Imágenes de páginas
PDF
EPUB

royaume d'Italie.

Merry del Val, qui dirige le Saint-Office, du Cardinal enclavée dans le nouvel Etat, comme l'est la petite répuVan Rossum, qui est préfet de la S. C. de la Propa-blique de San Marin; elle devenait partie intégrante du gande (et c'est, sans doute, la raison de la présence de Mgr Hayer parmi les employés de cette Congrégation) et enfin, du Cardinal Fruhwirth à la tête de la Pénitencerie (1): Mgr Papadopoulos est assesseur de la S. C. pour l'Eglise Orientale parce que, pour ce poste, force a été d'avoir recours à un prélat de rite oriental.

De l'étude de cet Annuaire Pontifical, une évidence indiscutable s'impose : l'italianité exclusive du personnel pontifical. Un seul collège semble avoir conservé quelque chose de son ancien caractère international : c'est celui des auditeurs de Rote. Sur 12 membres, huit sont italiens, les autres anglais, allemand, français et polonais. Il n'est pas sans utilité de rappeler que Sixte IV, en fixant à 12 le nombre des membres de ce collège, prit la précaution de ne réserver que trois places aux Romains; les autres devaient être réparties entre les catholiques de la chrétienté. Si on désire trouver quelques noms étrangers, c'est dans la liste des consulteurs des Congrégations qu'il faut les chercher. Leur nombre est encore bien restreint. Ce sont pour la plupart de savants religieux (1), envoyés à Rome pour représenter leur Ordre auprès du Saint-Siège et sur lesquels on se décharge volontiers du travail. Mais, comme leur nom l'indique, ils n'ont que voix consultative et encore ne sont-ils pas toujours consultés, même pour les affaires où ils seraient particulièrement compétents. Les consulteurs italiens les débordent et par le nombre et par l'influence...

Les Italiens occupent donc actuellement tous les postes de commandement de la Curie romaine et toutes les charges intéressantes de l'administration centrale de l'Eglise catholique. L'étranger assez naïf pour croire que sa foi et son dévouement à l'Eglise lui confèrent un droit ou un titre au moins égal à la moindre place, est aussitôt considéré comme un ennemi et banni de la Ville éternelle. Cet ostracisme rigoureux est maintenu et renforcé par une centralisation religieuse de plus en plus étroite depuis 1870 et qui a trouvé son expression légale dans le nouveau Code de Droit canonique.

Cet accaparement notoire pour tous ceux qui ont un peu vécu à Rome - de l'Eglise Catholique par les Italiens et à leur profit, s'explique en partie par le bouleversement qui s'est produit, il y a cinquante ans, au centre de la catholicité. En effet, le 20 septembre 1870, l'armée italienne entrait à Rome par la fameuse brèche de la Porte Pia. Ce coup de force achevait la conquête des Etats pontificaux et mettait fin au pouvoir temporel des papes qui avait été pendant des siècles la garantie de leur souveraineté et de leur indépendance. A la Rome impériale, capitale du monde papal, capitale de l'univers catholique, succédait une troisième Rome, capitale du royaume d'Italie. L'ancienne Rome, la ville des papes, n'était pas simplement

(1) Celui-ci vient d'ailleurs de donner sa démission.

(2) Ces religieux ont pour premier souci de ne pas créer de difficultés à leur communauté, de se rendre la curie favorable et, par conséquent, de subir toutes les fantaisies des prélats italiens. Celui d'entre eux qui se montre capable de faire preuve d'indépendance, de jugement et d'action est bientôt mis à l'index et n'est plus consulté quand il n'est pas prié de quitter Rome. Dans ces conditions, la présence des consulteurs non-italiens n'offre aucune garantie pour les nations étrangères.

Peut-être n'a-t-on pas encore accordé assez d'attention à la première des conséquences (1) logiques et immédiates de cet effondrement du pouvoir temporel des pontifes romains, à savoir un changement d'état-civil pour tous les sujets du pape. En passant sous le sceptre du roi de Piémont devenu roi d'Italie par droit de conquête, ils devenaient Italiens. Ils n'étaient plus romains, sujets du pape-roi au temporel comme au spirituel, mais avant tout italiens, c'est-à-dire incorporés à la grande Italie, devant en subir les lois et la destinée, devant en épouser les intérêts, les sympathies et les antipathies.

