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du Sichon, la découverte à Byblos, en 1923, du sarcophage du roi local Ahiron, plus ancienne de quatre siècles que la stèle de Mésa. M. le D' Morlet n'en eut connaissance que vers la fin de 1926 en lisant la Civilisation phénicienne du D' Contenau qui venait de paraître. Les lettres d'Ahiram, miracle de la machine à refaire les siècles! vinrent prendre place (plus timidement, il est vrai) à côté de celles de Mésa et d'Eshmounazar !

Ce n'est pas tout. M. Salomon Reinach s'avisa, à la même époque, qu'une inscription énigmatique trouvée à Alvâo (Portugal) pouvait servir de terme de comparaison décisive avec l'écriture glozélienne. Pour permettre à M. le D' Morlet de se réjouir de sa découverte, il lui envoya la revue Portugalia qui reproduisait l'inscription. Par une étrange coïncidence, quelques semaines après la réception du périodique, apparaissaient sur de nouvelles tablettes des lettres caractéristiques de l'alphabet ibérique ! Si l'éminent conservateur du Musée de Saint-Germain avait voulu tendre un piège à l'Esprit de Glozel, il n'eût pas agi autre

ment.

On en conviendra, cette démonstration si logique et si simple (mais il fallait s'en aviser et l'esprit critique peut à certains moments faire défaut aux plus grands savants) vient singulièrement renforcer les remarques antérieures de M. Vayson de Pradenne sur la matérialité des tablettes : progression nettement marquée au fur et à mesure des découvertes, habileté croissante de la main, disposition de

infructueuses, suivie d'une nuit de repos bien gagné, l'Esprit de Glozel a satisfait leur curiosité. Les découvertes ont afflué. Mais quelles seront les conclusions de ces savants internationaux qui, comme saint Paul n'ont pas tous pris les bords du Sichon pour le Chemin de Damas ? Rien n'a transpiré de leurs décisions. Mais en attendant l'oracle nous pouvons dès à présent donner le mot de la fin, et c'est M. l'abbé Breuil, professeur d'ethnographie préhistorique à l'Institut de paléontologie humaine qui va nous le fournir. Ecoeuré de l'incroyable bluff de Glozel, de l'atmosphère malsaine, de l'absence de méthode et de contrôle suivi, dont toutes ces pseudo-découvertes étaient entourées, il se hâta de fuir le champ des morts : « Je préfère la sérénité de mes cavernes », dit-il. Et il avait raison. Ce n'est pas dans les honnêtes cavernes de la région cantabrique qu'AliBaba ferait aujourd'hui de mauvaises rencontres.

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MUSIQUE

plus en plus cohérente des lettres. Mais si l'épigraphiste Reprise d'e Ariane et Barbe-Bleue

préhistorique a atteint peu à peu une réelle dextérité, le potier est resté toujours un apprenti. On trouve dans ses produits tous les degrés de cuisson sans pour cela qu'il arrive à sortir du four une terre ayant vraiment la dureté de la brique. Et ce sont ces tablettes si friables qui ont eu l'incroyable fortune d'affronter, sans une cassure, huit ou dix millénaires, dans une couche argilo-sableuse, affouillée par le cheminement des racines, puisque le terrain n'a été défriché qu'il y a une quarantaine d'années, et triturée par le piétinement des bestiaux au pacage ?

La cause, désormais, est entendue. On aura beau mêler les cartes, changer le numérotage des classements, embrouiller à dessein la chronologie des découvertes, les gens de bon sens ne s'y tromperont plus. M. Dussaud tient le faussaire par les oreilles. Sans doute, on nous réserve d'autres tours de prestidigitation. Nous nous en amuserons s'ils sont ingénieux, mais nous avons vu les ficelles. Notre foi est morte. Les graphologues attendront une meilleure occasion pour dévoiler le caractère de nos ancêtres préhistoriques d'après leur écriture.

