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De ce sentiment aussi on peut dire qu'on en parle beaucoup et qu'on ne le rencontre guère. Il y faut des dispositions particulières, une certaine grâce; peut-être, si j'ose le dire, une sensibilité qui reste surtout masculine. M. Abel Bonnard me semble en avoir parlé en apologiste. Il y a sacrifié délibérément l'amour et il n'a pas assez rendu justice aux femmes. Ceci nous mènerait loin. Pour en rester à l'amitié, à l'amitié d'homme à homme, je me demande si sa rareté ne tiendrait point à des répugnances avouées ou secrètes. Il y a dans la femme un charme, une indécision, une nouveauté qui fait tout passer, même sa perfidie... ou ce que nous appelons ainsi. Diminuez la autant qu'il se peut, il reste toujours chez l'homme au moins un souvenir de cette grossièreté, grossièreté de manières, de paroles, d'instinct, qui rend pour l'ordinaire des jours et de la rue son commerce et son contact insupportables à des nerfs un peu en éveil. Le génie même, le génie mâle participe en quelque mesure à cette sorte d'imperfection de son L'amitié reste peu commune parce qu'elle n'est pas si facile. Puis, elle rencontre une terrible concurrence, sinon dans la passion du moins dans le véritable amour. Entre un homme et une femme qui vraiment sont tout l'un pour l'autre, s'enchantent l'un de l'autre et reposent au sein d'une mutuelle confiance, il s'établit ou delà de la chair une communion suivie d'un contentement si parfait que toute autre joie pour eux se décolore. On supporte malaisément une société d'hommes si on s'habitue à la compagnie des femmes : il ne reste plus de place aux affections. de choix dans le coeur qui possède un cœur.

sexe...

M. Abel Bonnard me répèterait que l'amitié l'emporte en pureté, en hauteur, en désintéressement. Le tout est de se demander si elle est possible pour chacun. Il en parle, lui, en des termes tels qu'on ne manque pas d'envier ceux qui lui en ont permis l'expérience.

GONZAGUE TRUC.

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Le sculpteur Seurre a donné à son La Fontaine, dont la statue décore le fond de la salle des séances de l'Académie des sciences, un air tout étonné.

Fut-il devin? Cette statue date de Louis-Philippe, et l'on ne soupçonnait pas, à cette époque, l'avenir du cinéma. En tout cas, on a placé devant le fabuliste l'écran du cinéma qui fonctionne de temps en temps à l'Académie des sciences. Et quand M. Léon Guillet montra l'autre jour à ses confrères la fabrication de l'aluminium sur cet écran, l'air stupéfait du bon La Fontaine parut à tout le monde bien naturel.

Le bon du roi ».

Il n'est guère d'été où l'on ne remette sur le tapis vert du Palais Mazarin la question des vacances académiques.

Mais les secrétaires perpétuels font la sourde oreille, ou répondent comme Conrart en 1672 : « Qui voudra des vacan ces, les prendra; les autres viendront travailler. >>

Pourtant d'Alembert, moins rigoriste que son prédécesseur Conrart et que son successeur M. René Doumic, se laissa faire; et sous son secrétariat perpétuel, l'Académie française connut des « vacations », comme on disait alors.

Il s'arrangea d'ailleurs pour que la bourse de ses confrères n'en souffrît point, et il obtint de Louis XV un « bon du roi » qui remplaçait pendant ces « vacations » le jeton de présence.

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In-8° écu avec un portrait hors-texte.. 15 fr.

CHEZ TOUS LES LIBRAIRES

CE QU'ON LIT Un excentrique en 1830, par Georges OUDARD (Hachette). Il s'agit de Chodruc Duclos, extraordinaire bonhomme. Jamais le qualificatif d'excentrique ne fut mieux placé. L'auteur suppose que ce type déconcertant de l'époque du règne de Louis-Philippe excita la curiosité d'un autre original, un Anglais, son contemporain. Lord Beastley voulut connaître la vie de ce Duclos, qui s'appelle en réalité Emile et non Chodruc; pour exaucer ce vou, un jeune écrivain se met en campagne, pénètre chez Nodier, où il voit Hugo et La Touche, suit son personnage dans le bouge où celui-ci dort chaque nuit, s'introduit partout en quête d'un renseignement, d'un détail concernant l'excentrique dont il a juré de percer le mystère.

