Les événements qui semblent se préparer en Asie donnent un grand intérêt aux détails géographiques et topographiques sur les contrées qui seront peut-être le théâtre d'une lutte importante; aussi nous donnerons les indications suivantes d'après divers journaux étrangers: A travers les chaînes de montagnes qui constituent actuellement la frontière nord-ouest de l'Inde, existent d'innombrables passes praticables à divers degrés. La moins élevée de ces chaînes de montagnes, connue sous le nom de monts Brahuik, se trouve immédiatement au-delà de la frontière du Scinde, et sépare le district de Kachi, dans le Béloutchistan, de l'Etat vassal de Khélat. Kachi fut conquis sur les nababs du Scinde par Abdoulla, khan de Khélat, en 1730, et a toujours fait partie depuis du Béloutchistan. A travers ces montagnes, il y a plusieurs passes, notamment celles de Bolan et de Mula (ou Mulo), mais il y en a neuf autres dont les indigènes se servent pour se rendre du district de Kachi à Sarawan et à Jhalawan, et il faut sept jours pour effectuer leur passage. Les passes de Nagau et de Bhore conduisent directement à la ville de Khélat, et sont, si elles permettent le passage des chameaux, le plus avantageusement situées de toutes les passes des monts Brahuik. Celles de Mula et de Bolan sont formées par l'action des rivières, ou plutôt des torrents de ce nom, et marquent respectivement les limites au nord et au sud de cette chaîne de montagnes. La passe de Mula, ou de Gandava, commence en un endroit nommé le Pir-Chatta, à neuf milles de distance de la ville de Kotri, qui est elle-même située à dix milles au sud-ouest de Gandava. Entre PirChatta et le relais suivant, la rivière Mula doit être traversée neuf fois. Durant les étapes suivantes du passage, le même cours d'eau doit être franchi à maintes reprises, tant son cours est tortueux. La passe continue dans la direction du sud jusqu'à Narr, où le sol est cultivé et où des vivres pourraient par conséquent être obtenus. A Narr une route de traverse conduit, en passant par le village de Gaz, à la ville de Khozdar, dans le Béloutchistan, mais la passe de Mula tourne au nord-ouest dans la direction de Khélat. Le sommet de la passe est atteint au village d'Angira, où l'altitude est de 5,250 pieds, mais ce n'est que sur une courte distance que la hauteur dépasse 4,000 pieds. La grande objection à la passe de Mula pour les opérations actuelles est sa longueur 102 milles et le fait qu'elle ne conduit qu'à Khélat, à 103 milles au sud de Quetta; sans cela elle serait préférable, au point de vue militaire, à celle de Bolan. La pente moyenne sur toute la longueur de la passe est de 45 pieds par mille. Le général Willshire l'a suivie à son retour après la prise de Khélat, et M. Masson l'a également traversée. Elle est accessible en ce moment, et continue à l'être durant toute l'année; ce n'est que pendant les mois de juillet et d'août qu'elle est dangereuse par suite des crues d'eau qui se produisent durant la saison des pluies. La passe de Bolan, dont nous sommes pratiquement en possession par la garnison de Quetta et son soutien à Dadar, commence à cinq milles au nord-ouest de ce dernier poste. Son grand avantage sur celle de Mula est qu'elle n'a que 60 milles de longueur et conduit directement à Quetta, sur la frontière de l'Afghanistan. Sa crète est à une altitude de 5,800 pieds au-dessus du niveau de la mer. Le grand obstacle à son passage est le torrent Sir-i-Bolan, mais il n'est actif que pendant quelques semaines dans la saison des pluies. Autrefois cette passe était investie par les Marris et les Khakas, tribus du Béloutchistan, mais depuis notre occupation de Quetta, la tranquillité y a été complète. En 1839 il fallut six jours à l'armée de sir John Krane pour la traverser, et cette marche doit être considérée comme rapide a cause du