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pour récompenser un saint homme qui recouvrait la maison d'une pauvre veuve par charité. De ce point de départ, M. de Mély nous conduit sur les traces des pèlerins et des trafiquants en Asie, depuis ce Guillaume Boucher, orfèvre sur le Grand Pont, que le moine flamand Guillaume de Rubruquis rencontra en 1252 à la cour du grand Khan, au nord du désert de Gobi. Il nous donne de nombreuses preuves des influences occidentales sur les arts d'Extrême-Orient, dont les moins frappantes ne sont pas les têtes provenant des fouilles de Shahbaz Garhi, cent-cinquante ans avant J.-C., la statuette de bronze du temple de Ryugaijii, Yamato, VIIIe siècle (?), qui rappelle la Vierge de Conques, et le Bodhisatha des Grottes de T'ien-Long-Chon, curieusement déhanché. La liste deviendrait singulièrement plus riche à partir du XVIe siècle (Vierge de Dürer, copiée par un miniaturiste indo-persan, etc.). M. de Mély nous doit une suite à son érudit mémoire. - H. C.

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BIBLIOGRAPHIE

PHILOSOPHIE, ESSAIS. Ernest SEILLIÈRE, Morales et religions nouvelles en Allemagne (Payot, 25 fr.). AUREL, AUREL, L'art d'aimer (A. Fayard, 13 fr. 50). Georges CLEMENCEAU, Au soir de la pensée (Plon, 2 vol., 70 fr.). VOYAGES ET DIVERS. R.-P. Huc, Dans la Chine, t. III (Plon, 15 fr.). Jean NESMY, La féerie des bois (B. Grasset, 12 fr.). Tristan DERÊME, Toulouse (Emile-Paul). - J. de LALYMAN, Comment vivre sous les eaux (Grasset, 13 fr. 50). François FOSCA, Claude Monet (Cahiers de la Quinzaine). Edouard CHAMPION, Retour d'Amérique (Les Amis d'Edouard).

HISTOIRE

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Les sources historiques de l'e Angélique », de Gérard de Nerval

C'est la première nouvelle des Filles du Feu; l'adorable Gérard y conte ses courses par les bibliothèques de Paris à la recherche de cette Histoire du sieur abbé comte de Bucquoy qu'un jour de 1851 il avait distraitement feuilletée chez un bouquiniste de Francfort et qu'il garda si longtemps le regret de n'avoir point alors acheté.

Car il désespéra même de la retrouver. Son titre exact, copié dans Brunet était :

« Evènement des plus rares, ou Histoire du sieur abbé comte de Bucquoy, singulièrement son évasion du Forl'Evêque et de la Bastille, avec plusieurs ouvrages vers et prose, et particulièrement la Gamme des femmes. Se vend chez Jean de la France, rue de la Réforme, à l'Espérance, à Bonnefoy, 1749. »

Un florin, six kreutzers, en demandait le libraire de Francfort. Cela lui parut « cher pour l'endroit », et puis

(1) Gérard de Nerval, Angélique, précédé de La Véritable histoire Angélique de Longueval, racontée par elle-même et présentée par Henri Longnon. (La Cité des Livres.)

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Oui, mais peut-être ce livre est-il classé ...dans les

- !!!

...Car le classement des livres est parfois fautif. M. Ravenel pourrait vous renseigner, mais il n'est pas « de semaine >>.

Or, quand M. Ravenel fut de semaine et qu'un de leurs amis communs lui eût présenté Gérard, M. Ravenel lui dit : Cette semaine, j'appartiens au public, la semaine prochaine je m'occuperai de vous.

Et Gérard maudit fort cette présentation qui était cause qu'il ne faisait plus partie du « public » (malédiction qui, soit dit en passant, nous vaut quelques réflexions encore actuelles sur le service de la Nationale).

