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de la musique, et lui font honneur. Si j'ajoute que l'interpré- avoir défendu sans relâche en France et à l'étranger E tation réunit l'élégance bien chantante de M. André Baugé, lioz, Bizet, César Franck, Lalo alors peu connus, Edoua les mines irrésistibles de M. Raimu, l'adresse scénique de Colonne s'était montré ouvert à de plus récentes tendanc M. Gilbert Moryn, la fraîche beauté de Mlle Régys, la en révélant au public des séances dominicales la Vie cordiale gaîté de Mme Tariol-Baugé, les souples ondula- Poète de M. Charpentier, l'Après-midi d'un faune tions de gracieuses ballerines que les canzones et les que les canzones et les Debussy, même la Rapsodie espagnole de M. Ravel sérénades abondent, que le chef d'orchestre, M. Letombe défaut d'une extrême précision rythmique, il déployait 4 reste égal à lui-même, vous ne serez pas inquiets, je pense, pupitre de frappantes qualités d'ardeur, de fougue, d'e du sort que Venise, en ces semaines estivales, trouvera pansion vivante, qui convenaient mieux sans doute a auprès de la clientèle de l'élégant théâtre de M. Volterra. ouvrages romantiques et modernes qu'aux chefs-d'œu Quelques jours auparavant, la GAITÉ LYRIQUE nous de l'art classique, mais qui, dans les meilleurs jours, était rendait fort à propos la Marraine de l'escouade, opérette d'un effet puissant sur son auditoire. Peut-être pouvait'de MM. Mouézy-Eon et Davillans, musique de de parfois regretter de lui voir prodiguer outre mesure ses de M. Moreau-Febvre, jouée pendant la guerre au Vaude- exceptionnels et sa rare faculté d'assimilation. Mais pe ville, opérette militaire sans prétention, qui a au moins dant les trente-cinq ans de son activité, Colonne sut ter l'avantage de ne pas contenir d'allusions pénibles, et de dans le mouvement artistique la place considérable c posséder toute la bonne humeur et la franchise de rythme revenait à sa fonction, et rendre à la musique d'émine: nécessaires pour plaire aux habitués de la salle du square services. Mieux qu'un batteur de mesure ou un administ des Arts et Métiers, sans pour cela s'abaisser à aucune teur avisé, il fut un musicien et un chef. Plus heureux q. offensante vulgarité. Mme Dhamarys y montre de la verve, Pasdeloup, il put voir venir à lui le succès, assister au ple M. Gilbert Nabos, à la voix jeune et chaude, y affirme les épanouissement de la compagnie qu'il avait constituée, progrès qui lui assurent maintenant dans la maison une désigner lui-même, avec sa clairvoyance habituelle, a place de premier plan; Miles Jane Boyer, Castelaire, choix de ses collaborateurs, pour lui succéder, au pupi MM. Henry Jullien, Allard, Détours, Schlegel complètent un artiste de la valeur de M. Gabriel Pierné, qui a dign: à souhait cet ensemble, tandis que la baguette de M. Clé- ment poursuivi et développé l'oeuvre d'Edouard Colon mandh galvanise de son mieux un orchestre parfois un peu On a été heureux de fêter M. Pierne avec son orchestre nonchalant. à l'issue de l'audition musicale qui suivait l'inauguration o monument, et au cours de laquelle furent exécutées dans pieux souci commémoratif des oeuvres de Massenet, d Bizet, de César Franck, de Saint-Saëns, d'Edouard Lak et cette célèbre marche de la Damnation de Faust qu Colonne animait de son irrésistible flamme, et qui lui vah tant de triomphes...

