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est impossible de savoir si elle ne renierait pas le judaïsme par dépit de ne le pouvoir sauver; bref, par judaïsme encore. Un grand nombre de convertis, même devenus prêtres catholiques, ont marqué cet orgueil judaïque au sein du christianisme; et je ne vois rien de plus beau, de plus sublime que ce sentiment-là qui en somme affirme un messianisme contenté.

Parmi les étudiants talmudiques, il faut noter la curieuse alliance d'une servilité aux textes et d'une liberté envers le maître. On discute, on ergote, on divague sur des folies de formalisme; mais on apprend ainsi à raisonner; et qui sait si plus tard on fera sa part à la raison critique ? Les problèmes les plus bizarres, les commentaires les plus menus, exercent l'intelligence pure. C'est peut-être pourquoi, après des siècles de cet entraînement vain, les Juifs entrent si bien armés dans les luttes d'esprit, pratiques ou théoriques. Jacob Lipschutz, pour la première fois, entend le Roi des Aulnes:

Qui chevauche si tard par la nuit et le vent?

Il repart aussitôt : « Si l'auteur le sait, pourquoi le demande-t-il ? S'il ne le sait pas, est-ce que je peux le lui apprendre?» Cette querelle relève bien de l'ignorance et de la niaiserie; mais appliquez-en le principe à toutes les idées reçues et vous soulèverez les montagnes...

Enfin, il faut noter le merveilleux dédain de l'argent que professent, dans leur société primitive, les Juifs qui n'en' font pas métier. Chez eux l'intellectuel est tenu pour une valeur. Il a droit à être nourri par ses frères, la mendicité même lui est un honneur, un devoir, Cette conception, dont le christianisme (les protestants en tête, et les catholiques très tard, non sans résistance) a fait litière, ce mépris de la richesse temporelle, ce sens d'une hiérarchie si étrangère au monde moderne, voilà qui explique peut-être, par un para-doxe très explicable, que les Juifs aient si vite conquis l'argent. On ne prend bien que ce qu'on n'adore pas. L'argent, conçu comme un moyen de puissance, ne peut être

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M. Emile Mâle fut élu au premier tour avec 17 voix contre 6 à M. Camille Mauclair, 5 à M. Claude Farrère et 4 à M. Alfred Poizat.

Il faut se réjouir de voir le fauteuil de René Boylesve occupé par un homme de lettres comme M. Abel Hermant. Le nouvel académicien est, en effet, l'un des écrivains contemporains les plus dignes de cet honneur, tant par son talent et son esprit que par la qualité propre à son œuvre.

Il est l'un des derniers maîtres et des derniers défenseurs du langage français. Dans sa pensée comme dans son expression le tour classique le plus pur se montre celui des mémoires du XVIIe siècle à qui des œuvres comme les Grands Bourgeois ou les Souvenirs de Monsieur de Courpière font un parfait pendant. De tels écrits serviront bien comme l'a voulu leur auteur à « l'histoire de la société » d'aujourd'hui et de la façon la plus magistrale. A côté d'eux, des romans comme la Discorde, qui est une admirable étude de mœurs familiales, les Renards, le Cavalier Miserey montrent un autre aspect du talent de M. Abel Hermant, plus réaliste, peut-être, mais où la correction concise de l'auteur ne se dément jamais.

Faut-il encore en citer? La bibliographie des œuvres de M. Abel Hermant tiendrait facilement une colonne de ce journal. Contentons-nous plutôt de signaler à nos lecteurs l'Essai sur Abel Hermant que notre collaborateur André Thérive fit paraître voici quelques mois. Ils y trouveront le meilleur éloge qu'on puisse faire du nouvel académicien.