Faut-il, cependant, tirer le rideau sur ce jeu plaisant des Sçavans, du Mire et du Pastour? Gardons-nous-en bien. Il reste quelques scènes à jouer et non, sans doute, des moins piquantes. La Commission internationale désignée par le congrès d'anthropologie d'Amsterdam vient d'opérer sur le terrain. Après une journée de fouilles à peu près

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(Opéra-Comique)

Depuis quatre ans, Ariane et Barbe-Bleue, de M. Paul Dukas, n'avait pas paru sur les affiches de l'Opéra-Comique. Depuis vingt ans que cette ceuvre magnifique, — la plus complète, la plus fermement ordonnée, la plus profondément émouvante à mon sens qu'ait jusqu'ici produite notre école française moderne, fut créée sur la scène de notre deuxième théâtre lyrique, elle n'a guère dépassé le chiffre total de cinquante représentations séparées par de longs et injustifiables intervalles. Puisque, même après l'audition significative de l'hiver dernier à la Société des Concerts du Conservatoire, dont je vous ai parlé à loisir, l'Opéra ne semblait guère mettre d'empressement à répondre au vœu unanime des musiciens en ajoutant à son répertoire une œuvre à laquelle il pouvait seul offrir l'effectif orchestral opportun, on ne peut que féliciter MM. Louis Masson et Georges Ricou, d'avoir préparé la reprise actuelle et de se montrer cette fois-ci bien décidés à maintenir Ariane à sa vraie place parmi les ouvrages essentiels dont s'honore le théâtre qu'ils dirigent. Sans doute, suffit-il pour cela de ne pas épuiser sa faculté d'attrait en quelques soirées successives d'abonnement dont l'accès est, on le sait, difficile à toutes les bourses, mais de l'offrir, au contraire, périodicapables d'apprécier et de soutenir une partition de cet quement, en matinée notamment, aux auditeurs vraiment

ordre.

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sa force évocatrice, son émotion concentrée et profonde, elle nous fait oublier les défauts d'une pièce évidemment dépourvue de coups de théâtre, de péripéties violentes, mais pleine de poésie et de pensée. Souvenez-vous, au premier acte, de l'éblouissement savamment gradué des variations des pierreries, de la puissante progression du chant saisissant des filles d'Orlamonde, au second acte, de l'irrisistible montée vers l'irruption du soleil - dans le caveau des prisonnières. Souvenez-vous surtout, au dernier acte, de l'admirable scène de la délivrance de Barbe-Bleue et du départ mystérieux de la libératrice, où chante avec tant d'indicible sérénité une sensibilité frémissante et grave. Nous sommes loin ici, en vérité, des petites recherches, des petites combinaisons, de la petite surenchère harmonique ou polytonale qui sévissent aujourd'hui. On respire l'air pur des sommets. Et on éprouve avec soulagement, au milieu de la médiocrité ambiante, qu'ainsi dictée par le sentiment et l'émotion humaine, la musique reste tout de même une grande chose.

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L'interprétation d'Ariane à l'Opéra-Comique n'est pas indigne de l'œuvre. Quant aux personnages essentiels, elle n'a point changé. Mme Suzanne Balguerie manifeste toujours dans l'écrasant rôle principal les qualités peu communes, le sens artiste, qui frappèrent, naguère, si vivement quelques musiciens clairvoyants, auxquels l'événement à donné raison. Elle y ajoute, en particulier, au dernier acte, une autorité, accrue par l'expérience scénique, i lui permet de pénétrer plus avant dans l'âme complexe de son programme. M. Félix Vieuille est comme à la création, un Barbe-Bleue de grande allure, qui joue avec une rare intelligence la scène muette essentielle du dernier acte. Mme Calvet, dans la Nourrice, Mlles Cernay, Corney, Réville, Vacchino et Mona Paiva, les autres femmes de BarbeBleue, je les nomme à dessein dans l'ordre de l'importance de leur contribution, qui n'est pas celui de l'affiche, M. Dupré, à la tête des paysans, complètent à souhait la distribution vocale. M. Albert Wolff fait valoir avec une chaleur persuasive les prestiges de l'instrumentation de M. Dukas et obtient le maximum de rendement de son quatuor, hélas! trop clairsemé pour atteindre, en plusieurs endroits essentiels, à l'intensité voulue. Une ingénieuse disposition nouvelle permet d'entendre un peu plus distinctement que par le passé le choeur angoissé du début. Les décors hélas! auraient bien besoin d'être rafraîchis. Mais la mise en scène de M. Carré reste en bien des points, heureuse et conforme au caractère de l'œuvre. Bref, un bel effort, accompli dans des conditions de préparation forcément rapides, mais qui mérite de porter ses fruits. Allez applaudir Ariane. Je suis certain que vous y retournerez, heureux de contribuer au succès durable d'un chef-d'œuvre, je ne dis pas ici le mot au hasard, et de rendre hommage, vient de le faire le Conseil supérieur du Conservatoire, en le proposant au choix du ministre pour la classe de composition, à un artiste qui, comme M. Paul Dukas, par la valeur de sa production, la largeur de sa culture, la liberté de son esprit, la rare dignité de sa vie, par ces temps d'arri