Jusqu'alors, les Romains auxquels avait recours le souve rain pontife pour l'administration et le gouvernement de l'Eglise universelle, lui appartenaient civilement et religieusement. Ils étaient ses sujets autant par leur naissance que par leur foi. Ils formaient un petit peuple indépendant de toute nationalité et des passions qui en découlent. Ils possédaient naturellement, et mieux qu'aucun autre peuple le sens de l'universel. Leurs intérêts les plus immédiats se confondaient avec ceux du catholicisme. A une augmentation de puissance et de prospérité de l'Eglise romaine, correspondait pour le Romain une série de profits matériels et moraux qu'il avait garde de dédaigner et qui faisaient de lui un ouvrier intéressé au succès de la politique catholique. Et, chose curieuse, aucun monopole, aucun exclusivisme n'existait à une époque où il eut été tout au moins justifiable. Les catholiques de toutes les nations n'étaient pas considérés comme des étrangers dans les Etats pontificaux ; ils pouvaient s'installer et vivre à Rome sans être exclus a priori des hauts emplois de la Rome papale.

--

En face d'une situation si imprévue pour le gouvernement de l'Eglise, les souverains pontifes n'ont cessé de protester contre la violation de leurs droits au nom des intérêts les plus évidents du catholicisme. Dans les premiers temps qui suivirent la spoliation, l'attitude intransigeante du SaintSiège vis-à-vis du gouvernement italien rassurait les catholi ques de l'univers entier et sauvegardait les droits — ou du moins sauvait les apparences de la souveraineté et de l'indépendance pontificales. Les hommes qui administraient alors l'Eglise étaient encore attachés à l'ancien régime, aussi bien par éducation et par tradition que par intérêt. Les années ont passé. L'unité italienne s'est affermie et a développé dans le cœur de ses nationaux un sentiment patriotique de plus en plus intense. Le ton des protestations pontificales a baissé. Sans doute, le Saint-Siège se défend d'avoir abandonné aucune des revendications du pouvoir temporel; mais à l'état de quasi-hostilité a succédé une atmosphère de bienveillance réciproque dont les signes s'accentuent chaque jour. Cependant, rien ne montre que les papes aient cherché une autre solution, un remède efficace ou un simple palliatif contre le danger de dépendance et de

(1) Dans une remarquable brochure intitulée Religions et Patries, que tout Français qu'intéresse la politique religieuse devrait avoir lue, M. Philippe d'Estailleur Chanteraine a finement noté cette consé quence et relevé la différence qu'il y avait entre cardinaux italiens et cardinaux vénitiens, lombards, toscans, piémontais, etc...

B

sujétion qu'ils dénonçaient avec tant d'énergie. Que doivent en penser les catholiques du monde entier et les gouvernements appelés à traiter avec le Vatican, sinon ce que Léon XIII écrivait au Cardinal Rampolla dans sa lettre du 15 juillet 1887 : « Jusqu'à présent, l'unique moyen dont s'est servi la Providence pour protéger comme il le fallait la liberté des papes a été leur souveraineté temporelle; et, lorsque ce moyen a manqué, les Pontifes ont toujours été ou persécutés, ou prisonniers, ou exilés, ou certainement dans 'des conditions de dépendance et en continuel danger de se voir repoussés sur l'une ou l'autre de ces voies. C'est l'histoire qui l'atteste. >>

De persécutions il n'est plus question. Les petites vexations des manifestations anticléricales dans Rome même sont souvenirs d'avant-guerre. Aujourd'hui, il n'est pas de cérémonies patriotiques sans une participation des autorités religieuses, et pas de cérémonies religieuses tant soit peu popu

ments d'un nationalisme fougueux. Cependant, la sujétion
du Saint-Siège, dont le danger, dénoncé par Léon XIII,
découle a priori de la fausse situation du Vatican et de la
nationalité de son personnel, n'est pas une hypothèse si on
interroge les Italiens catholiques sur cette question délicate
du pouvoir temporel et de l'indépendance pontificale.
(A suivre.)