Comme quoi on chercha à Bucquoy (et qu'on les trouva tous, les Bucquoy, sauf celui qu'il fallait), puis à Dubucquoy comme le suggéra un paléographe (et nous, dit Gérard, « on ne discute pas avec un paléographe, on le laisse parler », bref comme quoi on ne trouva rien, c'est ce qu'il faut laisser conter à l'auteur d'Angélique. A la Mazarine, on lui dit que le livre était dans le fond de SaintGermain-des-Près empilé dans les caves où le rongeait la souris d'Athènes ; à l'Arsenal il ne voulait plus aller depuis la mort de son ami Nodier; bref, de désespoir il s'en fut chez les libraires.

Dignes de ce nom, il y en avait trois France, Merlin, Techener. France connaissait le livre, mais ne l'avait pas. Il y avait dans sa boutique un petit écolier qui faisait ses devoirs et qui, au nom de M. Gérard de Nerval, fixa effrontément l'écrivain connu.

Merlin avait un Bucquoy, qui n'était pas le bon ; Techener enfin lui dit que le livre devait passer prochaine

ment en vente.

Et Gérard, en attendant la vente, s'en fut alors aux << Archives de France » où on lui communiqua la généalogie des Bucquoy. Leur nom patronymique est Longueval. En feuilletant les dossiers de cette famille, Gérard trouva un manuscrit d'une centaine de pages aux feuillets réunis par des faveurs roses, narrant l'histoire d'Angélique de Longueval. Elle lui parut si jolie qu'il s'y plongea. Il nous l'a dit dans son Angélique : la grand'tante de son Bucquoy était là racontée par elle-même et ses frasques de jeune histoire, il s'en fut à la vente acheter l'introuvable volume fille du temps de Louis XIII. Et quand il eut écrit cette qu'il eut pour 66 francs, plus 3 fr. 20 de frais et qu'il s'empressa d'offrir à la Bibliothèque.

Or, au lendemain de 1870, un jeune archiviste aux Archives nationales, féru de Gérard de Nerval alors presque oublié et dont il aimait l'œuvre, parce qu'il y trouvait « la fleur et l'esprit de la douce France » connaissanť

son Angélique voulut en lire le texte original. Ce jeune archiviste, il m'a été donné de le connaître à la fin de sa vie, et quand il était un maître universellement aimé et respecté j'ai nommé Auguste Longnon, qui ressuscita Villon et créa la science de la géographie historique. Je l'ai connu derrière les tables d'examen de l'Ecole des Chartes, et nous n'étions pas naturellement du même côté de la table. Raison de plus pour que je me souvienne de son sourire bienveillant et de sa bonhomie que n'avait pas renfrogné la gloire.

Auguste Longnon donc s'en fut voir aux « nombreux dossiers » Longueval que disait avoir consulté Gérard et il n'y trouva pas le manuscrit de la confession d'Angélique. Il chercha à droite, il chercha à gauche, il chercha partout avec cette patience qui est la grande vertu des archivistes et il ne trouva rien. Tant et si bien qu'il en vint à douter de l'existence du texte et à réfléchir sur les fantaisies des poètes.

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Un jour, un prêtre, érudit connu et dont Henri Longnon a oublié le nom que lui confia son père, vint, alléché lui aussi par l'histoire d'Angélique. On ne put mieux faire que de l'adresser à Auguste Longnon, dont on savait les recherches celui-ci lui fit part de sa propre déconvenue, de sa quasi certitude que le manuscrit n'existait pas, et le prêtre s'en fut sans plus insister, et sans doute convaincu.

Bien longtemps après, c'était vers 1891 ou 1892, c'està-dire au moment où Auguste Longnon allait quitter les Archives pour inaugurer ses magistrales leçons du Collège de France, classant un fonds quelconque et qui n'avait aucun rapport avec les dossiers Longueval, il avait l'indicible émotion de retrouver la centaine de feuillets reliés d'un ruban rose, jadis découverts par Gérard. Et son premier rouvement peint l'homme tout entier, mieux que je ne le saurais faire ce fut de désespoir à la pensée du renseignement erronné qu'il avait donné au prêtre chercheur, et il balança quelques années avant de le publier.

