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Quelqu'un m'a soutenu que la Révolution française 'était due à ce qu'on avait découvert les Tahitiens et les Samoans avant les Fijiens. Je n'ai pas à parler des premiers que Loti a chantés, ni des seconds devenus populaires par le film de Moana.

Lorsque les grands navigateurs de la seconde moitié du XVIII° siècle eurent fait connaître ces charmantes populations, il apparut à Rousseau que les « sauvages » plus rapprochés de nos origines et de la nature, avaient une grande supériorité morale sur les civilisés. Il proclama donc son grand principe de la bonté foncière de l'homme. Or, sans ce principe et sans la philosophie qu'en fit découler Rousseau, il n'y aurait pas eu, dit-on, de Révolution.

Mais les Fijïens pendent au plafond de leurs cases les corps de leurs parents. Ces cadavres pourrissant, ils y piquent leurs flèches, leurs javelots, leurs lances, pour en empoisonner la pointe.

Ils sont anthropophages et aussi très bons marins. Ils ne craignent pas les longues traversées. Comme vivres, ils emmènent des jeunes filles qui rament pendant qu'on ne les

mange pas.

Le XVIIIe siècle, en son langage, aurait traité ces mœurs 'de « dégoûtantes », et si les Fijiens avaient été connu les premiers, Rousseau n'aurait pas trouvé l'état de sauvagerie supérieur à celui de civilisation. Le principe de la bonté foncière de l'homme ne serait pas né, non plus que des conséquences, dont la Révolution....

Je ne prends pas à mon compte cette réfection de l'histoire, mais elle illustre assez bien la relativité des jugements sur la nature humaine.

Et ce n'est pas seulement entre tribus quelquefois consangnines qu'on voit les extrêmes différences, c'est au sein de la même tribu.

Par aventure, une tribu assez féroce dans l'ensemble, comme on le verra en lisant les explorations du missionnaire catholique Petitot chez les méchants Esquimaux dont il a été question plus haut il a trouvé parmi eux des indivi'dus honnêtes, dévoués...

Ses confrères, que leur théologie met cependant à l'opposé 'de Rousseau, vous diront tous que, parmi les sauvages les plus soumis à l'empire de Satan, on trouve dans les cœurs de tels et tels des germes de la grâce divine.

Ce qui est une manière d'affirmer en langage religieux qu'il y a du bon chez les plus mauvais.

Ce qui précède doit être corrigé.

Les hommes ne sont pas les uns bons, les autres mauvais, mais chacun alternativement bon et mauvais.

Nous apprenons par l'Ecriture que le juste pèche septante fois sept fois par jour. Une interpolation légitime 'diraient les mathématiciens -nous fera conclure que le pervers s'abstient de perversité septante fois sept fois par jour aussi.

Indépendamment des circonstances qui, pour les prévisions humaines, sont fortuites, il y en a qui, d'une manière assez constante, peuvent aller jusqu'à changer en bêtes |

féroces des êtres habituellement doux, bienveillants, humains, voire pitoyables.

Ce sont les ivresses.

Outre celle de l'alcool, il y a celle du sang, des haines politiques entre peuples et partis, des enthousiasmes révolutionnaires, des rites de certaines sociétés barbares, comme initiation, cérémonies funèbres...

Le caractère collectif de la plupart d'entre elles en centuple l'intensité. Elles opèrent même, sur ceux dont elles font leur proie, des métamorphoses pareilles à un changement d'espèce animale.

J'ai lu dans le livre d'un prêtre qui avait été missionnaire au Dahomey avant la conquête française, que les indigènes de ce pays étaient de très braves gens, nullement cruels. Ils ne s'en ruaient pas moins avec frénésie sur les captifs qu'on précipitait du haut du palais royal, ficelés dans de longues corbeilles, pour leur couper la tête.

Ainsi participaient-ils aux fameuses Coutumes, cérémonies en l'honneur des souverains défunts à qui, par ces meurtres, on envoyait du personnel.

