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les genoux quand il pleut; la poitrine serait couverte par le gilet de tricot, la veste et la capote, lorsque la saison serait très rigoureuse. Il y aurait par conséquent moins de malades, moins d'absents dans les rangs des combattants, moins d'hommes à l'hôpital, c'est-à-dire une notable diminution des dépenses et des décès, double considération qu'il faut toujours avoir en vue quand on s'occupe du matériel des troupes. Au sujet du pantalon, nous ne ferons qu'une seule observation. Ne serait-il pas temps enfin de supprimer la couleur rouge qui forme une cible très visible à des distances relativement considérables? Poser une semblable question, c'est presque la résoudre, surtout quand une grande partie de l'armée porte déjà des pantalons d'une couleur moins éclatante.

L'équipement laisse à désirer la forme du sac est telle que le tirailleur passe difficilement au milieu des broussailles et des taillis. On vient d'en expérimenter un d'un nouveau modèle, mais il paraît que les résultats n'ont pas été satisfaisants.

» La suppression de la tente-abri a naturellemeut amené la mise en essai de plusieurs couvertures destinées à la remplacer. Parmi celles-ci, il en est une qui a été très appréciée. Elle est caoutchoutée à l'extérieur, en laine à l'intérieur. Une couverture analogue à celle d'une chemise permet de s'en servir comme d'un puncho. L'homme peut donc l'employer pour se préserver de l'humidité au bivouac et de la pluie en marche. Il nous semble que cette couverture répond parfaitement aux conditions techniques qui étaient indiquées, et il est à souhaiter qu'elle soit adoptée le plus tôt possible.

» Nous ne pouvons que nous associer à toutes les critiques qui ont déjà été si souvent formulées contre le soulier avec guêtres. Voilà une chaussure qui, dans une longue campagne, enverrait presque autant d'hommes à l'hôpital que les blessures provenant des armes à feu. Il y a plusieurs années que l'on a essayé d'autres modèles destinés à la remplacer, et il en est un que l'on trouve excellent. C'est un brodequin à laçage instantané, tenant bien la cheville du pied, et d'autant mieux approprié aujourd'hui au service de l'infanterie que la plupart des réservistes et des territoriaux ne savent ou ne peuvent se servir des guêtres. Nous ne comprenons pas que l'on ne se soit pas encore décidé à prendre une détermination à ce sujet, car cette question a une extrême importance pour les troupes.

>> Nous en dirons autant de la coiffure. Le schako, qui est laid, iucommode et dispendieux, ne peut être porté en campagne, et les soldats se servent alors du képi qui se déforme rapidement et ne les préserve ni de la pluie ni du soleil. Ne serait-il pas préférable de modifier le képi et de remplacer le schako par un casque léger en liége et en drap avec visière, couvre-nuque et surmonté d'un petit cimier?

>> Il nous resterait encore bien d'autres observations à présenter dans le même ordre d'idées, et particulièrement sur le harnachement des chevaux de selle. Mais nous nous arrêterons ici; notre intention était seulement de signaler les points capitaux de la réforme de l'habillement et de l'équipement des troupes nous terminons en insistant sur la nécessité de l'opérer le plus tôt possible au double point de vue budgétaire et humanitaire, c'est à dire en réalisant des économies, tout en agissant d'après les principes de l'hygiène. »

LAUSANNE.

IMPRIMERIE A. BORGEAUD. · CITÉ-DERRIÈRE, 26.

N° 20.

SOMMAIRE.

Lausanne, le 29 Octobre 1878.

Rassemblement de troupes de 1878, p. 433-448.

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XXIII Année

ARMES SPÉCIALES. Baïonnette ou sabre dans la guerre turco-russe, p. 449. L'Afghanistan, p. 453. De l'enseignement de la gymnastique, Revue de la presse étrangère, p. 461. Nouvelles et chro

p. 458. nique, p. 463.

RASSEMBLEMENT DE TROUPES DE 1878.

Les pièces officielles que nous avons publiées sur ce Rassemblement devaient, dans notre pensée, étre suivies du récit plus ou moins détaillé et critique des manoeuvres de campagne du 14 au 21 septembre. L'exécution de ce projet s'est trouvée traversée par des difficultés de plusieurs sortes, tenant surtout à la part officielle que notre collaborateur M. le colonel Lecomte a eue dans ces manœuvres, faites sous ses ordres, et à la discrétion que cette officialité nous impose. Dans ces conditions il nous a paru préférable de laisser la parole à d'autres et de nous borner à reproduire, en les coordonnant et parfois annotant, des extraits d'articles des principaux organes de la presse suisse. Par les mêmes motifs on nous pardonnera de laisser de côté soit quelques éloges par trop aimables, soit les critiques de pure médisance ou rancune, comme il s'en produit toujours dans des occasions de ce genre de la part de gens ayant eu maille à partir avec le service et mettant leurs griefs personnels audessus de la vérité et de l'équité.