Pourquoi celui-ci a-t-il changé sa vie, son costume, ses manières ? Pourquoi vit-il à l'écart, sordide comme Diogène dans son tonneau ? Nous le saurons à la fin du livre, après avoir vécu de la vie des personnages si divertissants que l'on nous présente. Au dernier chapitre, tout le monde se marie sauf Duclos qui est un mécréant... ou un malin. M.-L. P.

La vie amoureuse de la belle Hélène, par Gérard d'HOUVILLE (Flammarion).

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BIBLIOGRAPHIE

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LouisClaude

Knut

ROMANS. Joseph JOLINON, La foire (Rieder). Raymond LEFEVRE, La grâce de Lisieux (Gallimard). EYLAN, L'héritière du roi Salomon (Grasset, 12 fr.). HAMSUN, Sous l'étoile d'automne, trad. du norvégien par Georges SAUTREAU (Rieder, 12 fr.). Pierre DOMINIQUE, Sa Majesté (Grasset, 12 fr.). Gaston-Ch. RICHARD, La belle robe de Lady Elmoor (J. Tallandier, 9 fr.). GILBERT DE VOISINS, L'absence et le retour (Grasset, 12 fr.). Francisco CONTRERAS, La montagne ensorcelée (Fasquelle, 12 fr.). Jeanne MAXIMEDAVID, Premier inceste (Flammarion, 12 fr.). MOURASAKI SHIKIBOU, Le roman de Genji (Plon). MARTIAL-PIÉCHAUD, Renaître (Plon, 12 fr.). CURNONSKY et J. W. BIENSTOCK, Le café du commerce (A. Michel, 12 fr.). Albéric CAHUET, Mademoiselle de Milly (Fasquelle, 12 fr.). Marius-Ary LEBLOND, La Grâce (Ferenczy, 12 fr.). ROUX-SERVINE, Tiste, l'amour et la gloire (Grasset, 12 fr.). Pierre GRASSET, L'échauffourée du Métro (Grasset, 12 fr.). Gaston CHERAU, L'ombre du maître (Plon, 12 fr.). G.-A. BORGESE, Rubě, trad. par M.-Y. LENOIR (Plon, 18 fr.). Alexandre ARNOUX, Les gentilshommes de ceinture (Grasset, 12 fr.). — Jean BODIN, Emmanuel BUENZOD, Fernand GUER, Armel, les Heures profondes, Bénéfice d'inventaire (Rieder, 20 fr.. Gabriel NIGOND, Marie Montraudoigt (Plon, 12 fr.). Louis BERTRAND, La Nouvelle éducation sentimentale (Plon, 12 fr.). BINET-VALMER, Irina l'exilée (Flammarion, 12 fr.). Talbot MUNDY, Yasmini, princesse de Sialpre, trad. par Louis POSTIF (Stock, 12 fr.). Georges IMANN, Seize ans (Grasset, 12 fr.). - Félicien CHAMPSAUR, La princesse Emeraude (Ferenczi, 12 fr.). Charles SILVESTRE, Le vent du gouffre (Plon). Marcelle VIOUX, Ma route (Fasquelle, 12 fr.). — Roger MARTIN DU GARD, Les Thibault, IV: la Consultation; V: la Sorellina (Nouvelle Revue française, 24 fr.). Jacques de LACRETELLE, Quatre nouvelles italiennes (Lemarget). Henry LAURESNE, La sonate pathétique (Le Rouge et le Noir, 12 fr.). Sherwood ANDERSON, Mon père et moi, trad. par V. LLONA (S. Kra, 15 fr.). Aline CARO-DELVAILLE, Thaddée Svenko (A, Lemerre). T. TRILBY, Marie-Pierre au volant (Flammarion, 12 fr.). Robert BAUDRIER, Quand le rosier refleurira (Figuière, 12 fr.). Pierre ZENDA, Mon harem de Deauville (Fayard, 12 fr.). Thierry SANDRE, Les yeux fermés (Nouvelle Revue française, 12 fr.). Henry K. MARKS, Valma, trad. par A. CARO-DELVAILLE (Nouvelle Revue française, 12 fr.).. MARC ELDER, La belle Eugénie (Ferenczi, 12 fr.). Henri BACHELIN, L'Abaye, Vézelay au XIr siècle (Monde Moderne, 12 fr.).