M. Emile Mâle est directeur de l'Ecole de Rome. C'est un historien éminent de l'art. Ses ouvrages où une technique supérieure s'ajoute à des vues esthétiques excellentes, sont justement réputés. Son Histoire de l'art religieux au XII et au XIIIe siècles est l'oeuvre la plus complète et la plus remarquable qu'on puisse trouver sur ce sujet. Elle a consacré définitivement son

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La collection du Portrait de la France va engendrer une similaire, consacrée à la géographie littéraire et sentimentale des pays étrangers, et appelée Ceinture du monde, par M. J.-L. Vaudoyer, qui la dirigera. Dans son éclectisme, elle offrira un Maroc, d'Abel Bonnard; une Syrie, de Pierre Benoît; l'Uruguay, de Jules Supervielle; Delphes, d'Eugène Marsan; la Rhénanie, de Pierre Mac Orlan. Suivront Sienne, de M. André Suarès; les Baléares, d'Alexandre Arnoux; le Danemark, de Gérard Bauer; Londres, par la princesse Bibesco; Madagascar, de Pierre Camo; les Iles Açores, de Jean Giraudoux; Palerme, par François Fosca; New-York, de Paul Morand; la Baie de Naples, par Henri de Régnier; la Judée, par les frères

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Balzac jugé par lui-même.

8.

Dans un catalogue d'autographes de la fin de 1862, vente Auguste Laverdet, on trouvait l'article suivant :

BALZAC (Honoré de), romancier. Réclame rédigée par luimême sur un de ses ouvrages. Son nom est écrit plusieurs fois dans le texte. Il commence ainsi :

«Les Contes philosophiques de M. de Balzac ont paru cette semame chez le libraire Gosselin. La Peau de Chagrin a été jugée comme ont été jugés les admirables romans d'Anne Radcliffe. Ces choses-là échappent aux analystes et aux commentateurs. L'avide lecteur s'est emparé de ces livres. Ils jettent l'insomnie dans l'hôtel du riche et dans la mansarde du poète ; ils animent la campagne; l'hiver, ils donnent un reflet plus vif au sarment qui pétille. Grands privilèges du conteur 1 C'est qu'en effet, c'est la nature qui fait les conteurs. Vous aurez beau être savant et grand écrivain, si vous n'êtes pas venu au monde conteur, vous n'obtiendrez jamais cette popularité qui a fait les Mystères d'Udolphe et la Peau de Chagrin, les Mille et une Nuits, de M. de Balzac. J'ai lu quelque part que Dieu mit au monde Adam le nomenclateur, en lui disant: Te voilà homme ! Ne pourrait-on pas dire qu'il a mis aussi dans le monde Balzac le conteur en lui disant: Te voilà conteur ! Et, en effet, quel conteur! Que de verve et d'esprit ! Quelle infatigable persévérance à tout peindre, à tout orner, à tout flétrir. Comme le monde" est disséqué par cet homme ! Quel analyste ! Quelle passion et quel sang-froid! Les Contes philosophiques sont l'expression: au fer chaud d'une civilisation perdue de débauches et de bienêtre que M. de Balzac expose au poteau infamant... >>

On voit dans ces lignes curieuses ce que l'illustre romancier pensait de lui-même. Cet amusant autographe ne fut vendu que 20 francs.

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(A. Lemerre).

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HISTOIRE ET CRITIQUE LITTERAIRES, FHILOLOGIE Nicolas SEGUR, Dernières conversations avec Anatole France (Fasquelle, 12 fr.). Charles BEAULIEUX, Histoire de l'orthographe française (Champion, 2 vol.). Et. LE GAL, Ne confondez pas... Etudes de paronymes (Delagrave). -LÉON TREICH, L'esprit de Pierre Véron (Gallimard, 6 fr.). Edouard MAYNIAL, Flaubert et son milieu (Editions de la Nouvelle Revue critique). SAINTE-BEUVE, Les grands écrivains français, études des Lundis et des Portraits classées selon un ordre nouveau et annotées par Maurice ALLEM (Garnier, 2 vol., 10 fr.). Emile BAUMANN, Intermèdes (B. Grasset, 12 fr.). J.-H. ROSNY aîné, L'Académie Goncourt (G. Crès, 12 fr.). VOLTAIRE, Mémoires, suivis de Mélanges... et précédés de Voltaire Démiurge, par Paul SOUDAY (E. Hazan). Comte de LAUTRÉAMONT (Isidore Ducasse), Œuvres complètes, publ. par Philippe SOUPAULT (Au Sans Pareil). Jean PLATTARD, Etat présent des études rabelaisiennes (Les Belles Lettres).