Au THÉATRE DES ARTS, M. Pitoeff nous a offert un spectacle adroitement varié, où l'Indigent de M. Vildrac, le savoureux Miracle de Saint Antoine de M. Maeterlinck, qui ne sont pas ici de mon ressort, alternaient avec une pièce de jeunesse de M. Crommelynck, le Marchand de regrets, dont la fantaisie pittoresque convenait à une adaptation lyrique. Mme C.-P. Simon, sans chercher à nous dissimuler l'influence qu'exercent encore sur son invention mélodique et sur son écriture vocale ou orchestrale des maîtres d'ailleurs judicieusement choisis, y montre une musicalité d'excellent aloi et une réelle homogénéité de style. Entourée de Mme Bériza et de M. Georges Petit, dont je n'ai pas à vous apprendre les mérites, Mme Ludmilla Pitoeff faisait dans l'art complexe du chant des premiers pas encore un peu incertains, mais empreints de la grâce si personnelle qui illumine son visage. La mise en scène, par son ingéniosité poétique, bien digne de M. Pitoeff, a heureusement contribué au succès du Marchand de regrets.

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Les Concerts. La danseuse Argentina A l'occasion de l'inauguration du monument dû au ciseau du sculpteur Landowski et scellé dans un mur extérieur du Palais du Trocadéro, MM. Gabriel Pierné, Vincent d'Indy, Lindenlaub au nom des musiciens, du public, et M. Edouard Herriot, au nom du gouvernement, ont rendu à la mémoire d'Edouard Colonne un digne hommage. Je ne puis revenir ici sur les détails biographiques qu'ils nous ont rappelé. Vous savez du reste, je pense, l'infatigable labeur, la volonté tenace, malgré les souples apparences, la vive intelligence, le sens aigu de l'actualité et des moyens de séduire la foule qu'ils attestent. Après

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Les concerts d'orchestre ont pris fin. Parmi les séance de musique de chambre, seules sont à signaler les superbe soirées de l'Opéra, où MM. Jacques Thibaud, Alfre Cortot et Pablo Casals, princes du violon, du piano et d violoncelle, redevenus pour quelques jours Parisiens ent leurs continuelles tournées mondiales, nous donnent d Sonates et Trios illustres, classiques ou romantiques, del interprétations où l'unité profonde de la pensée s'unit à l perfection d'une technique qui volontairement disparaît, où la beauté du style s'oriente toujours, je le constate avec joie, vers plus de largeur et de sensibilité. Ma taire spécial, ne contenant aucune œuvre qui ne soit, depu leurs programmes n'appellent pas, cette année, de commer longtemps, célèbre, et dont la force attractive sur le publ n'ait été maintes fois expérimentée par les organisateurs qui sont aujourd'hui maîtres de la composition de ces sole nités artistiques, agencées uniquement par eux en vue maximum de rendement matériel. On peut en dire autan du récital donné récemment au Théâtre des Champ Elysées par le pianiste de grande classe qu'est M. Wa dimir Horowitz. Regrettable conséquence de la dureté de temps actuels, de l'augmentation des frais, des taxes, de la cherté de location des salles. Comment, s'il avait dû s soumettre à de semblables conditions, un Eugène Ysaye

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lui-même aurait-il pu imposer dans le monde entier, et rendre peu à peu illustres, ainsi qu'il y est parvenu naguère par de multiples exécutions, la Sonate et le Quintette de Franck, la Sonate et les Quatuors de Fauré, le Concert de Chausson et le Quatuor de Debussy?

QUESTIONS MILITAIRES Préface à la

« Guerre des occasions manquées » Dans quelques jours va paraître la Guerre des occasions manquées (1) par le général allemand Hoffmann (traduction de M. Simondet). C'est un ouvrage de critique sur les méthodes stratégiques allemandes pendant la dernière guerre. Le général Weygand a écrit pour présenter l'édition française de ce livre, une préface dont nous sommes heureux de donner la primeur à nos lecteurs.

Ce curieux ouvrage enrichit la belle Collection de mémoires, études et documents pour servir à l'histoire de la guerre mondiale.