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Cette biographie » a toute la fantaisie et la poésie, et la malice exquise, qu'on pouvait attendre en un tel sujet de Gérard d'Houville. Quel charmant livre ! Si Hélène n'avait pas existé, elle existerait désormais. II n'y a, inutile de le dire, aucun rapport entre les blagues épaisses de Meilhac et Halévy, et ce ravissant petit roman, dont l'auteur n'est pas bien tendre pour les hommes. Mais elle a raison. Les hommes, la belle Hélène a dû en souffrir: elle les a tellement trompés ! Mme Gérard d'Houville lui donne la parole, et c'est elle-même qui nous conte sa vie imaginaire en commençant par son enfance. Pauvre Hélène, elle a commencé la vie bien jeune. Presque bébé encore, elle a connu la rosserie: ses sœurs jalouses prétendaient que, si elle était blonde, c'était à cause de l'oeuf dont elle était sortie, fille du Cygne et de Léda. Enfant, à 10 ans, elle est déjà enlevée, et par Thésée, qui en avait cinquante et qui expliquait le coup » sans arrêt en racontant ses exploits. Elle n'aime pas les héros, la belle Hélène. « Un jour, s'écriet-elle, un jour luira-t-il jamais où les femmes, enfin libres, se refuseront au sort qu'elles n'acceptent pas, et un jour encore plus parfait où ce seront elles qui cueilleront et mangeront les hommes? Il est arrivé, et depuis longtemps, ce jour-là, ô Hélène, et tu le sais bien, que ce n'est jamais, jamais, jamais, l'homme qui choisit, mais la femme, et qu'il y a un mystérieux petit signë, que tu as fait la première, toujours, toujours, toujours à travers les âges (Spes, 12 fr.). et même à 10 ans, j'en suis sûr. Les hommes se figurent, eux, qu'ils choisissent, mais tu sais bien que non, toi, n'estce pas ? II est vrai qu'il est bon de leur laisser leur illusion. Ce livre-ci ne la leur ôtera pas. Et il leur procurera celle d'avoir connu la belle Hélène, qui était une adorable personne. Aussi faut-il remercier Gérard d'Houville de nous l'avoir modelée. J. B.

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ART. Paul LANDORMY, La vie de Schubert (Gallimard). François FOSCA, Liotard (A. Delpeuch, 20 fr.). Louis LALOY, La musique retrouvée (Plon). Pierre FRÉDÉRIC, Goya (Cahiers de la Quinzaine). Pierre PARIS, Goya (Plon, 20 fr.). René FAUCHOIS, La vie d'amour de Beethoven (Flammarion, 2 vol., 18 fr.). Raymond-Raoul LAMBERT, Beethoven rhénan (Les Presses françaises, 3 fr. 50). MOZART, Lettres, trad. par H. de CURZON (Plon, 2 vol., 30 fr.).