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MUSIQUE

Spectacles de fin de saison

La saison musicale s'achève, sans avoir brillé, il faut bien le reconnaître, d'un bien vif éclat.... Au théâtre, la tendre Sophie Arnould de M. Gabriel Pierné, la spirituelle Angélique de M. Jacques Ibert; aux concerts, la Suite et le Concert pour orchestre de M. Roussel, la subtile Sonate pour violon et piano de M. Ravel, pour ne parler cette fois-ci que d'oeuvres françaises, restent dans nos mémoires, et auront sans doute une destinée moins éphémère que tant de productions, plus ou moins industrieusement cuisinées au goût du jour, souvent destituées de tout sentiment poétique, et uniquement poussées» soit par la situation influente de leurs auteurs, soit par la vaine politique des chapelles. I est, par contre, significatif de constater que les deux ouvrages dont l'apparition répétée aux programmes a produit incontestablement cet hiver l'impression la plus profonde : le Psaume plein de fougue juvénile de M. Florent Schmitt, et l'admirable Ariane et Barbe-Bleue de M. Paul Dukas, appartiennent déjà au passé. Souhaitons que le succès enthousiaste qu'ils ont mérité et obtenu, persuade nos jeunes musiciens et les critiques qui leur font cortège, que le goût de la grande expression n'est pas aussi irrémédiablement périmé qu'ils veulent bien nous l'affirmer, dans un but qu'on voudrait croire désintéressé,

Quelques premières ou reprises, en cette fin de printemps maussade, ont eu lieu sur nos scènes lyriques non subventionnées. Le THEATRE MARIGNY, suivant sa coutume, a somptueusement monté Venise dont le livret d'abord conçu sous la forme de l'opéra-comique, a pris celle de l'opérette à couplets, grâce aux soins experts de MM. Mouézy-Eon et Willemetz.. Malgré sa pauvreté, Gianetto est épris de la riche héritière Stella, qui lui a donné son coeur. Un vieux mendiant lui donne un talisman grâce auquel il devient millionnaire. Mais son rival Marc-Antonio arrive à lui dérober le fétiche, et à persuader Stella qu'elle est trompée. Désespéré, Gianetto veut se noyer. Il est sauvé par le mendiant du premier acte, devenu un fastueux prince oriental. Rien ne s'oppose plus à l'union des deux amoureux... Cette aimable intrigue, qui donne prétexte à un luxueux déploiement de décors et de costumes, n'appelait pas une musique révolutionnaire, et on ne saurait faire grief à M. Tiarko Richepin de n'avoir pas cherché à l'écrire. Il a harmonieusement équilibré, dans sa partition, écrite avec un soin manifeste et qui trouvera le chemin de bien des cœurs, les couplets, les romances, les suaves duos d'amour, les choeurs de coulisse et les ensembles. Et, à part un emploi de la timbale à découvert un peu constant, son instrumentation chatoyante a une délicatesse de touche, une séduction, une couleur, qui conviennent fort bien à la nature

.

de la musique, et lui font honneur. Si j'ajoute que l'interprétation réunit l'élégance bien chantante de M. André Baugé, les mines irrésistibles de M. Raimu, l'adresse scénique de M. Gilbert Moryn, la fraîche beauté de Mlle Régys, la cordiale gaîté de Mme Tariol-Baugé, les souples ondulations de gracieuses ballerines que les canzones et les sérénades abondent, que le chef d'orchestre, M. Letombe reste égal à lui-même, vous ne serez pas inquiets, je pense, du sort que Venise, en ces semaines estivales, trouvera auprès de la clientèle de l'élégant théâtre de M. Volterra.

au moins

Quelques jours auparavant, la GAITÉ LYRIQUE nous rendait fort à propos la Marraine de l'escouade, opérette de MM. Mouézy-Eon et Davillans, musique de M. Moreau-Febvre, jouée pendant la guerre au Vaudeville, opérette militaire sans prétention, qui a l'avantage de ne pas contenir d'allusions pénibles, et de posséder toute la bonne humeur et la franchise de rythme nécessaires pour plaire aux habitués de la salle du square des Arts et Métiers, sans pour cela s'abaisser à aucune offensante vulgarité. Mme Dhamarys y montre de la verve, M. Gilbert Nabos, à la voix jeune et chaude, y affirme les progrès qui lui assurent maintenant dans la maison une place de premier plan; Mlles Jane Boyer, Castelaire, MM. Henry Jullien, Allard, Détours, Schlegel complètent à souhait cet ensemble, tandis que la baguette de M. Clémandh galvanise de son mieux un orchestre parfois un peu nonchalant.