Le général Hoffmann n'est pas connu du public français comme peuvent l'être les généraux allemands ayant exercé les fonctions de chef de l'Etat-Major général équivalent, en fait, au commandement suprême ou le premier quartier. maître général Ludendorf, ou bien encore les généraux ayant commandé des armées ou des groupes d'armées sur le front occidental. C'est qu'en effet, il a, d'une part, occupé des postes de rang moins élevé, et que, d'autre part, il a toujours travaillé sur le front oriental.

Mais en Allemagne, le général Hoffmann jouit d'une haute réputation; beaucoup d'officiers le mettent au rang des premiers d'entre leurs chefs : « Peut-être le mieux doué, à coup sûr l'un des plus remarquables parmi les généraux allemands », écrit de lui l'un des auteurs étrangers qui peuvent avoir été le plus à même de le juger (2).

Dès le début de sa carrière, le général Hoffmann semble, par une sorte de prédestination, avoir été attiré par la Russie. Entré en 1887 dans l'armée, il passe sept des premières années de sa vie militaire en garnison en Prusse orientale, face à la Russie.

Il fut, comme lieutenant en premier, envoyé en Russie pour y apprendre la langue.

Au moment de la guerre russo-japonaise, il faisait partie de l'état-major général qui le détacha à l'armée japonaise pour en suivre les opérations. Aussi, bien qu'il se trouvât au début de la guerre mondiale sur la frontière française

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en qualité de commandant de bataillon, fut-il, en raison de sa préparation toute particulière, envoyé aussitôt à l'étatmajor de la VII armée opérant en Prusse orientale. Il y servit d'abord sous les ordres du général von Prittwitz, puis, après la disgrâce de ce chef, sous les ordres du colonel général von Hindenburg, qui le remplaça à la tête de la VIII armée, et du général Ludendorff qui devint son chef d'état-major. C'est dans ces conditions qu'il eut à jouer un rôle particulièrement utile et heureux dans la préparation de la célèbre bataille de Tannenberg.

Au mois d'août 1916, lorsque le dumvirat HindenburgLudendorff fut appelé au grand quartier général pour y assumer la direction des opérations, le prince Léopold de Bavière reçut le commandement en chef du front Est, et le colonel Hoffmann devint son chef d'état-major. Il occupa cette situation jusqu'à la fin de la guerre, et c'est à ce titre que pour les négociations de paix de BrestLitowsk, il fit partie de la délégation allemande en qualité de représentant de l'état-major général. Son rôle à ce moment et la façon dont il sut mettre fin aux atermoiements des délégués soviétiques firent du bruit, et ont beaucoup contribué à sa renommée.

Nommé général vers cette époque, il devait bientôt quitter l'armée. Il a aujourd'hui 58 ans, il vit à Berlin dans la retraite, il écrit.

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Le général Hoffmann est revenu à maintes reprises dans des livres, des brochures, des articles de journaux, sur deux sujets qui ont donné lieu à des controverses passionnées.

La bataille de Tannenberg tout d'abord. On sait qu'au début des hostilités la VIII armée allemande eut à assurer la défense de la Prusse orientale dans des conditions délicates, car cette province était menacée à la fois par deux armées russes; l'armée dite de Vilna, sous les ordres du général Rennenkampf, qui prononçait son offensive par le nord des lacs de Mazurie, et l'armée dite de Varsovie, sous les ordres du général Samzonov, que les Allemands devaient s'attendre à voir déboucher par le sud-ouest de ces mêmes lacs, dans une direction particulièrement dangereuse pour leurs communications. Le 20 octobre, alors que la VIII armée était tout entière engagée contre l'armée de Vilna dans une bataille qui se développait à Gumbinen avantageusement pour elle, des renseignements firent connaître que l'armée de Varsovie, sur laquelle jusqu'alors les informations précises avaient fait défaut, commençait à franchir la frontière allemande. Le général von Prittwitz, craignant l'enveloppement, prit tout d'abord le parti de rompre le combat et de se retirer derrière la Vistule, et il en rendit compte au grand quartier général. Le colonel Hoffmann, alors premier officier de l'état-major, dès qu'il

