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compare aux avantages que la France en a tiré. Il faut être bien aveugle ou bien ambitieux, il faut n'avoir rien appris et tout cublié pour vouloir la fin sans vouloir les moyens et pour s'acharner à défaire le lien qui attache le faisceau. Que Dieu garde des scrupules, des soupçons, des excitations d'amis trop zélés, M. Poincaré et M. Herriot.

M. C.

En ce qui concerne l'aviation militaire, la Russie est déjà une puissance de premier ordre. A l'origine ses aéroplanes étaient allemands, mais maintenant ils sont cons truits chez elle et d'après des dessins russes. La Russie se spécialise en aéroplanes tout en métal, fabriqués avec un nouvel alliage, à la fois très léger et très souple, qui répond au nom de Koltchongaliminium.

CE QU'ON DITE

M. Doumergue et les bonnes sœurs.

Le R. P. Wathé a fondé à Vichy une maison où les missionnaires peuvent venir se soigner, et pour se procurer des fonds, il organise des conférences. Mme Marc-Hélys, qui mystifia Loti, comme on sait, lors des Désenchantées, en a notamment fait une sur les sœurs missionnaires.

Le R. P. Wathé relatait l'autre jour comment M. Doumergue, qui est président d'honneur de cette maison des missionnaires, avait, au temps où il était encore un jeune fonctionnaire colonial, rencontré sur le paquebot d'Indochine six religieuses qui, encouragées sans doute par son sourire, lui demandèrent de les piloter dans les diverses escales, notamment à Port-Saïd où elles tenaient à se rendre dans plusieurs communautés. Gracieusement, le jeune Gaston déféra à leur désir...

Et quand, longtemps après, il fut élu président de la République, les félicitations des têtes couronnées affluèrent de toutes parts, mais celles qui lui furent les plus sensibles furent, dit-il, celles qui lui vinrent d'une sœur Odile qui était une des six religieuses et qui lui déclara que, chaque jour depuis lors, ses obligées n'avaient cessé de prier pour lui.

Vous devriez relater tout cela dans un de vos discours! lui dit le Père Wathé.

« Ah ! non ! car alors, cela deviendrait de la politique!» répondit le président.

Hélas !

L'aviation en Russie.

Lord Thomson of Cardington qui fut en 1924 ministre de l'Aviation britannique assure qu'il n'est pas de pays au monde où on se préoccupe autant d'aviation qu'au pays des Soviets.

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L'étude de l'aviation dit-il, a été rendue obligatoire dans les écoles russes; dans les plus petits établis sements, des modèles d'aéroplanes sont fournis par le gouvernement et on enseigne aux enfants les rudiments de l'art de conduire.

Quant aux adultes, de nombreuses sociétés et, en particulier l'association panrusse des volontaires, de l'aviation, à laquelle le gouvernement donne son énergique appui, s'emploient à faciliter la pratique des vols comme distrac tion. Rien qu'en Ukraine, il existe 4.662 sociétés aéronau tiques qui comptent en tout 360.000 membres.

La barre de Guillaume II.

Ceci n'est pas pour innocenter le Kaiser qui « n'avait pas voulu cela ». Mais le trait est piquant.

Quelqu'un, visitant avant la guerre le yacht de l'empereur allemand, y remarqua deux barres de gouvernail au lieu d'une et s'enquit auprès de l'officier qui l'accompa gnait de la cause de cette dualité.

L'officier sourit et lui dit : « C'est moi qui conduis le bateau, et je prends toujours la barre qui commande réellement le gouvernail. Mais comme Sa Majesté tient à conduire elle-même et n'a pas la main très sûre, nous avons pourvu le yacht de l'autre barre qu'on lui confie et qui n'est qu'un auguste ornement »>.

Malheureusement il n'y avait qu'une barre à Berlin.

Au Palais.

On tente actuellement de supprimer le pantalon mas culin pour le remplacer par la culotte. Déjà aux courses on a vu deux ou trois originaux affublés de cette nou veauté...

