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Mais, vous allez vous ridiculiser, riposta Doucet.

Me ridiculiser ? Moi. Allons donc ! C'est vous que je ridiculiserai. On viendra m'interviewer; et je dirai que j'ai voulu vous blaguer.

Doucet réfléchit, comprend qu'évidemment l'Académie ne gagnera rien à cette farce, et il propose :

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Voyons... Si nous vous donnions un petit secours ? Je veux un prix... un prix Montyon. Avez-vous votre volume de vers ? - Oui, le voici... C'est trois francs. Interloqué, Doucet donne les trois francs, prend le livre; il contenait une trentaine de quatrains insignifiants. Vous aurez votre prix, fait Doucet.

Et Poussin eut, en effet, un prix de cinq cents francs. Le soir où il toucha la somme, il offrit à boire à tous les clients du Café Procope; le lendemain, on le trouva très éméché, distribuant des pièces de vingt sous aux pauvres gens qui sortaient d'un asile de nuit.

Tenez, disait-il, c'est l'illustre poète Poussin, lauréat de l'Académie française, qui vous donne ça.

Et voilà comment Camille Doucet, en évitant à l'Académie une candidature fantaisiste, paya à boire à des poètes, à manger à des malheureux, et donna une couronne de laurier vert à un bohème.

Cette savoureuse et authentique histoire, dont les gazettes se réjouirent en 1908, ne méritait-elle pas d'être rappelée ?

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LITTERATURE

Enquête sur les romantiques

Réponses de MM. Louis Bertrand, de l'Académie
française, André Maurois, René Johannet, Clément
Vautel, Léon Deffoux, Jules Véran
Martineau.

et Henri

M. Louis Bertrand, de l'Académie française M. Louis Bertrand n'hésite pas. Il accorde toute sa sympathie à Musset. Et voici les louanges qu'il lui décerne :

Vous voulez bien me demander quel est, à mon avis, le plus sympathique représentant du XIXe siècle romantique. Pour moi, sans hésiter, c'est Alfred de Musset, que je considère comme le plus humain, le plus vrai de tous. Et je crois aussi que c'était, sinon une des âmes les plus nobles de ce temps-là, du moins une des plus honnêtes dans tous les sens du mot: un bon homme et un galant homme. Tous les autres, à côté de lui, même les plus grands, sont des cabotins, toujours suspects de vilaines

choses.

M. André Maurois

L'auteur d'Ariel pouvait-il se choisir un autre ami que Shelley? Pour qui aime le romantisme, le nom de Shelley s'impose. Et qui M. Maurois aurait-il préféré au héros qu'il a fait revivre de façon si gracieuse ?

Quel est l'écrivain romantique qui m'inspire le plus d'estime et d'amitié? Vous seriez fort surpris, n'est-ce pas, si je ne répondais: Shelley? Eh bien! oui, Shelley, parce que, de tous les romantiques, il fut, je crois, le plus naturellement romantique. Chez lui, aucun souci de l'attitude. Même quand il paraît extravagant à l'homme moyen, il est parfaitement naturel. J'aurais aimé à l'avoir pour ami; je n'aurais pensé comme lui sur aucun point, mais mon estime eût été sans réserves, pour l'homme comme pour l'écrivain.

M. René Johannel

Il passe en revue les plus grands romantiques avant de se décider à faire un choix. La question est délicate et M. Johannet se montre impitoyable critique. Quel jeu de massacre ! Il n'en échappe que deux dans la bagarreg Gérard de Nerval et Balzac.

Si la question ne m'était posée, je croirais facile d'y répondre. Me voici embarrassé parce que vous m'interrogez. A une certaine époque, j'aurais dit: Victor Hugo, mais, quelque admiration que l'on ressente pour Hugo, vraiment, il est trop bête. A une certaine autre Lamartine. Mais aujourd'hui je le trouve

(1) Voir l'Opinion des 16 et 23 juillet,

trop poseur, quasi étranger. George Sand? N'insistons pas. Musset? Oui, mais tout cet alcool entre lui et nous !

Il y a bien aussi Desbordes-Valmore, mais elle pleure trop. Et puis, cette fontaine mouvante, a-t-elle toujours dit, comme il l'aurait fallu, la vérité à son mari? J'ai trop lu Jacques Boulenger pour le croire. Même après les articles de Comedia.... Bref, l'affaire reste trouble.