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comme

visme forcené, reste l'honneur de sa profession, et porte un des plus beaux noms de la musique française,

« L'Heure Espagnole

Daphnis et Chloé »
(Opéra)

La veille de la reprise d'Ariane, l'Opéra donnait, ave Daphnis et Chloé, l'Heure Espagnole, qui, évidemment fut ni conçue, ni réalisée pour un si vaste cadre. Le hasam a de ces ironies, et nos combinaisons théâtrales de ca conséquences saugrenues. Du moins, le spirituel et morda commentaire lyrique que M. Maurice Ravel a écrit l'amusante pochade à l'espagnole de M. Franc-Nota trouve-t-il sur notre première scène, grâce à l'entrain de interprètes, Mlle Fanny Heldy, MM. Huberty, Fabe Cousinou, à la maîtrise de M. Philippe Gaubert et de excellent orchestre, une traduction accomplie et justem fêtée. Il aurait fallu, sans doute, quelques répétitions supp mentaires, surtout en ce qui concerne les chœurs, dont rôle est fort délicat, pour qu'on puisse en dire autant Daphnis et Chloé, malgré les soins diligents de M. Gauber dont l'adresse arriva à doubler, sans de trop graves d mages apparents, bien des tournants dangereux! exécution musicale accomplie serait pourtant d'autant p souhaitable ici que, dans Daphnis, l'intérêt de la musi dépasse de beaucoup, à mon gré, celui du livret de Mic Fokine, et même celui de la chorégraphie, malgré la gràc charmante de Mlle Zambelli, et la souplesse de M. Aveline Pour la fraîcheur de son atmosphère poétique, la rare cert tude de sa réalisation, l'éclat de sa couleur orchestrale, généreuse expansion mélodique du lever du soleil, la verv rythmique de la danse finale dont l'intervention avisée de chœurs seconde si malheureusement la progression sonore, partition de Daphnis m'a toujours paru une des productions les plus accomplies de M. Ravel. M. Rouché, qui a toujours été un de ses admirateurs, ne voudra certainement pas que faute d'un supplément d'étude nécessaire, Daphnis ne ren contre pas à l'Opéra le succès durable dont il est digne, qui sera, voudrait-on le souhaiter, la préface de la réalisa tion chorégraphique depuis longtemps attendue de cet Valse popularisée jusqu'ici par les seuls grands concerts pourtant avant tout écrite pour la scène.