Mais il n'y a pas qu'aux courses qu'on devance ainsi la mode. Au Palais de Justice - oui! au Palais, dans le temple de feue dame Thémis ! - on peut voir dans les Pas perdus ou dans la Galerie marchande un jeune avocat et du sexe mâle, qui exhibe sous sa robe des jambes gainées de soie noire.

De vieux avocats prétendent que ce n'est pas conforme à la dignité professionnelle...

On raconte souvent que les avocats qui débutent ne sont pas très ferrés en procédure.

On se montre actuellement dans les couloirs du Palais des conclusions qu'un jeune stagiaire commis d'office a déposées dans une affaire de divorce. Il plaidait pour le mari :

« Attendu que la dame Marceline H... épouse de Raoul B... a intenté une action en divorce contre son mari ; << Attendu que la procédure est nulle et de nul effet: « Qu'en effet la femme mariée ne peut ester en justice sans l'autorisation de son mari; que la procédure ne contient pas pareille autorisation ;

«Que le mari refuse à sa femme l'autorisation d'introduire contre lui une action en divorce.

« Etc., ete., etc... »

C'est ingénieux... Si c'était admis, que de séparations entre époux seraient évitées! Autant dire qu'il n'y aurait plus de divorces.

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AFFAIRES EXTERIEURES Après l'Assemblée de Genève

La VIII session de l'Assemblée de la Société des Nations est close.

Elle s'était ouverte sous d'assez fâcheux auspices: quasiéchec des travaux préparatoires à la conférence du désarmement; démissions retentissantes du vicomte Cecil et de M. de Jouvenel; ajournement indéfini des principales questions soumises au Conseil ; mauvaise humeur manifestée par les puissances secondaires à l'encontre du « concert >> renaissant des grandes puissances. Les amis les plus sûrs de l'institution genevoise s'avouaient découragés, se demandaient si elle ne courait pas à quelque éclat catastrophique.

Les Cassandres en ont été, cette fois, pour leurs frais: la session a, certes, été vaguement houleuse et comme travaillée par un sourd malaise ; mais enfin, tout incident violent a été évité et on est même arrivé, sur la question capitale du désarmement, au vote d'une résolution qui, selon l'image de M. Paul-Boncour, crée comme une fissure dans le mur naguère dressé par l'intransigeance de la Grande-Bretagne et son refus de ratifier le protocole de 1925.

A vrai dire, cette résolution ne résout rien immédiatement elle charge un nouveau Comité d'étudier la question de sécurité en liaison avec la question d'arbitrage et avec la question du désarmement (c'est, édulcoré, la reprise du trinôme de 1925); elle reconnaît la légitimité et l'efficacité des ententes particulières conclues dans le cadre du Pacte (c'est un salut à la méthode locarnienne). Tout cela n'engage pas à grand'chose.

Mais, l'important est que la motion ait été présentée conjointement par les délégations française, britannique et allemande ; l'important aussi est qu'elle ait reçu l'agrément des petites puissances.

Nous avons trop souvent soutenu ici que ce qui faisait la

vertu de la Société des Nations c'était moins les textes qu'on y votait que les contacts personnels qui s'y établissaient pour ne pas nous contenter provisoirement de ce résultat modeste.

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Ne chicanons pas trop. Mieux vaut une entente un peu trop imprégnée de sentimentalisme que pas d'entente du tout. Et nous préférons un Stresemann, en partie gagné, malgré qu'il en ait, par l'atmosphère conciliante de Genève, à un Hindenburg isolé dans ses rancœurs.

Le discours prononcé par le maréchal-président à l'occasion de l'inauguration du monument de Tannenberg a été un assez lourd pavé jeté, par-dessus la frontière, dans le lac de Genève.

Le vieux militaire a soutenu, une fois de plus, la thèse de l'innocence de l'Allemagne et en a appelé du traité de Versailles à un tribunal < impartial ». Tout cela a paru, avec raison, étrangement contraire à l'esprit de la Société des Nations, laquelle est, par essence, conservatrice des traités

de-1919.