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Au THÉATRE DES ARTS, M. Pitoeff nous a offert un spectacle adroitement varié, où l'Indigent de M. Vildrac, le savoureux Miracle de Saint Antoine de M. Maeterlinck, qui ne sont pas ici de mon ressort, alternaient avec une pièce de jeunesse de M. Crommelynck, le Marchand de regrets, dont la fantaisie pittoresque convenait à une adaptation lyrique. Mme C.-P. Simon, sans chercher à nous dissimuler l'influence qu'exercent encore sur son invention mélodique et sur son écriture vocale ou orchestrale des maîtres d'ailleurs judicieusement choisis, y montre une musicalité d'excellent aloi et une réelle homogénéité de style. Entourée de Mme Bériza et de M. Georges Petit, dont je n'ai pas à vous apprendre les mérites, Mme Ludmilla Pitoeff faisait dans l'art complexe du chant des premiers pas encore un peu incertains, mais empreints de la grâce si personnelle qui illumine son visage. La mise en scène, par son ingéniosité poétique, bien digne de M. Pitoeff, a heureusement contribué au succès du Marchand de regrets.

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Les Concerts. La danseuse Argentina A l'occasion de l'inauguration du monument dû au ciseau du sculpteur Landowski et scellé dans un mur exté rieur du Palais du Trocadéro, MM. Gabriel Pierné, Vincent d'Indy, Lindenlaub au nom des musiciens, du public, et M. Edouard Herriot, au nom du gouvernement, ont rendu à la mémoire d'Edouard Colonne un digne hommage. Je ne puis revenir ici sur les détails biographiques qu'ils, nous ont rappelé. Vous savez du reste, je pense, l'infatigable labeur, la volonté tenace, malgré les souples apparences, la vive intelligence, le sens aigu de l'actualité et des moyens de séduire la foule qu'ils attestent. Après

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avoir défendu sans relâche en France et à l'étranger Berlioz, Bizet, César Franck, Lalo alors peu connus, Edouard Colonne, s'était montré ouvert à de plus récentes tendances, en révélant au public des séances dominicales la Vie du Poète de M. Charpentier, l'Après-midi d'un faune de Debussy, même la Rapsodie espagnole de M. Ravel. A défaut d'une extrême précision rythmique, il déployait au pupitre de frappantes qualités d'ardeur, de fougue, d'expansion vivante, qui convenaient mieux sans doute aux ouvrages romantiques et modernes qu'aux chefs-d'œuvre de l'art classique, mais qui, dans les meilleurs jours, étaient d'un effet puissant sur son auditoire. Peut-être pouvait-on parfois regretter de lui voir prodiguer outre mesure ses dons exceptionnels et sa rare faculté d'assimilation. Mais pendant les trente-cinq ans de son activité, Colonne sut tenir dans le mouvement artistique la place considérable qui revenait à sa fonction, et rendre à la musique d'éminents services. Mieux qu'un batteur de mesure ou un administrateur avisé, il fut un musicien et un chef. Plus heureux que Pasdeloup, il put voir venir à lui le succès, assister au plein épanouissement de la compagnie qu'il avait constituée, et désigner lui-même, avec sa clairvoyance habituelle, au choix de ses collaborateurs, pour lui succéder, au pupitre, un artiste de la valeur de M. Gabriel Pierné, qui a dignement poursuivi et développé l'œuvre d'Edouard Colonne. On a été heureux de fêter M. Pierné avec son orchestre, à l'issue de l'audition musicale qui suivait l'inauguration du monument, et au cours de laquelle furent exécutées dans un pieux souci commémoratif des œuvres de Massenet, de Bizet, de César Franck, de Saint-Saëns, d'Edouard Lalo, et cette célèbre marche de la Damnation de Faust que Colonne animait de son irrésistible flamme, et qui lui valut tant de triomphes...