Cet usage, ou d'autres analogues, ont été très en honneur chez plusieurs peuples de l'antiquité les Scythes, les anciens Chinois... On se rappelle que, dans l'Inde d'avant les Anglais, on brûlait toutes vives les veuves sur le bûcher de leur mari défunt. Les Hindous n'en ont pas moins, en Europe, une bonne presse, plutôt meilleure, en général, que les Anglais.

Notre peuple passe, et avec raison, pour très humain. Il n'en a pas moins commis des massacres pendant la Révolution. Et c'était bien lui, non pas seulement son écume, sa lie. Les massacres de Septembre furent le fait de boutiquiers, d'artisans, d'ouvriers...

La bonté du peuple russe est proverbiale; cela n'empêche que la Révolution russe rendrait beaucoup de points à la française dans le jeu du sang versé.

Effet de l'ivresse, car ces peuples, une fois dégrisés, ne se retrouvèrent ni meilleurs, ni pires qu'auparavant.

Les révolutions de l'avenir - quand elles se feront par la force-s'humaniseront-elles ? Il est permis de manquer d'espoir à cet égard.

En revanche, on doit constater que les rites collectifs sanglants disparurent peu à peu, et, dans notre lignée, avant même que le christianisme fût intervenu.

On trouve dans les légendes et les cultes helléniques les témoignages d'un temps où les sacrifices humains étaient d'usage courant. Artémis substitua une biche à Iphigénie qu'on allait lui immoler. La pratique de la déesse devint la règle absolue et les Hellènes pensèrent qu'il n'y avait que les Barbares qui pussent immoler l'homme dans les cérémonies religieuses.

Auguste abolit les sacrifices humains dans les Gaules. Pourtant ces coutumes, qui nous font horreur, avaient tous les caractères de l'éternel, fondées qu'elles étaient sur des nécessités traditionnelles et mystiques..

Elles ont pu, à certains instants, endurcir contre la pitk

et exalter dans la férocité des gens qui ne s'avéraient pas mauvais dans le train ordinaire de la vie.

C'était la pression collective, où les morts ajoutaient leur poids aux vivants, qui opérait cette sorte de prodige.

Conçoit-on qu'on parvienne à la développer dans le sens de la bonté ?

Remarquons d'abord qu'elle forme la sanction habituelle de la morale, l'impératif des moeurs. Comme le dit le proverbe, que peuvent les lois sans elle ? Rien, pour la première bonne raison que des lois complètement étrangères aux mœurs sont inconcevables: il n'y aurait personne pour les inventer. Si elles ne le sont qu'un peu, elles se heurtent à une résistance d'autant plus invincible qu'elle est faite de pures habitudes, de réflexes, que la volonté n'y a presque aucune part. En outre, les agents qui appliquent ces lois manquent de conviction. Voyez celles qu'on appelait << somptuaires ». La religion elle-même doit pactiser avec les mœurs pour le courant de la vie, quand, ce qui est le cas ordinaire des temps modernes, elle ne leur est pas entièrement incorporée et ses sanctions sont d'un caractère plus exceptionnel.

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On s'explique ce rôle de la pression collective.

Le caractère foncier des individus, fait des penchants, des instincts, de l'ensemble des tendances effectives, échappe à tout contrôle, à commencer par celui de l'intéressé. On sent ce qu'on sent, on désire ce qu'on désire. Il y a des gens dépourvus de toute espèce de sensibilité morale, et je ne parle pas de ceux qu'on range parmi les criminels nés ou les anormaux. On leur inculque cependant la morale. Comment ? En les pénétrant de cette idée que le manque de « coeur » est quelque chose de laid, dont la vue inspire à tous la répulsion la plus vive et la plus spontanée. Ils cacheront cette tare comme une vilaine plaie physique. Pour la cacher vraiment, ils devront bien, quand telle occasion se présentera, faire preuve d'un minimum de dévouement. Mais c'est à condition qu'en effet il y ait un état des mœurs qui inspire généralement une forte répugnance pour les excès d'insensibilité.