Les paroles du maréchal Hindenburg paraissent bien avoir été prononcées d'accord avec le cabinet de Berlin ; mais il est douteux que le Dr. Stresemann en ait préalablement connu le texte exact.

Le ministre des Affaires étrangères du Reich n'a pas désavoué la harangue présidentielle; il a seulement essayé d'en atténuer l'effet. Mais le discours qu'il prononça pour cela, le 24 septembre, à la tribune de Genève, parut bien obscur et bien embarrassé : un courant d'air froid, venu du Nord, troublait la tiède atmosphère de la Salle de la Réformation.

M. Stresemann, de retour à Berlin, a peut-être quelque peine à défendre devant ses collègues nationalistes son attitude trop conciliante ».

Nul doute que les représentants britanniques à Genève ne se trouvent également en butte à la mauvaise humeur de plusieurs ministres du cabinet Baldwin.

Les délégués anglais ont fini par se rallier à la résolution qui exhume hors de sa poussière un peu du défunt protocole de 1925. Mais cela n'a pas été sans hésitations. Et il faut trouver l'écho des objurgations venues de Londres dans la déclaration faite par Sir Austen Chamberlain, marquant la limite au delà de laquelle les engagements pris par la Grande-Bretagne à Genève entraîneraient la dislocation de l'Empire britannique.

S'il est vrai, comme nous le croyons, que l'avenir de la Société des Nations est uniquement en Europe et qu'elle doit tendre avant tout à la constitution d'une sorte de Confédération des Etats européens (étant entendu que la Russie soviétique n'est pas en Europe), il y a là un point sensible : L'Angleterre proprement dite est bien, en effet, une puissance européenne. Mais elle est en même temps la tête de

l'Empire britannique, sixième partie du monde et, à soi seul, Société des Nations au petit pied.

L'ordre européen a besoin de sa participation comme de sa garantie. Mais les responsabilités qu'elle encourt par là paraissent inacceptables aux autres partis de l'Empire. Et à chaque instant, elle risque d'avoir à choisir entre son devoir et ses intérêts européens d'une part, son devoir et ses intérêts impériaux, de l'autre.

Comment concilier ces inconciliables ? Rude tâche et que tout le traditionnel et adroit empirisme des hommes d'Etat de Londres suffira à peine à mener à bien.

Il faut, cependant, pour l'avenir de notre civilisation qu'intéresse à la fois la conservation de l'ordre européen et celui de l'ordre britannique, qu'elle soit menée à bien.

30

Ne raillons pas trop le labeur de Genève, pour gauche et incohérent qu'il puisse apparaître : c'est là, après tout que se jettent les fondations du bastion de notre défense contre la menace américaine et contre la menace soviétique.

La première est de beaucoup la moins grave des deux. Elle existe cependant et les touchantes manifestations des légionnaires américains ne doivent pas nous masquer cette réalité. Tandis, d'ailleurs, que ces braves et généreux boys se répandaient allègrement dans Paris, le département d'Etat de Washington nous a rudement invité à modifier notre tarif douanier en faveur des Etats-Unis, pourtant euxmêmes si outrageusement protectionnistes.

Ce n'est pas une manifestation très grave, mais elle s'ajoute à beaucoup d'autres: Les Etats-Unis possèdent aujourd'hui la grande majorité de la richesse du globe et, avec le sans-gêne de la jeunesse, ils sont tentés d'en abuser. En face de cette prospérité envahissante, que l'Europe garde bien son indépendance économique, condition de son indépendance culturelle !

Mais un péril plus pressant menace notre civilisation et il est d'autant plus redoutable qu'il trouve chez nous-mêmes des agents pour le propager: c'est le péril soviétique.

L'empressement avec lequel les Soviets ont fait au gouvernement français de nouvelles propositions financières (d'ailleurs, au fond, aussi dérisoires que les précédentes) dans le temps où on envisageait à Paris une rupture avec Moscou en dit long à la fois sur le cynisme et sur le peu de confiance en soi des dirigeants bolchevistes.