Cependant, il l'avait copié d'un bout à l'autre, et une note confirmative de la main du moine Goussencourt qui le suivait. Puis il porta le tout à un éditeur d'art, qui devait faire illustrer le texte et qui composa le manuscrit.

Au début de 1895, celui-ci devait paraître. Or, il ne parut point, et la raison en est plaisante.

Une personne de mon entourage, dit l'éditeur à Auguste Longnon, m'a fait remarquer que ce texte contenait un passage... Enfin un passage immoral. Cette Angélique fait ici allusion aux caresses que lui prodigue son ami. Oh! elle n'entre pas dans le détail, mais enfin... Enfin, non !

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Bon, consentit le maître, heureux de trouver tant de pudeur chez un marchand de papier; et il remporta ses épreuves.

-Sais-tu, disait-il plus tard à son fils Henri, en lui contant cette histoire, sais-tu quelle était la personne que ce passage avait offusqué ? C'était sa maîtresse !

jour où, dans sa collection d'anas, Treich nous donnera le livre qui aurait tant de succès, au moins chez les écrivains les histoires d'éditeurs » !

Bref, Angélique resta en placards. Puis Marcel Schwob ami d'Auguste Longnon en connut l'histoire : il la lute rêva de la mettre au théâtre. Pièce imaginaire, car el. ne vit pas le jour.

Et un jour, peu avant sa mort, Auguste Longnon dit son fils Henri en lui montrant les épreuves : « Jamais j ne publierai l'histoire d'Angélique, mais tu le feras, toi. Et ce fut la dernière fois qu'il lui en parla.

-

En classant ses papiers après sa mort, Henri Longnor eut bien de la peine à la retrouver puis il en perdi la copie dans un taxi, enfin la serra précieusement et cou rut tout droit la porter à la Cité des Livres.

Si vous ne connaissez pas la Cité des Livres, vous ignorez le coin le plus aimable de l'édition parisienne. Comm le pauvre Jarry, rue Cassette, elle habite un demi-étage en la rue Saint-Sulpice, où, à travers des bastions de précieux papier, on aboutit au bureau des maîtres de céans Pierre Castellan, taciturne et fin, toujours penché sur ses papiers, Pierre Varillon, affairé et riant, entre deux coups de téléphone bousculant ses auteurs et leur rendant tous les services qu'ils lui demandent, Jean Longnon enfin, le deuxième fils du maître, doucement rêveur, artisan de beaux livres pour qui l'art de la typographie n'a plus de secrets et qui, lettré délicat, se repose de publier les volumes des autres, en en écrivant, comme son ami Varillon.

Ce sont eux qui ont publié la confession d'Angélique sur le texte établi par Auguste Longnon et que leur avai apporté Henri Longnon.

Peut-être serait-il temps d'en parler enfin, mais si souvent je donne ici le résumé des résultats d'une recherche historique que j'ai eu plaisir aujourd'hui à faire parcou rir à nos lecteurs les étapes de cette recherche, à leur donner une idée de la patience que déployèrent et Gérard de Nerval et Auguste Longnon, des joies aussi qu'ils connurent. Je n'ai eu pour cela qu'à résumer la nouvelle de Gérard et la préface d'Henri Longnon, qui toutes deux présentent bien du charme simple - le meilleur.

Et puis j'ai lu avec tant de plaisir la fraîche et sincère confession d'Angélique, ce document unique et incomparable sur la vie d'une jeune fille noble du temps de Louis XIII. Le récit de ses amours avec ce vaurien de La Corbinière, qui avait enchanté Gérard et lui inspira quelques-unes de ses plus délicieuses pages, on comprend qu'il ait enchanté Auguste Longnon : c'est là du document « vivant » et d'une espèce rare. Angélique, victime de l'amour, pour avoir trop aimé à treize ans un galant assas siné par un valet jaloux, le jour qu'elle tomba dans les bras de La Corbinière, elle fut toute sa proie. Comment avec lui elle s'évada de la maison paternelle et, vêtue en

