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La Paix allemande

Justitia fundamentum regnorum Saint-Augustin (cité par Hertling, le 25 février 1918.) Une tranquille impudence s'étale dans le discours que le comte Hertling, chancelier de l'empire allemand, a prononcé le 25 février devant le Reichstag. L'égalité du ton et la mesure de l'expression, toutes nouvelles qu'elles puissent paraître, ne sauraient donner le change à des esprits réfléchis sur l'intransigeance de la doctrine, qui n'a pas changé. Si M. de Hertling a renoncé, cette fois-ci, à certaines violences de langage, c'est qu'il sentait que le Reichstag ne les aurait point supportées, et moins encore l'opinion publique allemande. S'il s'est abstenu de tout éclat, de tout mouvement pathétique, c'est qu'il n'avait pas, comme naguère, à défendre une politique discutée et une situation personnelle chancelante la paix conclue hier avec l'Ukraine et bientôt avec la Russie met en bonne posture le chef de la diplomatie allemande. Sûr de lui, Hertling redevient luimême il ratiocine avec douceur et cite Saint-Augustin, son auteur favori.

Il le cite d'ailleurs avec autant d'à-propos que le prince de Bülow citait jadis Gambetta. Les paroles du docteur chrétien, qui voit dans la justice le fondement de toute autorité politique légitime, sourient étrangement sur les lèvres de l'homme d'Etat qui se félicite, en attendant mieux, d'avoir contraint le peuple russe à subir la loi du plus fort. Mais l'inconvenance est naturelle aux Allemands.

X

Quel but s'est proposé M. de Hertling ? On ne l'aperçoit pas très nettement. Son discours met en lumière, avec les résultats obtenus, les intentions d'une politique qui a trop bien fait ses preuves, pour qu'il soit question

d'y rien changer. Tout l'art de l'orateur consiste à dissimuler la violence des actes et la brutalité des appétits sous l'hypocrisie des formules. « Des pays avec lesquels nous concluons la paix, déclare le chancelier allemand, nous voulons nous faire des amis. » Vous avez bien entendu : ils veulent se faire des amis des Polonais, des Roumains, des Belges! et c'est <<< enconséquence de ce principe quence de ce principe » qu'ils ont agi et qu'ils continuent d'agir!

Cet exemple fixe assez bien le procédé de l'orateur, le style du discours essayons de retrouver les grandes lignes de l'argumentation. Deux couplets obligés rentrent comme ils peuvent dans le plan général : celui sur la guerre défensive faite par l'Allemagne, celui sur la guerre de conquête que l'Entente poursuit. Nous les connaissons depuis le 4 août 1914. Les quelques variantes introduites par Hertling portent bien la marque de son esprit. Il faut relever cette formule, dont Escobar serait jaloux : « Notre conduite de la guerre, même là où elle est devenue agressive par nécessité, est cependant défensive dans son but. » L'Entente a attaqué; l'Allemagne se défend. L'Allemagne ne prétend qu'à maintenir l'intégrité de son territoire si elle est amenée çà et là à rectifier sa frontière, elle a soin de ne prendre que «< ce qui est indispensable au point de vue stratégique. » Au contraire, les puissances de l'Entente, et particulièrement l'Angleterre, poursuivent des, buts impérialistes. Et, sans s'arrêter à donner la preuve de cette dernière affirmation, le chancelier allemand renvoie simplement à ses déclarations antérieures.

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En principe, dit M. de Hertling, je reconnais que la paix peut être discutée sur les bases que M. Wilson a proposées. Ces bases se ramènent à quatre principes, >> que le chancelier examine tout à tour: et le résultat de son examen, c'est qu'il ne laisse à peu près rien subsister des principes qu'il vient d'approuver.

La paix future, déclare le président Wilson, doit être fondée sur la justice. Qui oserait soutenir le contraire ? observe Hertling Il ne reste plus qu'à s'entendre sur le sens des mots. Hertling est trop avisé pour s'écrier: qu'est-ce que la justice, comme autrefois Ponce-Pilate : qu'est-ce que la vérité ? Mais il répond très suffisamment à la question en laissant entrevoir, par tout le reste de son discours, ce qu'est la justice allemande.