laires sans la présence des représentants de ce gouvernement CHRONIQUE

<< usurpateur ». Le pape prisonnier est une légende qui a servi utilement à apitoyer le bon cœur des catholiques d'outre-monts et d'outre-mers et leur a fait verser de généreuses offrandes au denier de Saint-Pierre. Mais si le pape n'est ni persécuté, ni exilé, ni prisonnier, reste la dernière alternative de sa dépendance. Aucun intérêt national bien compris ne peut fermer les yeux sur ce point : l'Eglise romaine, qui se prétend catholique, c'est-à-dire universelle, ne se présente plus, de l'aveu même du pape, dans les différentes affaires nationales et internationales, dans des conditions suffisantes de liberté qui permettent de conclure en toute sécurité, non pas à sa neutralité (ce qui est une sottise ou une lâcheté quand il s'agit précisément de prendre parti), mais à sa parfaite impartialité par rapport aux intérêts nationaux quels qu'ils soient.

D'ailleurs, est-il raisonnablement possible d'admettre qu'un organisme confié exclusivement aux ressortissants d'une même nationalité reste indépendant de cette nationalité, indifférent, dans ses directions et son action, des passions et des intérêts de cette nation? Peut-être l'illusion serait-elle possible quand il s'agit de l'Italie et de l'Eglise catholique ! L'une est encore bien jeune en face de cette société vieille de 20 siècles et les traditions du corps ecclésiastique sont assez puissantes pour résister aux entraîne

L'OPINION CHERCHE ET CHOISIT pour ses abonnés LES MEILLEURS LIVRES

Demandez et suivez le CATALOGUE DES LIVRES RÉCENTS

recommandés par l'OPINION Envoyé gratuitement sur simple demande

adressée au siège de l'OPINION 7bis, Place du Palais-Bourbon, PARIS (7)

XXX

[graphic]

Le poids total de l'encéphale d'Anatole France était de 1.017 grammes, dont 854 grammes pour les deux hémisphères. Or, le poids moyen de l'encéphale d'un adulte de race blanche est de 1.360 grammes, dont 1.190 pour les hémisphères. Il y a donc une infériorité, sur la normale, de 350 grammes encéphaliques et de 336 grammes, cérébraux, soit une diminution tout à fait exceptionnelle de près d'un tiers.

Pour expliquer cette différence inattendue, on peut invoquer l'âge. France, en effet, est mort à quatre-vingts ans passés et Testut et Mancuvrier ont admis que l'encéphale perdait une centaine de grammes après 70 ans. Mais ce fait est contesté par la plupart des auteurs, car l'expérience montre que, comme Gratiolet l'avait déjà signalé, le cerveau

de l'homme tend à augmenter de poids à partir de 70 ans. D'ailleurs, en admettant que la dégénérescence sénile intervienne, il faut remarquer que les tissus de sclérose sont plus denses que les tissus nerveux. Il n'y a que dans le cas de mort par misère physiologique ou de mort par la soif que le poids de l'encéphale diminue régulièrement. Aussi, MM. Guillaume-Louis et Dubreuil-Chambardel se sont-ils demandé si le liquide conservateur (alcool formolé), en déshydratant la masse encéphalique, n'avait pas contribué à l'affaiblissement de poids constaté; mais leurs recherches à ce sujet, sur le cerveau d'un homme de trente ans, mort de fièvre typhoïde, ont été constamment négatives. D'où cette première conclusion que le cerveau du père de M. Bergeret avait réellement, de son vivant, un poids très sensiblement inférieur à la normale.

France manquait de caractère; ses idées n'étaient pas bien hautes, mais il possédait une grande facilité d'assimilation et des dons merveilleux de censeur et d'écrivain. Moins magnifique que celui de Bossuet, moins concentré que celui de Pascal, moins nerveux que celui de Taine, son style, par sa facilité et sa souplesse, se rapprochait de celui de Renan, avec lequel, du reste, il marquait plus d'une affinité spirituelle. Comment donc se fait-il qu'un homme doué de si brillantes qualités, ait eu un cerveau dont le poids et le volume n'atteignaient même pas les chiffres moyens qu'on rencontre chez les idiots ?