Liquidons Gautier comme tonitruant, Michelet comme gobeur, Sainte-Beuve comme venimeux, Nodier comme superfétatoire. Restent Stendhal, Gérard de Nerval, Vigny et Balzac. Mon embarras augmente.

Balzac, si vaste, si imposant, si conclusif. Vigny, si pur, si grand, si haut in. Stendhal si confiant, si naïf, si désintéressé, si sincère, si n f, si secret. Oui, mais chez Vigny, le bâtiment ne répond guè la façade. Que diriez-vous du Collège de France si, venu ur y entendre Bergson, vous vous trouviez subitement dans une maison de rendez-vous? Vigny, c'est un peut cette aventure. Par-dessus le marché, la maison n'est pas gaie, elle est même lugubre. Et puis, malgré ses airs << éternels », il est trop romantique, même pour un romantique romantique.

Quant à l'adorable Stendhal, comment s'y prend-il pour agacer? Il fait trop le malin, sans l'être. Son immoralisme enfantin, ses complications gratuites désarment la sympathie toujours renaissante.

J'ai envie de répondre : Nerval. Pourquoi ? Parce qu'il est fou. Avec lui au moins on est tranquille, l'irresponsabilité étant acquise on peut se livrer à ce charme sans pareil, entrer dans la ronde, embrasser Sylvie, Aurélia. Cela ne tire pas à conséquence. C'est le romantisme pur ». Gérard a été malheureux, candide. Il n'aimait pas mauvais camarade. Barrès l'aimait. Martineau le réédite... Deux grands points. Il est mort aussi bêtement que possible, ce qui enlève toute idée de préméditation. Il n'a pas abusé des théories. Il a écrit comme un ange. Trouvezmoi quelqu'un, autour de lui, à l'exception de Musset et peut-être de George Sand, qui écrive aussi bien que lui?

Pourtant, même dans la sympathie, observons la hiérarchie des grandeurs. Balzac, qui s'étend si loin, Balzac dont l'immensité déconcerte, Balzac est aussi le plus fraternel des romantiques. A peu près seul il a pensé sérieusement. Pour tout ce qu'il a entrepris, il a marché sans arrière-pensée. Il a cru au réel, de toutes ses forces, qui n'étaient pas minces. Il a mangé de l'argent, fait des dettes. Quel patron pour les écrivains! A l'intérieur du géant, jusqu'au dernier jour, ont vécu un petit garçon crédule, un adolescent amoureux, un homme tourmenté d'ambition. Pour n'éprouver pas de sympathie balzacienne il faut n'avoir jamais eu dix ans, vingt ans, trente-cinq ans. Mais Balzac était-il un romantique ?

Un petit garçon crédule, un adolescent amoureux un homme tourmenté »... c'était donc bien un romantique !

M. Clément Vautel

M. Clément Vautel n'aime pas « les moins de trente ans ». Il l'a écrit maintes fois et cette enquête lui fournit une nouvelle occasion de le faire savoir :

Bien que j'aime assez le romantisme, je me demande si les moins de trente ans » contemporains de la première d'Her! nani m'auraient inspiré une très grande sympathie.

Leurs gilets rouges, leurs capes espagnoles, leurs longs cheveux et aussi leur puéril désir d'épater le bourgeois n'eusscnt point été faits pour me séduire.

Voilà un rapprochement très flatteur pour la confrérie dont j'avoue, sans nulle honte, faire partie : « Les moins de trente ans » contemporains de la première d'Hernani (parmi lesquels se trouvaient Victor Hugo et Théophile Gautier) rebutent M. Clément Vautel, autant que leurs successeurs d'aujourd'hui.

Alors, par esprit de réaction (simple effort vers un impossible équilibre), je me serais sans doute lié avec M. Brifaut. Il me semble, cependant, que le bon Nodier, Nestor du romantisme, devait être très sympathique.

Mais, s'il faut absolument choisir, j'élirai le roi LouisPhilippe, qui fut bien un peu écrivain aussi (qui ne l'est pas ?) et qui, bourgeois porteur d'un parapluie légendaire, eut l'élégance de protéger, voire de pensionner ces romantiques légitimistes ou républicains... Il nomma même Victor Hugo pair de France, lequel ne lui en sut, par la suite, aucun gré.