M. Wilson ne veut pas que les peuples et les provinces soient transférés d'une souveraineté à une autre, comme s'il s'agissait de simples objets ou des pièces d'un jeu d'échecs. Mais M. Wilson retarde. Cette conception de la politique, reposant sur une confusion entre les territoires des Etats et la propriété privée des princes, appartient à un passé déjà lointain. M. Wilson paraît donner encore dans cette erreur, qu'il y a en Allemagne opposition entre le gouvernement autocratique, et des masses populaires dépourvues de tous les droits. Le professeur Hertling renvoie courtoisement le professeur Wilson aux grands théoriciens allemands du droit public moderne, dont l'homme d'Etat américain a lui-même étudié les doctrines dans un livre que le chancelier n'ignore pas. Wilson connaît les juristes d'Allemagne et leurs théories; mais il connaît aussi Kühlmann, Hindenburg, Hoffmann et leurs pratiques. Et la justice inscrite dans les livres le touche moins que l'iniquité et la violence dont les Allemands, militaires ou politiciens, ont fait la règle de leur action. Comment M. de Hertling n'aperçoit-il point que cette « conception de la politique » qu'il relègue dédaigneusement parmi les souvenirs affreux d'un passé disparu, est tout justement celle dont ses complices et lui-même s'inspirent aujourd'hui ?

La paix, dit encore M. Wilson, ne doit pas être un accommodement ou un compromis entre les revendications des Etats rivaux ; tout accord doit être pris selon l'avantage des populations intéressées. Le chancelier allemand ne voit dans ce troisième principe qu'une conséquence ou une application du second: il l'admet donc également, et il oublie qu'il y a à peine quelques jours, l'Autriche et l'Allemagne se sont réservé le droit de « déterminer le sort » des régions conquises sur la Russie, et qu'elles se disposent à partager encore une fois la Pologne, au gré de leurs intérêts politiques, économiques et militaires

Enfin le président américain proclame la nécessité de donner satisfaction aux aspirations nationales des peuples. « Je puis approuver aussi ce point, en principe, déclare M. de Hertling. Mais il y a une réserve à faire.» Et il demande que les conditions proposées par M. Wilson soient reconnues par tous les Etats et par tous les peuples. Si cette reconnaissance universelle devait être, comme celle qu'il vient de fairé lui-même, une « recornaissance de principe », le monde n'aurait pas fait un grand progrès vers cette paix fondée sur la justice, dont il a besoin.

Le chancelier allemand ne s'attarde point à discuter la société des nations; mais il signale en passant la magnifique proposition de Wilson, d'ériger en tribunal suprême l'ensemble des nations qui composent le monde civilisé. De ce tribunal, M. dc Hertling nous dit simplement « qu'il le récuse », n'étant pas assuré de son impartialité. Le monde civilisé comprendra cette réserve : mais cette réserve n'est-elle pas le plus terrible des aveux !

L'exposé que fait le comte Hertling de la politique allemande et des conditions auxquelles l'empire serait disposé à conclure la paix, ne mériterait guère de retenir l'attention, s'il ne démontrait mieux encore que la première partie du discours la parfaite opposition qui existe entre les actes et les desseins avoués de l'Allemagne, et les principes wilsoniens, auxquels le chancelier affecte de se rallier.

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Toutes les questions, avait dit M. Wilson, doivent être traitées et résolues par tous les belligérants . et il voyait dans cette condition la garantie la meilleure contre des tentatives d'arbitraire et de marchandage, le moyen le plus efficace de corriger, par une égalité de droits, l'inégalité de forces entre les petites et les grandes nations. Dès les premiers mots de son exposé, M. de Hertling propose « une discussion en cercle restreint >> comme le seul moyen d'arriver à « une entente sur de nombreuses questions particulières »; et c'est à la Belgique qu'il adresse d'abord son invitation. « Que le gouvernement du Havre nous fasse une proposition: nous ne refuserons pas de la discuter. » Le chancelier allemand souffre à la pensée que ce pays, « avec lequel l'empire veut vivre après la guerre en paix et en amitié», peut encore devenir « l'objet l'objet de machinations ennemies. » Il reconnaît que ses efforts iraient volontiers à isoler la Belgique de ses grands alliés, à lui ménager un tête-à-tête avec l'Allemagne, et à régler ainsi,cn dehors de toute intervention indiscrète, un certain nombre de questions essentielles. C'est la méthode qui fut appliquée à l'Ukraine, avec un succès dont M. de Hertling se félicite avec complaisance; c'est celle qu'on se propose d'appliquer à la Roumanie. Une série de négociations particulières, avec des adversaires soigneusement isolés les uns des autre, ne donnerait sans doute pas au monde la paix juste et durable à laquelle il aspire; mais elle procurerait à l'Allemagne des avantages plus nombreux et plus faciles que ceux qu'elle pourrait obtenir dans une discussion générale.