Voilà une fine anecdote que j'espère bien retrouver le gentilhomme, courut les routes à son côté, s'embarqua

ENVOYEZ Vos LETTRES ET COLIS MAROC, en ALGÉRIE et à DAKAR

ALLEZ AU

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Toulon dessus la mer jolie, comment à Gênes, après avoir été visités, lui par un homme, elle par une femme, << toute nue et jusques dans ses cheveux pour voir s'il n'y avait point marque de peste », ils tâchèrent de se « marier par prestre », comment« il leur en coûta plus de quinze pistoles et ne le furent pas », comment ils le furent ensuite et son mari prit parti dans les armées de Venise, comment pour son malheur, il tourna mal, s'adonnant à l'ivrognerie el au tabac, et que la débauche le rendit « éthique »>, c'est ce qu'elle nous raconte gentiment et naïvement et qu'il ne faut point tenter de résumer ici, crainte de le déBlorer. Comment son chenapan de mari décédé, elle revint à Paris, se jeter aux genoux du Père de Goussencourt, les mains jointes et lui demandant pardon », c'est celui-ci qui nous le dit.

Dans l'édition de la Cité des Livres, leurs confidences sont suivies du texte de la nouvelle de Gérard, où l'on apprend quel charme le poète peut ajouter aux histoires les plus charmantes.

Pour avoir longtemps attendu, Angélique de Longueval est aujourd'hui sortie de l'oubliette des archives de France et c'est sous une forme parfaite que revit son histoire. J'imagine qu'Auguste Longnon, qui tenait tant à voir publier la Confession qu'il avait retrouvée, puisqu'il n'a pas eu le bonheur de le faire lui-même, serait heureux de savoir que c'est chose faite enfin, et bien faite, par les soins de ses deux fils. GEORGES GIRARD.

Un entretien sur la Chine nouvelle

Sous un ciel gris et bas, la mer retrouvait son calme. Peu à peu, l'avant du bateau se repeuplait. Dès Gardafui, avait perdu cet aspect aimable de plage familiale où, hommes et femmes, en tenue légère, musent et bavardent tout au long du jour. A peine entré dans l'océan indien, un grain nous avait fait danser et trois jours durant, devant les tables désertes, l'intendant du bord ravi, s'était frotté les mains.

Le navire roulait encore, et les soldats de la coloniale qui vont en Chine crânaient déjà, le torse nu mais casque en tête et raillaient une famille d'Hindous mal en point que chaque mouvement faisait blémir. Puis, réapparurent Maltais, chemise de cellular et cuisse velue sous la culotte courte, enfin des femmes nues sous des fourreaux de toile claire. Mais MM. Li et Fou attendirent que nous eusions doublé Minikoi qui annonce Colombo pour quitter eurs couchettes.

Chinois de Canton, ils revenaient de France où ils avaient passé trois ans d'étude et d'observation sagace. On me les avait signalés dès le départ. Mais, l'estomac délicat, ils n'avaient, jusqu'à Port-Saïd, fait que de brèves apparitions sur le pont des troisièmes. En mer rouge, la chaleur qui momifie les langues, interdit toute tentative d'interviouve.

Les flots moirés qu'animait secrètement la houle faisaient l'heure propice. Avant que d'aborder mes Cantonnais, de notre pont, je les observais à loisir. Entre une chaloupe et des cordages, ils avaient su se ménager une retraite, juste de quoi placer côte à côte leurs chaises-longues. Allongés, ils dessinaient de fines silhouettes, vêtues de jute. Pour tout casque, leurs épaisses chevelures aile de corneille. Un Père lazariste conversait avec eux. Il inclinait sur leurs faces d'ivoire un maigre profil jaune qu'allongeait encore vingt poils de barbe grise. Sa calotte noire à la mode mandarine, ses lunettes rondes achevait de lui donner l'air le plus chinois des trois.

