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voûtement et au maléfice, en plein XXe siècle. L'auteur ne manque pas de reproduire la déclaration du cardinal Andrieu (qui fut lue en chaire dans tout le diocèse de Bordeaux), contenant ce passage, au moins singulier: « Nous avons entendu réprouver le point de départ du nouveau culte, c'est-à-dire le fait d'une Vierge qui aurait pleuré dans une loge de concierge, fait qui ne repose sur rien de plausible. » Evidemment, mais n'est-ce pas chez les plus humbles et les plus misérables des humains que se sont produits les plus éclatants miracles? Marie Mesmin fait figure dans ce procès de folie ou d'imposture. Mais ce n'est pas parce qu'elle était concierge que la Vierge lui eût refusé des faveurs miraculeuses. On serait tenté d'écrire : au contraire. - H. C.

MUSIQUE

les exécutions de maints ouvrages classiques et modernes à la Société des Concerts du Conservatoire, dont il dirigea pendant onze ans le magnifique orchestre. Souvenez-vous, en particulier, des œuvres de l'école russe, de la suite de Pelléas de Fauré, des Nocturnes, de l'Après-midi d'un Faune, de la Symphonie, de l'Apprenti sorcier de M. Dukas, des ouvrages de Lalo, de Chabrier, de SaintSaëns... Aux heures tragiques de la guerre, il faisait triompher en Suisse et en Argentine des compositeurs et des orchestres de chez nous. Ces dernières années même, soucieux de marquer sa sympathie aux plus jeunes tendancés, il prêtait son concours aux tentatives les plus modernistes des ballets russes de M. Serge de Diaghilew. MM. Poulenc, Auric et Milhaud n'eurent pas, que je sache, à se plaindre des bons offices qu'il dispensa aux Biches, aux Fâcheux et au Train bleu.

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Quoique fortement armée par le commerce quotidien des œuvres du passé et capable de ne pas perdre le sens des relativités, la curiosité d'esprit de M. Messager autre originalité reste toujours ouverte sur l'avenir. Le signataire de ces lignes pourrait, s'il en était besoin, en faire foi: il n'est, pour ainsi dire, pas un musicien sincère et de tendances élevées qui n'ait, à ses débuts, rencontré auprès de

Un musicien français : M. André Messager lui l'accueil le plus empressé et l'aide la plus bienveillante.

La haute distinction si méritée qui vient d'être conférée à M. André Messager honore à la fois le ministre ami éclairé des arts qui en a pris l'initiative, et le musicien éminent qui la reçoit. Saisissons, si vous le voulez bien, cette occasion, en ces dernières semaines de vacances, pour rendre un juste hommage à la carrière de ce compositeur qui fait plus rare que vous ne pensez parmi ses congénères a toujours passionnément aimé et servi son art...

Lorsque tant d'amateurs sans talent, d'arrivistes sans scrupules, soutenus par les fanfares d'une savante publicité préalable, ne songent qu'à utiliser leurs élucubrations comme un moyen de parvenir, quitte à les faire retaper tant bien que mal, si la chose est indispensable, par des professionnels bénévoles, M. Messager s'est toujours dévoué sans compter à la musique d'autrui, lui sacrifiant souvent les intérêts d'une production personnelle qui fut toujours, chez lui, abondante et aisée. Elevé à l'école Niedermayer, dans la familiarité des grandes œuvres classiques, aux côtés de Camille SaintSaëns wagnérien fervent dès la première heure, pèlerin régulier des Sespiele de Bayreuth du vivant du maître,

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ami intime des plus grands musiciens français de son temps: Emmanuel Chabrier, Gabriel Fauré, Vincent d'Indy, Claude Debussy, Paul Dukas, il a su, sans relâche, les défendie et les faire apprécier. Je me bornerai sur ce point, évoquant des souvenirs personnels restés très vivants, à rappeler ici ce que furent, grâce à son autorité de directeur de la musique ou de chef d'orchestre, les premières représentations de Fervaal de M. Vincent d'Indy à l'Opéra-Comique et ultérieurement à l'Opéra, de Louise de M. Charpentier, de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy à l'OpéraComique, de la tétralogie intégrale de l'Anneau de Nibelung, de Parsifal, des Maîtres Chanteurs, de Salomé de Richard Strauss, de Scemo d'Alfred Bachelet à l'Opéra,