grand nombre de non combattants à la suite des troupes et la difficulté de transporter un train de siége. Une colonne légère pourrait franchir la distance en trois jours. Il est nécessaire, en computant ces distances, de ne pas perdre de vue que cette passe conduit à une grande distance à l'intérieur du territoire afghan, et non, comme celle du Nord, sur ses confins seulement. Quetta est à très peu de chose près à la mème longitude que Khélat, et considérablement à l'ouest de Caboul et de Ghizni. Au nord des monts Brahuik, mais à 150 milles à l'est de cette chaîne, est située celle de Soleyman. Dans l'intervalle s'étend le territoire qui constitue la frontière mal définie entre le district de Kachi et la province afghane de Siwistan, et qui est habité par les Marris, les Bougtis et autres tribus. Les Loucharis et les Lougaris sont leurs voisins, et reconnaissent dans un sens très vague leur nationalité afghane. A travers la chaîne de Soleyman proprement dite, il y a de nom',reuses passes qui, sauf par leur nom, sont à peu près complètement inconnues, et dont le principal défaut pour nous est qu'elles sont derrière l'Indus et hors de la route de nos deux véritables points de passage, à Attock et à Gukhur. Notre connaissance de la passe de Gomul vient principalement de l'expédition que le général Chamberlain fit en 1860 contre les Muchouds; dans cette expétion, nos troupes luttèrent contre ces maraudeurs au cœur même de leur pays montagneux. La partie la plus remarquable de cette campagne fut la bravoure avec laquelle le plan primitivement conçu fut exécuté. Notre petite armée, forte de 5,000 hommes, partit de sa base d'opération à Tâk au mois d'avril 1860, et s'avança hardiment et avec fermeté vers la place forte des Muchouds. La colonne était accompagnée non seulement de canons de montagne, mais aussi de pièces de campagne ordinaires. Elle occupa le village de Kot-Chingi, et une surprise de son camp à Pulosin fut repoussée après un combat acharné, dans lequel les Muchouds laissèrent 130 morts sur le terrain. De Pulosin le corps expéditionnaire marcha sur la capitale des montagnards, nommée Kanighorum, qui fut occupée après un violent combat sur les rives de la Zam. Le pays des Murchouds entoure le pic élevé de Pirghul, et est inaccessible à l'attaque. La leçon que leur donna le général actuel Chamberlain fut sévère, mais elle nous coûta beaucoup d'hommes et d'argent et depuis lors les Muchouds ont renoncé à des incursions sur une grande échelle, mais ils continuent à se livrer au maraudage. La passe de Gomul conduit directement à Ghizni, et c'est celle que suivit principalement Mahmoud dans ses nombreuses invasions de l'Hindoustan; mais en présence de l'hostilité des Muchouds et autres Waziris, elle peut être considérée comme inutile pour nous dans la campagne actuelle. Dans notre opinion, la passe de Draband, qui commence à Dera-Ismaïl-Khan et traverse le territoire de Chevrani, est celle qui aura probablement le plus d'importance pour nous dans toute campagne. Elle est traversée par une route plus ou moins praticable qui entre dans l'Afghanistan en se dirigeant vers l'ouest et rencontre probablement la route de Caboul à Mukur, à mi-chemin en Khélat-i-Ghiljie et Ghizni. Au nord de la passe de Dawar à Bunnou le territoire des Waziris forme dans la frontière de l'Inde un promontoire analogue à celui qui est formé plus au nord encore par la langue de terre des Afridis entre Kohat et Peshawur, et à 25 milles au nord de Bunnou, au delà du territoire des Waziris, est située la petite ville de Thull, sur les rives de la rivière Khourum. Son importance est qu'elle se trouve à l'entrée d'une passe qui, en suivant cette rivière, conduit à Caboul et à Ghizni. La mission à la tête de laquelle se trouvait sir H. Lumsden se rendit à Caboul par cette route. Jusqu'au fort de