Le roi Louis-Philippe était, en effet, fort sympathique. Il fit preuve d'intelligence en nommant pair de France Victor Hugo qui avait été pensionné par Louis XVIII. Le choix de M. Clément Vautel est inattendu et amusant.

M. Léon Deffoux

Il est l'un des meilleurs courriéristes littéraires de ce temps et possède autant d'informations sur les écrivains du XIXe siècle que sur nos contemporains. La bonne figure de Théophile Gautier lui plaît et ce n'est pas pour nous étonner.

Le plus sympathique représentant du romantisme au XIXe siè cle? Théophile Gautier, tel que nous le voyons passer dans la Correspondance de ses contemporains, dans le Journal des Goncourt, dans les Souvenirs d'Ernest Feydeau, d'Emile Bergerat, de Maurice Dreyfous, etc., etc., n'apparaît-il pas comme le plus fidèle et le plus généreux des compagnons de cette époque si riche en caractères généreux et fidèles ? Quelle jovialité, quelle aimable verdeur de langage dans ses propos de table! Ajoutez à cela que, d'après tous les témoignages cités plus haut, il se montrait fort peu «gendelettres » : il ne parlait presque jamais de lui et de ses ouvrages... Je vote pour Théophile Gautier.

Voici sa réponse :

M. Jules Véran

Mon estime et mon amitié vont aux victimes du romantisme. Elles sont nombreuses. Je choisis la plus illustre : Musset, Il ne l'envoie pas dire à George Sand!

M. Henri Martineau

Le directeur du Divan, éditeur de goût et bon lettré, nous envoie cette jolie note sur Stendhal :

Voulez-vous me permettre de considérer Stendhal aujourd'hui comme un romantique, puisqu'il vécut et écrivit au temps d'Hernani, qu'il agaça George Sand, amusa Musset et donna des leçons au jeune Mérimée. Si j'étais né cent ans plus tôt, c'est à ses côtés que j'eusse aimé vivre : nous aurions eu à peu près le même âge, et il m'aurait enseigné l'Italie, comme à rêver ensemble en écoutant, assez mal, la musique de Mozart. Il n'affichait pas ses sentiments intimes, il aimait mieux parler

avec ses amis que de se consumer en stratégie littéraire. Il était curieux, désintéressé et indépendant. Nulle amitié plus que celle de Stendhal ne m'eut flatté et enrichi.

Nous publierons bientôt les réponses de MM. Henry Bordeaux, de l'Académie française ; Jérôme et Jean Tharaud, Alexandre Arnoux, Tristan Derême, André Billy, Albert Thibaudet, René de Planhol, Gaston Picard. ROBERT BOURGET-PAILLERON.

L'œuvre préférée.

Une édition in-folio de Shakespeare la plus rare qui existe, on le sait a été acquise récemment par la célèbre bibliothèque Bodleian, d'Oxford, après être demeurée pendant près de trois siècles ignorée dans une propriété du Derbyshire.

Des érudits se sont livrés à un examen attentif de cet ouvrage précieux, afin de découvrir quelle fut, des pièces de Shakespeare, celle que préférèrent les étudiants d'Oxford, de la date de la publication de ce volume à la guerre civile, époque où il disparut.

Ayant établi que cet ouvrage ne fut feuilleté qu'entre ces deux dates, les savants déclarent que l'œuvre la plus lue fut Roméo et Juliette. La page qui contient la scène du balcon la plus fatiguée est même déchirée.

Les autres pièces favorites sont, dans leur ordre de préférence Jules César, la Tempête, Henri IV et Macbeth.

Un centenaire.

C'est le 27 septembre que tombera le troisième centenaire de la naissance de Bossuet. On le fêtera à Paris, à Dijon et à Meaux. Un journal dijonnais, le Bien Public, ouvre même à ce sujet une enquête dont le questionnaire est fait pour surprendre l'unanimité, ou presque, de nos contemporains.

1) Quels profits personnels avez-vous retirés de la fréquentation de Bossuet ?

2) Quels profits la société moderne pourrait-elle retirer, à votre avis, de se mettre à son école ?