C'est comme le courage moyen d'un combattant dans une bataille: il s'en irait bien, mais il ne veut pas avoir l'air moins brave que les autres. Il subit l'influence de l'opinion du milieu qui flétrit rudement la lâcheté.

Des apostolats comme celui de la Ligue de Bonté visent à agir sur ce milieu moral qui, lui-même, influence si fortement la conduite des individus. On appelle cela une can:pagne d'opinion. Toutes ces campagnes ne sont pas vaines. Espérons en l'efficacité de celle-ci.

Toutefois, il ne faut pas se leurrer. Qu'on prenne garde 'de trop compter sur les manifestations comme les Semaines de Bonté ou autres du même genre. Quand elles réussissent, elles sont du domaine de ces ivresses morales mentionnées plus haut. Elles ont beau foisonner au cœur des individus, grâce à la participation collective, elles n'ont, le plus souvent, pas de lendemain. On se dégrise et on retourne à la routine de sa vie,

C'est ainsi qu'on s'explique que le peuple dahoméen après ses Coutumes, le français et le russe après les massacres de leurs révolutions, soient redevenus de bons peuples

comme avant.

Les enthousiasmes des opinions pour tout espèce d'idéal en sont là. On les voit flamber et l'on s'écrie : « Mon Dieu quelle générosité, quelle ardeur pour le bien chez ces gens là ! » Et le lendemain, ce peuple reprend son niveau moyen.

Il faut compter aussi les engouements de la mode qui sont de ces coups de vin dont l'excitation s'oublie vite.

Une campagne pour la bonté ne réussira que comme les forces de l'air et de l'eau et plutoniennes qui donnent de nouveaux aspects à la surface du globe. Mais dans l'ordre moral, l'évolution, bien que lente, va plus vite que dans l'ordre géologique.

CHRONIQUE

JULES SAGERET.

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SCIENTIFIQUE

La diathermie

S'il est vrai qu'il faille se hâter de recourir à un médica ment nouveau « pendant qu'il guérit », que ne dira-t-on pas des traitements physiothérapiques ! Presque aussi nombreux que les spécifiques fournis par la chimie, ils se succè dent à belle allure dans la liste sans cesse renouvelée des découvertes sensationnelles et définitives. Bains de tous types, eaux minérales, cures d'altitudes diverses, mécanothérapie, vibrations et secousses, air comprimé, radiations rouges ou violettes, héliothérapie totale, ultra-violet, rayons X, radium, air chaud ou grand froid, cautérisations, courants électriques continus ou induits : bien d'autres agents ou procédés encore ont été vantés et ont connu la vogue réservée à toute nouveauté. Tous ont, d'ailleurs, conservé quelque chose des mérites qui leur avaient été reconnus, souvent un peu vite; mais une fois passée la fièvre des débuts enthousiastes, leur emploi a été ramené, par la saine pratique et une observation suffisamment généralisée et prolongée, aux cas réellement justiciables d'eux ; leur efficacité certaine a été plus sagement limitée et estimée; enfin, les cas de contre-indication ont été mieux connus.

Il semble qu'une des dernières physiothérapies, la Diathermie, soit encore pour le moment dans sa phase de jeune exubérance: elle est vantée contre le cancer et contre la paralysie agitante, contre le goître de Basedow et contre les tuberculoses, contre la blenorrhagie et contre le diabète, contre la cataracte et contre l'appendicite. Il faut s'attendre à ce qu'on diminue un peu l'enthousiasme dans les années

