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Puis dans sa colère il écrit.

Comme il le prévoyoit, les souris grignolèrent Et crevèrent.

C'est bien fait, direz-vous, cet auteur eut raison.
Je suis loin de le croire : il n'est point de volume
Qu'on n'ait mordu, mauvais ou bon

Et l'on déshonore sa plume
En la trempant dans du poison,

FABLE XXI.

L'AIGLE ET LE HIBOU.

A DUCIS.

L'OISEAU qui porte le tonnerre,

Disgracié, banni du céleste séjour
Par une cabale de cour,

S'en vint habiter sur la terre:

Il erroit dans les bois, songeant à son malheur, Triste, dégoûté de la vie,

Malade de la maladie

Que laisse après soi la grandeur."

Un vieux hibou, du creux d'un hêtre,
L'entend gémir, se met à sa fenêtre,
Et lui prouve bientôt que la félicité

Consiste dans trois points: Travail, paix et santé.
L'aigle est touché de ce langage

Mon frère, répondit-il, (les aigles sont polis
Lorsqu'ils sont malheureux)que je vous trouve sage!
Combien votre raison, vos excellents avis,
spirent le désir de vous voir davantage,
De vous imiter, si je puis!

Minerve, en vous plaçant sur sa tête divine,
Connoissoit bien tout votre prix;

C'est avec elle, j'imagine,

Que vous en avez tant appris.

Non, répond le hibou, j'ai bien peu de science;
Mais je sais me suffire, et j'aime le silence,
L'obscurité surtout. Quand je vois des oiseaux
Se disputer entr'eux la force, le courage,
Ou la beauté du chant, ou celle du plumage,
Je ne me mêle point parmi tant de rivaux,
Et me tiens dans mon ermitage.

Si malheureusement, le matin, dans le bois,
Quelque étourneau bavard,quelque méchante pie
M'aperçoit, aussitôt leurs glapissantes voix
Appellent de partout une troupe étourdie,
Qui me poursuit et m’injurie :

Je souffre, je me tais; et, dans ce chamaillis,
Seul, de sang-froid et sans colère,

M'esquivant doucement de taillis en taillis,
Je regagne à la fin ma retraite si chère.
Là, solitaire et libre, oubliant tous mes maux,
Je laisse les soucis, les craintes à la porte;
Voilà tout mon savoir: Je m'abstiens, je supporte;
La sagesse est dans ces deux mots.

Tu me l'as dit cent fois, cher Ducis, tes ouvrages,
Tes beaux vers, tes nombreux succès

Ne sont rien à tes yeux, auprès de cette paix
Que l'innocence donne aux sages.
Quand, de l'Eschyle anglois heureux imitateur,
Je te vois, d'une main hardie,
Porter sur la scène agrandie

Les crimes de Macbeth, de Léar le malheur,
La gloire est un besoin pour ton âme attendrie,
Mais elle est un fardeau pour ton sensible cœur.
Seul, au fond d'un désert, au bord d'une onde pure,
Tu ne veux que ta lyre, un saule et la nature:
Le vain désir d'être oublié

T'occupe et te charme sans cesse;
Ah! souffre au moins que l'amitié
Trompe en ce seul point ta sagesse.

FABLE XXII.

LE POISSON VOLANT.

CERTAIN poisson volant, mécontent de son sort,

Disoit à sa vieille grand'mère :
Je ne sais comment je dois faire
Pour me préserver de la mort.
De nos aigles marins je redoute la serre
Quand je m'élève dans les airs;

Et les requins me font la guerre

Quand je me plonge au fond des mers.

La vicille lui répond: Mon enfant, dans ce monde, Lorsqu'on n'est pas aigle ou requin,

Il faut tout doucement suivre un petit chemin, En nageant près de l'air, et volant près de l'onde.

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