Mahomed-Azim, à 50 milles de distance, la route est directe et assez praticable. De là jusqu'au fort Habib, et puis à travers la passe de Paiwar, la mission s'avança avec difficulté par une route tortueuse jusqu'à Haidarkhel, un village sur la route de Caboul, un peu au sud de Chaiklabad. Mais il y a une route plus courte vers Caboul que celle-ci, et qui est accessible, durant les mois d'été tout au moins: c'est celle qui suit la passe de Chaturgardan, au nord-ouest de Paiwar, et qui débouche, aux villages nommés Dobandi et Zurgoncha, dans le voisinage immédiat de la capitale. Par cette route la distance de Thull à Caboul est inférieure à 150 milles (275 kilomètres); mais afin d'atteindre Ghuzni, la route suivie par la mission de Lumsden doit être adoptée, en s'en écartant près du village de Kuchi. Il n'est pas nécessaire de beaucoup parler de la passe de Khyber, qui a été souvent décrite, et qui est celle de ces passes qui est située le plus au nord. Il y a plusieurs petites passes au nord et au sud de celle de Khyber, qui rejoignent celle-ci en arrière du fort d'Ali-Musjid, et qui, si elles étaient utilisées, isoleraient la garnison de ce fort de tout soutien. Mais pour les rendre accessibles à nos troupes, nous devons nous rendre propices les Momunds et les Afridis. Les voyages du Mollah ont jeté un jour considérable sur le district de Bajour, au nord de la rivière de Caboul, et il ressort de ses récits qu'il serait très possible de s'emparer de Lalpura par une marche de notre fort Abazaie, en suivant la passe d'Inzan. Lalpura est à l'entrée afghane de la passe de Khyber, et forme une place forte des Momunds. On ne pourrait s'en emparer qu'avec leur approbation, mais il est à propos de rappeler qu'en 1839 nous y avons installé un nouveau chef, Torabaz-Khan, qui nous est resté fidèle dans la mauvaise comme dans la bonne fortune. Ce précédent pourrait avoir une importance pratique. Ayant décrit les principales passes qui traversent les chaînes de montagnes de Soleyman et de Safeid-Kho, nous pouvons jeter brièvement un coup d'oeil sur celles qui sont situées plus loin à l'Ouest dans le territoire de Caboul même. Entre Quetta et Candahar il y deux chaînes de montagnes, et le pays est loin d'être aussi facile à traverser que certains se l'imaginent. Il fallut dix-huit jours de marche à une armée anglaise pour franchir cette distance de 150 milles, bien qu'elle ne rencontrât pas de résistance. Le pays est admirablement adapté à la défense, et à Haidarsye à Hykulsye et dans la passe de Kojuck, un soldat déterminé pourrait aisément retarder la marche d'une armée d'invasion. La passe de Kojuck qui traverse la chaîne d'Amram est a une altitude de plus de 7,000 pieds. Il serait très imprudent d'essayer de dissimuler les difficultés d'une invasion de l'Afghanistan en ne tenant pas compte des difficultés naturelles que les chaînes de montagnes nous opposent. Une fois que nous sommes à Candahar, toute la partie de l'Afghanistan au sud de l'Hindou-Kouch est à notre merci, car entre cette ville et Caboul il n'y a pas de passes dignes de ce nom, bien que la position sur les monts Maidan soit très forte. Dans la direction d'Hérat il y en a plusieurs, mais nous n'avons pas besoin de prendre celles-ci en considération, attendu que Ghirichk et l'Helmund sont les limites des mesures que nous proposons, à moins qu'il ne se développe des événements en Perse et dans le pays turcoman. Des passes septentrionales à travers l'Ilindou-Kouch, la mieux. connue est celle de Bamian ou de Sighan. L'altitude de celle-ci, qui se trouve sur la route de Khulm et de Balck, est de 8,500 pieds et la passe d'Harakotal, à l'entrée septentrionale de la vallée de Sighan, est à la même hauteur. De Bamian une autre route se détache dans la direction de l'ouest vers la rivière de Balkh et Siborgan, et l'altitude