Le bon Père voulut bien me servir d'intermédiaire. Grâce à lui, je connus, en une présentation fort cérémonieuse M. Li et M. Fou, étudiants, qui m'accordèrent d'emblée toute leur après-midi.

Ils parlent notre langue dans la perfection avec toutefois un accent un peu dur. Ils ont vécu chez nous grâce à une bourse que leur province, au milieu des pires troubles, s'est fait un point d'honneur de payer.

La bourse d'un étudiant est chose sacrée en Chine. Les voici au terme de leurs études et brûlant de passer à l'action. Trois années et des plus belles de leur vie sont encloses dans ce morceau de Paris que bornent la Seine et les Jardins du Luxembourg. La France, Paris, c'est pour eux nos écoles, des maîtres, des camarades qu'une même ardeur soulève, les longues causeries entre amis et aussi le souvenir de quelque femme, avouent-ils.

Ce sont des convaincus, mais non point tels qu'on les imagine en Europe. A peine si, par instant, un regard trahit leur fièvre. M. Li et M. Fou sont membres du KuoMin-Tang nationaliste à qui l'Occident, trois années durant, a fourni des arguments et des armes. Le Kuo-MinTang groupe les Chinois de la terre entière, les discipline, les contraint à sortir de leur sérénité égoïste, les unit dans un même but la lutte pour le triomphe des principes de Sun Yat Sen, la libération et l'unification de la Chine. Malgré leurs grades universitaires, ces deux étudiants ne sont rien, sinon des soldats à qui le parti demande l'obéissance absolue et dont il exigera, dès leur retour à Canton, une reddition de compte minutieuse.

M. Li est de petite taille. Il a un mince visage lisse où les yeux de jais remontent à peine vers le front. M. Fou est plus grand, mâchoire dure, lourde bouche sur des dents jaunes, front têtu que les cheveux épais coiffent bas.

Avec eux nul besoin de ruser. Ils ne demandent qu'à parler. Avec quelle fierté un peu naïve ! M. Fou ouvre le débat :

Vous avez bien choisi votre jour, Monsieur, en vérité vous avez bien choisi votre jour, puisque c'est celui de l'anniversaire de la mort de Sun Yat Sen, le sauveur de la

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Chine, à qui nos troupes rendront un hommage suprême en s'emparant de Nanking, où il est enterré.

Un peu d'emphase dont on ne songe pas à sourire, tant il y a de sincérité dans cet exorde.

- Mon camarade Li et moi sommes désespérés d'être ici, inactifs. Mais c'est l'ordre. On nous a dit de nous embarquer le 25. L'Europe nous a appris la valeur de la discipline ici un bref sourire des yeux plissés. De sa voix chantante, le petit M. Li ajoute :

La tâche est d'ailleurs. grande. Ces provinces que nos armées viennent de libérer, il les faut tirer du néant. Sur les mers, d'autres camarades voguent vers la patrie ; d'autres encore, en Europe et en Amérique, achèvent leurs études, tandis que les plus jeunes s'embarquent pour vos vieux pays. Car nous voulons organiser la Chine selon les principes de Sun Yat Sen et sans attendre la victoire finale.

Déjà, Ou Pei Fou est battu. A l'ouest, Feng notre allié s'apprête. Demain, Tchang Tso Lin sera battu lui aussi. Nous entrerons à Pékin et le vieux bandit, nous le poursuivrons jusque dans ses repaires de Mandchourie.

- « Dites-moi, Monsieur, qui résisterait à une armée, ses effectifs fussent-ils inférieurs, qui sait pourquoi elle se bat, qui a un programme bien net? (Et M. Fou me regarde avec quelque superbe.) Souvenez-vous des armées de votre grande révolution, en sabots et sans culottes à la conquête de l'Europe. Elles avaient la foi, l'élan sacré. Les nôtres ont la foi, l'élan sacré et en plus, des mitrailleuses, des

canons.

-

Une discipline de fer.

Un commandement bien organisé, la séparation du politique et du militaire.