Aide efficace, car le talent de chef d'orchestre de M. Messager se distingue par un ensemble de qualités bien françaises, qui donnent à ses interprétations une physionomie à part la précision, la vie, un sens régulier de l'équilibre des sonorités et de l'exactitude des mouvements. Sans gestes éperdus, sans cabotinage extérieur, nul mieux que lui ne sait, en quelques instants, métamorphoser un orchestre ou une représentation. On l'a bien vu naguère à l'Opéra, quand il dirigea, après M. Félix Weingartner, peu à son aise dans le grand répertoire wagnérien, un brillant cycle de la Tétralogie, avec un ensemble de distribution vocale qu'on serait, hélas ! bien en peine d'égaler aujourd'hui, et où figuraient des artistes tels que Mlle Bréval, Datto, MM. Van Dyck, Rousselière, Delmas, alors dans la plénitude de leurs moyens. Hier encore, on pouvait l'apprécier à l'Opéra-Comique quand M. Messager, secondé par plupart des créateurs de l'oeuvre, a rendu après vingt-quatre ans et tant de déformations successives Pelléas, dans toute sa fraîcheur vivante, aux partisans ardents qui ayant, en 1902, opiniâtrement défendu le chef-d'oeuvre de Claude Debussy contre la sottise et l'incompréhension de ceux qui, maintenant, prétendent l'avoir découvert !

la

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L'ATTACHÉ

ROMAN

PARIS

IMPRIMERIE DE L'OPINION
2 bis, Impasse du Mont-Tonnerre

1327

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--

Engoncé dans un fauteuil Louis XIV tapissé au petit point — une pure merveille, mais, hélas ! une épave devant un bureau moderne dont les cases étaient aussi vides les cellules que d'une ruche abandonnée, celui que Chrysostome, le bon huissier à chaîne, appelait mon chef, jugea sans doute inutile de poursuivre sa rêverie à haute voix, car il se tut.

Chef-adjoint du cabinet au au ministère de l'Instruction ublique et des beaux-arts, Guy Darnaud, jeune homme aux oues poupines, la lèvre supérieure en forme d'accolade, surmontée d'un accent circonflexe de moustache, se leva avec leneur pour ne pas casser le fil subtil de ses idées, poussa du pied De chaise Napoléon III et alla s'accouder à une panetière LouisPhilippe.

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N'eût été l'amas des dossiers qui encombrait cet accessoire e salle à manger, désaffecté par décision du directeur du matéel, on aurait presque pu se représenter le chef-adjoint en train demander à Dieu le pardon de ses fautes. Il n'en était rien. on esprit, tel le chien de Jean de Nivelle, ne demandait au ntraire qu'à folâtrer sur la pelouse de l'imagination. Discret avec ostentation, Chrysostome s'achemina vers un but dont le style flamboyant ne pouvait être mieux employé au service de la cheminée. Sa chaîne le gênait. D'un geste que, il maintint ce symbole contre sa poitrine, au port d'arme une bûche.

Beaucoup de pratique dans l'antichambre ? interrogea

naud.

Rien qui vaille, mon chef: un petit maire qui désire une de République pour sa salle de Conseil municipal, une Ile actrice qui voudrait bien un bout de ruban rouge, bref affaires courantes à expédier.

Vous êtes bien renseigné, Chrysostome.

Tout à fait par hasard, mon chef; l'hiver, à force de tre des bûches dans les cheminées, l'été à force de baisser stores, j'entends les requêtes plus que je ne voudrais.

J'écrirai vos mémoires, Chrysostome. J'adore écrire ; je déteste seulement la plume. En attendant, entretenez ce sacré feu et débarrassez-moi des fâcheux.

Que mon chef se rassure. Je connais mon métier, répartit l'huissier en jouant des pincettes.

Il y a longtemps que vous êtes au ministère ?

- Quelques couples d'années, mon chef. J'en ai vu défiler des députés, des sénateurs et des embusqués pendant la guerre. Il y en a qui me serrent la main quand ils me revoient, d'autres qui sont plus hautains. Tout le monde n'est pas comme mon chef. Je souhaite qu'il reste longtemps.

-

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Qui ?
Lui.

Qui, lui ?

