leur instruction en temps de paix, à l'exclusion absolue des batteries squelettes, du type du projet de loi, avec lesquelles toute instruction sérieuse serait pratique ment irréalisable. (1) Revue politique et parlementaire du 10 mars 1909, page 505 et suivantes. REVUE POLIT., T. LXI. 2 En ce qui nous concerne, nous sommes à ce point pénétré de l'importance de cette distinction, que nous n'hésiterions pas à renoncer au bénéfice de la batterie à 4 pièces et à lui préférer la batterie à 6 pièces qui, certainement, ne la vaut pas, si ce maintien ne pouvait être obtenu qu'au prix d'une réduction aussi dangereuse de l'effectif. Nous montrerons, d'ailleurs, dans la deuxième partie de cet article, que cette réduction ne s'impose pas le moins du monde, tout au contraire. Un mot maintenant des décisions prises par la Commission sénatoriale de l'armée. On a pu lire dans les journaux de la fin de mai, le communiqué suivant: « La question pressante de l'augmentation de l'artillerie a fait un grand pas, la Commission sénatoriale ayant accepté le système de la batterie à 4 pièces, proposé par le gouvernement et voté par la Chambre. «La batterie à 6 pièces avait des partisans au Luxembourg et peut-être même une majorité dans ce sens se fûtelle trouvée dans la Commission, car tel était l'avis de ses membres les plus éminents mais une considération a primé toutes les autres: on a voulu aboutir vite et ne pas s'exposer aux retards certains qui seraient résultés du renvoi du projet au Palais-Bourbon sur ce point capital. << On peut donc espérer qu'à une époque rapprochée, nos corps d'armée auront 120 canons au lieu de 84, qu'ils possèdent actuellement. Néanmoins, notre infériorité, quoique diminuée subsistera, puisque les Allemands comptent 144 canons par corps d'armée. Aussi, la Commission sénatoriale a-t-elle émis le vœu que l'on arrive au même chiffre de 144 à mesure que les possibilités d'ordre financier le permettront. « A propos de la formation en deux ou trois régiments, la Commission sénatoriale n'a pas partagé l'opinion du ministre de la guerre. Alors que le général Picquart demandait trois régiments par corps d'armée, elle a estimé que deux suffisaient. Mais cela semble surtout une affaire d'avancement plus ou moins grand pour les officiers. << La Chambre ne s'entêtera pas, sans doute, à cet égard, voulant, elle aussi, en finir vite. » |