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même pour les poèmes: il ne faut pas plus d'un quart d'heure à un critique pour en apprécier la valeur. Quant aux pièces de théâtre, si nous consultons les feuilletons de Sarcey, puisque son triomphe était précisément de rendre compte de toutes les premières, nous ne trouvons pas plus de 60 à 65 pièces par an. Et nous pouvons constater chaque année que le compte rendu des pièces nouvelles ne saurait suffire à occuper, pendant cinquante-deux semaines, le feuilleton des critiques dramatiques. »

remarquable, et l'une des plus intelligentes, des plus exactes, des plus attachantes biographies qui aient paru depuis deux ans. J. B.

Beauvais, par Jean AJALBERT (Editions Morance).

Ce sera l'honneur de Jean Ajalbert, lorsqu'il fut appelé à la direction de la manufacture de Beauvais, d'avoir commandé à Anquetin, dès 1917, la maquette du panneau de la Victoire.

Aujourd'hui, il faut compter un millier de romans et quelque Mais ce qu'on peut dire, après dix ans, c'est que le symbole s'aptrois cents répétitions générales...

Un billet d'Emile Augier.

Nous découvrons, dans une collection d'autographes, cet amusant billet d'Emile Augier refusant une invitation à dîner :

« Je suis encore trop souffrant pour venir dîner avec vous. < Mille excuses,

<< Mille regrets.

Emile Augier.

<< Total: trois mille.

CE QU'ON LIT

La Vie de Stendhal, par Paul HAZARD (Gallimard).

:

M. Paul Hazard n'a pas pris le ton « romancier » pour raconter cette vie; mais plutôt le ton Jules Lemaître, revu et augmenté par André Beaunier la phrase infiniment souple, et courte, et l'ironie bienveillante; il domine entièrement son personnage et le clarifie extrêmement. Trop? On ajoute toujours cet adverbe-là en pareil cas. Mais ici il n'a pas son emploi. M. Paul Hazard a parfaitement compris l'âme de Stendhal, dont les tendances peuvent, il me semble, se résumer ainsi : 1 Dans la jeunesse, un effort ardent pour se réaliser par la vie; 2° dans l'âge mûr et la vieillesse, une tentative pour prolonger par l'art auprès de la postérité ce Moi qui ne veut pas disparaître. M. Hazard fait ressortir cela dans la << prière d'insérer » qui est jointe à son livre et qui aurait fait une Ebonne préface. Il me semble que Stendhal, c'est bien cela. L'inventeur de l'égotisme à la Barrès et le précurseur de Nietzsche. Seul existe ce monde terrestre ; au delà il n'y a que néant; il faut donc être heureux, grand à tout prix. Individualisme forcene; rejet de la morale des esclaves, etc.

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A

:

Si je faisais une restriction à l'excellent, au très amusant et vivant livre de M. Paul Hazard, ce serait celle-ci il n'a vraiment pas assez parlé des écrits de Stendhal. J'entends bien que leur valeur propre, leur sens philosophique, leur qualité esthétique, tout cela ne le regardait pas, puisqu'il n'écrivait qu'une biographie, non du tout une étude critique. Mais il y a un côté par où tous ces écrits le regardaient en tant qu'ils éclairent la psychologie de Stendhal. Vous nous montrez longuement et admirablement Stendhal causant, marchant, aimant, rêvant, jouissant, que sais-je ? Mais l'occupation préférée de cet homme qui écrivait des romans comme le Rouge ou la Chartreuse au courant de la plume, c'était d'écrire justement. Eh bien ! vous ne nous le montrez jamais écrivant. Non pas sa camère littéraire », mais ses écrits ont tenu une énorme place dans sa vie. Je sais bien que c'est l'éternel reproche qu'on fait aces biographies d'écrivains que d'avoir trop négligé l'œuvre. C'est aussi qu'il est presque toujours mérité. Ne pourrait-on l'éviter? Il me semble que si. Mais cette objection n'empêche pas que l'ouvrage de M. Paul Hazard ne soit tout à fait

plique aussi aux travaux de la manufacture, réveillée de la léthargie et résolument orientée vers le modernisme. Il appartenait à Ajalbert, en retraçant les glorieuses annales du XVIIIe siècle, de dire aussi les espoirs du XX. Ce n'est pas la faute de l'infatigable animateur si son personnel d'artistes-fonctionnaires a perdu l'amour du beau métier et si nous avons laissé s'éteindre en France la lignée des grands décorateurs dont Baudry, Galland, Lenepveu et les maîtres de l'école de l'Opéra ont été les derniers représentants. La plaquette, intelligemment illustrée par les éditions Morancé, s'ouvre par un charmant motif colorié de Paul Véra, un des rares tempéraments qu'on puisse donner en exemple de la parfaite adaptation du peintre au métier. Un joli livre à lire après une visite à Beauvais. H. C.