La réponse à cette question est depuis longtemps connue. Sans doute, des esprits très éminents présentèrent des cerveaux d'un poids considérable. Celui de Cuvier pesait 1.829 grammes, celui de Byron, 1.807 grammes, mais poids et volume semblent ici dépendre de circonstances fortuites, l'ampleur de la boîte cranienne, par exemple, qui permet à la masse encéphalique de s'étaler davantage, de s'enrichir exagérément en matières de réserve lécithine et autres lipoïdes, et, bien que notre documentation ne soit pas encore très riche à cet égard, il ne paraît pas y avoir de relations directes, nécessaires, entre le développement de l'intelligence et le poids du cerveau. Constamment, au cours des autopsies, on rencontre des cerveaux petits chez des personnes qui furent bien douées, comme des cerveaux imposants chez des gens qui, durant leur existence, ne témoignèrent que des plus humbles qualités. Toutefois, même chez les individus à petit cerveau, la symétrie des hémisphères est de règle, l'asymétrie ne s'observant d'ordinaire que chez les sujets profondément tarés, les alcooliques et les syphilitiques héréditaires, les psychopathes constitutionnels et les criminels. Or, comme l'ont signalé MM. Guillaume-Louis et DubreuilChambardel, les hémisphères de France étaient inégaux, le droit ayant un diamètre antéro-postérieur supérieur à celui de gauche, et cette différence se retrouvait dans les deux parties du cervelet. Il y a là une anomalie certaine, dont la cause demeure inconnue, mais qui rend peut-être compte de certains défauts moraux dont France fit preuve, car l'auteur du Lys rouge, ne fut jamais, d'aucune manière, un bourreau de vertu.

En somme, les relations de l'intelligence et de son substratum matériel, anatomique, ne dépendent pas de la masse cérébrale : elles dépendent de sa structure intime, s'expri

mant surtout par le développement de sa surface réceptive, qui, limitée dans son extension par les dimensions de la boîte cranienne, gagne de l'espace en se plissant et en se contournant, en se creusant de sillons et de scissures. A ce point de vue, le cerveau d'Anatole France était des plus remarquables. Sculpté comme un ivoire japonais, il présentait une complication qu'on n'avait jusqu'ici retrouvé qu'exceptionnellement. Mais, pour établir qu'il y a là le signe indubitable d'une intellectualité supérieure, il convient de rappeler quelques notions élémentaires de physiologie cérébrale,

[ocr errors]

Abstraction faite de toutes les hypothèses spiritualistes, qui sont affaire de croyance et regardent l'âme comme un principe indépendant et actif par lui-même, il est certain que les manifestations psychiques sont liées à l'existence d'un organe, le cerveau. Si on enlève le cerveau à un animal, on ne le tue pas, mais on le transforme en un automate n'ayant conservé que ses réflexes médullaires. Au surplus, la neuropathologie nous apprend que les lésions de certaines parties du cerveau entraînent l'affaiblissement ou la suppression de certaines possibilités fonctionnelles d'où la théorie des localisations cérébrales. Mais, cette théorie est surtout vraie pour les fonctions motrices et sensorielles et les fonctions du langage. Pour les fonctions proprement intellectuelles : mémoire, imagination, raisonnement, jugement, les localisations restent imprécises; il semble même que l'exercice de ces facultés dépende bien plutôt du jeu harmonieux de l'ensemble que de celui d'une région définie des hémisphères. La question maintenant est de savoir quelles conditions structurales sont requises pour que s'exécutent ces diverses opérations mentales.

L'encéphale ne représente que le prolongement, épaissi et replié sur lui-même, de la moelle épinière; il est formé par le bulbe, la protubérance annulaire et le cervelet, les tuber cules quadrijumeaux, les corps opto-striés et, enfin, le cer veau, qui s'épanouit en deux lobes hémisphériques volumi neux. Celui-ci, qui retiendra particulièrement notre attention, montre, à la coupe, deux parties: l'une périphérique, grise et mince; on l'appelle écorce cérébrale; l'autre, profonde et plus considérable, est blanche : la première est constituée par une énorme accumulation de corps cellulaires des cel lules nerveuses ou neurones : la seconde, par l'accolement et l'intrication des filets nerveux issus des neurones corticaux (filets centrifuges) ou s'y rendant (filets centripètes).