--

Le président de la République américaine déclare que les questions relatives à l'Alsace-Lorraine, à l'évacuation et à la restauration du territoire français ne seront pas réglées séparément entre l'Allemagne et la France, parce que ce sont des questions internationales. « Il n'y a aucune question d'Alsace-Lorraine au sens international du mot », affirme M. de Hertling. Et il ajoute : «Si cette question existe, elle est purement allemande. »> Voilà précisément ce que nient, avec M. Wilson, tous les gouvernements et tous les peuples de l'Entente. La prétention de l'Allemagne à décider seule du sort de l'Alsace-Lorraine, de la Belgique, de la Roumanie, de la Pologne, d'accord avec les Alsaciens-Lorrains, les Belges, les Roumains ou les Polonais, est de celles que le monde civilisé, tribunal invoqué par le président Wilson et récusé par le chancelier, ne veut pas admettre, parce que le monde civilisé a appris, par une longue et douloureuse expérience, ce que valent les prétendus accords du faible avec le puissant, du petit peuple désarmé et terrorisé avec la grande nation brutale et armée jusqu'aux dents. Les amateurs de plébiscite eux-mêmes se préoccupent d'assurer à la consultation qu'ils recommandent les garanties de sincérité, faute desquelles elle ne sera qu'une dérisoire comédie, et le congrès socialiste interallié de Londres vient de reconnaître solennellement, après le président Wilson, le caractère international de la question d'Alsace-Lorraine.

Que penser enfin des termes dans lesquels le comte Hertling définit les relations de l'Allemagne avec les neutres, et avec la Suisse en particulier ? S'il faut en croire le chancelier, les puissances de l'Entente multiplient les attentats contre la liberté et la conscience des neutres moyens de propagande éhontée, moyens de pression économique,elles mettent tout en a vre our

rendre l'existence impossible aux nations qui ne sont pas entrées dans la guerre. « Seule l'Allemagne a le respect des neutres. » Et M. de Hertling nous donne en exemple la Suisse, occupée par les agents allemands comme un pays conquis, étroitement surveillée par une ambassade impériale qui a ouvert des succursales dans toutes ses grandes villes, qui à Berne, à Zurich, à Bâle à Genève achète ou loue les immeubles par douzaines. Commentant le discours du chancelier, un des organes suisses les plus autorisés, le Journal de Genève, observait «Quant à nous, ce sont moins les intentions militaires de l'Allemagne qui nous inquiètent, que son action dans d'autres domaines politique et surtout économique. » On songe, en lisant ces lignes, à l'inquiétude de ce citoyen de Berne, qui se demandait où finit l'ambassade d'Allemagne, et où commence la société allemande « Metallum »> ?

Quelqu'un s'est étonné naïvement de ce que le peuple français n'ait pas voulu reconnaître dans le dernier discours du comte Hertling un grand pas fait par le gouvernement allemand dans le sens d'une paix de conciliation le chancelier de l'empire ne se déclare -t-il pas d'accord avec le président Wilson sur tous les principes essentiels? Pour notre part, nous ne pensons point qu'il ait fallu à notre public de grands efforts d'analyse pour découvrir dans l'argumentation de M. de Hertling les faiblesses et les contradictions que nous y avons montrées. Le peuple français a du bon sens. Il a lu dans les journaux, il n'y a pas encore une semaine, certaine déclaration signée Kühlmann, aux termes de laquelle l'Al

lemagne imposait à la Russie une paix de spoliation territoriale et de complet assujettissement politique et économique. On lui a fait connaître quelques jours après un discours signé Hertling, dont le sens est moins clair et les formules plus embarrassées. Il s'est dit, simplement, que Hertling et Kühlmann, c'est la même raison sociale, la même association criminelle et malfaisante. Et il a jugé.