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Les concerts. Un anniversaire Toujours peu de nouveautés dans les programmes de nos ands concerts, dont l'abondance et la simultanéité ne facient pas la tâche des comités organisateurs. On re peut, videmment, considérer comme telles les « fragments symhoniques » de Salammbô de M. Florent Schmitt, d'Orphée e M. Roger-Ducasse, de la Naissance de la Lyre de 1. Albert Roussel, des Impressions de music-hall de 1. Gabriel Pierné, entendus ces derniers dimanches au ONSERVATOIRE, aux CONCERTS-LAMOUREUX et CoONNE. Sans méconnaître en aucune façon leur haute aleur musicale et leur force évocatrice, on peut estimer u'elles restent singulièrement plus efficaces dans le cadre cénique auquel ils furent d'abord destinés. Mais leur appation au concert, dans des conditions d'interprétation d'aileurs excellentes, peut contribuer utilement à leur divulgaon. Louons M. Pierné d'avoir mis sur son affiche du Châtelet la Rapsodie pour clarinette et orchestre, délicieuse e fraîcheur et de fantaisie spontanée, que Claude Debussy crivit naguère pour un concours du Conservatoire, et que os clarinettistes virtuoses dédaignent souvent pour ce singuHer motif. Par son interprétation achevée de la difficile partie principale et le succès chaleureux qu'il a obtenu, M. Louis Cahuzac vient de donner à ses confrères une Elégante leçon dont ils feront, j'aime à le penser, leur profit... La semaine précédente, M. D.-E. Inghelbrecht avait dirigé ui-même au Châtelet, avec une souple sûreté, trois Poèmes chorégraphiques écrits par lui pour Mme Carina Ari qui, es deux premiers surtout ont besoin de la danse et des réteaux pour prendre leur signification réelle. Le dernier : Album aux Portraits conserve au concert sa pénétrante poésie, et tous manifestent, comme bien vous pensez, l'habieté de main coutumière à l'auteur du Diable dans le beffroi. Signalons encore aux CONCERTS PASDELOUP, l'amusant Tempo di Ballo, de M. Roland Manuel, avec son thème reste si joliment pimenté d'harmonies actuelles, puis un oème symphonique de M. Lermyte, Evocation, qui a paru ssez inconsistant et sans grande personnalité. La jeunesse e l'auteur lui permettra sans doute bientôt de prendre sa evanche. Sachons gré, enfin à M. Albert Wolff, en jouant a délicate suite de Pelléas et Mélisande, d'avoir été le seul le ses confrères à commémorer à l'orchestre, le troisième inniversaire de la mort de Gabriel Fauré, qui, ces jours-ci,

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réunissait autour de sa dernière demeure, au cimetière de Passy quelques amis, hélas, déjà bien clairsemés, les morts vont vite aujourd'hui ! Par cette mélancolique et pourtant si douce matinée d'automne, il nous semblait encore entendre la beauté changeante des harmonies du maître du Cimetière, le charme caressant de sa voix. En compagnie d'André Messager, nous voulûmes nous recueillir aussi quelques instants, devant la tombe toute voisine, fraîchement fleurie de chrysanthèmes, où Claude Debussy, si prématurément enlevé, dort son dernier sommeil. Ainsi que l'a écrit quelque part un de leurs intimes et de leurs pairs, resté profondément fidèle lui aussi à leur mémoire, M. Paul Dukas : « Après Debussy, Fauré... En peu d'années, notre muse a vu s'effeuiller ses plus belles couronnes. Mais, même voilée, elle reste gardienne de l'avenir ouvert ». Puisse la pensée des deux maîtres disparus, - qui, heureusement, leur survit dans les œuvres précieuses où ils se sont exprimés tout entiers, éclairer, protéger notre route, nous rappeler que toutes les << nouveautés », les ingéniosités techniques sont vaines sans la poésie, et nous aider enfin à défendre contre le mécanisme qui envahit la musique, les droits immortels de l'émotion et de la sensibilité.

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MEMOIRES

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ET DOCUMENTS

Générosités littéraires

Il ne se passe point de semaine que les chroniqueurs ne se lamentent sur la dureté de la condition matérielle de l'écrivain. Nous allons suggérer aux chroniqueurs compatissants et aux écrivains attendris par l'infortune de leurs confrères un moyen bien simple de tout arranger, en leur citant deux lettres.. Reste à savoir si le moyen sera de leur goût et s'ils le mettront en pratique.