La structure de l'écorce se montre extraordinairement compliquée; elle renferme plusieurs couches de neurones de ceux-ci, les uns reçoivent les impressions sensorielles, qui transforment en excitations motrices; les autres, dits net rones d'association, font communiquer les neurones de diverses régions de l'écorce, non seulement dans le mênt hémisphère, mais encore dans l'hémisphère opposé, de telle sorte qu'une excitation lumineuse, par exemple, devient capable de déterminer des mouvements dans le corps tout entier. Par suite, l'organisation de l'écorce est la consé quence et comme le reflet des actions de l'ambiance. Es effet, elle se montre d'abord chez les amphibies et let reptiles en rapport avec les seuls nerfs olfactifs; chez le

oiseaux, les nerfs optiques sont venus s'ajouter aux précédents et établissent une relation entre le développement quantitatif de l'écorce et l'étendue de la surface rétinienne ; enfin, chez les mammifères, elle s'enrichit d'une zone tactile (tact, goût, odorat) et d'une zone auditive; d'où chez l'homme, un tel développement de la corticalité qu'elle fait de plus en plus saillie en avant et en haut (lobes frontaux). Comme on le comprend sans peine, ces adjonctions successives d'organes, répondant aux fonctions nouvelles que créent les nécessités de l'existence, ne peuvent se faire que par le plissement de l'écorce qui augmente la surface de projection du cerveau sans accroître proportionnellement son volume que limite la capacité de la boîte crânienne.

L'observation atteste, d'ailleurs, l'exactitude de ces relations anatomo-fonctionnelles chez les sourds-muets, la région temporale gauche, qui est spécialement la zone du langage, est atrophiée; chez l'aveugle-né, c'est la zone optique occipitale. Expérimentalement, on arrive à des constatations identiques, c'est-à-dire que la suppression 'd'une fonction sensorielle détermine des altérations dans la zone de projection correspondante. De tout ceci, il résulte que, plus les fonctions sensorielles, celles qui nous mettent en relation avec le monde extérieur, sont actives et développées, ou, d'une manière plus générale, plus la sensibilité est grande, plus aussi gagne en étendue la surface cérébrale, obligée de se plier et de se replier en conséquence. Et l'on remarque aussi que, de la sensibilité, dérivent toutes les facultés de l'esprit, car, sans elle, il n'y aurait ni mémoire, ni imagination, ni comparaisons, ni raisonnement. On se rend compte ainsi comment le cerveau puisse et doive traduire cet état par les complications de ses circonvolutions et le fouillé de leurs détails.

d'auteurs, effectivement, eurent une imagination aussi vive et aussi brillante, et elle eut certainement un rôle dans la richesse et la variété de son verbe ; mais elle contribua aussi, sans doute, à déformer ses représentations, à les éloigner de la réalité. A plus d'une reprise, France mit son grand talent d'écrivain au service des idées les plus manifestement fausses, poussé qu'il fut par une sensibilité exagérée ou dévoyée et par son impuissance à se représenter les choses comme elles sont. La raison de ce scepticisme, qpi lui fait placer la vertu et l'erreur sur le même plan, tient probablement, en partie du moins, à l'insuffisance du développement des régions motrices de l'écorce, au pourtour de la scissure de Rolando, insuffisance toute relative, et, seulement, par comparaison avec le reste, car, là aussi, MM. GuillaumeLouis et Dubreuil-Chambardel ont trouvé un découpage avantageux. Mais il ne faut pas oublier que l'harmonie des fonctions cérébrales résulte d'un parfait équilibre de l'ensemble et que, dans un cerveau petit comme celui de France, une moins grande étendue de la surface de projection motrice a plus d'importance que dans un cerveau volumineux et moins plissé. N'oublions pas que la région motrice est celle qui nous donne le sens du réel, puisque nous devons, à chaque instant, sous peine d'accidents graves ou de mort, faire des mouvements exactement appropriés au but. Gymnastes et sportifs sont particulièrement entraînés à cet égard et c'est pourquoi, hors les risques professionnels, ils se tirent mieux que les autres d'un mauvais pas. France ne paraît avoir jamais accordé une grande attention aux exercices physiques. Ecrivain prestigieux, confiné dans des études spéculatives, il a laissé libre carrière à sa sensibilité et à son imagination qui, dépourvues du frein de l'éducation motrice, l'ont plus d'une fois égarée dans l'appréciation exacte des circonstances de l'ambiance.