A l'heure actuelle, les Soviets étouffent proprement faute de crédits. Leur en accorder serait insufler des ballons d'oxygène à un asphyxié; ce serait prolonger et peut-être vivifier définitivement le régime bolcheviste, ce régime dont Tobjet avoué est la destruction de notre ordre social et de notre civilisation. Quel gouvernement européen conscient oserait, dans l'espérance de chimériques compensations, commettre ce suicide?

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En dépit d'une vieille unité administrative, universitaire et judiciaire et bien que son département coïncide exactement, ou presque, avec ses limites, le Poitou n'a pas de vraie homogénéité. Il a laissé à la Haute-Vienne sa petite presqu'île de Rochechouart, et à la Charente-Inférieure le canton d'Aunay. Par contre, les Deux-Sèvres englobent l'ancienne principauté de Fontenay-Rohan, qui était en Saintonge, et la Vienne a définitivement annexé Moncontour et le Mirebalais, qui avaient un gouvernement particulier, aux confins du Poitou et de la Touraine. Cependant, cette grande province, dont le centre intellectuel, religieux, administratif et militaire, était trop à l'Est, n'avait pas d'unité réelle. Songeons qu'elle comprenait des pays voisins du Limousin et de la Marche et des pays maritimes, qu'elle était riveraine presque de la Creuse, une province du Centre, renfermée et taciturne, routinière quelque peu, tandis que les corsaires d'Olonne couraient les mers. Et même dans cette partie sauvage et peu connue de l'Ouest, la différence était grande entre le canton de Bocage, proche de la Bretagne, et ceux qui voisinaient avec l'Aunis, envahis déjà, et depuis longtemps, par la Réforme, et préparés à accueillir cette Réforme avec un vieil esprit rationaliste. Tel qu'il est, avec sa diversité, à cause de sa diversité même, par l'opposition de ses populations différentes, par ses traditions si multiples, par son goût pour la culture, l'intellectualité et le savoir, par ses qualités militaires, sa ténacité et son intrépidité, le Poitou est une des provinces les plus intéressantes de la France. Nous étudierons en détail ses départements: la Vienne, les Deux-Sèvres, la Vendée. Nous marquerons à ce moment ce qui caractérise le génie propre de chacun. Et chacun, à la vérité, a sa personnalité bien distincte.

Mais, au seuil de cette triple étude, on voudrait tenter effort de généralisation et signaler les traits communs non seu lement à toutes les populations du Poitou, mais aux pays d'Ouest. Nous sommes loin maintenant de la rudesse de l'Auvergne, de la finesse gasconne. Nous avons déjà dit qu'entre la Mais, pour réussir, une politique européenne ne doit pas France du Nord, laborieuse et croyante, et la France du Midi, latine et sceptique, politicienne et cliente, il y avait une France être simplement négative, elle doit d'abord être construcdu Centre. Il y a aussi une France de l'Ouest. Une France de tive. Et c'est à Genève que, tout imparfaits qu'ils soient, sont l'Ouest dont nous trouverons l'expression parfaite en Breassemblés les premiers matériaux de l'œuvre. tagne, et que le génie celte a marqué de sa profonde empreinte. L'approbation solennelle donnée par l'Assemblée de la La Bretagne a influencé certainement le Poitou occidental.