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POLITIQUE, SOCIOLOGIE. - R. P. COULET, l'Eglise et le problème de la famille (Spes, 10 fr.). Mgr BAUDRILLART, La vocation catholique de la France et sa fidélité au Saint-Siège José Rafaël POCATERRA, La tyrannie au Vénézuela: Gomez, la honte de l'Amérique (A. Delpeuch, 12 fr.). Carl SCHMITT, Le romantisme politique (Valois, 15 fr.). Mussolini parle (Plon, 15 fr.). - Alfred FABRE-LUCE, Le 22 avril (Grasset, 7 fr. 50). Noël VESPER, Les protestants : la Patrie, l'Eglise (Perrin, 12 fr.). Charles BENOIST, La question méditerranéenne (V. Attinger, 15 fr.). AVERTCHENKO, Douze couteaux dans le dos de la Révolution (Renaissance du Livre, 12 fr.). Roger GIRON et Robert de SAINT-JEAN, La jeunesse littéraire devant la politique (Editions des Cahiers libres, 15 fr.). Henry de JOUVENEL, Pourquoi je suis syndicaliste (Editions de France). Lucien ROMIER, Idées très simples pour les Français (S. Kra, 7 fr. 50). Léon H. RAGOT, Pourquoi Poincaré ne stabilisera pas (A. Fayard, 10 fr.). Louis-Lucien HUBERT, Ce qu'il faut connaître des grandes journées parlementaires (Boivin, 7 fr.). L. MARCELLIN, Le règne des harangueurs (Renaissance du Livre, 12 fr.). Paul LOMBARD, A la tribune! (Editions de France, 12 fr.). WONG CHING-WAI, La Chine et les nations (Gallimard, 12 fr.).

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MEMOIRES

puis, ayant déposé ses aigles sous l'Arc du Carrousel et ses armes dans le jardin des Tuileries, elle parvint aux ChampsElysées où un banquet de dix mille couverts avait été préparé De la place de la Concorde au Rond-Point, des tables étaient dressées. Les officiers avaient les leurs sous des tentes aménagées de distance en distance. La tente de l'état-major se trouvait au Rond-Point. La municipalité assista à ce repas gigantesque. Le temps s'était malheureusement gâté et, vers la fin de la journée, la pluie tomba en abondance. Mais les averses n'altérèrent pas la bonne humeur des Parisiens, qui s'empressèrent aux distributions de comestibles que la municipalité avait ordonnées sur

ET DOCUMENTS douze places de la ville. Place des Innocents, le vin coula par

Fastes militaires de jadis

Ne regrettez-vous pas les Revues que nous valait le Quatorze Juillet, il y a quelques années, et le joyeux enthousiasme populaire de cette fête traditionnelle ? Les Parisiens goûtaient fort ce spectacle et bon nombre d'entre eux déplorent qu'on l'ait supprimé. En manière de consolation, et puisque l'on nous a mis en pénitence, vous plaît-il d'évoquer quelques-uns des retours triomphaux de nos armées, le retour de Pologne de la garde impériale, en 1807, le retour de l'armée d'Orient, en 1855, et, en 1859, celui de l'armée d'Italie ?

Aux premiers temps de l'époque napoléonienne, la population parisienne s'exalte à ces réceptions d'étendards que l'empereur lui envoyait par brassées des pays que ses aigles traversaient d'un vol irrésistible. Elle applaudit, en maintes revues, les soldats des campagnes d'Italie, d'Egypte et d'Allemagne, grenadiers, fusiliers, chasseurs, mameluks, dragons, sortant en superbes cohortes de la cour des Tuileries, par l'Arc du Carrousel. Mais que dire de cette ferveur, comparée à celle qui accueillit la garde impériale à son retour de Pologne ! C'était l'apogée de l'Empire. Napoléon avait, à Tilsitt, dicté ses volontés à l'Europe. Devançant ses troupes dans la capitale, il avait, le 15 août, épuisé les rites de la souveraineté césarienne. Puis il était parti pour Venise. Le 25 novembre, Paris frémissant attendait.