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Les concerts d'orchestre ont pris fin. Parmi les séances de musique de chambre, seules sont à signaler les superbes soirées de l'Opéra, où MM. Jacques Thibaud, Alfred Cortot et Pablo Casals, princes du violon, du piano et du violoncelle, redevenus pour quelques jours Parisiens entre leurs continuelles tournées mondiales, nous donnent de Sonales et Trios illustres, classiques ou romantiques, des interprétations où l'unité profonde de la pensée s'unit à la perfection d'une technique qui volontairement disparaît, et où la beauté du style s'oriente toujours, je le constate avec joie, -vers plus de largeur et de sensibilité. Mais taire spécial, ne contenant aucune œuvre qui ne soit, depuis leurs programmes n'appellent pas, cette année, de commenlongtemps, célèbre, et dont la force attractive sur le public n'ait été maintes fois expérimentée par les organisateurs qui sont aujourd'hui maîtres de la composition de ces solennités artistiques, agencées uniquement par eux en vue du maximum de rendement matériel. On peut en dire autant du récital donné récemment au Théâtre des ChampsElysées par le pianiste de grande classe qu'est M. Wladimir Horowitz. Regrettable conséquence de la dureté des temps actuels, de l'augmentation des frais, des taxes, de la cherté de location des salles. Comment, s'il avait dû se soumettre à de semblables conditions, un Eugène Ysaye

lui-même aurait-il pu imposer dans le monde entier, et, rendre peu à peu illustres, ainsi qu'il y est parvenu naguère Dar de multiples exécutions, la Sonate et le Quintette de Franck, la Sonate et les Quatuors de Fauré, le Concert de Chausson et le Quatuor de Debussy?

GUSTAVE SAMAZEUILH.

en qualité de commandant de bataillon, fut-il, en raison de sa préparation toute particulière, envoyé aussitôt à l'étatmajor de la VII armée opérant en Prusse orientale. Il y servit d'abord sous les ordres du général von Prittwitz, puis, après la disgrâce de ce chef, sous les ordres du colonel général von Hindenburg, qui le remplaça à la tête de la VIII armée, et du général Ludendorff qui devint son chef d'état-major. C'est dans ces conditions qu'il eut à jouer un rôle particulièrement utile et heureux dans la préparation de la célèbre bataille de Tannenberg.

Au mois d'août 1916, lorsque le dumvirat HindenburgLudendorff fut appelé au grand quartier général pour y assumer la direction des opérations, le prince Léopold de Bavière reçut le commandement en chef du front Est, et le colonel Hoffmann devint son chef d'état-major. Il

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QUESTIONS MILITAIRES occupa cette situation jusqu'à la fin de la guerre, et c'est

"Préface à la

« Guerre des occasions manquées » Dans quelques jours va paraître la Guerre des occasions. manquées (1) par le général allemand Hoffmann (traduction de M. Simondet). C'est un ouvrage de critique sur les méthodes stratégiques allemandes pendant la dernière guerre. Le général Weygand a écrit pour présenter l'édition française de ce livre, une préface dont nous sommes heureux de donner la primeur à nos lecteurs.

Ce curieux ouvrage enrichit la belle Collection de mémoires, études et documents pour servir à l'histoire de la

guerre mondiale.

Le général Hoffmann n'est pas connu du public français comme peuvent l'être les généraux allemands ayant exercé les fonctions de chef de l'Etat-Major général équivalent, en fait, au commandement suprême ou le premier quartier. maître général Ludendorf, ou bien encore les généraux ayant commandé des armées ou des groupes d'armées sur le front occidental. C'est qu'en effet, il a, d'une part, occupé des postes de rang moins élevé, et que, d'autre part, il a toujours travaillé sur le front oriental.

Mais en Allemagne, le général Hoffmann jouit d'une haute réputation; beaucoup d'officiers le mettent au rang des premiers d'entre leurs chefs : « Peut-être le mieux doué, coup sûr l'un des plus remarquables parmi les généraux allemands », écrit de lui l'un des auteurs étrangers qui peuvent avoir été le plus à même de le juger (2).