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fut mis au courant de cette détermination de son chef, la combattit, arriva à l'y faire renoncer, et lui suggéra puis obtint l'exécution des mesures qui lui paraissaient les plus propres à faire face à la situation. Entre temps, l'empereur relevait le général von Prittwitz et son chef d'état-major de leur commandant. L'arrivée de leurs remplaçants, le général von Hindenburg qu'il fallait tirer de la retraite, le général Ludendorff qui à l'état-major de la II° armée venait d'intervenir très heureusement à Liége, demanda quelque délai, pendant lequel les mouvements prescrits s'exécutèrent. De telle sorte que lorsque les nouveaux chefs arrivèrent le 23 août à Marienburg, ils trouvèrent réalisées des dispositions qu'ils ne purent qu'approuver. Ce sont elles qui permirent de monter et de livrer la bataille victorieuse de Tannenberg.

Tout cela est déjà indiqué d'une plume assez légère dans la Guerre des occasions manquées qui parut en Allemagne en 1922. Mais dans une brochure récente Tannenberg, la bataille telle qu'elle se passa en réalité, le général Hoffmann revint sur le sujet en y appuyant, davantage, et ne craignit pas de conclure que le nouveau commandement de la VIII armée eut peu de part à la conception comme à la conduite de la bataille. Peu de faits d'armes ont donné lieu à autant de légendes que la bataille de Tannenberg. Essayer de ramener ces événements à leur valeur véritable au détriment de ceux qui furent les idoles du peuple allemand est un jeu dangereux. Le général Hoffmann s'en aperçut; il semble du coup que son ancien chef, qui a fait d'ailleurs grand éloge de lui dans ses mémoires (1), ait rompu avec lui; il paraît également que les milieux nationalistes le tiennent en suspicion et le font passer pour s'être rallié au pacifisme. Sans prendre parti dans cette querelle, sachons seulement gré au général Hoffmann de nous avoir fait connaître sa façon de penser bien qu'elle soit en opposition avec la manière de voir généralement admise dans son pays.

Mais le sujet qui semble attirer surtout le général Hoffmann, est la question russe. S'il n'hésite pas à accuser nettement les Anglais d'avoir à l'origine fomenté la révolution en Russie dans le but d'écarter le tsar dont ils redoutaient le désir de paix, il raconte après comment, cherchant << à augmenter par la propagande la désagrégation jetée dans l'armée russe par la révolution », le gouvernement allemand prépara et favorisa le passage de Lénine de Suisse en Russie. A ce bon Allemand, foncièrement ami de l'ordre et de l'autorité, cet appui donné par les siens au fondateur du bolchevisme n'est pas sans causer quelque confusion. Le général Hoffmann sent le besoin d'expliquer et d'excuser cet acte de lèse autorité : il invoque pour cela le droit pour les Allemands de travailler à grossir le trouble jeté par la révolution dans un pays ennemi, et aussi le fait que personne ne pouvait prévoir alors « les désastreuses

(1) Mon premier cellaborateur à l'Est a été le lieutenant-colonel Hofmann, aujourd'hui général... Je l'ai proposé pour être mon succesSour (c'est-à-dire comme chef d'état-major des armées de l'Est), lorsQu'à la fin de 1916 je suis passé au grand quartier général; il a rend des services aussi brillants dans cette situation, qu'en qualité de plus ancien officier de mon état-major » (Ludendorf, Souvenirs, Payot, Paris).

conséquences que l'apparition de Lénine devait entrainer pour la Russie et pour l'Europe entière ».

Lors des négociations pour la conclusion d'un armistice dans l'est, c'est dans un état d'esprit analogue que nous trouvons le général Hoffmann partagé entre le désir de voir l'Allemagne se débarrasser d'un adversaire et se donner ainsi les mains libres à l'ouest, et la crainte qu'elle consolide par là le régime bolchevique en lui fournissant l'occasion d'apporter la paix à des masses qui la désiraient si profondément.