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D'après l'étymologie, la diathermie semble être l'échauffement produit dans l'organisme par le courant électrique qui le traverse. Il est bien connu, depuis Joule et Ed. Becquerel, voire depuis que Volta en créant la pile électrique en 1800 a permis de débiter un courant abondant, que ce courant échauffe tout conducteur par lequel il passe, et cela suivant une loi que tout le monde a sue... au moment du baccalauréat : l'échauffement croît comme le temps, comme la résistance du conducteur, et comme le carré de l'intensité, débit ou ampérage. Mais disons tout de suite qu'ici, ce n'est pas un échauffement conforme à la loi de Joule qui se pro'duit, ainsi qu'il a lieu dans une lampe dont le filament traversé par un courant (continu ou phasé) s'échauffe jusqu'au blanc éblouissant. On n'emploie pas en diathermie, en effet, le courant continu ou de basse fréquence qui est distribué dans les villes mais un courant qui est à fréquence extrêmement élevée, c'est-à-dire qui change de sens (et s'annule, par conséquent, à chaque inversion), plusieurs millions de fois par seconde - généralement, entre 500.000 fois et 5 millions. La T. S. F. a familiarisé le public avec cette notion de « décharge oscillante », dans laquelle la charge électrique quitte une surface pour aller sur une autre, puis, comme rebondissant à la suite de cet élan, repart sur la première, et cela à une cadence prodigieusement rapide, mais que l'on sait exactement calculer.

Si l'on avait affaire à du courant industriel (à Paris, il n'a que 42 inversions par seconde), les effets seraient tout autres, et généralement désastreux. La résistance totale du corps humain au passage du courant est encore assez mal connue, depuis près d'un siècle que Pouillet la mesura pour la première fois, en 1837. Jolly, de Strasbourg, trouvait en 1884 des valeurs de 100.000 à 300.000 ohms, et dix ans plus tard, l'Italien d'Arman l'estimait à 260 ohms seulement (1). Depuis Vigouroux, qui l'a beaucoup étudiée, il y a cinquante ans, on admet qu'elle se tient entre 1,500 et 10.000 ohms, en général, et Poncin donne comme moyenne environ 9.000. Une telle résistance correspondrait, pour un

(1) A titre de comparaison, une lampe monowatt de as bougles possède une résistance d'environ 450 ohms, et une 100 bougies demiwatt un peu plus de 200 ohms. Celle d'une sonnerie électrique est de quelques dizaines d'ohms, etc.

ampère seulement traversant le corps, à une tension très élevée, qui produirait des effets foudroyants et une élévation de température très rapide et importante, malgré la grande masse du corps humain.

Mais la diathermie n'emploie, nous venons de le dire, que les courants de très haute fréquence étudiés par d'Arsonval de 1881 à 1890. C'est dans le cours de cette dernière année, que lui en France et Nichola Tesla aux Etats-Unis, démontrèrent qu'un courant aussi fréquemment coupé et inversé pouvait traverser l'organisme sans l'incommoder ; à telles enseignes que deux personnes tenant chacune par une main l'un des fils du circuit pouvaient impunément compléter celui-ci en se reliant par une lampe : celle-ci s'allumait, et les sujets ne sentaient aucune secousse. Pourtant le débit à travers leur corps pouvait s'élever à plusieurs ampères. A quoi cette innocuité des courants à inversion ultra-fréquente est-elle due ? La question est loin d'être élucidée ; le corps humain est un milieu trop complexe, et la fibre musculaire en particulier, pour que les phénomènes y soient aussi simples que dans un fil métallique qui suit fort exactement la loi très simple de Joule.

Je n'insisterai pas sur les appareils qui permettent d'élever le courant à la fréquence requise. Ce sont des transformateurs de courant en décharges oscillantes dans des condensateurs, et qui peuvent être soit des éclateurs à plateaux entre lesquels jaillissent des étincelles, comme dans les émetteurs de T. S. F. d'il y a quinze à vingt ans, soit des arcs dits chantants » de Dudell ou de Poulsen, soit enfin des lampes triodes ou kénotrons dérivés de la « valve » de Fleming : tous dispositifs également employés comme émetteurs en T. S. F. en les associant à des capacités convenables. Les premiers essais de d'Arsonval furent faits avec l'oscillateur de Herz qui, tout le monde le sait, a été l'organe fondamental de la radiotélégraphie embryonnaire; puis avec le condensateur d'Elihu Thomson, en 1891-92. C'est à partir de cette époque que le courant fut employé sous formes d'oscillations entretenues et non amorties (notion également familière à tous les adeptes de la T. S. F.). L'intensité varie ordinairement entre un demi-ampère et trois, parfois jusqu'à cinq ampères ; la puissance utilisée est généralement de l'ordre de 100 à 300 watts.