D'ANDILLY.

CE QU'ON DIT...

Çà et là.

M. Motte, maire de Roubaix, qui vient d'être rapatrié après avoir été pendant plus de trois ans l'objet des persécutions allemandes, était naguère en même temps qu'un administrateur municipal d'une haute valeur un bon vivant.

Il avait horreur de l'éloquence creuse, des allures prophétiques de certains tribuns et, en particulier, de ce pédantisme humanitaire où certains socialistes sont passés maîtres.

Il fut un jour, à Roubaix, l'adversaire politique de Jules Guesde. Au cours d'une réunion contradictoire, M. Motte avait mis la controverse sur le ton de bonhomie familière qu'il apprécie. Mais Jules Guesde ne l'entendait pas de la sorte. Avec une gravité mélodramatique - et aussi une fougue qui avait sur les masses une influence profonde - Guesde entreprit de faire le procès de la société capitaliste. Il s'éleva bientôt à un lyrisme digne des conventionnels et s'écria :

--Eh bien, citoyens! Si cela est nécessaire, nous ne reculerons pas devant les moyens énergiques. Nos grands ancêtres se sont servis de la guillotine : nous saurons la ressusciter pour la bourgeoisie égoïste et criminelle...

La salle croula sous les applaudissements et M. Motte était très ennuyé de voir son auditoire lui échapper.

A son tour il prit la parole. O surprise : ce fut pour

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M. Sacha Guitry, chroniqueur du nouveau journal Oui, a inauguré un genre une fois par semaine il publie son courrier ». Entendez par là qu'il reproduit, pour ses lecteurs, les lettres qu'il a reçues.

Dans son premier article, il se félicitait de cette heureuse idée qui lui permettait d'être payé à la ligne, avec les lignes de ses correspondants.

Dans son second article, M. Sacha Guitry fait en outre de la publicité pour le Casino de Paris et le Théâtre Antoine.

Comme quoi il témoigne qu'il a plusieurs cordes à son arc et qu'il sait cumuler les bénéfices qu'il doit à tous. ses talents.

M. Sacha Guitry a renouvelé le genre de la chronique littéraire.

C'était à la pleine lune de janvier. Vigilante, l'administration s'apprêtait à construire près de l'Arc de Triomphe un beau petit chalet avec un poêle à l'intérieur pour les manœuvres qui allaient construire un rempart autour du groupe de Rude. Vigilante, l'administration songeait à mettre nos chefs-d'oeuvre en lieu sûr, et à fermer les musées.

Le directeur du plus vivant de ces musées, de celui qui travaille à maintenir à un niveau digne des artisans français de tous les temps l'éducation des co d'art parisiens, pensa s'évanouir d'indignation quand on lui proposa de fermer sa maison. Fermer pour quelques misérables bombes boches ! Ce serait capituler avant la bataille. Non, non, on ne fermerait pas. D'abord à quoi cela avancerait-il ? Et puis, on était en pleine exposition d'art décoratif, en plein travail on devait continuer à travailler.

Tant et si bien que l'Hôtel de Ville consentit à lais

ser le musée ouvert mais à une condition. Le jour même, un pneumatique serait envoyé à tous les artistes exposants pour les prévenir que la Ville ne pouvant assumer la responsabilité des risques de guerre, leur donnait la faculté de faire enlever leurs envois qu'une simple terrasse à l'italienne ne gardait certes pas des entreprises des gothas.

Le directeur du musée connut alors le calme d'esprit d'un général que l'on prierait de demander à ses poilus s'ils veulent abandonner leur sectcur. Il ne doutait pas de ses artistes et comme il avait raison. Par dépêches et par lettres, de Paris et de province, même des tranchées et des hôpitaux, vinrent les réponses, ou plutôt la réponse, la réponse unanime. Déménager devant les gothas! Pas un artiste n'y consentit. Et le directeur peut dire triomphalement à l'administration: « Messieurs, l'exposition continue ! » Et l'administration, dégagée de toute responsabilité, put respirer en paix. Et nos artisans purent continuer à s'instruire.

Quelquefois, dans son cabinet directorial, celui qui préside aux destinées de la maison, relit ce beau cour

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rier de guerre ce courrier unanimement beau s'attardant peut-être un peu au billet d'une exposante qui lui dit gentiment : « Cher Monsieur, mon exposition restera au Musée, malgré les bombes : vous y restez bien vous; est-ce que vous croyez que nous ne tenons pas plus à vous qu'à nos « chefs-d'œuvre » ?