Gageons que la question serait moins inactuelle si on l'exprimait ainsi : Préférez-vous Bossuet ou Fénelon ? Avec M. l'abbé Brémond, il est probable que tout le public littéraire, belphégorien ou non, voterait pour le cygne de Cambrai et non pour l'aigle de Meaux.

Ajoutons que M. François Mauriac, pour une collection de pastiches, parodies ou « suites supposées », que vont publier les Editions du Trianon, prépare un Traité de la concupiscence...

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lesquels les savants désignent des objets ou des choses baptisés plus aimablement avant eux, et les noms qu'ils appliquent aux plantes, par exemple, sont significatifs. Au contraire, les chimistes inventent des corps, des combinaisons inconnues avant eux, et ils s'efforcent aussitôt de les présenter d'une façon peu rébarbative. Ainsi, le chlorhydrate de rosaniline devient la fuchsine; le chlorure de mercure, du calomel; l'acide diéthylbarbiturique, du véronal; l'acide acétylsalicylique, de l'aspirine; le sesqui-oléate de soude, de l'eunairol; le nucléinate d'argent, de l'argyrol, le ou la dimétyloxyquinizine, dì l'antipyrine; le sulfonamide benzoïque, de la saccharine; le diéthylsulfone-diméthylméthane, du sulfonal; le phényldiméthylpyrazolonaminométhylène sulfonate de soude, de la mélubrine, etc. ! On retrouve les éléments communs de ces longs mots com,sés, mais non de leurs équivalents, qui sont imprévus, quit une physionomie individuelle nette et parfois même phonétiquement agréable. Et c'est là un signe de goût dont il faut savoir gré aux chimistes.

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M. Pierre Veber ayant à rendre compte des récents concours du Conservatoire, écrivait dans un journal du matin : << Huit concurrents sur dix ont des défauts de prononciation, il y a même des Auvergnats. »

Sur quoi, l'Auvergnat de Paris, qui est un des hebdomadaires les plus considérables de la capitale, proteste par la plume de M. Gandilhon Gens d'Armes que les « défauts de prononciation » que les légendes bien parisiennes prêtent aux Auvergnats ont été purement controuvés. Fouchtra, bougri de bougra, charabia, bougnat, ont été fabriqués de toutes pièces au café-concert et dans les journaux. Mais la légende remonte à 1830. Labiche, dans une pièce célèbre, a beaucoup fait pour la répandre. On trouvera d'ailleurs tous les renseignements voulus sur ce complot dans le livre, les Patois, de M. Albert Dauzat (Auvergnat lui-même) paru chez Delagrave, IIe partie, chapitre 2.

Le chuintement qu'on prête classiquement aux descendants des Arvernes est d'ailleurs étranger à leur dialecte, où is remplace communément notre ch. D'autres provinces, le Nord surtout et la Corse, ont un accent beaucoup plus chuintant,

Voilà une réparation de justice.

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Carpeaux, par ED. SARRADIN (Rieder, édit.).

Carpeaux a-t-il, comme le veut André Michel, réparé les pertes que le style abstrait du Premier Empire avait fait subir à l'art d'Houdon, de Chinard, de Pajou? A-t-il, au contraire, par sa recherche outrancière des mouvements, entraîné les sculpteurs de son temps et de sa suite dans l'abus de la gesticulation? Il semble bien que cette dernière opinion soit celle de la critique contemporaine. Mais il ne nous déplaît pas que M. Sarradin soit d'un autre avis. On n'écrit bien que des gens que l'on aime et sa biographie du grand statuaire déborde d'enthousiasme et d'amour. On y trouvera, sur la fin presque tragique de l'auteur de la Danse, sur les années de misère et de désespoir qui se terminèrent par la mort au château du prince Stirbey, de précieux détails, souvent inédits. On ne peut que savoir gré à M. Sarradin d'avoir pris parti dans cette sombre page, que Carpeaux résumait en écrivant : « Je ressemble aux damnés de Dante. » Même si quelques-uns de ses arrêts appellent plus tard la revision, il aura apporté une contribution puisée aux meilleures sources à la biographie du maître de Valenciennes. Quarante reproductions bien choisies (sculptures et dessins) commentent cette excellente monographie. H. C.

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MUSIQUE

La musique française à l'étranger

Je vous ai déjà plusieurs fois parlé de l'Association française d'Expansion et d'Echanges artistiques, que dirige avec tant d'activité et de dévouement M. Robert Brussel...