Le passage des courants Tesla-d'Arsonval n'est, toutefois, pas absolument insensible: il se traduit par une légère chaleur, qui ne se ressent que peu à peu et reste généralement très tolérable, l'augmentation de la sueur qui en résulte travaillant à abaisser la température par l'évaporation. C'est justement ce lent et assez faible échauffement produit dans l'intimité des tissus, et non apporté de l'extérieur en un point comme par les cautères, qui a valu à ce mode opératoire le nom de diathermie. Mais, surtout, cet échauffement s'accompagne de modifications également lentes, mais bien autrement importantes, dans le protoplasma même des cellules. Et si l'on ne sait à peu près rien du mécanisme de ces modifications, ni même en quoi elles consistent exactement, on n'en est pas moins fixé sur les résultats d'ensemble qui apparaissent dans l'organisme.

Il est difficile de dire qui, au juste, a été le créateur de la diathermie en tant que méthode médicale, Les noms de

Nageschmidt, Zeyneck, Bernd, s'y rattachent entre 1900 et 1910, puis ceux de l'école électrothérapique française (Delaquerrière, Bergonié à Bordeaux, Bordier à Lyon). Dans des expériences de laboratoire préliminaires et indispensables, Lecomte et Bordier avaient obtenu, en un quart d'heure à vingt minutes, la mort de lapins par courants de Tesla-d'Arsonval les parcourant de la bouche au rectum sous une intensité d'un demi-ampère. La respiration s'accélérait et la température montait progressivement, et la mort survenait par l'échauffement exagéré des centres nerveux, et, notamment du bulbe.

L'homme, 25 à 30 fois plus massif que les animaux soumis à l'expérience, ne ressentait aucun effet de ces courants. Mais avec un débit d'un ampère à un ampère et demi, les parties mises en contact avec les électrodes ressentent peu à peu une chaleur légère d'abord agréable, puis, qui envahit progressivement les régions voisines. Pour une application de l'ordre du quart d'heure et de l'ampère, on mesure des élévations locales de température qui atteignent 1° à 4° suivant les régions et les personnes. La respiration s'accélère parallèlement, jusqu'à doubler, les pulsations du cœur augmentent de moitié en peu de minutes (1). Plus la région est irriguée par le sang, moins sa température s'élève; par contre, il est difficile de tolérer longtemps l'effet diathermique dans le tissu adipeux sous un ampère et demi.

Naturellement, la pression sanguine dans les vaisseaux se ressent de ce changement du régime cardiaque : elle diminue notablement, ce qui rend la d'arsonvalisation précieuse pour diminuer l'hypertension artérielle. Il en résulte encore, par suite, d'importantes modifications dans la sécrétion : non seulement, la production de sueur augmente beaucoup, mais l'urine devient aussi plus abondante, en même temps que plus concentrée et plus toxique. De même pour les glandes à secrétions internes; dans bien des cas, la diathermie diminue le diabète jusqu'à le supprimer, et elle a donné de bons résultats dans la maladie de Basedow.

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On voit que l'influence de la diathermie sur la vie de la cellule est très marquée, si elle est discrète et progressive; elle augmente, en somme, l'activité des tissus en leur imposant de réagir. Une séance moyenne, avec application d'électrodes diathermiques très larges des sortes de matelas multiplie les oxydations par 10 à 20 à peu près. Un agent aussi puissant et s'adressant à une fonction aussi générale, ne peut, évidemment, être employé sans discrétion et sans suivre attentivement ses effets, complexes et difficiles à débrouiller. On s'explique aussi l'infinie variété des applications auxquelles il paraît se prêter.