La Côte d'Argent, la Côte et le Pays basque, le Béarn, par ARMAND PRAVIEL (Editions Rey, à Grenoble).

Pour bien écrire d'un pays, il faut l'aimer. On pourrait ajouter y être né. Toulouse, où le vivant écrivain Armand Praviel soutient la cause des bonnes lettres, est cependant en dehors du terrain évoqué dans ces pages. Mais l'autan qui souffle d'Espagne sert d'agent de liaison. Et aussi les chars, attelés de vaches minuscules, les joueurs de boules, les pelotari. La tâche était ardue de composer un tableau qui se tînt de régions assemblées artificiellement par le découpage d'une collection. Armand Praviel s'en est tiré à son avantage. Il a eu l'art de créer une atmosphère au lieu de présenter un guide aride des excursions et les sites. Son livre est vivant, aussi vivant même que les abondantes photographies qui l'illustrent. Dans les dunes de la Côte d'Argent, comme sur la terre de Ramuntcho, ou les hautes vallées d'Aspin et d'Ossau, il a su voir les races qui les peuplent, avec leurs qualités de force, d'endurance, de courage, leurs plaisirs et leurs fêtes, depuis la chasse aux palombes des landes jusqu'à la poursuite de l'izard dans les pierrailles des cols, depuis les écarts de vaches navarraises jusqu'aux pastorales de la Soule. Itinéraire séduisant, s'il en est, dans une des contrées les plus originales du vieux sol français. H. C

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voûtement et au maléfice, en plein XXe siècle. L'auteur ne manque pas de reproduire la déclaration du cardinal Andrieu (qui fut lue en chaire dans tout le diocèse de Bordeaux), contenant ce passage, au moins singulier: « Nous avons entendu réprouver le point de départ du nouveau culte, c'est-à-dire le fait d'une Vierge qui aurait pleuré dans une loge de concierge, fait qui ne repose sur rien de plausible. » Evidemment, mais n'est-ce pas chez les plus humbles et les plus misérables des humains que se sont produits les plus éclatants miracles? Marie Mesmin fait figure dans ce procès de folie ou d'imposture. Mais ce n'est pas parce qu'elle était concierge que la Vierge lui eût refusé des faveurs miraculeuses. On serait tenté d'écrire : au contraire. H. C.

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MUSIQUE

les exécutions de maints ouvrages classiques et modernes à la Société des Concerts du Conservatoire, dont il dirigea pendant onze ans le magnifique orchestre. Souvenez-vous, en particulier, des œuvres de l'école russe, de la suite de Pelléas de Fauré, des Nocturnes, de l'Après-midi d'un Faune, de la Symphonie, de l'Apprenti sorcier de M. Dukas, des ouvrages de Lalo, de Chabrier, de SaintSaëns... Aux heures tragiques de la guerre, il faisait triompher en Suisse et en Argentine des compositeurs et des orchestres de chez nous. Ces dernières années même, soucieux de marquer sa sympathie aux plus jeunes tendances, il prêtait son concours aux tentatives les plus modernistes des ballets russes de M. Serge de Diaghilew. MM. Poulenc, Auric et Milhaud n'eurent pas, que je sache, à se plaindre des bons offices qu'il dispensa aux Biches, aux Fâcheux et au Train bleu.

Quoique fortement armée par le commerce quotidien des œuvres du passé et capable de ne pas perdre le sens des relativités, la curiosité d'esprit de M. Messager autre originalité reste toujours ouverte sur l'avenir. Le signataire de ces lignes pourrait, s'il en était besoin, en faire foi: il n'est, pour ainsi dire, pas un musicien sincère et de tendances élevées qui n'ait, à ses débuts, rencontré auprès de

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Un musicien français : M. André Messager lui l'accueil le plus empressé et l'aide la plus bienveillante.