des passes qui se trouvent ici varie de 5,000 à 8,000 pieds. Il y a dans cette direction une assez bonne route qui, partant de Bamian, s'étend de Kilai-Jahudi à Chiborgan et d'Andchui à Kerkhi, le poste russo-boukharien sur l'Oxus. La distance de Kerkhi à Bamian par cette route n'est que de 350 milles (650 kilomètres), et de KhojaSalih et de Kilif la distance est un peu moindre. A l'est de Bamian il y a les passes suivantes qui conduisent dans la fertile vallée de Panjkir: celles de Kouchan, de Salalang, de Girdchak et de Khawak. Leur altitude varie de 10,000 à 12,000 pieds. La passe de Girdchak, entre Kundus, Inderaub et Caboul, est la plus importante et la plus fréquentée. Au nord-est de la passe de Khawak sont celles d'Ichkasm et de Nuksan, à 12,000 pieds d'élévation, conduisant de Badakchan et de Wakhan à la vallée de Chitral; puis, continuant le long de l'Hindou-Kouch, nous arrivons à la passe de Baroghil, qui est à 12,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et conduit à Kachgar. - Mais quoique ces noms soient ceux de toutes les passes que nous connaissons, il est évident par la chronique de notre campagne de 1839-40, que dans ces montagnes il y en a beaucoup plus qu'entre les vallées du nord de l'Afghanistan; ce n'est en réalité pas autre chose qu'une succession de vallées et de montagnes, et il y a des communications constantes au moyen de passes à tous les degrés de praticabilité. Mais on peut s'aventurer à exprimer une opinion qui est que toutes les passes extérieures celles qui conduisent de 'Hindou-Kouch à Balk, à Kulm, à Kundus et à Badakchan, — sont susceptibles d'être rendues inexpugnables, et que les redoutes, qui sont la forme que devraient prendre nos fortifications, pourraient être abandonnées pendant les mois d'hiver, lorsque le froid chasserait nos soldats dans les plaines et vallées plus chaudes de Caboul. Dans la partie occidentale de l'Hindou-Kouch c'est-à-dire, les districts de Kob-Siah et de Koh-i-Baba il y a, à de fréquents intervalles, des passes creusées par l'Helmund ou les torrents de montagnes qui se précipitent vers l'Héri. Dans cette petite partie peu connue de l'Afghanistan, occupée par les montagnards Heinacks et Hazaras, et autrefois le séjour du grand clan d'Abdali, il y a plusieurs routes de caravanes employées par les habitants. Elles se dirigent vers l'Hérat et dans la direction du sud vers Girichk et Candahar, ou dans celle du nord vers Maimène et Balkh, Boukhara et Samarcande, les villes de l'opulence et du luxe aux yeux des habitants de l'Asie centrale. Et dans les plaines qui confinent au désert turcoman et sont situées au nord des montagnes de Ghor, il y a la grand'route qui conduit d'Hérat à Maimène, traverse le Murghab au village de ce nom, et passe partout les khanats septentrionaux jusqu'à ce qu'elle rencontre la route de caravanes de Petit-Panier qui se dirige en passant par Wakhan et Sirikol vers le Turkestan oriental et les villes occidentales de la Chine. Cette heureuse grand'route se trouve au-delà des passes tant de la chaîne de Soleyman que de l'Hindou-Kouch, mais celui-ci étant le rempart de l'Inde, ce serait au pied de nos murailles que les richesses de l'Asie occidentale et la prospérité de l'Asie orientale passeraient pour s'associer dans le développement du bien-être de I'Asie centrale moins favorisée, et ce serait sous nos auspices que la régénération de la partie méridionale de l'Asie aurait lieu. Et cette sèche énumération de passes de montagnes de divers degrés d'altitude, et de capacités différentes dans la marche des nations, servira quelque aride et dénuée qu'elle puisse paraître, à nous rappeler la double fonction qui est commune à toutes les passes. Une passe n'est, après tout, qu'une porte, un moyen par lequel les armées et les marchands peuvent être admis ou exclus. La barrière |