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L'Anjou pareillement. Et sans doute faut-il concevoir le Poitou tout entier comme une de ces provinces dont la mystique fait le génie essentiel. Cette mystique est moins sensible qu'en Bretagne. Le Poitou, province de France, a les qualités essentielles de la France, la mesure et la raison. C'est un pays discipliné. L'influence religieuse le domine profondément. Et cette influence religieuse, unie à un profond attachement aux traditions locales, explique beaucoup d'histoire. Cette facilité à croire, elle n'est pas particulière aux provinces de l'Ouest : à l'Est même du Poitou, nous l'avons signalé en Limousin, après le prêtre, le sorcier est roi », disait un vieil historien. de ces régions. Pays agricole, tranquille, religieux, tel est donc le Poitou. Tranquille et religieux, mais fort, résistant, combattif, nourri depuis l'invasion anglaise dans l'amour profond de son. sol, capable d'un dévouement absolu à la cause qu'il défend et d'un héroïsme militaire sans limites. Nous voici loin, avec cet essai de généralisation, de la différence essentielle que nous signalions tout à l'heure entre les régions du Poitou. C'est que cette tradition primitive a évolué. Elle a évolué dans les limites où des influences voisines ont pénétré le Poitou, ù l'influence urbaine a rayonné sur les cantons, où une action intellectuelle puissante a transformé la mentalité du pays. L'Ouest poitevin est un pays sans ville : les bourgs n'y ont qu'une activité commerciale locale, et dans les ports, aucune autre préoccupation que celle de la mer, et de l'aventure. Dans ce pays agricole et féodal, la tradition se maintient intacte, surtout dans le Nord, c'est-à-dire dans le Bocage, et même dans la Plaine. Dans le Sud, l'influence de l'Aunis se fait sentir. Fontenay est une cité intellectuelle. Rabelais y vint. Il y eut des amis. Il y trouva une société éprise de culture philosophique et littéraire. Il en est de même assurément à Luçon, à l'autre extrémité du Poitou. La vieille ville, haut perchée, et dont les remparts dominent un horizon immense et charmant, est vraiment une capitale. Elle a le goût de la controverse, de la lutte d'idées. C'est un foyer. Aux temps héroïques de l'Eglise, son évêque, saint Hilaire, sauva l'unité de la foi. Autour de sa cathédrale, foisonnent des écoles. La Renaissance est tout près. Nous sommes dans le bassin de la Loire, et tout voisin de la Touraine viticole et rationaliste. Si le courant intellectuel ne peut forcer le barrage du bocage vendéen, pays sans routes, sans moyens d'accès, il sillonne largement et généreusement ce qui sera la Vienne et les Deux-Sèvres. La Renaissance laisse son empreinte. La Réforme réalise sa conquête. Le sud poitevin est limitrophe de l'Aunis et de la Saintonge, et de la Marche. Tout le pays de Civray est disputé, comme celui de Ruffec,

rale et démocrate, Nettement, là où elle peut s'affirmer majorité, et, partout ailleurs, et dans les bourgs, minorité remuante. N'oublions pas que ce sont les curés du Poitou qui ont joué le rôle capital dans les premières journées des Etats généraux et à l'aurore de l'Assemblée nationale. Contre ce sentiment démocratique et libéral, il se produit une réaction.

Dans le pays peu cultivé, à base de fidélité traditionnelle et de sentiment, comme la Vendée et le pays de Thouars, cette résistance sera spontanée et brutale. Dans le pays intellectuel de Poitiers, elle sera raisonnée et systématique. Doctrinaire. Et voici une province où les forces immuables désormais, sont en présence. Les étiquettes peuvent changer, la tactique peut être plus ou moins subtile. Toujours, nous retrouverons les blancs et les bleus dans les groupements les plus avancés et les plus timidement combatifs. Démocratie hardie, affranchie de toutes les féodalités et imbue d'un radicalisme très progressif, contre une bourgeoisie traditionnelle et cléricale, prudente et gardienne fidèle des traditions et du passé, ne voulant point toucher à l'armature éprouvée et sainte de la famille et de la société chrétienne. Catholicisme fervent, vivifié par l'exemple et fier d'une tradition illustre dans les villages vendéens et la société intellectuelle des villes, et libre pensée combattive, fille des rationalistes que fréquentait Rabelais, des étudiants qui ont suivi les leçons de Calvin et des révolutionnaires qui ont essayé de transformer par la force la tradition immuable de la vieille cité. Voilà ce que nous verrons au fond des mouvements d'opinion dans tout le Poitou; soumis évidemment à des circonstances diverses, à des situations économique et sociale. différentes. Mais avec une force incomparable et nous verrons aussi quelle difficulté rencontre, de par ces affinités traditionnelles, un effort de transaction dont le succès apparent ne repose peut-être que sur une équivoque : l'arbrisseau sera long, en tous cas, semble-t-il, à pousser ses racines dans le vieux sol du Poitou.