Chapeaux d'acier pour femmes.

Chez nos Alliés.

Pour le commun des mortels il y avait, jusqu'à présent, peu d'élégance dans un casque de tranchée ; mais voici que la Westminster Gazette signale que cette coiffure ne laisse pas indifférentes les femmes anglaises. La Londonienne en prévision du 102° raid --- prend parfois un casque protecteur pour sortir dans les rues. et les maisons de mode lancent des supercasques d'une sobre teinte grise, richement ornés. Particularité prix est double de celui du simple casque de soldat... à cause des garnitures.

A quand le supercasque des Parisiennes ?

Shakespeare for ever.

leur

Après le Marchand de Venise, Antoine et Cléopâtre. La belle hardiesse de Gémier ne doit pas faire oublier que l'impulsion est partie d'Antoine qui a P'Odéon le Roi Lear, Roméo et Juliette, Jules César.

monté à

Mais si nous comparons le nombre de représentations shakespeariennes données en France à ce qui se fait dans d'autres pays, on verra que M. Saint-Saens n'a pas encore trop sujet de s'alarmer. Nous ne parlons pas de l'Angleterre, où cet hiver même, un théâtre de quartier, « l'Old Vic », le poussiéreux Victoria Hall, de Waterloo Road, joue des drames historiques, des tragé dies, des comédies de Shakespeare: Comme il vous plaira ou Richard II, Othello ou la Comédie des erreurs. GranCertes, décors et costumes ne valent pas ceux que ville Barker présenta au Savoy, que Gordon Craig cu Egoroff ont dessinés pour des spectacles shakespeariens en Amérique ou à Moscou. Mais, en Allemagne, on sc pique d'être plus shakespearien que les Anglais euxmêmes.

C'est à l'auteur de Macheth que l'entreprenant Max Reinhardt et son principal acteur, Alexandre Moissi, doivent leurs plus éclatants succès. En Hollande aussi, on joue énormément Shakespeare. Depuis la guerre, Willem Roynards, qui est le meilleur metteur en scène hollandais, a monté délicieusement Le Songe d'une

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Un grave incident franco-espagnol vient de se produire. Une Française, et qui plus est une artiste, a été malmenée à Madrid. Les explications et les excuses de l'Espagne à ce sujet seront elles jugées suffisantes? Nous en laissons nos lecteurs juges. Voici les faits :

Mme Padowa, la danseuse bien connue, qui, pour s'être donné un nom de guerre russe (probablement à l'époque où la Russie ne pensait point à la paix) n'en est pas moins une très authentique Française, et, selon ses propres déclarations, une sincère amie de l'Espagne, a dû, à la suite d'attaques injustifiées d'un journaliste espagnol, lui adresser la lettre suivante, dont on goûtera le ton à la fois digne et mesuré.

« Monsieur Leopoldo Bejarano,

«Je lis aujourd'hui votre critique sur la première de « l'Araignée bleue » au théâtre de la « Reina Victoria ». Vous me permettrez une petite réplique en ce qui me

concerne.

«Ne croyez-vous pas qu'il est plus facile d'être critique théâtral que d'arriver à être première danseuseétoile, alors qu'on a vingt ans ?

« J'imaginais qu'un informateur de théâtre devait, par obligation professionnelle, critiquer les défauts ou les beautés d'une œuvre, mais que les formes plastiques de l'auteur, du directeur ou de la première danseuse n'avaient rien à faire avec l'art. Moi, Monsieur, je foule la scène pour remplir un rôle, et si je me présente en maillot noir, c'est parce que le rôle l'exige et non pour faire saillir mes formes qui ne sont ni à vendre ni à louer.

« Etant donné que j'ai monté moi-même le ballet, j'aurais pu, si je l'avais voulu, présenter à mon avantage des effets plastiques, et, vêtue d'un maillot très clair, prendre des attitudes de premier plan (sic).

« Dans ce cas, vous auriez peut-être eu le loisir d'observer que je suis assez bien formée pour avoir été sollicitée maintes fois de poser dans des ateliers de peintre de premier ordre. Je crois comprendre que cela vous aurait plu davantage que mon génie artistique.