Le ciel était clair, le temps promettait d'être beau. Dès l'aube, une foule innombrable s'était dirigée vers l'avenue du Nord et la barrière de la Villette, où avait été élevé en l'honneur de la grandearmée un arc de triomphe surmonté d'un quadrige doré. A onze heures, le corps municipal, conduit par le préfet de la Seine Frochot, sortit de l'Hôtel de Ville et prit place dans des voitures de gala pour se rendre au-devant de la garde. Il était précédé et suivi par un détachement de cavalerie. Il atteignit vers midi la barrière. Bientôt, une marche militaire annonça l'arrivée des valeureuses phalanges, et Bessières, qui les commandait, surgit sous la voûte du monument emblématique. Contenant son cheval fougueux, dont le poitrail noir se moirait d'écume, raide dans son éclatant uniforme de maréchal de l'Empire, il dominait de sa haute taille un brillant état-major. Et, derrière lui, à l'infini, dans un poudroiement, ondulaient des panaches, flottaient des drapeaux, fulguraient des baïonnettes. Une formidable clameur salue l'apparition héroïque. Le corps municipal s'avança vers Bessières, et, après un souhait de bienvenue, lui remit les couronnes d'or destinées aux aigles des différents corps de la Garde. Après quoi, il regagna ses tribunes. Un orchestre exécuta le Chant du Retour, dont les paroles étaient d'Arnault et la musique de Méhul. Et le défilé

commença.

Foulant les rameaux verts que des milliers de spectateurs jetaient à profusion sous ses pas, l'armée s'écoulait. Elle descendit la rue du Faubourg-Saint-Martin, gagna les Tuileries,

les quatre robinets de la fontaine de Pierre-Lescot et de JeanGoujon. En plusieurs endroits, on tira des loteries. Le soir, le ciel se rasséréna et la ville s'embrasa. Des inscriptions lumineuses « A la Grande Armée », « A la Garde impériale », « A Napoléon le Juste », décorèrent les carrefours et des feux d'artifice furent tirés. « L'allégresse, dit un témoin oculaire, était universelle et débordante; les jeunes gens chantaient des hymnes patriotiques et les veillards, s'embrassant en pleurant, saturés de joie, souhaitaient mourir. »

Le retour des troupes de l'armée d'Orient s'effectua le 20 décembre 1855. L'empereur, accompagné des princes et de son état-major, alla à leur rencontre jusqu'à la Bastille, par les rues de Rivoli, de Castiglione, de la Paix et des boulevards. Sur ce parcours, les échafaudages dressés le long des maisons, les balcons, les toits étaient noirs de monde. Des drapeaux portant les inscriptions: « A la gloire des armées françaises »; << Aux vainqueurs de Sébastopol », flottaient aux fenêtres. Près de l'Ambigu, une statue de la Renommée embouchait sa trompette; devant la Porte Saint-Martin un arc de triomphe s'érigeait, orné de trophées et d'attributs symboliques; devant les Variétés, un génie ouvrait ses ailes. L'armée de Paris fai sait la haie. Les régiments victorieux, commandés par le géné ral de Lawoestène, étaient en tenue de campagne. Entre cha que bataillon s'avançaient les blessés, les uns le bras en écharpe ceux-ci le front bandé, ceux-là s'appuyant sur leurs compagnons plus valides, quelques-uns dans des chariots d'ambulance. La foule les acclamait, frénétique. Les femmes leur jetaient des immortelles, les hommes des branches de laurier. Et l'on se montrait Canrobert.

Place Vendôme, les troupes défilèrent autour de la colonne et s'arrêtèrent sous le balcon du ministère de la Justice, où se tenait l'impératrice, vêtue de blanc et entourée de la cour. En face, sur des gradins occupant toute la largeur de la place étaient groupés la Municipalité, le Parlement, le Conseil d'Etat, la Magistrature. L'empereur présenta les drapeaux enlevés à l'ennemi et le cortège reprit sa marche vers les Invalides, par les rues de Castiglione et de Rivoli. Le soir, les soldats se répan dirent dans la ville illuminée. Des distributions de vin furent faites dans les principaux endroits. Les chants et les danses se prolongèrent toute la nuit.

