tout à fait sûre de l'Autriche-Hongrie; et, en outre, elle ne doit pas. oublier qu'aussi longtemps que ces armées se trouveront à droite. de ce fleuve, l'Autriche-Hongrie, étant maîtresse de la situation militaire, le cabinet de Saint-Pétersbourg doit agir avec la plus grande circonspection, afin de ne pas froisser celui de Vienne. Quant à l'entente entre ces deux cabinets sur la solution de la question d'Orient, si elle a pu différer sur quelques points, leur différend, paraît-il, n'a jamais été assez sérieux pour amener une rupture entre la Russie et l'Autriche-Hongrie, et les bons offices de l'Allemagne ont grande chance d'aplanir le désaccord que le traité de San-Stefano a soulevé entre la Russie et la Grande-Bretagne. APPENDICE La campagne en Bulgarie, en ce qui concerne l'effet produit par les différentes armes à feu, ramène à la vérité les idées erronées qui se sont fait jour sur ce sujet lors de la guerre de 18701871. Bien qu'à la suite de la guerre franco-allemande, les médecins aient constaté dans leurs rapports que les blessures faites par le fusil étaient infiniment plus nombreuses que celles occasionnées par le canon, il a suffi que les vaincus, pour pallier leurs revers, eussent attribué les succès des vainqueurs à la supériorité de leur artillerie pour faire écrire à toute la presse européenne et faire dire à l'immense majorité des militaires qu'à l'avenir le canon prime rait le fusil sur le champ de bataille, comme dans l'attaque et la » défense des places, que désormais le succès appartiendrait à celui › des belligérants qui saurait amener le plus grand nombre de › bouches à feu sur le terrain du combat. » Or, ce qui vient de se passer en Bulgarie, dans la vallée du Danube, dans les cols du Balkan et autour de Plevna, est la négation de tout ce qui a été écrit et dit sur l'effet produit par les armes à feu pendant la guerre franco-allemande. L'analyse des actions de guerre dans la Bulgarie démontre que le fusil a acquis sur le canon un ascendant plus grand que celui dont il jouissait déjà avant la transformation de ces deux armes. A en juger par l'effet produit dans la dernière guerre, on est porté à croire que la nouvelle artillerie, avec sa trajectoire élevée et son petit espace dangereux, est moins efficace que l'ancienne. Voici du reste ce qui le prouve: Pendant plus de sept mois, les batteries russes de la rive gauche du Danube ont, sans discontinuer, bombardé Routschouk. D'après les prévisions des officiers des armes savantes, cette place aurait dû être écrasée sous le poids du fer de l'ennemi, tandis qu'il paraît qu'elle n'a que très peu souffert. Dans tous les cas les batteries russes n'en n'ont pas eu raison, puisqu'elle a tenu jusqu'après la signature des préliminaires de paix, ce qui tend à prouver que le bombardement à grande distance, avec la nouvelle artillerie, n'est pas plus efficace qu'avec l'ancienne. Si on faisait le bilan de ce bombardement à grande distance, on trouverait que les dégats causés à la place sont bien minimes, comparés aux dépenses, en matériel et en munitions, qu'il a occasionnées aux Russes, el cela sans avoir amené d'autre résultat que d'avoir tué et blessé quelques hommes des deux côtés. Pendant des mois Suleiman pacha a canonné Radetsky dans le col de Schipka, avec le même succès et le même résultat que les Russes ont obtenu en bombardant Routschouk. Il est généralement admis qu'à Plevna, du côté de la défense comme du côté de l'attaque, le rôle de l'artillerie a été très effacé. Pour la défense, les Turcs ont délaissé le canon pour donner la préférence au fusil, et certes l'histoire mentionne peu de places ou de positions qui ont soutenu une plus longue et une plus sérieuse résistance. Pour l'attaque, les Russes avaient 320 bouches à feu en batterie sur un rayon de 4 à 5 kilomètres du centre de la position; or selon les prévisions, un bombardement ouvert à une telle distance devait en quelques jours réduire une position à merci. Contrairement à ces prévisions, Plevna n'est tombé ni sous l'action de cette formidable artillerie, ni devant le siége pied à pied. C'est le blocus qui a décidé du