Parmi les critiques les plus instructives, d'ailleurs bienveillantes et sérieuses dans le fond autant que courtoises dans leur forme humoristique, nous remarquons en premier lieu les « Impressions d'un amateur sur les journées des 15-19 septembre, publiées dans la Gazette de Lausanne, dues, dit-on, à la plume d'un ancien officier général au service de France et de Rome; nous utiliserons aussi diverses correspondances de quelques autres journaux qui se sont occupés avec plus ou moins d'intérêt de cette réunion de troupes. Commençons par les Impressions » :

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Ayant passé, dit l'auteur, la plus grande partie de mon temps à l'étranger, je ne connaissais de l'armee fédérale que quelques corps isolés. Eh bien, ce que j'ai vu pendant ces derniers jours a dépassé de beaucoup

mon attente.

Et c'est parce que j'ai bonne opinion de cette armée qui commence à devenir sérieuse, que je me permettrai de relever, sans ménagement, les côtés défectueux et les fautes que j'ai remarquées. Il n'y a que de vrais amis qui disent la vérité toute nue. et je suis de ce nombre pour ce qui concerne les intérêts de la Suisse. Du reste, en campagne, on vit de fautes. Ceux-là seuls qui ne font rien ne se trompent pas. Ceux-là seuls qui ne se battent pas ne sont jamais vaincus.

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45 septembre. La revue de Cutterwyl. Depuis quelques jours, la ville de Fribourg retentissait de bruits guerriers. La place d'armes était convertie en un camp; le roulement des lourds chariots du convoi, le

piétinement des chevaux, montés assez correctement par les officiers, la variété de tous les uniformes de l'armée, le pas cadencé des bataillons allant à la manœuvre, ou en revenant, au son de joyeuses fanfares; surtout cette incomparable marche de la retraite qui entraînait chaque soir la foule, tout cela était comme le prélude des combats et faisait vibrer la corde du patriotisme. C'était la période de l'entrée en campagne... Pendant la journée du 14 septembre, l'animation guerrière redouble dans les rues de Fribourg. Le son métallique et imposant des canons, cahotant sur les pavés, invitait la foule à se ranger avec respect...

Mais voici venir le grand jour, le 15. Si le ciel est calme et serein, la terre s'agite. Fribourg se vide et se répand en flots de voitures, de cavaliers et de piétons. Les chemins de fer se mettent de la partie et nous amènent, par d'interminables trains de plaisir, les contingents de curieux de Vaud, Genève, Neuchâtel, Berne, etc.

J'arrive à midi et demie sur le plateau de Cuttervy! qui présente le coup d'œil le plus animé et le plus pittoresque. Le terrain légèrement incliné s'élève par étages bien distincts, du nord-ouest au sud-est. Au nord, la jolie forêt de Coudrez: dans la pénombre de sa lisière éclatent, comme en un parterre mobile, les mille couleurs des toilettes féminines. La troupe est rangée sur les trois premiers étages; en avant s'étend l'émeraude de la prairie sur laquelle doit avoir lieu le défilé. Tout autour, se promenant ou assise, la foule joyeuse et sympathique. Le signal de l'immobilité n'est pas encore donné; l'infanterie a formé les faisceaux; les cavaliers ont mis pied à terre; les soldats, la plupart assis, sub tegmine fagi, devisent de guerre ou d'amour. Tout cela a très bon air. Les armes sont luisantes, le fourniment est bien putzé. L'uniformité de la troupe est correcte, à part quelques pantalons rentrés dans les bottes, ce qui devrait être sévèrement interdit un jour de revue. La toilette des canons a été faite soigneusement: artillerie, train, ambulances, toutes ces voitures sont bien attelées et outillées. Trois petits escadrons de cavalerie, dont l'uniforme n'est pas un chef-d'œuvre de bon goût, sont rangés devant l'aile gauche de l'infanterie. Il n'y a vraiment de joli, comme uniforme, que celui des officiers dont la plupart ont véritablement du cachet et de l'élégance, surtout avec la casquette; car mon œil n'a pu encore se faire à la coiffure de service dont je ne conteste d'ailleurs pas la commodité contre la pluie et le soleil. J'aperçois çà et là de fort jolis chevaux dont les formes revèlent à distance l'origine étrangère.

Tout à coup, un son de trompette retentit. C'est le garde à vous! Les faisceaux se rompent, les rangs se forment et s'alignent: l'inspection va

commencer.