Mon chef. Un chef comme vous, si jeune, si distingué, ça ne se trouve pas, sauf votre respect, sous le sabot d'un cheval, comme nous disions aux dragons.

Guy Darnaud regarda sortir son dragon courtisan. Ces propos, d'autres les avaient entendus, d'autres les entendraient. Mais lorsqu'on reçoit des compliments, doute-t-on jamais de la sincérité de ceux qui les font?

« Aussi bien, suis-je pas sous-préfet, songea Guy Darnaud ? Oui, sous-préfet... sur le papier et à condition qu'un courant d'air << interparlementaire » ne fasse pas s'envoler mon titre. Et puis, tous les quatre matins, il est question de supprimer les sous-préfets. Cela finira mal. Comme si la justice consistait à supprimer tout ce qui est inutile! C'en serait fait des chamarrures, des bals et des Comices agricoles... Et c'est dans cet esprit, Messieurs, que je lève mon verre au président de la République... Je ne parlerais pas mal du tout; je serais même très digne. »

Intelligent à ses heures, Guy ne put s'empêcher de sourire à la naïveté de son mirage. Il n'en couvait pas moins le cher désir de gouverner une sous-préfecture sur tous les velours fanés du ministère.

« On verra »>, murmura-t-il.

A noter que Guy Darnaud n'avait jamais aimé les sciences et que tous les problèmes de sa vie d'écolier lui avaient rarement inspiré d'autre raisonnement que on verra.

Au vrai, ce fatalisme lui avait si souvent fait connaître les consignes du jeudi et du dimanche, au temps où il ne connaissait pas plus la vie qu'un poussin ne connaît l'ivraie quand il est encore dans l'œuf, qu'il en était resté tout éberlué.

Lors de son premier voyage à Paris, il avait été si troublé à la vue de l'escalier roulant de la gare d'Orsay, qu'il s'était demandé pendant cinq minutes s'il aurait l'audace d'y risquer

un pied. L'escalier roulant de la gare d'Orsay, quelle gageure pour les indécis !

La guerre lui avait valu une réhabilitation constellée d'étoiles et de brisques. Du jour au lendemain, eu égard à la mobilisaion, on lui avait fait remise gratuite de son diplôme de licence en droit et on lui avait confié, en qualité d'aspirant, le commandement de deux douzaines de pères de famille. Ignorant la veille jusqu'au coût des études, il avait dû connaître le lendenain le poids de la volonté et le prix du sacrifice.

Après la guerre, un homme politique qui avait beaucoup connu le père de Darnaud, mort depuis de longues années, avait pris Guy en amitié et l'avait incorporé dans la politique. A défaut d'une position sociale, avait-on dit au jeune poulain, ce sera toujours un râtelier.

Or donc, le dos tourné à la caresse du foyer, « Monsieur » le chef-adjoint se prélassait, les muscles abdominaux contractés dans un bâillement de tout son être. Il était petit, mais de taille bien prise, comme les journaux d'Italie l'accordent généralement lorsqu'il leur arrive de parler de Victor-Emmanuel III.

Les pantalons chauds à point, Darnaud se laissa choir sur un pouf acquis par l'Etat à l'Exposition de 1889. Les ressorts gémirent de toute leur rouille.

<< Tu ne serviras bientôt plus à rien, pauvre pouf, genre de sous-préfet, pensa Guy. C'est dommage. Un mien cousin de l'école Boulle est si heureux de te retrouver chaque fois qu'il vient te voir, toi et toute cette antiquaille. Ne revise-t-il pas ici l'histoire du mobilier depuis ses origines jusqu'à nos jours ? J'ai beau regarder, dans mon bureau il n'y a que le feu qui soit en place. Tout le reste hurle au mauvais goût. Et encore, messires de Rochechouart, propriétaires de cet hôtel sous les rois, et vous, ô René-Louise de Rochechouart-Montpipeau, abbesse de Montmartre en 1717, qui fîtes percer et paver gracieusement la rue qui porte encore votre nom, au moment où vingt d'entre vous, comblés d'honneurs, avaient le vent en poupe à la Cour, je prends vos mânes à témoin : vos cheminées ne tirent plus; elles refoulent de la fumée de bois qui pique les yeux et sent la châtaigne bouillie. La châtaigne, un fruit du Limousin; le Limousin, votre pays, à vous, Mortemart-Rochechouart, et à moi, souspréfet sur le papier.