entre catholiques et protestants. La Vienne, mieux que la Cha AFFAIRES

rente, s'oppose à la Réforme la ligue de la foi traditionnelle,
parce que Poitiers résiste. La ville de saint Hilaire et de sainte
Radegonde est peuplée de couvents, d'abbayes, de monastères.
C'est une ville cléricale par excellence, et son prestige universi-
taire et parlementaire lui permet une résistance victorieuse. Mais
cette résistance ne va pas sans lutte. La Réforme, maîtresse
des Deux-Sèvres méridionales, n'a pas triomphé dans la Vienne,
mais il subsiste autour de Poitiers, et à Poitiers même, une forte
minorité libre penseuse que la lutte a trempée. Même dans les
coins les plus cléricaux, comme le pays de Montmorillon, même
là où la foi semble le mieux défendue par une armée de
prêtres, de moines, de religieuses, il y a des ilots avancés.
En même temps que ce rude bouleversement intellectuel, il y
a un bouleversement social. Le Poitou sauf le sud des
Deux-Sèvre, émancipé par la Réforme, sauf le pays de Châtel-
1ault et le Loudunois sceptiques et libérés à l'exemple de la
Touraine, demeure un pavs féodal. Fécdal et soumis, surtout
dans les centres agricoles. Mais la bourgeoisie des villes est libé-

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ECONOMIQUES
Or ou devises

L'économiste allemand Landsburgh, dans un remarquable article publié dans le dernier numéro de la revue << Die Bank », vient d'étudier les changements survenus depuis la guerre dans la composition des réserves des banques d'émis sion. Tandis qu'en 1914, la couverture des billets de banque était constituée presque exclusivement par des lingots ou par des monnaies d'or, la plupart des Banques centrales européennes ont, depuis la fin des hostilités, juxtaposé à leurs réserves métalliques, des réserves de devises or qui, pour le calcul de la couverture de la circulation fiduciaire, sont assimilées à l'or lui-même. Cette pratique qui a d'abord été la conséquence des difficultés que rencontraient les banques d'émission à s'approvisionner en or, a été consacrée

au point de vue théorique par la Conférence de Gênes, tenue en 1922, qui recommandait aux Etats soucieux de revenir à l'étalon d'or, d'adopter non pas l'ancien système, fondé sur une réserve métallique élevée et la libre circulation du métal jaune, mais ce qu'on appelle le « gold exchange standard » établi sur une réserve combinée d'or et de devises, sans circulation matérielle de métal précieux. Cette recommandation était inspirée par le désir d'éviter un renchérissement du métal jaune dans le monde, ce qui signifiait chute des prix et crise économique grave. Presque toutes les banques d'émission européennes ont donc suivi la recommandation de la Conférence de Gênes et, depuis un an, les événements ont amené la Banque de France ellemême à constituer une réserve de devises dont l'importance est évaluée à 4 milliards et demi de francs-or environ.

M. Landsburgh se demande, dans son article de la Die Bank, si la création et le développement de ces réserves de devises n'ont pas d'une manière tout à fait inattendue altéré le régime de l'étalon or, et remplacé la solidarité des banques d'émission, qui constituait avant la guerre l'un des traits de ce régime, par un antagonisme dont personnellement il redoute profondément les conséquences.

dre la formule même de M. Landsburgh, « les réserves d'une banque qui pratique une politique de devises ne résident point dans le pays, mais à l'étranger et toute utilisation de la réserve trouble la politique monétaire des pays en la monnaie desquels les devises sont libellées ». Ce n'est d'ailleurs pas seulement l'usage des réserves, mais leur constitution même qui trouble le régime monétaire des pays dont les devises sont originaires. En effet, l'accumulation d'une grosse quantité de créances étrangères équivaut à une ou verture de crédits de même montant faite au proht des pays dont ces créances proviennent, ce qui se traduit sur leurs marchés par une abondance artificielle de l'argent qui peut soudain faire place, si les réserves doivent être utilisées, à une restriction violente. Il en résulte que les banques d'émis sion des pays dont les devises sont ainsi stockées à l'exté rieur doivent ajouter à leurs réserves ordinaires des réserves spéciales qui contre-balancent les devises détenues par l'étranger, ce qui revient pour elles, en dernière analyse, à constituer des réserves d'or pour la garantie des monnaies étrangères auxquelles leurs devises expatriées servent de cou

verture.

