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peuple n'est capable d'exercer aucun.contrôle? alors la valeur du gouvernement est tout entière dans le fonctionnaire individuel, dans ses qualités morales et intellectuelles.

On ne peut répéter trop souvent que dans un pays comme l'Inde, tout dépend des qualités et des aptitudes personnelles des agents du gouvernement. Cette vérité est le principe fondamental de l'administra- • tion indienne. Le jour où on en viendra à croire que la coutume, déjà si criminelle en Angleterre, de nommer à des postes de confiance certaines personnes, d'après des motifs de convenance personnelle, peut être pratiquée impunément dans l'Inde; de ce jour datera le déclin et la chute de notre empire dans l'Indoustan. Même en supposant une intention sincère de préférer le meilleur candidat, il ne suffit point de s'en rapporter au hasard pour fournir des personnes convenables. Il faut que le système soit organisé pour les former. C'est ce qu'il a fait jusqu'à présent, et c'est parce qu'il l'a fait, que notre gouvernement dans l'Inde a duré et a fait des progrès constants, sinon très-rapides, en prospérité et en bonne administration. Aujourd'hui, on traite ce système avec malveillance et l'on montre une grande ardeur à le détruire, comme si préparer et dresser les fonctionnaires du gouvernement à leur besogne, était chose totalement déraisonnable et inadmissible; un empiétement inexcusable sur les droits de l'ignorance et de l'inexpérience.

Il y a une conspiration tacite entre ceux qui vou

draient trafiquer des principales fonctions de l'Inde, au profit de leurs relations en Angleterre, et ceux qui étant déjà dans l'Inde, veulent quitter la factorerie de l'indigo ou leur bureau de procureur, pour aller rendre la justice à des millions de sujets ou fixer les impôts que ceux-ci doivent payer au gouvernement. « Le monopole » du service civil, cet objet de tant d'invectives est comme le monopole des emplois judiciaires pour le barreau ; et l'abolir serait la même chose que d'ouvrir les siéges de Westminster-Hall au premier venu dont les amis certifieraient qu'il a de temps en temps jeté les yeux sur Blackstone.

Si l'on prenait l'habitude d'envoyer des hommes de ce pays-ci ou de les encourager à s'en aller pour tâcher de se faire nommer à des fonctions élevées sans avoir appris leur besogne en commençant par remplir des fonctions plus humbles - les emplois les plus importants seraient prodigués à des cousins écossais et à des aventuriers qu'aucun sentiment professionnel n'attacherait au pays ou à la besogne, qui ne seraient tenus à aucun apprentissage préalable, et qui ne désireraient qu'une chose, faire fortune rapidement et retourner chez eux.

Ce qui sauve ce pays, c'est que ceux qui l'administrent y sont envoyés tout jeunes encore et seulement comme des candidats qui sont destinés à commencer tout en bas de l'échelle et à s'élever plus ou moins haut après un laps de temps convenable, suivant la manière dont ils se sont montrés. Le défaut du système de la compagnie des Indes était que, bien qu'elle re

cherchât soigneusement ses meilleurs fonctionnaires pour leur confier les emplois les plus importants, néanmoins si un homme restait à son service, l'avancement, quoiqu'il pût être retardé, arrivait enfin d'une façon ou d'une autre à l'individu le moins compétent, tout comme à celui qui l'était le plus.

Il faut se souvenir que dans un semblable corps de fonctionnaires, les individus inférieurs eux-mêmes étaient des hommes qui avaient été élevés pour leur besogne et qui l'avaient accomplie pendant nombre d'années sous l'autorité et sous les yeux d'un supérieur, sans démériter, pour le moins. Mais le mal, pour être diminué par là, n'en était pas moins considérable. Un homme qui n'est propre à remplir que l'emploi d'assesseur, devrait rester assesseur toute sa vie, et ses cadets devraient passer pardessus lui. A cette exception près, je ne connais point de défaut réel dans l'ancien système des nominations indiennes. Ce système avait déjà reçu d'ailleurs la plus grande amélioration dont il fut susceptible, par l'institution du concours pour le choix des candidats à leur début, combinaison qui recrute des talents et des aptitudes d'un degré plus élevé, avec cet autre avantage que de cette façon il est rare qu'il y ait des liaisons personnelles entre les candidats pour les emplois, et ceux qui ont le droit de nommer à ces emplois.

Des fonctionnaires publics ainsi dressés, doivent être les seuls candidats pour les fonctions qui exigent une connaissance et une expérience de l'Inde, toutes

spéciales; il n'y a rien là d'injuste. Si, même pour des besoins de circonstance, on laisse ouverte une porte menant aux fonctions les plus élevées, sans passer par les plus humbles, les personnes influentes y frappent si incessamment, qu'il sera impossible de la tenir jamais fermée. La seule nomination exemptée de cette règle devrait être la plus élevée de toutes. Le vice-roi de l'Inde anglaise devrait être un personnage choisi entre tous les Anglais, pour ses aptitudes d'homme d'État. S'il a ces qualités, il sera capable de les découvrir chez les autres et de tourner à son profit cette connaissance spéciale et cette intelligence des affaires locales qu'il n'a pas eu lui-même l'occasion d'acquérir.

Il у a de bonnes raisons pour que le vice-roi ne soit pas un membre du service régulier. Tous les services ont plus ou moins leurs préjugés de classe, dont le chef suprême devrait être exempt. En outre, des hommes qui ont passé toute leur vie en Asie, si capables et si expérimentés qu'ils soient, n'ont guère de chance de posséder les idées européennes les plus avancées sur la politique en général, que le chef suprême devrait avoir et mêler aux fruits de l'expérience de l'Inde. De plus, le vice-roi étant d'une classe différente, ne sera entraîné par aucun penchant personnel à faire de mauvaises nominations, surtout s'il est choisi par une autorité différente. Ces garanties existaient dans une rare perfection sous le gouvernement mélangé de la Couronne et de la Compagnie des Indes.

Les dispensateurs suprêmes des fonctions, le gouverneur général et les gouverneurs étaient nommés en fait, quoiqu'ils ne le fussent point formellement, par la Couronne, c'est-à-dire par le gouvernement général et non par le corps' intermédiaire : ce grand fonctionnaire de la Couronne n'avait probablement pas une seule relation personnelle ou politique dans le service local, tandis que les membres du corps délégué, qui avaient servi pour la plupart dans le pays, avaient ou auraient pu avoir de semblables relations. Cette garantie d'impartialité serait bien affaiblie, si les fonctionnaires civils du gouvernement, quoique envoyés tout jeunes comme de simples candidats aux emplois, en venaient à être fournis pour la plupart par la classe qui donne des vice-rois et des gouverneurs. Le concours même, qui est à l'entrée de la carrière, ne serait plus alors une garantie suffisante. Il excluerait simplement l'ignorance et l'incapacité ; il contraindrait les jeunes gens de famille à commencer leur carrière avec le même degré d'instruction et de talent que les autres; le fils le plus stupide ne pourrait pas entrer dans le service de l'Inde comme il entre dans l'Église; mais ensuite rien n'empêcherait d'injustes préférences. Désormais, les fonctionnaires ne seraient plus tous également inconnus de l'arbitre de leur sort; une portion d'entre eux serait personnellement, et un plus grand nombre encore serait politiquement, en relations intimes avec lui. Les membres de certaines familles, et généralement ceux qui appartiendraient aux classes les plus

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