à

Dès le début de sa carrière, le général Hoffmann semble, par une sorte de prédestination, avoir été attiré par la Russie. Entré en 1887 dans l'armée, il passe sept des premières années de sa vie militaire en garnison en Prusse orientale, face à la Russie.

Il fut, comme lieutenant en premier, envoyé en Russie pour y apprendre la langue.

Au moment de la guerre russo-japonaise, il faisait partie de l'état-major général qui le détacha à l'armée japonaise pour en suivre les opérations. Aussi, bien qu'il se trouvât au début de la guerre mondiale sur la frontière française

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à ce titre que pour les négociations de paix de BrestLitowsk, il fit partie de la délégation allemande en qualité de représentant de l'état-major général. Son rôle à ce moment et la façon dont il sut mettre fin aux atermoiements des délégués soviétiques firent du bruit, et ont beaucoup contribué à sa renommée.

Nommé général vers cette époque, il devait bientôt quitter l'armée. Il a aujourd'hui 58 ans, il vit à Berlin dans la retraite, il écrit.

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Le général Hoffmann est revenu à maintes reprises dans des livres, des brochures, des articles de journaux, sur deux sujets qui ont donné lieu à des controverses passionnées.

La bataille de Tannenberg tout d'abord. On sait qu'au début des hostilités la VIII armée allemande eut à assurer la défense de la Prusse orientale dans des conditions délicates, car cette province était menacée à la fois par deux armées russes; l'armée dite de Vilna, sous les ordres du général Rennenkampf, qui prononçait son offensive par le nord des lacs de Mazurie, et l'armée dite de Varsovie, sous les ordres du général Samzonov, que les Allemands devaient s'attendre à voir déboucher par le sud-ouest de ces mêmes lacs, dans une direction particulièrement dangereuse pour leurs communications. Le 20 octobre, alors que la VIII armée était tout entière engagée contre l'armée de Vilna dans une bataille qui se développait à Gumbinen avantageusement pour elle, des renseignements firent connaître que l'armée de Varsovie, sur laquelle jusqu'alors les informations précises avaient fait défaut, commençait à franchir la frontière allemande. Le général von Prittwitz, craignant l'enveloppement, prit tout d'abord le parti de rompre le combat et de se retirer derrière la Vistule, et il en rendit compte au grand quartier général. Le colonel Hoffmann, alors premier officier de l'état-major, dès qu'il

LES PLUS BEAUX PORTRAITS CONNUS

HENRI MANUEL

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fut mis au courant de cette détermination de son chef, la combattit, arriva à l'y faire renoncer, et lui suggéra puis obtint l'exécution des mesures qui lui paraissaient les plus propres à faire face à la situation. Entre temps, l'empereur relevait le général von Prittwitz et son chef d'état-major de leur commandant. L'arrivée de leurs remplaçants, le général von Hindenburg qu'il fallait tirer de la retraite, le général Ludendorff qui à l'état-major de la II armée venait d'intervenir très heureusement à Liége, demanda quelque délai, pendant lequel les mouvements prescrits s'exécutèrent. De telle sorte que lorsque les nouveaux chefs arrivèrent le 23 août à Marienburg, ils trouvèrent réalisées des dispositions qu'ils ne purent qu'approuver. Ce sont elles qui permirent de monter et de livrer la bataille victorieuse de Tannenberg.

Tout cela est déjà indiqué d'une plume assez légère dans la Guerre des occasions manquées qui parut en Allemagne en 1922. Mais dans une brochure récente Tannenberg, la bataille telle qu'elle se passa en réalité, le général Hoffmann revint sur le sujet en y appuyant, davantage, et ne craignit pas de conclure que le nouveau commandement de la VIII armée eut peu de part à la conception comme à la conduite de la bataille. Peu de faits d'armes ont donné lieu à autant de légendes que la bataille de Tannenberg. Essayer de ramener ces événements à leur valeur véritable au détriment de ceux qui furent les idoles du peuple allemand est un jeu dangereux. Le général Hoffmann s'en aperçut; il semble du coup que son ancien chef, qui a fait d'ailleurs grand éloge de lui dans ses mémoires (1), ait rompu avec lui; il paraît également que les milieux nationalistes tiennent en suspicion et le font passer pour s'être rallié au pacifisme. Sans prendre parti dans cette querelle, sachons seulement gré au général Hoffmann de nous avoir fait connaître sa façon de penser bien qu'elle soit en opposition avec la manière de voir généralement admise dans son pays.

