nue partout. On doit se demander si ce n'est pas parce que la mortalité diminue dans tous les pays étrangers, que la natalité y diminue également, laissant entre elles un écart à peu près constant, (mais un peu grandissant), de 12 pour 1.000 habitants et par an. Mais, dira-t-on peut-être, la nature humaine impose un minimum à la mortalité; elle n'en impose pas à la natalité ou plutôt, son minimum est zéro. Lorsque la mortalité des différents pays de l'Europe aura atteint ce minimum (qui peut être évalué à 14 décès pour 1.000 habitants), la natalité ne pourra-t-elle pas continuer à décroître ? Cela est possible assurément, mais, jusqu'à présent ce n'est pas indiqué; toujours un écart de 10 à 15 environ a subsisté entre la mortalité et la natalité, excepté en France. Car la France, en tout ceci, fait une exception unique. Cependant, la mortalité a diminué aussi, mais bien plus lentement que la natalité. 3o Les régions de l'Europe les moins démocratiques, telles que la Russie, la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, etc., sont celles où la natalité est la plus élevée. Il est vrai, mais ce sont celles où la mortalité est aussi la plus élevée. L'élévation de la natalité dans ces pays peut donc s'expliquer par l'élévation de la mortalité. Mais il serait sans doute plus vrai de dire que le peu de culture de la masse des habitants explique à la fois l'élévation de la mortalité et celle de la natalité. 4° L'abaissement de la nalalité est rapide dans les colonies australasiennes, qui sont acquises aux théories socialistes. Il est vrai et pourtant les conditions démographiques de ces colonies sont entièrement différentes de celles où se trouve la France. Même actuellement, leur natalité (de 27 à 31 naissances pour 1.000 habitants), est incomparablement supérieure à celle de la France (20), quant à l'accroissement de la population, il dépasse en Australasie les chiffres les plus élevés de l'Europe (de 14 à 19 pour 1.000 habitants). Cela est dû à l'extraordinaire faiblesse de la mortalité (de 10 à 16 décès pour 1.000 habitants). Ainsi: mortalité extrêmement faible; natalité presque moyenne; accroissement de population très rapide, ainsi se résume la situation de l'Australasie. Ce sont là des caractéristiques très favorables. Il est vrai qu'autrefois (je veux dire en 1861-70), la situation était bien meilleure encore. Elle était même paradoxale, et sans autre exemple connu. La mortalité était déjà très faible (quoique un peu plus forte qu'à présent), mais la natalité dépassait 40 dans cinq des sept colonies, en sorte que l'accroissement de la popu- Les Australiens ne se sont pas maintenus ainsi en dehors des Natalité et mortalité en Australasie dans la seconde moitié 1 5° La nalalte parait très faible dans les Etats de la NouvelleAngleterre, mais non pas dans le reste des Etats-Unis, comme on l'a prétendu par erreur. L'excès des naissances sur les décès paraît n'être que de 7 à 8 pour 1.000 habitants dans les Etats de la Nouvelle Angleterre (1), mais il a été évalué à 15 par an par M. Pierre Leroy-Beaulieu. (2), pour 1.000 habitants, pour l'ensemble des Etats-Unis, chiffre dont le pareil ne se voit à peu près nulle part. Les Etats-Unis sont pourtant un pays très civilisé et très démocratique. 2 De tout ce qui précède, on peut conclure que la civilisation actuelle et les idées démocratiques les plus avancées sont compatibles avec un large développement de la population, car jamais elle ne s'est accrue plus vite qu'à notre époque, partout, excepté, en France. Elles paraissent avoir eu en France une action. modératrice. C'est qu'en France elles n'agissent pas seules. La Commission a pourtant voulu noter l'influence des progrès de la civilisation sur la natalité, en raison de l'autorité des aus teurs qui l'ont reconnue. Elle l'a formulée ainsi (15 décembre 1905), sur la proposition; de M. Neymarck: 1 Plus la civilisation se développe, plus les progrès matériels d'un pays grandissent, plus la natalité a tendance à décroître. » « La cherté de la vie, l'accroissement des besoins, le désir d'un plus grand, bien-être pour les siens et pour soi-même limitent le développement de la natalité. » 440 (1) Ce n'est très probablement qu'une apparence, due à la très insuf fisante enregistration des naissances. Les décès, au contraire, paraissent assez régulièrement enregistrés dans les Registrations States. On sait que presque tous les Etats-Unis n'ont pas de registres de l'Etat civil. (2) Ce chiffre représente l'accroissement total de la population, déduction faite de l'immigration. D'autre part,la Commission a admis,sur le rapport de M.March, les conclusions suivantes (28 juin et 8 juillet 1905): « Le développement de la grande industrie paraît favorable à la natalité; cependant, l'activité industrielle ne semble, en France, provoquer une forte natalité que là où elle correspond à une demande exceptionnelle de main-d'oeuvre. » «La formation d'un nombreux prolétariat agricole ou, industriel paraît favorable à la natalité, » Mouvements migratoires. A cet ordre d'idées se rattache l'émigration des campagnes vers les villes et plus généralement les migrations intérieures qui ont été l'objet d'un travail très complet de M. le Dr Drouineau. Mais il faut noter que l'émigration des campagnes vers les villes est bien moindre en France qu'à l'étrangèr où la population urbaine, surtout celle des grandes villes, grandit avec une extrême rapidité (voir l'ouvrage de M. Paul Meuriot). La natalité dans ces pays est assez élevée pour que la population rurale ne soit pas amoindrie par cet exode. Quant à l'émigration à l'extérieur, sur laquelle M. Hennequin nous a apporté d'intéressants documents, elle est presque nulle en France. Elle a considérablement diminué en Allemagne car plus la population se développe dans ce pays, autrement dit, plus elle a d'hommes, plus il lui en faut. Elle s'est considérablement développée en Italie. Exagération de l'esprit d'épargne. Une des formes les plus répandues de l'individualisme excessif est l'exagération de Fesprit d'épargne. Rien de plus louable assurément que l'esprit d'épargne; on a dit avec raison que c'est une des forces de la France. Mais l'excès en tout est un défaut. M. de Foville, M. Neymarck, M. Hennequin et plusieurs autres encore, se sont demandés si on ne l'avait pas trop encouragé. Un auteur finlandais, M. Tallqvist, a étudié l'influence de l'épargne et de la prévoyance sur la natalité par les recherches les plus variées et les plus originales; par exemple, il a calculé, pour chaque département français, combien sur 100 incendiés assurés, il y avait de sinistrés non assurés. Il a résumé sa recherche par les chiffres suivants, (les départements dans lesquels la population urbaine dépasse 40 0/0 de la population totale sont exclus): Ainsi, plus les non assurés sont nombreux, plus la fécondité est élevée; en d'autres termes, moins l'esprit de prévoyance est développé, plus la natalité a tendance d'être élevée. M. Tallqvist a mis en relation la fréquence des livrets de caisse d'épargne et la fréquence des naissances: On voit que plus les livrets de caisse d'épargne sont fréquents, plus est faible la natalité. L'auteur a varié ses recherches avec beaucoup de prudence; il a tenu compte de l'éloignement des caisses d'épargne dans les divers départements, du développement de l'industrie dans chacun d'eux, etc. Toujours ses chiffres ont donné la même réponse. Ce fait n'est pas spécial à la France, M. Tallqvist l'a recherché et l'a retrouvé en Suisse, en Angleterre, en Danemark, en Suède, en Norvège, en Italie, en Prusse. Partout les résultats sont analogues. Voici, par exemple, comment se résument ses recherches en Prusse : |