Lorsque les négociations de paix succédèrent à l'armis tice, le général Hoffmann eut l'occasion d'un contad intime et prolongé avec les délégués soviétiques. Ce contact nous vaut quelques peintures pleines de saveur, mais il est surtout intéressant par la trace qu'il laissa dans l'esprit de l'auteur le général Hoffmann fut très profondément impressionné par le souffle de prosélytisme qui animait ces apôtres de la révolution intégrale et universelle, et peu à peu il évolua vers la conception politico-stratégique pour la campagne de 1918, qu'il eut, dit-il, l'occasion d'exposer à Ludendorff. Il aurait voulu que l'Allemagne gardât tout d'abord une attitude défensive sur le front occidental, et qu'elle agît vigoureusement en Russie pour y rétablir l'ordre, puis, appuyée sur une Russie régénérée et amie, elle eût reporté son effort décisif è l'ouest.

Ce plan ne fut pas retenu, mais il aide à comprendre comment le général Hoffmann est arrivé au dernier programme qu'il a exposé dans une brochure intitulée Moscou partout. Le problème du bolchevisme dans ses dernières conséquences. Le général Hoffmann y décrit d'abord le rôle de la Russie soviétique dans l'Europe économiquement désorganisée rôle négatif du fait de la suppression du marché russe, rôle positif caractérisé par l'action de désagrégation entreprise dans tous les pays et d'excitation des colonies et dominions contre la métropole : il en énumère les conséquences désastreuses. Puis il indique le remède en premier lieu, l'union des grandes puissances européenn est à la base de l'entente de la France et de l'Allemagne ensuite la libération de la Russie par une action conjugué de ces puissances, action militaire mais d'un ordre parh culier sans aucun rapport avec les luttes sans merci de grande guerre, ayant pour seul l'objet de ramener l'ord et d'ouvrir la porte à l'aide financière et économique de nations rédemptrices.

Il y aurait, certes, beaucoup à dire sur ces opinions ces programmes. Mais quoi qu'on puisse penser, ce so là des idées, et certaines d'entre elles ne sont pas celles d

tout le monde.

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qu'il pense. C'est ce qui donne de l'intérêt et de l'attrait à son livre, au titre prometteur et qui ne ment pas.

Qu'il parle des « occasions manquées » à savoir : la mise en œuvre anémiée et rétrécie du vaste plan Schlieffen sur lequel l'état-major allemand travaillait depuis tant d'années, le coup décisif qui devait mettre d'emblée la France à terre ; l'acharnement sur Ypres en novembre 1914 après un premier échec au lieu de la recherche d'une décision, alors possible contre les Russes, par une manœuvre stratégique d'importance, transportant à l'est les forces nécessaires; la situation inexploitée des Russes aventurés en 1915 dans la boucle de la Vistule; le fait de n'avoir pas rejeté les Alliés de Salonique avant qu'ils s'y fussent renforcés et de leur avoir ainsi laissé une base d'où devait jaillir en 1918 un succès foudroyant... Le général Hoffmann signale avec franchise tout ce qui lui semble avoir été erreur ou faute du commandement allemand ou de la politique allemande.

Quand il retrace les opérations véritablement remarquables par lesquelles les armées allemandes ont sur le front est, fait face à d'immenses difficultés, il rend homImage comme il convient aux qualités du commandement et du combattant allemands, à l'habileté de leurs manoeuvres comme à l'intensité de leurs efforts.

La seconde partie de l'ouvrage correspond à la période où, chef d'état-major du front oriental, il eut à s'occuper de plus vastes questions. Il les traite en homme dont l'horizon s'est élargi, et que tout a préparé à discuter de la conduite générale de la guerre.

Ce livre, dont la traduction fidèle et élégante de M. Simondet rend la lecture aisée et agréable, vient donc heureusement s'ajouter aux oeuvres, déjà nombreuses, des généraux allemands, comme une contribution précieuse à l'histoire non seulement militaire, mais générale, du plus grand des conflits.