J'ai pensé également, mon cher Monsieur, qu'un informateur théâtral pouvait sacrifier ses goûts personnels devant l'opinion unanime du public.

« D'autre part, qui sait si un jour l'Association de la Presse ne sollicitera pas mon concours pour une de ses fêtes? Croyez-vous qu'avant de donner mon consentement j'irais voir si le président est bien formé ou s'il est beau comme un don Juan? Non!

Je regrette d'autant plus ce petit incident que vousmême vous avez écrit un charmant article sur mes débuts à Madrid, et que mon travail d'hier ne justifiait en rien de votre part une pareille critique.

« Recevez, Monsieur, l'assurance des meilleurs sentiments d'une Française qui aime beaucoup l'Espagne. » Signé : « PADOWA ».

X

Sous la forme d'une lettre publiée par le Liberal du 20 février, M. Bejarano a adressé a Mme Padowa des excuses, dont on ne sait encore si elles seront jugées satisfaisantes par le Quai d'Orsay.

« A Mademoiselle Padowa, première danseuse au «Reina Victoria »,

« Vous me mettez, Mademoiselle, dans un embarras

Tels sont les éléments de ce conflit de << premier plan », dans lequel nous ne saurions intervenir. La parole est à nos diplomates.....

Affaires Intérieures

d'importance. Comment répondre à votre aimable lettre, I
selon les convenances et la galanterie, sans développer
les sujets que vous soumettez à mes légers jugements ?
« Dans les questions d'esthétique féminine, et c'est
bien, dans le fond, une question de ce genre qui est en
discussion, je professe une sentiment un peu absurde
peut-être, mais qui m'a donné une personnalité très ac-
cusée dans les cercles où nous débattons ces problèmes
ardus. Et c'est ainsi qu'il est notoire à Madrid et dans
ses environs que je suis plus « porté sur » les femmes de
Rubens que « sur » celles de Roméro de Torres, le maître
de l'Ecole ascétique, et que si j'étais né dans une de ces
villes orientales où les dames s'achètent dans les zoccos
je les aurais prises au poids, à l'exclusion de toute autre
considération externe ou interne.

« J'ai essayé, Mademoiselle Padowa,dc modifier ce lourd penchant de ma nature intime et j'ai soumis mes sens à de véritables supplices sans aucun résultat. Je continue d'aimer — et je fais toujours allusion à l'esthétique de la femme << en raison directe de la masse et en raison inverse du carré des distances .>>

« Acceptez-vous, enchanteresse demoiselle, cette explication publique des raisons pour lesquelles dans «<l'Araignée bleue », je trouvais votre plastique insuffi

sante ?

Après le Congrès de Londres

Je connais des socialistes à qui la guerre n'a rien appris, mais je connais également des radicaux qui n'ont rien oublié. Et peut-être trouverait-on des conservateurs qui n'ont ni rien appris ni rien oublié. D'une manière générale, quand la cinquantaine a sonné, l'homme devient inapte à l'enseignement des faits, même 11 se préoccupe alors non pas de s'instruire mais de se l'homme intelligent, qui est déjà l'homme exceptionnel. justifier. S'il s'est trompé, il croit avoir manqué sa vie. Il ne faut pas qu'il se soit trompé. Les événements, sollicités de lui donner raison, persistent parfois à lui donner fort. Mais il reste la presse pour taire ou pour déformer les événements, car, remarquez-le bien, notre presse moderne, la grande comme la petite, celle dite d'information comme celle dite d'opinion, à quoi s'applique-t

des thèses. Le « bourrage de crânes » n'est que cela. Et combien de lecteurs cherchent autre chose, dans leur journal préféré, que la confirmation de ce qu'ils appellent un peu ambitieusement « leurs idées » ?

«Il est inutile, dès lors que je vous imagine serrée dans un maillot très clair et dessinant vos danses ultra-elle, consciemment ou inconsciemment ? A soutenir classiques en « des attitudes de premier plan ». Pour vous applaudir sans réserves mentales, pour vous louer encore comme je vous louais récemment, lors de vos débuts au théâtre Apollo, il me faudrait vous voir revêtue d'un de ces costumes fantaisistes et riches que vous apportez dans vos bagages, et qui maintenant ne sont plus de mise au « Reina Victora ». Les araignées. en effet, ne portent pas de jupes, de corsages ni de jupesculottes. Et comme vous l'exprimez si bien dans votre lettre, vous foulez la scène pour remplir un rôle, vous pliant étroitement à ses exigences.