Je vous ai dit les diverses manifestations auxquelles elle avait prêté son utile concours, depuis sa fondation relativement récente représentations, concerts, expositions organisés à l'étranger, dans des conditions souvent difficiles, et avec des moyens restreints... Cette année, elle a développé notablement encore la portée de son action et s'est acquis des titres nouveaux à la gratitude des musiciens, en assumant à elle seule la préparation de la participation française aux récentes expositions internationales de musique de Genève et de Francfort-sur-Mein. Grâce à ses soins, cette participation a eu l'importance et l'éclat qui convenaient, en l'occurrence, et auxquels la presse allemande elle-même a rendu l'hommage le plus chaleureux et le plus significatif.

Genève n'a été, en réalité, que la préparation de Francfort. Déjà, une exposition rétrospective française contenant plusieurs pièces de prix, y avait attiré l'attention des visiteurs, de même qu'un premier concert de l'orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, sous la direction de son chef, M. Philibert Gaubert, et avec le concours de M. Alfred Cortot, y avait causé une vive impression, augmentée encore les jours suivants par les remarquables représentations de Pelléas et Mélisande, de Debussy, et Ariane et Barbe-Bleue, de M. Paul Dukas, interprétés par la troupe de l'Opéra-Comique, ayant à sa tête des artistes tels que Mmes Mary Garden, Balguerie, Calvet; MM. Dufranne, Vieuille, Bourdin, Baudin, tandis que le même orchestre de la Société des Concerts, sous la baguette ardente de M. Albert Wolff donnait des exécutions instrumentales accomplies de ces deux chefs-d'oeuvre opportunément choi

sis, de la musique dramatique française contemporaine. Mais le cadre beaucoup plus vaste et plus exclusivement artistique de l'exposition de Francfort, sa durée plus longue, offraient aux organisateurs de plus larges possibilités, dont ils ont su intelligemment profiter. La section française est, cette fois-ci, d'une richesse capable de soutenir toutes les comparaisons. Des prêts consentis par la Bibliothèque Nationale, le Conservatoire, la Mazarine, les musées du Louvre, du Luxembourg, de l'Opéra, de Versailles et une vingtaine de collectionneurs notoires, ont permis d'y réunir, à côté d'imprimés très rares des seizième et dix-septième siècles, les manuscrits autographes de la Dauphine, de Rameau, du Don Juan, de Mozart, de l'Appassionata, de Beethoven, de Carmen, de la Dame Blanche, de la Damnation de Faust, de Manon, du Roi d'Ys, de Pelléas, de la Danse Macabre, de Saint-Saëns, du dernier Quatuor, de 'de Fauré, et d'une Fugue de jeunesse, de César Franck. Voici, par ailleurs, les portaits de Berlioz par Daumier, de Chopin, par Delacroix, de Gounod, par Ary Scheffer, de Wagner, par Renoir, de Chausson, par Carrière; de nombreux dessins ou peintures de Boucher, Hubert Robert, Bérain, Boquet, Saint-Aubin; des affiches de premières parisiennes de Guillaume Tell, de Benvenuto Cellini, des Huguenots, de Tannhaüser (13 mars 1861); une suggestive série des lithographies wagnériennes ou berlioziennes de Fantin-Latour. Le tout énuméré dans un catalogue spécial précédé d'une éloquente préface de M. Edouard Herriot, a été classé par des musicographes particulièrement experts en leur spécialité que sont MM. Charles Bouvet, Chantavoine, Expert, Maxime Leroy, Pinchurle, Prod'homme, Prunières, André Tessier.