Quelque horreur qu'on puisse avoir de la guerre, c'est un enfantillage de ne point vouloir en entendre parler et de croire que l'on contribuera par là à la rendre impossible. Dans les années qui suivront, lorsque les difficultés d'après guerre enfin vaincues laisseront à chacun plus de loisirs, il est certain que l'on se reportera avec passion vers l'étude de la grande et terrible époque que nous avons vécue. Pour cette étude, ce qui s'est écrit chez nos anciens adversaires présentera une valeur particulière, et l'on ne saurait être trop reconnaissant aux Français de haute culture qui n'hésitent pas à sacrifier un peu de leur temps pour en rendre la lecture accessible et attrayante à leurs compatriotes. GÉNÉRAL WEYGAND.

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CINEMA Inquiétudes

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Un vent de pessimisme semble souffler en France sur le sort du cinéma national et même du cinéma mondial. En dépit du succès croissant du nouvel art auprès des foules - et peut-être même en raison de ce succès des esprits clairvoyants poussent des cris d'alarme qui se perdent malheureusement dans le concert d'acclamations tarifées dont journaux et revues saluent la plus médiocre production. René Clair ne craint pas de prophétiser la Fin du Cinéma et quelques-uns de ses arguments sont troublants, même pour ceux qui ne voient pas l'avenir sous d'aussi sombres couleurs. Il est certain que le cinéma évolue. Il est arrivé bien loin de son point de départ. Mais est-ce une raison suffisante pour prédire que ce que nous verrons à l'écran dans dix ans, dans vingt ans, ne sera plus du cinéma ? Au lieu de jouer au prophète, n'est-il pas plus raisonnable et surtout plus utile d'examiner quelle situation est faite chez nous au cinéma et de chercher s'il n'existe pas des remèdes applicables à son malaise passager ?

On aurait tort avant tout d'exagérer les symptômes morbides qu'on peut diagnostiquer dans l'état du film français. Je n'ignore pas que la production de cette année reste infé

rieure d'une bonne douzaine de films à celle de l'an dernier. Mais nos cinéastes ne se sont montrés inférieurs en rien à leurs rivaux américains, allemands, russes ou suédois, et ceci il ne faut pas craindre de le dire bien haut. Nous sommes restés les descendants des gentilshommes de Fontenoy : Filmez les premiers, messieurs les étrangers! Nous réservons un accueil enthousiaste à toutes les bandes qui nous arrivent du dehors, et nous restons indifférents ou hostiles aux efforts de notre production nationale, oubliant que ces films étrangers qu'on nous présente à Paris ont été choisis entre cent, et que nous baisserions sans doute de plus d'un ton le diapason de nos éloges si nous étions condamnés à visionner toute la production d'Hollywood et autres lieux.

Malheureusement, un des plus grands maux dont nous souffrons, c'est le malthusianisme de la production. Un pointeur maladroit qui tire une centaine de balles en quelques minutes, mettra certainement plusieurs fois dans la cible, et à vrai dire, seules ces réussites comptent. Un tireur habile mais si dépourvu de munitions qu'il n'a que quelques cartouches à brûler est condamné à faire mouche à tout coup. C'est dépasser les forces humaines. Le plus fâcheux, c'est qu'avec notre tendance incorrigible à nous déprécier nous-mêmes, nous nous montrons pour nos films d'une sévérité impitoyable et que pour faire preuve d'une impartialité de bon ton, nous couvrons de fleurs tous les apports de l'étranger. Nous créons ainsi autour de nos cinéastes une

atmosphère de défiance qui paralyse les concours financiers indispensables. Et c'est le cercle. Nous n'avons pas suffisamment de bons films français parce que la production est trop restreinte, et la production est trop restreinte parce que les capitalistes s'effraient de ce petit nombre.

Cependant, une école qui nous donne le Vertige de l'Herbier, le Napoléon de Gance, la Terre qui meurt de Jean Choux, Nocturne de Feyder, Feu de Baroncelli, Mauprat d'Epstein, Antoinette Sabrier de Germaine Dulac, la Proie du Vent de René Clair, En Rade de Cavalcanti ne peut être qualifiée de décadente. Il n'en est à coup sûr pas d'autre au monde, qui, au rebours du cuisinier de l'Avare, ait trouvé le secret de nous faire faire aussi bonne chère avec aussi peu d'argent.