Sous le régime d'avant guerre, c'est-à-dire au temps où la couverture des billets était constituée par des réserves d'or effectives, les soldes créditeurs ou débiteurs de la balance des comptes des différents pays, se soldaient, soit par des importations, soit par des exportations matérielles de métal précieux et le va-et-vient du métal entre les différentes nations permettait de maintenir entre elles un équilibre à peu près stable des taux d'intérêt et des prix.

Mais la caractéristique de ce régime, au point de vue des banques d'émission, explique M. Landsburgh, c'est que les mesures par lesquelles une Banque centrale défendait sa monnaie ne pouvaient jamais avoir une répercussion dangereuse sur le système monétaire de ses voisines. Si une banque était appelée à agir sur tel ou tel marché et, dans ce but, s'avisait d'y faire une remise de métal précieux, cette remise, en accroissant le stock monétaire du pays dont la monnaie s'était élevée au-dessus du pair, tendait à en ramener immédiatement la valeur vers la parité et, loin de gêner la Banque centrale du pays importateur, en renforçait au contraire la position.

Toute autre est la situation, si au lieu de faire une remise matérielle de métal précieux, la Banque centrale d'un pays quelconque intervient sur un marché, non plus en y remettant du métal, mais en offrant un stock de billets ou de traites libellés en dollars ou en livres sterling, par exemple. Cette remise déclenchera aussitôt en Amérique et en Angleterre une recrudescence de demandes de crédit et la position des banques centrales sera affaiblie d'autant. La cause de cette différence vient de ce que lorsqu'elle procède à des remises d'or, une banque d'émission nationale soutient sa monnaie avec ses propres ressources, tandis que lorsqu'elle remet des devises, elle défend sa monnaie en adressant des ordres de paiement aux pays dans lesquels les devises sont rapatriées. En d'autres termes, et pour repren

La situation extraordinaire de la Banque de France a nettement inspiré cette analyse pénétrante de l'économiste allemand. Le fait que la Banque de France dispose à l'heure actuelle de réserves de devises qui dépassent le montant total de l'encaisse métallique de la Banque d'Angleterre lui paraît le signe manifeste de la nocivité foncière du système des réserves en devises.

Il serait vain de contester que la position actuelle de notre institution d'émission présente un caractère paradoxal et traduit un état de choses qui est certainement provisoire, mais la question est de savoir s'il faut en conclure comme M. Lansburgh que, d'une manière générale, la pratique qu'il condamne a comme aboutissant naturel et en quelque sorte fatal de créer un antagonisme entre les banques d'émis sion.

L'expérience des années dernières paraît plutôt étab'ir qu'à condition de rester dans des proportions modérées, la constitution de réserves de devises par les banques d'émis sion n'a jamais eu d'inconvénient sérieux pour les banques dont les vignettes se trouvaient servir de couverture à la circulation de tel ou tel pays.

Le problème à résoudre est donc plutôt un problème de mesure et c'est sans doute parce que tel était leur avis, que les rédacteurs des nouveaux statuts de la Reichsbank n'ont pas interdit la création d'une réserve de devises, mais se sont bornés à en limiter le pourcentage par rapport à la masse des gages de la circulation.

Sous cette restriction, il paraît bien que la formation de réserves de devises à côté de réserves or a plutôt atteint le but que lui assignait la Conférence de Gênes de 1922. c'est-à-dire éviter une course à l'or des diverses banques centrales.

Reste le cas tout à fait anormal de notre propre institut d'émission.

Il ne semble pas que, même dans cette hypothèse, la solidarité qui unit normalement dans leur tâche monétaire

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