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Mais, si la diathermie intéresse tous les tissus et agit sur toutes les fonctions, elle peut aussi être presque réduite à des actions locales et se prêter ainsi à des interventions de type chirurgical. En amenant le courant par des électrodes étroites comme des sondes, leur faible surface donne une

(1) Ces phénomènes constituent l'un et l'autre un moyen de défense de l'organisme contre l'apport de chaleur dans le corps, en envoyant d'une part le sang à la périphérie cutanée, où il se refroidit, grâce à l'évaporation de la sueur, un bien plus grand nombre de fols par minute; et, d'autre part, en amenant plus fréquemment de l'air frais aux poumons pour abaisser la température du sang.» (BORDIER).

forte densité électrique dans les régions touchées, et seuls les tissus en contact avec ces électrodes sont « fulgurés » ; du moins, sont-ils bien plus rapidement envahis par une hyperthermie qui les coagule et les tue en les transformant en escarres. C'est ce que l'on a appelé la diathermo-coagulation, et qui se différencie de la cautérisation en ce que l'électrode reste froide et que, son action n'étant pas instantanée, cette destruction s'étend en profondeur et en surface dans une zone réglable par la durée et l'intensité du courant. La destruction d'épithéliomas et cancroïdes, toujours sujette à récidive par la cautérisation ou l'exérèse chirurgicale, paraît ici absolue; de même pour le lupus. Les néoplasmes cancé reux peuvent être détruits de la même manière, et les diathermistes prétendent les résultats supérieurs à ceux que donne la radiothérapie profonde et la curiethérapie. Signalons encore la destruction des papilles génératrices de poils << indésirables », qui est plus facile et plus indolore par la diathermie locale que par les autres procédés.

La diathermie tiendra-t-elle toutes ses promesses, je veux dire toutes les promesses qu'on lui prête, au triple point de vue de la variété des effets, de leur sûreté et de leur permanence? Un avenir assez éloigné pourra seul fixer là-dessus. Mais, dès maintenant, elle apparaît comme l'un des plus puissants et des plus souples moyens que possède à l'heure actuelle la physique médicale. Et il est impossible qu'il n'en reste pas une part importante.

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PROMENADES

Le tambourin et les tambourinaires

Dans un théâtre d'une des grandes villes du Midi, les directeurs vont monter Mireille. Ils voudraient engager de véritables tambourinaires. Or, jusqu'à présent ils n'en trouvent nulle part. Est-ce possible ?

Mais oui, c'est possible. Le tambourin se meurt. Pendant des années, les Félibres ont pétitionné pour obtenir l'ouverture d'une classe de tambourinaires au Conservatoire de Marseille. Ils n'ont pas, du moins encore, gagné leur cause. N'y avait-il pas eu déjà des « écoles » à Aubagne, à Canace, à Aix, à Arles, etc. ? Sans doute, le Valmajour d'Alphonse Daudet n'avait pas eu besoin de professeur puisqu'il s'était découvert une âme de tambourinaire en écoutant chanter le rossignol. Mais les Félibres ont raison de vouloir que le tambourin ne meure pas.

D'ailleurs, ce n'est pas seulement le tambourin qui est menacé. C'est la cubrette auvergnate, la vielle et la musette berrichonnes, la bombarde et le biniou bretons. Que viennenf à disparaître ces instruments populaires, et les airs qu'il sonnaient, les danses qu'ils accompagnaient, disparaîtront

La couleur locale n'en souffrirait pas moins. Vous imaginez-vous la Provence sans ses tambourinaires? « Le tambourinaire, dit Daudet, mais c'est la Provence faite homme » Tout le corps de l'instrumentiste vibre à la fois une des mains bat la caisse, l'autre se promène agilement par les trous d'une petite flûte. « Pan. pan ! » dit le tambourin; « Tu, tu ! » réplique le gaboulet. Et en avant pour la farandole !

Il n'est pas de tambourin qu'en Provence, Le Béarn a aussi le sien, moins étroit, sinon moins léger, sorte de bedou à 6 ou 7 cordes accordées en quintes. Comme en Provence, l'instrumentiste n'en joue que d'une main; l'autre main tient un flûtet à cinq trous.

Un peu plus bas, chez les Basques, qui ont donné leur nom au petit tambour à grelots en usage dans toute l'Espagne et l'Afrique mauritaine, une vieille danse, la Mouchica, ou danse des mouchoirs, rapide, violente, très chaste pourtant, n'a pas cessé de garder la vogue. On danse la Mouchica sur la place publique, les jours de fête, aux sons du bedon et de la « chirula », flûteau de bois percé de trois trous, qui rend des sons vifs et grêles.