La première de ces lettres est de Collin d'Harleville, dont il faut dire un mot de rappel. Diderot écrivit de l'Inconstant, premier ouvrage de Collin, qu'il s'agissait d'une << pelure d'oignon brodée de paillettes ». Collin négligea l'épigramme, ne vit que la louange, et continua ardemment à travailler. Il composa ainsi une douzaine de comédies de mœurs, dans le genre de celles de Regnard, la plupart en vers, dont sept eurent les honneurs du Théâtre-Français, et qui lui ouvrirent les portes de l'Institut. Son œuvre la plus célèbre est le Vieux célibataire, qui date de 1793. Quant au caractère de Collin d'Harleville, il va se révéler en entier dans la lettre écrite en faveur du poète François Guillard, un de ceux qui, avec Picard et Andrieux, furent de ses plus chers amis. Guillard, au début de sa carrière, avait eu

l'honneur de fournir à Glück le poème d'Iphigénie en Tauride. Il poursuivit cette carrière avec de très grands succès, par une vingtaine d'ouvrages parmi lesquels il n'y a qu'à rappeler Electre, Olympie, Edipe à Colone et la remise au théâtre du Dardanus de La Bruyère et de la Proserpine de Quinault. Notons que l'ami de Collin, protégé de MarieAntoinette, ne manqua un jour l'élection académique que d'une seule voix, et fut jusqu'à la fin de sa vie membre actif du comité de lecture de l'Opéra.

Voici la lettre écrite au ministre Chaptal par l'auteur du Vieux célibataire, en faveur du poète de La Mort d'Adam:

<< Citoyen ministre,

< Vous pouvez vous souvenir, qu'il y a bientôt deux ans, j'allai vous prier de rayer mon nom de la liste des pensionnaires de l'Etat, et, si c'était possible, d'y mettre à la place celui de mon ami Guillard. Mon accent, ma douleur, mes larmes, parurent vous toucher jusqu'au cœur ; vous refusâtes ma démission, et, prenant le soin de me consoler, vous me promîtes pour mon ami la première place vacante. Je gardai donc la mienne en soupirant. Deux ans sont bientôt écoulés, et Guillard n'a point recueilli l'effet de vos promesses. Trois fois, j'ai eu l'honneur de vous écrire, citoyen ministre, notamment à la mort de Mme Duboccage, en vous rappelant les titres de ma respectable amie, Mme de Bourdin Niot. En dernier lieu, j'ai joint à la lettre de mon ami Guillard une apostille expressive, et qui, sortant de mon cœur, devait retentir jusqu'au vôtre : Vous avez gardé le silence. Ainsi, je n'ai plus d'espoir ! Alors, citoyen ministre, permettez-moi de vous renouveler ma prière, aussi sincère qu'elle l'était alors, et de remettre entre vos mains la pension honorable que je dus à votre estime. Ce n'est pas par indifférence que j'y renonce, il s'en faut bien, mais je n'en ai pas besoin, et plusieurs gens de lettres la recevraient comme un bienfait nécessaire. Je ne me flatte point d'être écouté, si je ne rappelais ici le nom, les talents, et je puis dire le génie de mon ami Guillard, qui, même se trouve créancier de l'Etat d'une somme de sept mille francs, dont cette pension vous paraissait l'équivalent. Je n'ai, je le sais, ni crédit, ni don de persuader. Je m'en rapporte, citoyen ministre, à votre équité et à votre excellent esprit.

<< Maintenant que je suis soulagé par cette démarche, je vous prie de croire qu'il ne me reste aucun fiel dans le cœur, et que, si je gémis en secret et dépéris chaque jour, je n'en serai pas moins éternellement reconnaissant de vos anciens témoignages d'estime.

<< Agréez, citoyen ministre, l'assurance de mon respectueux dévouement. »

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La seconde lettre est de Voltaire, et elle ne figure pas.. notre connaissance, du moins, dans sa Correspondance: << Monsieur le Contrôleur général,

:

<< S'il fallait, en France, pensionner tous les hommes talent, ce serait, je le sais, pour vos finances une plaie b honorable, mais bien désastreuse, et le trésor n'y poun suffire aussi, et quoique peu d'hommes puissent se renca trer d'un aussi solide mérite que M. de La Haye, ne vie je pas réclamer une pension pour ce mérite dans l'indigence je viens simplement, Monsieur, empiéter sur vos attribution et contrôler le chiffre de deux livres (sans doute deux mi livres), dont Sa Majesté a bien voulu me gratifier. Il semble que M. de La Haye n'ayant pas de pension, al mienne est trop forte de moitié, et qu'on doit la paria entre lui et moi.