L'examen méticuleux dont a été l'objet le cerveau d'Anatole France confirme pleinement les données déjà acquises et que nous venons d'indiquer sommairement. Il apporte même une interprétation intéressante de certaines particularités de son caractère et de son intellectualité. MM. Guillaume-Louis et Dubreuil-Chambardel n'ont pas manqué, en effet, de signaler que les deux parties de ses émisphères les plus richement découpées étaient la partie ccipitale et la partie frontale. Or, c'est dans les lobes occipiaux que s'opèrent les projections sensorielles et que se crée a sensibilité consciente. Sous ce rapport, nul ne le méconaît, France était particulièrement bien doué. Il l'était même eut-être un peu trop, et le découpage dentelliforme de ces bes explique que sa sensibilité ait parfois tourné à la sensierie. Cela suppose, au surplus, une hyperesthésie ou un éséquilibre de son système nerveux vago-sympathique, dont moignent, du reste, quelques-uns des troubles dont il a uffert. Sa psychosexualité prononcée, mais en partie foulée et qui ne s'extériorisait que dans l'intimité, tient égament à ces circonstances. Quant aux lobes frontaux, non pins finement découpés chez France, on les considère lontiers, quoique sans grandes preuves, comme le siège s facultés de représentation et d'association mentales. Peu

J'ai cherché à montrer, par un exemple tout actuel, l'intérêt qu'il y a à comparer les dispositions cérébrales et les qualités mentales d'individus dont la célébrité a permis de connaître, dans ses détails essentiels, l'existence, et nous venons de voir que toutes les données précédemment acquises sur les relations entre la structure anatomique et les fonctions psychologiques se trouvent, en somme, confirmées par l'examen du cerveau d'Anatole France. Il serait à désirer que ces recherches, si peu respectueuses qu'elles semblent, fussent poursuivies chez les défunts qui jouissent de quelque notoriété. Les bénéfices de cette étude ne peuvent manquer de sauter aux yeux. Evidemment, nous ne saurions en tirer aucune certitude concernant l'existence indépendante de l'âme et son immortalité. Mais, ayant réussi à établir une relation certaine entre une structure donnée et une fonction psychique, nous serions plus exactement renseignés sur l'influence du physique, sur le moral et, par conséquent, en meilleure posture pour soigner et guérir beaucoup de maladies de l'esprit. La neuropathologie s'est déjà engagée dans cette voie, mais elle a jusqu'ici manqué des matériaux de qualités analogues à ceux que le cerveau de France vient de lui fournir.

D' J. LAUMONIER,

SPORTS

La boxe et le rôle d'un promoter pugilistique

Ah ! la boxe ! Dire que j'en suis toujours à me demander si c'est un sport! Un sport, j'entends, correspondant à cette définition que nous préconisons du terme, et dans laquelle l'élément jeu apparaît comme prépondérant. Un jeu, ce combat où l'homme se trouve mis en présence de l'homme avec mission de le « démolir », de le coucher inanimé à ses pieds ? Et l'atmosphère des grandes séances pugilistiques, si fiévreuse, si trouble, avec ces foules immenses attirées par l'odeur du sang et la vue des champions célèbres que vous avez connus parfois, à leurs débuts, beaux comme des Dieux, et que vous revoyez le nez aplati, les arcades sourcillères luisantes, des méplats affreux substitués aux plans voulus par la nature (Routis, l'autre soir, m'a effaré, retour de dix-huit mois en Amérique avec combien de gloire et d'argent, mais quelle effroyable laideur ), et tout ce qu'on nous souffle à l'oreille des << truquages », rares, il est vrai, mais déshonorants pour un sport, dont s'accommode celui-ci (peut-être celui de Criqui-Brown, après-peut-être celui de Carpentier-Siki), et le manque même d'unité de pouvoir dans ce domaine où le professionnel qui fait recette échappe, dans une large mesure, à l'emprise de la Fédération (anomalie de voir, l'autre jour, Humery proclamé champion de France des << poids plume » quand c'est à André Routis, ex-champion, méprisant le titre de la même catégorie qu'allaient les honneurs de la soirée !), et par-dessus tout n'y revient, l'horreur - de par instants ces corps barbouillés de la « liqueur sacrée », de l'homme vacillant sous les coups et que l'adversaire cherche à achever, le poursuivant autour du ring..., tout cela nous déplaît, nous affecte, nous met dans un état d'esprit bien éloigné de l'émotion noble, humaine, généreuse, où nous élèvent sans effort les beaux Jeux du stade en été.