La rentrée de l'armée d'Italie, qui eut lieu le 15 août 1859, surpassa encore en splendeur celle de l'armée d'Orient. Plus d'une semaine auparavant, une effervescence joyeuse régnait dans Paris. Les habitants, apportant spontanément leur concoura aux organisateurs de la fête, avaient paré de guirlandes, dé drapeaux, d'inscriptions et de fleurs la façade des maisons, Des trophées s'étaient élevés à l'angle des rues et dans les

carrefours; sur le chemin que devaient suivre les troupes, des fenêtres, longtemps à l'avance, avaient été louées jusqu'à cinq cents francs. De loin en loin, en travers des boulevards, se dressaient des arcs de triomphe. Près de la Bastille, il y en avait un rappelant bizarrement le gothique opulent et festonné de la cathédrale de Milan; boulevard du Temple, un autre figurait un portique de la Renaissance. Des mâts vénitiens aux couleurs italiennes alternaient le long des trottoirs avec des mâts tricolores. Sur des cartouches, encadrés de palmes, de branches de laurier ou de chêne, on lisait : « A l'Empereur », « A l'Armée », « Vive Napoléon III », « Veni, Vidi, Vici »; et les noms évocateurs de Solférino, de Magenta, de Turbigo, de Melegnano, de Palestro, de Montebello, tracés en lettres d'or sur des boucliers attachés à des colonnes commémoratives, brillaient au soleil. Une affluence considérable d'étrangers se mêlait à la population. Suivant l'expression du Moniteur, « les multitudes se fondaient avec les multitudes ».

De même qu'en 1855, Napoléon III se rendit place de la Bastille au-devant de l'armée, qui gagna la place Vendôme par les boulevards et la rue de la Paix. Le maréchal Baragueyd'Hilliers commandait le Ier corps; le maréchal de MacMahon, le second; le maréchal Canrobert et le maréchal Niel, le troisième et le quatrième. La foule, délirante, poussait des vivats, gesticulait, pleurait, couvrait de fleurs et de guirlandes les blessés, saluait les infirmières, envoyait des couronnes aux zouaves et aux turcos, applaudissait au passage les drapeaux autrichiens déchirés et criblés de balles. Les colonnes avaient beau s'allonger, les régiments se succéder les uns aux autres, les rameaux verts, les bouquets pleuvaient toujours ; et les soldats, se baissant parfois pour les ramasser, les mettaient au canon de leur fusil. La place Vendôme ressemblait « à un cirque romain un jour de triomphe ». L'armée d'Italie y arriva enfin.

Radieuse, elle contourna la colonne, passa devant un amphithéâtre de tribunes que garnissaient les principaux corps de l'Etat et parvint aux pieds d'une loge somptueuse, surmontée d'un dais de velours cramoisi à crépines d'or, décoré de faisceaux, d'aigles et d'oriflammes, et où les attendait, debout, l'Impératrice. Un spectateur nouveau sur lequel se concentraient tous les regards se montrait à côté de la souveraine. C'était le prince impérial, âgé de trois ans, en uniforme des grenadiers de la garde. Quand la place fut entièrement couverte par les troupes, l'Empereur, prenant dans ses bras l'héritier du trône, l'embrassa. Lorsque les blessés arrivèrent, il se découvrit. Les deux gestes soulevèrent l'enthousiasme; un tonnerre d'applaudissements retentit.

L'armée, comme en 1855, continua sa route par la rue Castiglione et la rue de Rivoli. Le soir, des illuminations, telles qu'il ne s'en était encore jamais vu, donnèrent à la ville un aspect féerique. Les façades des principaux monuments et des théâtres furent éclairées au gaz. Des lanternes vénitiennes, des cordons de verres multicolores, des lustres s'allumèrent dans les rues, au-dessus de la chaussée et dans le branchage des arbres. La place Vendôme était décorée d'aigles de feu et de faisceaux étincelants supportant le chiffre de l'empereur ; les Tuileries, d'étoiles. Et la joie régnait, universelle.