<< Je vous aurai donc, Monsieur, une dernière reconna sance, si vous voulez bien sanctionner cet arrangement faire expédier à M. de La Haye le brevet de la pension mille livres, sans lui faire savoir que je suis pour quelq chose dans cet événement. Il sera aisément persuadé, ata que tout le monde, que cette pension est une juste réc pense des services qu'il a rendus à la littérature.

<< Daignez, Monsieur le Contrôleur général, accepi d'avance mes remerciements, et croire au profond respect votre très humble et très reconnaissant serviteur. AROUET DE VOLTAIRE,

<< Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi. Gardons-nous de tout commentaire. N'est-il pas vrai qu ces deux lettres prêtent à méditer ? Et même pour les éc vains non pensionnés..

A. DE BERSAUCOURT.

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Nous venons de traverser une période qui marquera sans doute un tournant de l'histoire du cinéma. Les pouvoirs publics, en effet, ont manifesté officiellement leur sollicitude à l'égard du nouvel art, et ont résolu d'aider à son développement, tout en tâchant de le diriger au mieux de l'intérêt général. Le discours que M. Herriot, répondant à une interpellation de M. Brenier, prononça le 8 novembre au Sénat, vient fort à propos rappeler au monde cinématographique français qu'il est en droit de compter sur l'appui du gouvernement.

Déjà, au début de l'année, M. le député Vermare avait fait préciser par le ministre de l'Instruction publique les mesures propres à protéger l'art muet, et M. Herriot avait promis l'élaboration d'un statut. Dans cette intention, on institua une « Commission spéciale du cinématographe près le ministre dé l'Instruction publique et des Beaux-Arts », chargée de l'examen des questions rentrant dans les attributions du Service cinématographique du ministère. M. Yvon Delbos, député, ancien ministre de l'Instruction publique, fut nommé président de la Commission, qui comprenait des personnalités comme MM. Deloncle, sénateur; Migette, sous-directeur du ministère de l'Intérieur; Lumière, membre de l'Institut, et, parmi les délégués de la Chambre syndicale française de la cinématographie : MM. Charles Pathé, Léon Gaumont, Jean Sapène, présidents d'honneur; Demaria, président honoraire ; Louis Aubert, président; Delac et Jourjon, vice-présidents, ainsi que les représentants les plus qualifiés des différentes associations de gens de cinéma: MM. Charles Burguet et G.-M. Coissac, entre autres,

La création de cette Commission, capable de préparer fructueusement le travail parlementaire, compensait heureusement l'indifférence générale que le cinéma avait eu à vaincre avant de mériter l'attention du gouvernement. On ne savait pas toujours au juste, même dans les milieux politiques, quelles énergies d'ordre industriel, artistique et commercial, les phases successives de la confection d'un film mettent en mouvement, ni quelle somme de capitaux et de travail le cinéma représente dans le bilan de l'activité nationale. On a cité quelques chiffres éloquents: le capital engagé dans l'industrie cinématographique française est environ de trois milliards de francs; le personnel employé se compte par dizaines de mille; plus de trois millions de personnes fréquentent chaque semaine les salles de cinéma ; et, outre les impôts communs à tous les industriels et commerçants, les directeurs de cinémas acquittent plus de cent millions de taxes spéciales. Dans ces conditions, il devenait impossible aux pouvoirs publics de négliger plus longtemps les intérêts vitaux d'un organisme si considérable.