Mais le sujet qui semble attirer surtout le général Hoffmann, est la question russe. S'il n'hésite pas à accuser nettement les Anglais d'avoir à l'origine fomenté la révolution en Russie dans le but d'écarter le tsar dont ils redoutaient le désir de paix, il raconte après comment, cherchant << à augmenter par la propagande la désagrégation jetée dans l'armée russe par la révolution », le gouvernement ailemand prépara et favorisa le passage de Lénine de Suisse en Russie. A ce bon Allemand, foncièrement ami de l'ordre et de l'autorité, cet appui donné par les siens au fondateur du bolchevisme n'est pas sans causer quelque confusion. Le général Hoffmann sent le besoin d'expliquer et d'excuser cet acte de lèse autorité il invoque pour cela le droit pour les Allemands de travailler à grossir le trouble jeté par la révolution dans un pays ennemi, et aussi le fait que personne ne pouvait prévoir alors « les désastreuses

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conséquences que l'apparition de Lénine devait entraîner pour la Russie et pour l'Europe entière ».

se

Lors des négociations pour la conclusion d'un armistice dans l'est, c'est dans un état d'esprit analogue que nous trouvons le général Hoffmann partagé entre le désir de voir l'Allemagne se débarrasser d'un adversaire et donner ainsi les mains libres à l'ouest, et la crainte qu'elle consolide par là le régime bolchevique en lui fournissant l'occasion d'apporter la paix à des masses qui la désiraient si profondément.

Lorsque les négociations de paix succédèrent à l'armistice, le général Hoffmann eut l'occasion d'un contact intime et prolongé avec les délégués soviétiques. Ce contact nous vaut quelques peintures pleines de saveur, mais il est surtout intéressant par la trace qu'il laissa dans l'esprit de l'auteur le général Hoffmann fut très profondément impressionné par le souffle de prosélytisme qui animait ces apôtres de la révolution intégrale et universelle, et peu à peu il évolua vers la conception politico-stratégique pour la campagne de 1918, qu'il eut, dit-il, l'occasion d'exposer à Ludendorff. Il aurait voulu que l'Allemagne gardât tout d'abord une attitude défensive sur le front occidental, et qu'elle agît vigoureusement en Russie pour y rétablir l'ordre, puis, appuyée sur une Russie régénérée et amie, elle eût reporté son effort décisif è l'ouest.

Ce plan ne fut pas retenu, mais il aide à comprendre comment le général Hoffmann est arrivé au dernier programme qu'il a exposé dans une brochure intitulée Moscou partout. Le problème du bolchevisme dans ses dernières conséquences. Le général Hoffmann y décrit d'abord le rôle de la Russie soviétique dans l'Europe économiquement décorganisée rôle négatif du fait de la suppression du marché russe, rôle positif caractérisé par l'action de désagrégation entreprise dans tous les pays et d'excitation des colonies et dominions contre la métropole : il en énumère les conséquences désastreuses. Puis il indique le remède : en premier lieu, l'union des grandes puissances européennes est à la base de l'entente de la France et de l'Allemagne ; ensuite la libération de la Russie par une action conjuguée de ces puissances, action militaire mais d'un ordre particulier sans aucun rapport avec les luttes sans merci de la grande guerre, ayant pour seul l'objet de ramener l'ordre et d'ouvrir la porte à l'aide financière et économique des nations rédemptrices.

Il y aurait, certes, beaucoup à dire sur ces opinions et ces programmes. Mais quoi qu'on puisse penser, ce sont là des idées, et certaines d'entre elles ne sont pas celles de

tout le monde.

Ainsi, l'auteur de la Guerre des occasions manquées est un homme d'une valeur reconnue, un esprit libre, dont la pensée ne se croit pas obligée de suivre les voies officiellement tracées, et qui, d'une plume alerte, écrit nettement ce

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