Et le droit, le bon droit pour elles, Monsieur. » Je n'avais pas le temps de placer une syllabe. A deux pas de nous un soldat chantait une vieille chanson où il est question d'un marsouin qui, de Chine, rapportera à sa grand'mère, une belle boîte laquée. Un de ses camarades lança avec cette belle insouciance du soldat de métier qui flaire l'aventure : « Tu parles si on en trouvera des boîtes et autres choses itou dans leurs villes du tonnerre de Dieu et pour pas cher ! »

Le souvenir de l'expédition des Boxers est resté vivace dans la Coloniale. M. Li ni M. Fou ne semblaient avoir entendu et j'en fus bien aise. Ils paraissaient suivre sur l'eau moirée le jeu des poissons-volants.

Pourtant...

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notre peuple soit exploité, que les concessions européen offrent aux criminels de chez nous le plus sûr abri.

--

Vous paraissez oublier que ces concessions eu péennes que vous qualifiez de privilège, vous les av accordées de plein gré à ces chiens de blancs qui insistai pour entrer en rapport avec vous. A votre sens, c'étai des manières de léproseries où vous parquiez ces gal avec qui vous ne vous souciez pas de vous commettre aujourd'hui encore, un étranger ne peut pas posséder pouce de terrain ailleurs que dans ces concessions.

On a abusé de notre bonne foi. Nous avions le d de nous fermer à l'Europe. Elle s'est infiltrée, elle s imposée. Pourtant, n'avez-vous pas, au lendemain de guerre, proclamé le droit des peuples à disposer d'e mêmes. Ce droit, nous le prenons.

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- Ah voilà le malentendu. Moscou nous a aidé à liser le programme de Sun Yat Sen. Nous cherchions appuis. Si la France avait voulu ! A beaucoup d'e nous, nourris de son génie, il semblait qu'elle dût joue un rôle traditionnel. La Russie était là. Elle nous ai de tous ses moyens mais rien dans son action ne p ombrage à notre indépendance.

Sauf vérification...

Mais la France peut encore jouer son rôle en Ch Vous verrez lorsque vous parcourrez nos provinces. Ell marqué tant des nôtres.

Ce qui n'empêche pas nos concessions de subir insultes tout comme celles des Anglais.

Mouvement de populace. Désormais, le calme va revenir et vous nous aiderez à recréer notre pays. »

Voilà tout net le discours d'un étudiant chinois, représentatif d'une classe très influente. On sentira tout de suite la faiblesse de certains arguments comme aussi la séduction de certaines invites.

En France, au Japon, aux Etats-Unis, des milliers de leurs semblables étudient, unis dans la même foi. Sur un plan inférieur des centaines de mille d'ouvriers épars sur toute la terre obéissent aux mêmes directives.

Sur la foi de quelques jeunes intellectuels qui ne connaissaient de la révolution sudiste que ce que leur en apprenaient les journaux de leur patrie, je m'attendais à trouver à Canton un gouvernement bien établi, une esquisse d'organisation, une armée bien en main, des masses enthousiastes, de la sincérité et de l'ardeur.

Je déchantai bien vite. Il n'y avait rien de commun entre mes interlocuteurs du bateau et ce personnel de fonctionnaires tout jeunes, dressés à nos disciplines mais chez qui quelques mois de vie chinoise avaient suffi pour éteindre la flamme, tuer ce beau désintéressement, pour ne laisser subsister combien âpre et dénuée de scrupules la seule ambition personnelle.

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que

Nous autres, gourmets, nous sommes un peu comme ces grands prédicateurs que les mondaines vont entendre volontiers et n'écoutent jamais ; nous prêchons dans le désert ou à peu près car, à notre époque américanisée, rares sont ceux qui, aux forts revenus, ajoutent le raffinement du goût, la Mode excuse tout !

Est-il, par exemple, rien de plus anti-esthétique, antihygiénique, anti-gastronomique, de plus ridicule enfin, que de voir des danses tandis qu'on mange ou de danser entre l'ingestion de deux plats ?