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Ces souvenirs ne nous prouvent-ils pas que la population parisienne fut toujours éprise des beaux spectacles militaires ? Nous le répétons: pourquoi avoir supprimé la revue du Quatorze juillet ?

A. DE BERSAUCOURT.

Promenades africaines

III. - La police saharienne.

L'auto a peiné dans le raidillon sablonneux qui conduit à l'entrée du poste. Une meute d'enfants nus l'escorte, criant, riant, fous de joie. L'arrivée de l'automobile est pour eux grande réjouissance et les femmes, non moins curieuses, cessent de tisser les tapis aux dessins réguliers, pour assister à notre arrivée au poste.

Devant la large porte, enroulés dans leurs manteaux rouges sans couture, des spahis font la sieste. Une sentinelle, vêtue d'une longue blouse de toile kaki, qui tombe sur les bottes de cuir rouge, la poitrine ceinte par les cartouchières, fait les cent pas.

C'est un merveilleux soldat. Il appartient, comme tous ces spahis, aux races guerrières des marches sahariennes, tribus berbères ou arabes, qui, avant l'arrivée des Français, nomadisaient en suivant leurs troupeaux, à travers les hauts plateaux du sud-oranais. Leur soumission nous a coûté cher, mais elle est maintenant solidement acquise et ils sont les meilleurs auxiliaires de notre police saharienne.

C'est un sujet d'étonnement que les moyens réduits avec lesquels la sécurité du Sahara est assurée. Il n'y a plus de tribus insoumises au Sahara; toutefois, les routes des caravanes carmelines sont encore en butte aux attaques des rezzous qui se forment en dehors des frontières françaises. Il y a deux nids de pillards, à l'est, la Tripolitaine que les Italiens sont loin d'avoir pacifiée ; à l'ouest, l'enclave mauritanienne du Rio de Oro, possession espagnole en bordure de l'Atlantique. Les Espagnols ne tiennent guère que la faible étendue de terrain qui est sous le feu des canons de leurs postes. Au delà, les Maures sont pratiquement indépendants.

Il en est de même des Senoussistes des confins de Tripolitaine.

La formation d'un rezzou offre de curieuses analogies avec l'équipement d'un corsaire au temps de la guerre de course. Quelques riches propriétaires mettent en commun une certaine somme qui sert à acheter armement, munitions et chameaux, à engager un chef, réputé pour sa hardiesse et sa connaissance des routes du désert, qui, lui, choisira ses hommes, tous spécialistes de cette guerre particulière. Après une fête donnée en leur honneur, les pillards se mettent en campagne. Ils ont un service de renseignements fort bien fait. Rien ne se passe dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres qu'ils ne soient informés. Ils savent les dates de départ des caravanes qui vont de Tripolitaine au Soudan, les itinéraires des nomades conduisant leurs chameaux au pâturage. De ce moment, leur tactique est simple. Ils sont certains de ne point manquer leur proie que le ravitaillement en eau contraint à suivre la ligne des puits. Ils les y attendent ou les y surprennent au petit jour. Les batailles sont

brèves. Chameaux, marchandises et marchands sont emmenés à grande allure vers le Rio de Oro, ou vers la Lybie. Car il n'y a pas une heure à perdre. Les pillards savent que les méharistes français seront aussitôt informés de leur attaque et que la poursuite ne saurait tarder.