Comme à Genève, les manifestations musicales françaises ont compris à la fois des concerts et des représentations au théâtre, qui ont inauguré, en quelque sorte, l'activité artistique des pays participant à l'Exposition: Belgique, Tchéco-Slovaquie, Italie, Angleterre, Autriche, Hongrie, Hollande, etc... A deux reprises, l'orchestre entier de la Société des Concerts du Conservatoire s'est transporté à Francfort, où il a reçu, constatons-le ici avec une légitime fierté, un accueil quasi triomphal. Les journaux locaux ont célébré avec une chaleur unanime, et quelque étonnement, la qualité exceptionnelle de cette merveilleuse phalange sonore. Electrisés par cette ambiance enthousiaste, le chef vibrant et chaleureux qu'est M. Philippe Gaubert et ses collaborateurs, se sont vraiment surpassés dans les deux concerts qui réunissaient les noms de Berlioz, Saint-Saëns,, Lalo, Franck, Debussy, d'Indy, Paul Dukas, Schmitt et Roussel, - dans la séance populaire où ils eurent la délicate pensée 'de révéler à la jeunesse des écoles d'autres musiques notoires de notre pays. De son côté, M. Alfred Cortot, après avoir, aux concerts d'orchestre, mérité des ovations unanimes par ses interprétations pianistiques si sensibles, si pénétrées du sens intime du brillant Quatrième Concerto, de Saint-Saëns, des émouvantes Variations Symphoniques, de Franck, et de la Symphonie Cévenole, de M. Vincent 'd'Indy - dont l'irrésistible finale, en particulier, fut ac

clamé partageait, quelques semaines plus tard, avec son digne partenaire, M. Jacques Thibaud, un succès non moindre à l'issue de l'exécution des trois Sonates, de Franck Fauré, Debussy, et des sonates classiques ou romantiques, parmi lesquelles, celle de la Sonate à Kreutzer fut, paraîtil, citée en exemple par plusieurs comptes rendus critiques... Enfin, la troupe chorégraphique de l'Opéra de Paris, sous l'égide de son directeur, M. Rouché, de son premier chef d'orchestre, M. Gaubert, avec la participation de l'orchestre du Conservatoire, est venue donner, les 27 et 28 juin, au théâtre de l'Opéra de Francfort, deux attrayantes soirées de ballets où la pureté du style des danses de Castor et Pollux, de Rameau, la grâce des Deux Pigeons, de M. Messager, l'exotisme coloré de Siang-Sin, de M. Georges Hüe, la spirituelle ironie des Impressions de MusicHall, de M.. Gabriel Pierné, alternaient avec la splendeur expressive et sonore de la Péri, de M. Dukas, les mille jeux délectables de Daphnis et Chloé, de M. Ravel, et l'ingéniosité raffinée du Diable dans le Beffroi, de M. Inghelbrecht. Vous ne vous étonnerez sans doute pas que, dans ce choix adroit et significatif, la faveur de l'auditoire soit surtout allé aux œuvres qui lui ont semblé le plus représentatives de cette distinction aimable qu'il veut bien avant tout reconnaître à la musique française, la profondeur étant, comme chacun sait, réservée aux productions de son pays. Mais, sans s'abuser outre mesure sur leurs consequences ultérieures, on ne peut que louer sincèrement le public germanique de sa courtoisie, de son désir de compréhension, de sa vive admiration pour l'art de Mlles Zambelli, Bos, Lorcia, de MM. Aveline et Peretti, pour les beaux décors de MM. Maxime Dethomas et René Piot. Je n en veux pour preuve qu'un article extrêmement élogieux du Berliner Tageblatt qui constate que la France, dominée par le goût de l'ordre, du décoratif justement mesuré, de la sensualité cultivée qui lui est propre, a développé lentement et prudemment ses grandes traditions. Le journal berlinois va même jusqu'à exprimer le souhait que la mesure, le charme et la grâce des traditions chorégraphiques françaises servent de régulateur au développement de la chorégraphie en Europe.

Quelques jours plus tard, la Société Internationale de Musique contemporaine donnait, à l'Exposition de Francfort, son festival annuel. Je vous ai, l'an dernier, à propos du festival de Zurich, parlé en détail de l'activité de cette société, et j'ai même déploré que le Comité organisateur, en ce qui concerne la représentation française à ses séances, où les autres pays étaient si bien partagés, ne se soit pas inspiré d'idées un peu plus larges que celle de satisfaire son entourage immédiat. Je regrette que la composition des programmes de Francfort ne m'ait donné nulle raison de changer d'avis. Ceci dit sans méconnaître d'ailleurs en aucune façon les mérites de l'Offrande à Siva, de M. Delvincourt, qui ne peut prendre qu'à la scène sa signification véritable, la noble tenue du Cantique au Soleil, de M. Raymond Petit, confié au bel organe de Mme Mac Arden, ni l'excellente direction de M. Walther Straram. La représentation d'un grand ouvrage lyrique français n'eût-elle pas dû s'im

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