« Après la confession de cette aberration physicopsychique (est-ce de l'astigmatisme, de l'inflammation de la moëlle, des appétits cannibales à l'état latent ?) il me reste peu à ajouter en réponse à votre lettre.

Ici nous avons toujours essayé de rester jeunes, nous avons toujours essayé de comprendre. La pensée d'un Charles Maurras, la pensée d'un Albert Thomas ne nous sont plus ennemies. Elles ne nous sont même pas suspectes, la première à cause de son royalisme, la seconde à cause de son socialisme. Non pas que nous soyons des dilettantes. A Dieu ne plaise! 11 y a le bien et le mal, il y a le vrai et le faux. En fin de compte l'honnête citoyen doit choisir. Mais d'abord il doit tâcher de comprendre. Hélas! jamais cette obligation n'a été plus méconnue. Sur l'autel de la Nation de singuliers mais nombreux patriotes sacrifient volontiers l'intelligence au Salut Public. La Nation n'en demandait pas autant ! Et le Salut Public eût, sans doute, été nieux assuré par le sacrifice de quelques sottises et de quelques imbéciles. Ces réflexions dont je m'excuse me sont inspi

Congrès socialiste de Londres et qui témoignent d'un grand effort d'incompréhension réciproque.

« Je considère comme très difficile la critique théâtrale il n'y a pas moyen de satisfaire à la fois le public, les auteurs et les artistes — et très simple d'arriver à être première danseuse-étoile (ou satellite) alors qu'on a vingt ans, (viegt ans d'âge, je suppose, et non pas vingt ans d'études). Et ne voyez pas ici un manque de courtoisie. N'oubliez pas que nous sommes en Espa-rées par les commentaires que la presse a consacrés au gne, pays des précocités, où Josélito était roi des toréros à 18 ans, M. Gasset chef du parti des arroseurs à 25 ans, un autre homme politique, chauve à partir de 15 ans, la Argentinita et la Esparza -- les avez-vous vu danser l'une et l'autre ? étoiles chorégraphiques avec une douzaine de printemps seulement... et moi-même suis confus de l'avouer ! moi-même, prix extraordi naire de scottish et de polka chinoise, alors que j'étais encore habillé en petit marin, il y a de cela quelques

mois.

«Que ce ne soit donc pas ma critique de « l'Araignée bleue » qui vous empêche de prêter votre concours à l'Association de la Presse, si par hasard on le sollicitait. Soyez assurée, sans avoir besoin de le constater, que le président et les secrétaires de ladite Société sont beaux comme Apollon, ainsi que ses membres, à la seule exception d'un seul qui dépasse de quelques grammes mon archétype de beauté.

« Puisse mon « charmant article » sur vos débuts compenser celui qui a provoqué votre lettre, pour conserver votre estime, comme il le souhaite, à votre voué serviteur qui vous baise la main.

« L. BEJARANO. >>

Le Congrès socialiste a ses approbateurs. Ils le iouent presque tous de ce qui me paraît peu digne d'être sagement loué parce que peu susceptible d'être clairement entendu d'une métaphysique obscure, vague, surannée. Le Congrès socialiste a ses approbateurs. Ils le louent presque tous de ce qui me paraît absurde : d'une tentative de dissociation nationale à la veille de l'épreuve

décisive.

Les congressistes ont certainement abusé des formules. Ils croient, non sans naïveté, qu'il leur suffra de se réunir avec les socialistes de Pangermanie pour les convaincre. Mais n'est-ce pas abuser des formules que de parler sans cesse d'« épreuves décisives » et d'attentats au moral ». Et de croire qu'il suffira, pour vaincre l'adversaire, de ne pas aller à Berne ou à Stockholm, n'est-ce pas aussi une naïvelté ?

Sur ce point délicat des rencontres internationales qui est, d'après la Bataille, le point essentiel, le point capital des résolutions de Londres, on peut différer d'avis. On ne peut pas raisonnablement prévoir que tout sera gagné ou que tout sera perdu si douze socialistes

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