En effet, les agents, les patrouilles qui sillonnent sans cesse le désert apprennent bientôt que des pillards sont en retraite avec leurs prises. Un officier prend le commandement d'un groupe composé de méharistes chambis ou touaregs, encadrés par quelques Français. La poursuite sera longue. Marchant nuit et jour, faisant des étapes quotidiennes de soixante-dix kilomètres pendant des semaines, le groupe de répression gagne peu à peu de vitesse les ravisseurs qui se sont hâtés les premiers jours, mais qui, bientôt, retournent à leurs habitudes de flânerie. Aussi, après une poursuite de quinze ou vingt jours, les méharistes tombent à l'improviste sur le rezzou campé près d'un puits, le châtient et délivrent les prisonniers.

La rapidité de la répression diminue d'année en année le nombre des agressions. Pour tenir en paix cet immense domaine, la France dispose de trois compagnies sahariennes dont l'effectif total ne dépasse pas six mille hommes, dont cinq ou six cents Français, officiers et sous-officiers. L'aviation a, d'ailleurs, largement contribué à l'établissement de la paix française. Ses reconnaissances permettent de déceler sans retard la présence d'un rezzou et les escadrilles de bombardement le dispersent avant qu'il ait eu le temps de nuire.

Aussi, peut-on dire que la sécurité au Sahara est totale. Notre voiture, pendant tout son parcours saharien, ne sera pas escortée un seul instant. Nous couvrirons des étapes de plus de quatre cents kilomètres sans que les fusils, emportés à titre de précaution, ne sortent des coffres où ils

sont garés.

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Tout ça ne sert à rien, disent beaucoup de sceptiques. Tout ça n'est que niaiserie sentimentale, vaine littérature. Notre espèce n'en restera pas moins foncièrement égoïste et cruelle.

Plus nombreux encore sont ceux qui le pensent mais n'osent pas le dire. Ils subissent malgré tout le prestige d'une certaine esthétique morale qu'ils craignent de paraftre mépriser.

On trouve là un respect humain du même ordre que celui qui existe en matière littéraire et artistique. Des chefs-d'œeuvre vous ennuient, mais vous faites bien attention de ne pas le laisser voir. L'excellente éducation que vous avez reçue vous a pourvus d'une nomenclature de noms d'auteurs, de livres, de tableaux, de statues, de pièces de théâtre, qu'il faut admirer sous peine d'être un barbare.

Mais la mode complique ici les choses. Elle aussi crée des obligations de goût. Il est vrai qu'elle donne contre ordre à chaque instant. On lui obéit au rebours de ses convictions intimes pour se sauver du déshonneur de n'être pas à la page.

Et la mode peut bien rayer des noms sur le répertoire de la vénération, aujourd'hui l'un, demain l'autre, sans qu'on puisse rien prévoir.

Par nature, l'homme est bon, ou bien il est mauvais. Si ce dilemme se posait en toute rigueur, on avouera que ce qu'on pourrait appeler la méthode d'enseignement de la bonté serait très différente suivant l'alternative que l'on adopterait.

En pratique, c'est la réponse du Normand qui est la vraie :

Pour un être qui serait bon, l'homme ne vaut pas grand chose, mais pour un fieffé gredin, il se montre d'humeur

encore assez honnête.

Ainsi juge-t-on d'après le témoignage de ceux qui ont été en contact avec les sociétés dites primitives.

Elles peuvent appartenir à la même race et différer cependant du tout au tout au point de vue de la bonté. C'est le cas, entre bien d'autres, des Esquimaux. Ceux du NordOuest du Dominion du Canada sont pillards et homicides. Ils ont massacré jadis deux ou trois expéditions envoyées pour explorer les bouches du grand fleuve Mackenzie. Les Peaux Rouges du voisinage ont d'eux une peur horrible.

Au Nord-Est, Amundsen, qui réussissait à franchir le passage de ce nom, rencontrait des Esquimaux aux mœurs les plus douces et les plus bienveillantes, dont il n'eut qu'à se louer, et d'autres assez pareils à leurs frères du NordOuest.

Quant aux Esquimaux du Groënland, on n'en dit que du bien. Tout au plus leur reproche-t-on quelques menus vols et d'être jaloux. Il est vrai que leurs femmes sont accueillan

tes.

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