La haute distinction si méritée qui vient d'être conférée à M. André Messager honore à la fois le ministre ami éclairé des arts qui en a pris l'initiative, et le musicien éminent qui la reçoit. Saisissons, si vous le voulez bien, cette occasion, en ces dernières semaines de vacances, pour rendre un juste hommage à la carrière de ce compositeur qui fait plus rare que vous ne pensez parmi ses congénères a toujours passionnément aimé et servi son art...

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Aide efficace, car le talent de chef d'orchestre de M. Messager se distingue par un ensemble de qualités bien françaises, qui donnent à ses interprétations une physionomie à part la précision, la vie, un sens régulier de l'équi libre des sonorités et de l'exactitude des mouvements. Sans gestes éperdus, sans cabotinage extérieur, nul mieux que lui ne sait, en quelques instants, métamorphoser un orchestre ou une représentation. On l'a bien vu naguère à l'Opéra, quand il dirigea, après M. Félix Weingartner, peu à son aise dans le grand répertoire wagnérien, un brillant cycle de la Tétralogie, avec un ensemble de distribution vocale qu'on serait, hélas ! bien en peine d'égaler aujourd'hui, et où figuraient des artistes tels que Mlle Bréval, Datto, MM. Van Dyck, Rousselière, Delmas, alors dans la plénitude de leurs moyens. Hier encore, on pouvait l'apprécier à l'Opéra-Comique quand M. Messager, secondé par la plupart des créateurs de l'œuvre, a rendu après vingt-quatre ans et tant de déformations successives Pelléas, dans toute sa fraîcheur vivante, aux partisans ardents qui ayant, en 1902, opiniâtrement défendu le chef-d'œuvre de Claude Debussy contre la sottise et l'incompréhension de ceux qui, maintenant, prétendent l'avoir découvert !

Lorsque tant d'amateurs sans talent, d'arrivistes sans scrupules, soutenus par les fanfares d'une savante publicité préalable, ne songent qu'à utiliser leurs élucubrations comme un moyen de parvenir, quitte à les faire retaper tant bien que mal, si la chose est indispensable, par des professionnels bénévoles, M. Messager s'est toujours dévoué sans compter à la musique d'autrui, lui sacrifiant souvent les intérêts d'une production personnelle qui fut toujours, chez lui, abondante et aisée. Elevé à l'école Niedermayer, dans la familiarité des grandes œuvres classiques, aux côtés de Camille SaintSaëns wagnérien fervent dès la première heure, pèlerin régulier des Sespiele de Bayreuth du vivant du maître, ami intime des plus grands musiciens français de son temps: Emmanuel Chabrier, Gabriel Fauré, Vincent d'Indy, Claude Debussy, Paul Dukas, il a su, sans relâche, les défendre et les faire apprécier. Je me bornerai sur ce point, évoquant des souvenirs personnels restés très vivants, à rappeler ici ce que furent, grâce à son autorité de directeur de la musique ou de chef d'orchestre, les premières représentations de Fervaal de M. Vincent d'Indy à l'Opéra-Comique et ultérieurement à l'Opéra, de Louise de M. Charpentier, de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy à l'OpéraComique, de la tétralogie intégrale de l'Anneau de Nibede rester toujours lung, de Parsifal, des Maîtres Chanteurs, de Salomé de Richard Strauss, de Scemo d'Alfred Bachelet à l'Opéra, tenir. Avec l'exquise Véronique, les Petites Michu, la Béar sincère avec sa nature, de savoir trouver sa voie et s'y main

Certes, la vivacité de son intelligence, la variété de sa culture et la sûreté de son métier auraient aisément permis à M. Messager, comme à tant d'autres soit d'édifier patiemment de savantes polyphonies, soit de ciseler avec minutie de subtils bibelots harmoniques pour suivre les caprices suc

Icessifs de la mode pendant sa longue carrière. Il a eu le

bon goût et le mérite appréciable

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MAURICE CLUZELAUD

L'ATTACHÉ

ROMAN

PARIS

IMPRIMERIE DE L'OPINION
2 bis, Impasse du Mont-Tonnerre

1927

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Engoncé dans un fauteuil Louis XIV tapissé au petit point une pure merveille, mais, hélas ! une épave devant un bureau moderne dont les cases étaient aussi vides que les cellules l'une ruche abandonnée, celui que Chrysostome, le bon huissier à chaîne, appelait mon chef, jugea sans doute inutile de poursuivre sa rêverie à haute voix, car il se tut.