Par exemple, je n'ai pas compris l'ordre de bataille de la petite armée que j'avais sous les yeux. L'infanterie, par bataillon en colonne double, était appuyée à la forêt de Coudrez, faisant front du côté de MaisonNeuve; sa droite devait donc être appuyée à la forêt. Or, il n'en était rien l'ordre de bataille était interverti. Les corps d'élite, c'est-à-dire les carabiniers et le génie se trouvaient à gauche, tandis que les bataillons d'infanterie étaient placés correctement. Ce n'est pas tout: la cavalerie avait pris place, ainsi que je l'ai dit, devant l'infanterie. Le défilé a eu lieu dans cet ordre, c'est-à-dire la cavalerie en tête, puis l'infanterie.

J'ai trouvé la simplicité helvétique dont on parlait dans un ordre du jour précédent, poussée un peu trop loin. L'effet de cette revue eût pu

L'auteur ignore que notre organisation actuelle a donné le pas à l'infanterie sur toutes les autres armes. Par conséquent, même à son point de vue, la ligne des bataillons n'était point intervertie. G.

Pour être précis il faut dire que la cavalerie était placée devant la gauche du front d'infanterie. G.

être très beau ; il a été, à mon avis, amoindri par les dispositions dont il s'agit. Il y avait pourtant une chose bien simple à faire pour rester dans l'ordre direct, en plaçant le génie et les carabiniers à la droite, près de la forêt. L'inspection passée, on faisait faire demi-tour aux bataillons, puis une conversion de pied ferme à droite; ensuite on dirigeait la colonne droit en avant, dans la direction du hameau de Cutterwyl; on la massait; après avoir dépassé le terrain du défilé, on la remettait face en tête et moyennant une légère rectification d'alignement à droite, puisque l'état-major était à droite, elle se trouvait prête à prendre ses distances pour entrer dans la ligne du défilé. C'est une manoeuvre qui aurait pris très peu de temps et que le terrain permettait de faire facilement.

On m'objectera | eut-être que l'ordonnance fédérale autorise ce sansgene. C'est possible. A cette objection j'ai à répondre ce qui suit: Que l'on manœuvre indistinctement par la droite ou par la gauche ou par inversion devant l'ennemi, peu importe. Mais une revue est une solennité militaire pour le succès complet de laquelle on ne doit rien négliger. C'est donc le cas de dire qu'il ne coûtait pas plus de faire bien que de faire mal. Si l'ordonnance fédérale permet de ranger les troupes par inversion et de défiler la cavalerie en tête, elle n'interdit pas non plus le contraire. Je ne sache pas qu'aucun principe de tactique autorise à placer la cavalerie devant le front de l'infanterie; dans tout ordre de bataille, sa place est en troisième ligne ou sur les ailes, en arrière. A défaut de prescription formelle du règlement, l'usage et le bon sens veulent que, pour une revue, la troupe soit rangée la droite en tête et que l'on défile de même." Lorsqu'on est trop gêné par le terrain, eh bien, on en cherche un autre, quand on a le temps. Ce n'est pas le terrain qui manque autour de Fribourg pour recevoir 10,000 hommes. 5

Arrivons à l'inspection et au défilé. Le colonel-inspecteur a naturellement commencé son inspection par inversion, c'est-à-dire en passant devant le front des bataillons de gauche à droite, tandis que c'est le contraire qui aurait dû avoir lieu,

Enfin, le moment solennel du défilé arrive. On l'a vu. La cavalerie ouvre

Il n'est pas certain que nos bataillons, dont quelques-uns sont un peu lourds, reconnaît l'auteur, eussent fait toutes ces manœuvres préalables aussi prestement qu'il le croit. Le plus sûr et le plus simple était de les éviter, et de ne pas risquer d'y perdre peut-être une heure, ce qui eût retardé d'autant la rentrée aux cantonnements, dont quelques-uns à plus de deux lieues de Groley. G.

Il ne faut pas oublier que le départ pour les cantonnements de combat et la formation de l'avant-garde (détachement ennemi ») devaient suivre immédiatement la revue. Or on économisait du temps et des marches en faisant partir en premier lieu la cavalerie et les bataillons d'avant-garde Nos 23 et 24, ainsi que le génie et les carabiniers qui allaient aussi aux cantonnements en avant, et en les plaçant à la gauche pour l'inspection et pour le défilé. On aurait pu, dira-t-on, désigner d'autres corps pour l'avant garde et l'ennemi. Pas si aisément, car il fallait, alors déjà, disposer les troupes en vue des licenciements des 20 et 21 septembre, sous peine de devoir bouleverser l'ordre de bataille pendant les manœuvres mêmes des 19 et 20. Si pour le défilé et en partie pour l'inspection la division fut inversée, elle se trouvait à peu près en ordre normal pour les manoeuvres et pour le licenciement, qui purent ainsi s'effectuer jusqu'à la fin sans croisement. D'ailleurs si, d'après nos nouveaux réglements, on doit manœuvrer indifféremment par la droite ou par la gauche, il est bon de s'y accoutumer aussi dans les revues, surtout quand le service même en est facilité. G.