L'argent ! Voilà le grand mot lâché. Le cinéma, en France, n'est pas une affaire sérieuse. Parlez-nous de renards argentés, nous ouvrirons l'oreille... et la bourse. Mais un film! Nous laissons ce soin à l'Amérique, où une production ordinaire coûte de 75.000 à 100.000 dollars, un superfilm de 150 à 300.000 dollars, et où l'industrie cinématographique investit plus d'un milliard de dollars. En face de ces chiffres, il est permis de déplorer la grande misère du cinéma français, à condition de ne pas l'entendre au sens de misère artistique.

On a parlé et on parle encore d'un contingentement des films étrangers pour protéger nos producteurs nationaux. Au risque de déplaire à d'excellents amis, qui ont pris nettement parti dans la question, je déclare tout net que je n'attends rien de bon de semblable mesure. A toutes les époques de crises, en remontant aussi haut que le Moyen Age, les industriels concurrencés par l'étranger, se sont tournés vers les pouvoirs publics pour leur demander aide et protection. La fermeture même partielle - des frontières ne sert qu'à encourager la paresse des producteurs nationaux. D'ailleurs, vous êtes-vous demandé, René Clair, Germaine Dulac, L'Herbier, Baroncelli, Poirier, à quels scrtes de films français profiterait la mesure ? Poser la question, c'est la résoudre. Nous savons quelles sont les

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préférences des magnats du cinéma, et à quels films ils vo draient assurer un monopole de fait dans les salles de Par de la banlieue et des départements, et des colonies, a contingentement était décrété.

Le Parlement, d'ailleurs, se montrerait-il favorable à u mesure douanière, qui n'irait pas sans entraîner des rep sailles fâcheuses pour d'autres de nos industries? L'Eta chez nous, n'a cure du cinéma (pas même du cinéma de seignement). Il ignore cette puissance illimitée de l'ima pour la propagande à l'étranger, telle que nous l'a mo trée, terrifiante, le film du Cuirassé Potemkine. Il ne s'o cupe de l'industrie cinégraphique que pour l'accabler taxes et le député qui proposerait au Parlement d' affranchir les salles qui ne projeteraient que des films fra çais serait assuré d'un beau succès d'hilarité. Ce serait pos tant un remède, et qui ne coûterait rien à nos finances, ca le développement de la production cinégraphique nato nale ferait entrer dans les caisses publiques des somme autrement considérables en même temps que, par le chif d'affaires et autres impôts, l'Etat deviendrait le commen ditaire intéressé du film français.

Mais c'est trop demander. Préférons une neutralité bie veillante des pouvoirs publics à une intervention inoppo tune et tournons-nous du côté des grand producteurs, de puissances financières de l'écran, qui ont un intérêt imm diat à empêcher la mort du cinéma national, ne seraitque pour ne pas se mettre à la merci des trusts étrange Il semble que quelques-uns commencent à s'en rende compte. Voici que cette année ils viennent de commande des films dits commerciaux à de véritables artistes et l'a cueil fait par le public à Mauprat ou à la Proie du Ve est de nature à les encourager à persister dans cette vo Mais ce n'est pas assez et nous attendons d'autres preuve de leur bonne volonté, proclamée dans tant d'assemblé ou de banquets.

Nous voudrions les voir s'imposer un cahier des charge volontaire, comme l'Etat en exige des scènes subver tionnées. Que chaque grande firme, distributrice de fil américains, allemands, suédois ou russes, s'engage à réalis une production d'un jeune, même inconnu ou débutant. E cela sans lui imposer le découpage d'un roman ou la trans position d'une œuvre dramatique, en laissant le cinéas absolument maître de son sujet et de ses moyens d'exéc

tion.

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