L'aspect du problème qui devait, avant tout autre, solliciter l'attention d'un ministre de l'Instruction publique, était naturellement la question de l'enseignement par le cinéma. Sans doute, l'écran n'est pas appelé à remplacer le professeur, mais il doit lui être un auxiliaire d'autant plus précieux que la mémoire visuelle est plus développée que la mémoire auditive chez la grande majorité des individus. Les expériences de séances ciné matographiques données à l'appui d'un cours ont fourni les meilleurs résultats. Il est donc à souhaiter que le système se

généralise, et qu'on puisse intégrer dans la leçon, chaque fois qu'il sera utile, l'illustration animée qui la complète, l'éclaire et la grave dans la mémoire des élèves.

En dehors de son œuvre dans les écoles, le cinéma constitue un excellent instrument de progrès social. C'est à lui de répandre dans les villes et les campagnes d'utiles notions d'hygiène, de vulgariser les découvertes scientifiques d'intérêt général, de faciliter l'orientation professionnelle des jeunes gens, c'est à lui de distraire les paysans, de façon à les retenir près des champs qu'ils cultivent, c'est à lui enfin d'entreprendre l'éducation des indigènes de nos colonies.

En dernier lieu, le cinéma peut jouer un rôle de propagande très actif en France même et à l'étranger. Il fait connaître à l'intérieur des frontières aussi bien qu'au dehors les richesses du pays, les formes de son activité, ou la beauté de ses paysages, et vient révéler à la métropole les ressources de ses possessions d'outre-mer.

En présence des possibilités du cinéma dans ce large domaine social, il serait maladroit de ne pas tenter de les exploiter à fond. Mais, pour atteindre ce but, il faut d'abord coordonner les énergies actuellement dispersées et trouver ensuite l'argent indispensable pour les entretenir et les amplifier.

Dans un projet de loi très documenté tendant à l'établissement l'un Office national du cinématographe, M. Antoine Borrel, député de la Savoie, démontre que la concentration dans un seul organisme des crédits affectés au cinéma par les ministères de l'Instruction publique, de l'Agriculture, des Affaires étrangères, des Colonies, de la Guerre et du Travail, aurait comme résultat une utilisation plus efficace de ces crédits. La création de l'Office n'entraînerait d'autre part aucune nomination nouvelle de fonctionnaires, puisqu'il suffirait de détacher au profit de l'Office les fonctionnaires actuellement chargés, dans chaque ministère, du service cinématographique. En outre, il serait facile à l'Etat ou à la ville de Paris de fournir un local où le nouvel organisme puisse rapidement donner son plein rendement, sans charges supplémentaires pour les Finances, ce qui entrerait dans les vues de M. Poincaré, dont l'intérêt pour les choses du cinéma s'est si souvent manifesté.

M. Brenier faisait au Sénat une proposition analogue, quand il disait : « Un office national devrait être créé, ayant la personnalité civile, l'autonomie financière. Il serait rattaché au ministère de l'Instruction publique, et comprendrait des représentants de l'enseignement technique, de tous les ordres d'enseignement, y compris l'éducation physique, des ministères de l'Agriculture, du Travail, du Commerce, de la Guerre; des représentants des constructeurs d'appareils et des éditeurs de films; des représentants des Fédérations nationales des œuvres d'éducation sociale, périscolaires et postscolaires, de la Fédération nationale des délégués cantonaux, des Sociétés de secours mutuels agricoles, des Coopératives syndicales; les représentants des Offices régionaux; des parlementaires; un directeur général. » Il proposait, en outre, la création d'Offices régionaux, en attendant de pouvoir donner un Office à chaque départe

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ment.

Dans sa réponse au sénateur de l'Isère, M. Herriot aborde le problème très nettement il énumère les avantages actuels du cinéma éducateur, prévoit ceux qu'il est appelé à offrir dans l'avenir, précise par des chiffres l'allure de son développement, reconnaît enfin la nécessité de procéder à l'organisation générale du cinématographe sans cesser de montrer l'étroite solidarité du cinéma éducateur avec le cinéma industriel. « Je suis d'accord sur c: point, dit-il, avec le président de la Chambre syndicale française de la cinématographie, M. Louis Aubert: tous les progrès que nous souhaitons pour le cinéma éducateur.

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