« C'est joli un feu de bois. Les bois vivent et meurent, se font coquets ou maussades, pleurent quand il pleut et saignent quand on les coupe. Ils nous servent à la manière d'animaux domestiques et il n'est pas jusqu'à leur incinération qui ne nous réjouisse.

« Je ne suis pas mécontent de cette formule. Il faudra que je l'inscrive sur mes tablettes et que j'en fasse quelques vers. J'en fis déjà à seize ans un petit poème qui disait, si j'ai bonne mémoire :

Un feu de bois qui fuse et siffle
Craque parfois d'un bruit de gifle.

réflexion. Si, je reçois. Vous introduirez Mme de Bougnac et sa nièce dès que je sonnerai.

Guy se précipita dans un placard de la dimension d'une chaise percée, transformé en cabinet de toilette. Il se vaporisa, plaqua en un tournemain un coup de brosse sur ses cheveux aussi luisants qu'un huit-reflets, étrangla sa cravate appétissante comme une friandise, regarda ses souliers abondamment guêtrés, fit bouffer un petit mouchoir de soie sur son cœur, ébaucha pour terminer, une moue de femme gênée par sa voilette et s'installa sur son fauteuil dans une attitude combinée de Bénédictin et de troubadour.

Il sonna. Les visiteuses furent introduites.

Quelle bonne surprise! s'exclama-t-il. Asseyez-vous, je vous prie, Mesdames, et dites-moi ce qui me vaut la bonne fortune de vous recevoir.

Gauche par nature, Guy singeait volontiers l'aisance quand il connaissait bien son monde.

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Il l'aura, Madame.

Songez-y; moi, je ne pense qu'au bien de votre ministre, car mon jardinier a l'oreille des électeurs. Il sème le bon grain dans le village, c'est-à-dire qu'il distribue toutes mes graines. Voulez-vous noter en outre de me trouver deux cartes de Chambre, valables pour un jour d'interpellations un peu tapageuses, et de venir jeudi à la maison ? C'est un des derniers déjeuners de la saison. Puis-je téléphoner ?

Je vous en prie, chère Madame.

Mme Blanche de Bougnac était une de ces Athalies brouillées avec l'irréparable. C'était aussi une de ces bonnes personnes qui ne s'arrêtent que pour reprendre respiration, dire alors en montrant une bouche pavée d'or et... continuer. Une grande fortune, arrondie en compagnie de M. Robert de Bougnac un brave homme, disaient des amis malveillants lui avait donné une assurance de rapporteur du budget. Son égoïsme ne s'en était pas trouvé fortifié, puisqu'elle avait recueilli sa nièce Andrée Desvals, orpheline, à qui elle avait fait donner instruction et éducation solides.

comme

Guy Darnaud avait fait la connaissance d'Andrée Desvals poème qui finissait, je crois, par me plonger dans les bras de à l'Ecole de droit. Secrétaire d'un avocat célèbre, dont elle Morphée : dépouillait le courrier, elle obtenait de son « patron >> on appelle ces messieurs, car ils ont cela de commun avec les saints quelques causes à plaider en plus de celles que l'amour de son métier et son sourire pouvaient lui amener.

Et je me sens si bien choyé

Dans son palais tranquille et sombre

Que j'y reste submergé d'ombre.

Qu'est-ce qui m'empêcherait, céans, de rééditer cette morale? Mon chef!

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Vous m'avez transi, mon ami.

Une visite Mme Blanche de Bougnac et Mlle Desvals. Et les autres ?

L'actrice est partie, le maire tient bon.

Parfait, je ne reçois pas. Attendez ! Une minute de

Pas plus que les, examinateurs de la Faculté, Guy n'avait été insensible à son charme. Un beau visage sera toujours troublant, et tant que les candidats ne porteront pas de cagoules, la cote d'amour prévaudra, legs de la Grèce antique, plus désireuse de rendre hommage à la nature qu'au mérite. Les laids continueront à protester; peine perdue devant la faveur du roi.

Blonde et svelte, Andrée Desvals brillait de tout l'éclat de eveux bleus, dans lesquels l'énergie semblait à l'affût de la sen

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