Chef-adjoint du cabinet au ministère de l'Instruction publique et des beaux-arts, Guy Darnaud, jeune homme aux joues poupines, la lèvre supérieure en forme d'accolade, surmontée d'un accent circonflexe de moustache, se leva avec lenleur pour ne pas casser le fil subtil de ses idées, poussa du pied une chaise Napoléon III et alla s'accouder à une panetière LouisPhilippe.

N'eût été l'amas des dossiers qui encombrait cet accessoire de salle à manger, désaffecté par décision du directeur du matériel, on aurait presque pu se représenter le chef-adjoint en train de demander à Dieu le pardon de ses fautes. Il n'en était rien. Son esprit, tel le chien de Jean de Nivelle, ne demandait au Contraire qu'à folâtrer sur la pelouse de l'imagination.

Discret avec ostentation, Chrysostome s'achemina vers un bahut dont le style flamboyant ne pouvait être mieux employé qu'au service de la cheminée. Sa chaîne le gênait. D'un geste brusque, il maintint ce symbole contre sa poitrine, au port d'arme avec une bûche.

-Beaucoup de pratique dans l'antichambre ? interrogea Darnaud.

Rien qui vaille, mon chef: un petit maire qui désire une nde République pour sa salle de Conseil municipal, une Vieille actrice qui voudrait bien un bout de ruban rouge, bref des affaires courantes à expédier.

- Vous êtes bien renseigné, Chrysostome.

Tout à fait par hasard, mon chef; l'hiver, à force de mettre des bûches dans les cheminées, l'été à force de baisser les stores, j'entends les requêtes plus que je ne voudrais.

J'écrirai vos mémoires, Chrysostome. J'adore écrire ; je déteste seulement la plume. En attendant, entretenez ce sacré feu et débarrassez-moi des fâcheux.

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Que mon chef se rassure. Je connais mon métier, répartit l'huissier en jouant des pincettes.

Il y a longtemps que vous êtes au ministère ?

Quelques couples d'années, mon chef. J'en ai vu défiler des députés, des sénateurs et des embusqués pendant la guerre. Il y en a qui me serrent la main quand ils me revoient, d'autres qui sont plus hautains. Tout le monde n'est pas comme mon chef. Je souhaite qu'il reste longtemps.,

Qui ?
Lui.

Qui, lui ?

Mon chef. Un chef comme vous, si jeune, si distingué, ça ne se trouve pas, sauf votre respect, sous le sabot d'un cheval, comme nous disions aux dragons.

Guy Darnaud regarda sortir son dragon courtisan. Ces propos, d'autres les avaient entendus, d'autres les entendraient. Mais lorsqu'on reçoit des compliments, doute-t-on jamais de la sincérité de ceux qui les font?

« Aussi bien, suis-je pas sous-préfet, songea Guy Darnaud ? Oui, sous-préfet... sur le papier et à condition qu'un courant d'air << interparlementaire » ne fasse pas s'envoler mon titre. Et puis, tous les quatre matins, il est question de supprimer les sous-préfets. Cela finira mal. Comme si la justice consistait à supprimer tout ce qui est inutile! C'en serait fait des chamarrures, des bals et des Comices agricoles... Et c'est dans cet esprit, Messieurs, que je lève mon verre au président de la République... Je ne parlerais pas mal du tout; je serais même très digne. »

Intelligent à ses heures, Guy ne put s'empêcher de sourire à la naïveté de son mirage. Il n'en couvait pas moins le cher désir de gcuverner une sous-préfecture sur tous les velours fanés du

ministère.

<< On verra »>, murmura-t-il.

A noter que Guy Darnaud n'avait jamais aimé les sciences et que tous les problèmes de sa vie d'écolier lui avaient rarement inspiré d'autre raisonnement que on verra.

Au vrai, ce fatalisme lui avait si souvent fait connaître les consignes du jeudi et du dimanche, au temps où il ne connaissait pas plus la vie qu'un poussin ne connaît l'ivraie quand il est encore dans l'œuf, qu'il en était resté tout éberlué.

Lors de son premier voyage à Paris, il avait été si troublé à la vue de l'escalier roulant de la gare d'Orsay, qu'il s'était demandé pendant cinq minutes s'il aurait l'audace d'y risquer

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