[ocr errors]

Et pourtant, ne faut-il pas se reprendre ! Ne convient-i pas d'admettre que le pugilisme figure bien au nombre des exercices primitifs essentiels à notre espèce ? Quelles lettres de noblesse ne possède-t-il pas, cet exercice qui était en honneur aux Jeux pour la Mort de Patrocle, à ceux de la première Olympiade! Et considérons de quelle façon le sport moderne, ici comme partout, a apporté sa note de modération! A tout prendre, la boxe codifiée, « rationalisée » d'aujourd'hui, si on la met en regard de la terrible guerre industrielle dont elle este, malgré tout, l'image, comme cette image nous fait l'effet d'être stylisée et lénifiante Rappelons-nous l'immortelle page de Maeterlinck sur le sujet. Le spectacle qui nous est offert est moins injurieux pour la race, moins triste pour l'intelligence que celui de deux charretiers échangeant des prise malhabiles avant d'en venir au couteau. Voici des êtres respectueux, quoi qu'il en soit, de lois supérieures, sorties du cerveau de leurs chefs et indéniablement conçues pour << limiter les dégâts ». Le vaincu, quand c'est par « knock-out », est 1. couché dans la poussière, mais sous le coup d'un évanouis

sement qui, bien rarement, est dangereux. Dans tente secondes, il va descendre, sans aide, le roide escalier derrière son <coin ». Et voyez, le vainqueur vient à lui. Ils se serrent la main; ils se sourient; ils échangent une tape amicale. C'était une fausse querelle ; c'était une haine simulée. Au regard de la guerre qui jonche, de milliers de cadavres, les campagnes, et que tant de bourgeois considèrent comme tolérable façon, pour les nations, de jeter leur gourme, ne nous exagérons pas l'horreur de ces combats qui demeurent pour rire », ne causent de vraies blessures que... d'amour-propre, et à l'issue desquelles il n'y aura pas de mères qui pleureront !

[graphic]
[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

N'hésitons pas à affirmer que, dans une grande capitale, le contrôle, la tenue, la valeur propre des boxeurs est beaucoup plus entre les mains d'une organisation sérieuse dirigée par un homme « propre » qu'entre celles mêmes des dirigeants officiels de la Fédération! De grand ordre fut le rôle joué, il y a vingt ans, au Wonderland, par Thé Vienne. Ce dernier, disparu, fut longtemps sans trouver un successeur.

C'est que la tâche n'est pas commode. Il y faut d'abord de l'argent, beaucoup, de plus en plus d'argent. Avec les préten tentions, légitimes ou non, qu'ont maintenant les vedettes du ring, avec les risques que court toujours, ni plus ni moins qu'un directeur de théâtre, un organisateur de rencontres, il faut, à celui-ci, la capacité financière de « tenir le coup» sans affol lement après deux ou trois « fours » successifs; seul moyen d'éviter, devant la menace du dépôt de bilan, de céder aux invites louches, aux sournoises combinaisons. Comme à un directeur toujours, il lui faut le « flair » professionnel, une sorte d'instinct ou de génie à humer les impondérables > qui font que tel combattant remplira toujours ses salles alors que tel autre boxeur qui le vaut ou lui est supérieur (genre Vinez) ne << fera jamais de l'argent ». Mettre à contribu tion le premier ; c'est humain, et c'est légitime ! Cependant, ne pas abandonner le second à son triste sport ; ne pas lais ser sur le sable » un Lucien Vinez précisément dont, pendant dix ans, le « record» ne comporta pas la moindre défaite, et qui, durant ce laps de temps, eut tant de mal à gagner så vie. Avoir l'œil sur l'« homme qui vient », sans, cependant, se laisser imposer, buffler par les managers, repérer un Pladner, un Humery, leur faciliter l'ascension; chance qui manqua doute, plutôt que les << possibilités ». à plusieurs << espoirs » de notre ring lors de l'immédiate après-guerre.

sans

[ocr errors]

Et puis, comme partout en sport, ces qualités-là ne sont pas tout; elles sont peu de chose si elles ne s'accompagnent pa de qualités... morales, parfaitement ! J'entends qu'on se récrit qu'on m'accuse de pousser un peu loin le paradoxe, ou de céder trop à ma marotte, en allant chercher de la moralité où cela ? Dans la cervelle d'un promoteur pugilistique ! Eh! Je ne me crois pourtant pas si naïf I Mais je tâche à obser ver ce qui se passe dans ce coin aussi de l'immense territoire

« AnteriorContinuar »