5 Si le terrain ne manquait pas, ce dont nous ne voudrions pas répondre, le temps et surtout le beau temps manqua en effet, pendant l'été, pour reconnaître le meilleur emplacement, libre de portions marécageuses, à égale proximité des trois places d'armes de Morat, Fribourg, Payerne et satisfaisant aux autres conditions d'entrée en ligne pour des manoeuvres contre Berne de 3 à 4 journées. A ces divers égards la localité de Groley était le point géographique tout naturellement indiqué. G.

la marche; suivent le génie, les carabiniers, puis les bataillons d'infanterie, le bataillon n° 24 le premier, le n° 13 le dernier. A plusieurs reprises, des officiers à cheval ou des guides viennent caracoler à travers le terrain du défilé. C'est une faute, cela distrait les hommes et si l'un de ces chevaux venaient à prendre la main ou à s'abattre, le défilé en serait gravement compromis. Le terrain du défilé doit rester absolument libre. Les guides de droite des diverses brigades ne marchaient pas sur la même ligne. J'ai cru remarquer, et cela m'a été confirmé par un officier supérieur, qu'il n'y avait pas de jalons aux points de repère pour fixer la direction des guides, ainsi que cela se pratique ordinairement. C'est une lacune grave.

Une autre faute colossale que j'ai vu commettre à je ne sais quel bataillon d'infanterie, et qui a failli tout gåter. Cette troupe venait à peine de dépasser l'état-major que son chef le fit marcher par le flanc. De là un retard et un allongement de la colonne, qui forcèrent le régiment qui venait après à raccourcir le pas. De là encore une perte de distance pour les pelotons et les bataillons qui suivaient. Heureusement que l'on fit prendre le pas gymnastique au, malencontreux bataillon pour dégager le terrain et l'ordre se rétablit assez promptement.

La police du camp a laissé à désirer. On aurait dû tracer à l'avance les limites imposées au public qui envahissait tout et qui résistait aux dragons, chargés du service d'ordre.

Autre observation à l'adresse des deux chefs de musique qui ont fait commencer la marche du défilé avant que la musique qui précédait eût terminé. Ce mélange de deux musiques rapprochées, donnant chacune une cadence différente, fait perdre le pas aux soldats et agace horriblement le tympan des spectateurs.

Mais les derniers pelotons de l'infanterie ont passé. L'artillerie se masse à l'entrée du terrain: un commandement retentit suivi d'un roulement de tonnerre. C'est l'artillerie qui s'avance comme un ouragan, en colonne par batterie, au grand trot. C'est magnifique. Hourra pour l'artillerie! Je vois bien un canon de l'aile gauche qui, embourbé quelque part, reste en arrière, mais il a bientòt repris adroitement sa place au moyen d'un vigoureux temps de galop.

Maintenant, me disais-je, en voyant fuir devant moi, comme une vision, cette avalanche de bronze, ce n'est pas le tout; que vont devenir ces six batteries? où vont-elles s'arrêter? A cent mètres plus loin, le terrain se dérobe par une pente trop inégale et trop raide pour que cette masse ainsi lancée puisse s'y risquer sans danger grave.

J'étais inquiet. A peine avais-je formulé cette pensée qu'un mouvement de conversion à gauche fut ordonné, et je vis, chose prodigieuse, les batteries faire dans le même ordre et à la même allure, deux conversions successives pour venir se masser sur un terrain labouré à 300 mètres en face de l'état-major. Tout cela a été exécuté avec une exactitude et une vigueur qui me stupéfiaient. J'étais haletant; car je m'attendais à voir quelque cheval s'abattre ou des artilleurs tomber sous les roues. Il n'en fut heureusement rien. Je courus, tout ému, serrer la main au brave et savant brigadier d'artillerie.

Touvez-moi en Europe une artillerie qui fasse mieux que ce que je viens de raconter. Et quand je pense que ces hommes et chevaux qui manœuvraient ainsi étaient encore il y a quelques jours, à leur charrue! Je retournai prendre ma place pour voir défiler, en très bon ordre, nos magnifiques ambulances et les équipages.

La fête était terminée. Le défilé a été beau dans son ensemble; la tenue des hommes martiale et l'alignement bien observé, à part deux ou trois bataillons dont les pelotons flottaient un peu. Cette incorrection d'alignement pourrait être facilement évitée, si les officiers de compagnie s'occu

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