La diplomatie elle-même, la diplomatie où, jadis, se recrutait l'élite des gourmets, sacrifie à cette mode et, pour S. M. Alphonse XIII ou le roi Fouad Ier, en use comme l'an dernier avec S. H. Moulay Youssef qu'elle traita à Aix-les-Bains où, si nous en croyons les mémorialistes, « le Sultan du Maroc prit un plaisir extrême à regarder les couples de danseurs qui, entre les services, exécutaient entre les dîneurs les pas les plus modernes de shimmy et de charleston ».

Edouard VII, Léopold Ier, les présidents Thiers, Grévy,

Casimir-Périer, Loubet, Fallières, le comte d'Ormesson, introducteur des ambassadeurs, l'inoubliable chef du protocole M. Philippe Crozier, un directeur des affaires politiques comme M. Gavarry, tous gastronomes émérites, n'eussent jamais toléré pareille barbarie.

Car n'est-ce point barbarie qu'empêcher le convive de comprendre qu'il mange, de savoir ce qu'il boit et de pouvoir se recueillir ? barbarie qu'empêcher les conversations qui spiritualisent les repas et permettent gloses, comparaisons et critiques gastronomiques ? et certains esprits grincheux ne pourraient-ils insinuer que les restaurateurs qui nous imposent jazz, danses et numéros ou composent, avec des baladins, des repas dits « de gala », ne sont guère que des Borgias qui, méprisant la science et l'art de leurs chefs de cuisine ainsi réduits à l'impuissance, ont trouvé le moyen de forcer, saler et pimenter les additions dont la hauteur des prix ne correspond jamais à l'étiage des mets? Et n'avons-nous point assez de belles et bonnes traditions de bon goût que nous allions, hypnotisés par les snobs, adopter les modes saugrenues du pays des sollars et de la sécheresse?

Qu'on ne s'y trompe pas, si, malgré sa magnificence et sa glorieuse perfection, la grande cuisine (française pour les neuf dixièmes) est battue en brèche par la cuisine régionale, les << vieux plats de chez nous », c'est que les << boîtes à musique » et trop de palaces ont abusé des ersatz fabriqués en série et des tape-à-l'oeil frelatés; la vue seule de leurs menus mal faits et prétentieux nous aurait dégoûtés du grand art culinaire si, tels des collèges de flamines, ne restaient à Paris et dans nombre de villes ou de bourgades de nos provinces des restaurants dont les patrons et les chefs voire des cordons-bleus connaissant à fond leur métier, et le pratiquant en toute loyauté, arrivent, malgré toutes les embûches du fisc, à former des apprentis et contribuent à perpétuer, par leur clientèle, la race des vrais gourmets, en gardant toutes les belles traditions gourmandes françaises, modestes ou grandioses.

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Ces traditions, la Fédération régionaliste française que préside le fin lettré, le poète, l'apôtre J. Charles-Brun - les exalte, les recherche, les ressuscite et, parfois, les modernise aussi très heureusement. Déjà, grâce à elle, la Société des Gens de Lettres a obtenu la promesse que les libraires des provinces annonceront et exposeront dans leurs vitrines les livres qui chantent la région et qu'ils les accompagneront des portraits des écrivains qui s'en inspirent. Avec la saison du tourisme revenue, espérons que les libraires vont enfin tenir leur promesse et que la gastronomie ne sera pas exclue de leurs étalages ni surtout des vitrines des centcinquante syndicats d'initiative importants, car presque chaque ville de France évoque une spécialité gourmande et quelque mets ou produit qui n'a sa perfection qu'ici et là seulement comme la bouillabaisse, les quenelles, les cèpes ou le beurre blanc.

Si, malins, les libraires plaçaient au centre de cette montre intellectuelle de leur région un dyptique, entouré des portraits des meilleurs cuisiniers et cordons-bleus du terroir, où seraient indiqués les mets, les produits, les vins et liqueurs

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