Pendant deux étés, à Etsatsou, petit village tout voisin 'de Cambo, et presque au seuil de la gorge du Pas-de-Roland, je me plaisais, le dimanche matin, à assister à cette danse basque sur la place gazonnée de l'église, dans l'ombre 'douce des grands noyers.

Les beaux garçons d'Etsatsou descendaient, sur deux rangs, du centre de leur commune, en dansant au son du fifre et de la chirula. Vêtus de pantalons blancs à ceinture rouge, coiffés de bérets rouges à pompon blanc, chaussés 'd'espadrilles rouges, ils portent des fusils de dimensions 'diverses, des carabines, des mousquets. Ils jouent de ces fusils avec adresse, les lançant très haut, les rattrapant au vol. Le fils de l'une des meilleures familles du pays, le capitaine, les commande.

Un tambour-major brandit une canne à pomme d'argent. A sa droite et à sa gauche marchent, raides et solennels, coiffés de bonnets à poil, deux sapeurs au tablier blanc, la hache sur l'épaule. Un drapeau déploie au milieu des rangs ses plis jaunes et rouges, traversés d'une croix blanche.

Bien avant que nos armées connussent le tambour, donc avant le XIV siècle, les jongleurs méridionaux faisaient usage du tambourin; tambourin et galoubet accompagnaient les chansons des troubadours populaires qui couraient les cités et les châteaux du Midi. Le tambourin nous est venu par l'intermédiaire des Sarrasins, de l'Orient, c'est-àdire des Dieux, puisque tous y naquirent. Les Sarrasins, en effet, se servaient de cet instrument aux lieu et place de trompette pour cadencer la marche de leurs fantassins.

Si nos ancêtres ont vu le tambour accroché au flanc d'héroïques guerriers, je me flatte de l'avoir vu dans Carpentras, il y a cinq ans, suspendu, comme un panier fleuri, au bras du père Clinchard, Capoulié des tambourinaires provençaux. Le tambour peut, au gré de son maître, se montrer doux ou terrible. Il sait imiter le grondement du tonnerre et aussi bien scander les jeux et les ris. Quand il est doux, on le nomme tambourin.

Sous la baguette du père Clinchard, quelle bonne grâce il avait, et quelle allégresse, qui échauffait jusque dans les échos de la lumière la joie de vivre ! Depuis soixante ans, ce hardi Capoulié des tambourinaires, qui en comptait alors quatre-vingt-deux, battait gaillardement de son tambourin. Suivi de tous les tambourinaires de la région, il menait la danse, et toutes les belles filles et tous les vigoureux garçons du Comtat lui rendaient hommage.

Dans cette grande ville, où le théâtre veut monter Mireille, jugerait-on trop vieux le père Clinchard? Ou, par malheur, serait-il passe de vie à trépas ? J'espère bien que non, mais alors aucun de ses élèves, les tambourinaires de Provence, n'oserait affronter après lui les feux de la rampe ? Ah! le père Clinchard le leur disait souvent ce n'est pas du jour au lendemain que l'on devient roi du tambourin. GEORGES BEAUME.

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Ces chansons enfantines, mais comme tant de chansons populaires où l'on retrouve moeurs et coutumes de nos provinces -elles affirment clairement leur origine tout en évoquant plaisamment des douceurs chères aux petits et aux grands chansons de haute Lorraine où plus encore que la pâtisserie en Alsace la confiserie règne de Bus sang à Bar-le-Duc et à Pont-à-Mousson. Dragées et pralines, inventées à Verdun, datent respectivement de 1220 et de 1600; bigarades et bergamotes qui sont, avec les macarons, une des coquetteries de Nancy, la coquette ville ducale; enfin, les talmouses, délicate spécialité des vieux couvents et des villes à anciennes abbayes nonniales du versant occidental des Vosges ; quant aux fiouses, c'est tout

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