sort de Plevna: Osman pacha, se voyant dépourvu de ressources, a tenté de rompre le cordon d'investissement; cette entreprise ayant échoué, il a été refoulé dans son camp où il a été obligé de capituler. On a reconuu que Plevna n'a pas souffert en raison de la durée du bombardement et du nombre de projectiles qu'on a lancés dans cette position, ce qui confirme une fois de plus que les canonnades à grande distance manquent complètement d'efficacité. Nous nous permettrons de poser ici une question qui sort du cadre de notre sujet, mais qui intéresse autant les ministres des finances que les militaires. Si la pratique a démontré qu'à des distances de 4 à 5 kilomètres du centre d'une position, les bombardements restent sans effet, est-il raisonnable qu'on porte les défenses avancées à 20 et à 25 kilomètres en avant de ces positions? A Paris, où les défenses avancées ne se trouvaient qu'à 1000 mètres du corps de place, il convenait de les porter plus avant dans la campagne. Mais il est ridicule, très dangereux même, de les porter à 20 et à 25 kilomètres en avant de celles qui existent actuellement. A d'aussi grandes distances, les ouvrages avancés de la défense ne sauraient plus se soutenir réciproquement; dès lors chaque ouvrage, pouvant être attaqué isolément, entrera dans la catégorie des petites places, qui résistent rarement à des attaques sérieuses. Quoi qu'il en soit des défenses éloignées, en ce qui concerne l'efficacité du fusil comparée à celle du canon, rapportons, sur ce sujet, l'opinion émise par le général Skobélew, homme d'action qui a expérimenté à plusieurs reprises devant Plevna les deux engins. (L'opinion du général, que nous rapportons ci-dessous, a été publiée dans le Times.) D Le 9 novembre, la division Skobélew était sous les armes pour attaquer la hauteur en avant de la droite de la redoute no 13. Profitant de l'expérience du 11 septembre, ses batteries de campagne devaient essayer cette fois de prendre en enfilade les fossés de la redoute, car, disait-il, c'est des fossés où chaque Turc est » abrité dans un trou séparé, qu'il s'est creusé dans la contre-escarpe, avec son sac de cartouches à côté de lui, que le feu principal arrive. » D D D » Skobélew déclarait de la manière la plus formelle que, le 11 septembre, il a essayé de faire la même manoeuvre; que, sui› vant l'exemple des Allemands, il ordonna à 3 batteries, ou 24 pièces, de se porter à 600 mètres des ouvrages pour seconder les ⚫ attaques de l'infanterie. Le ravin de Tutchenitza, à sa droite, entrava ce mouvement, mais il fut partiellement exécuté. En une , minute, dit-il, des 24 canons il n'y en eut plus que 8 qui ne » fussent pas réduits au silence; les batteries n'étaient plus qu'une » masse confuse d'hommes et de chevaux tués, et les canons durent être retirés par l'infanterie avec des cordes de prolonges. Ceci, ajouta-t-il, est une ère nouvelle dans l'art de la guerre, et nous faisons des expériences pour le profit d'autrui. La bêche et la carabine à tir rapide ont tout changé. L'artillerie ne compte plus pour rien; l'assaut par l'infanterie est le seul moyen de succès, quoique ce soit le plus précaire. » Ce dernier alinéa nous semble renfermer des idées trop exclusives; que le fusil à tir rapide et à grande portée ait limité la tactique de l'artillerie, c'est-à-dire que, depuis le perfectionnement des armes à feu, le fusil ait notablement réduit l'action du canon sur le terrain du combat, cela n'est pas à contester: le fantassin avec son fusil, dont le projectile blesse et tue tout comme le boulet de 8 ou de 12, se soustrait facilement à l'action du feu de l'artillerie, tandis que les 8 servants du canon, ses 3 conducteurs, son chef de pièce et ses 7 chevaux, se couvrent difficilement et offrent au feu de l'infanterie une surface telle que désormais il est fort dangereux, sinon impossible, de maintenir une batterie dans le rayon d'action du feu de l'infanterie. On objectera que le canon ayant une portée plus grande que celle du fusil, en mettant en batterie hors du rayon d'action de son feu, le canon frappera l'infanterie à une distance d'où le feu de celle-ci ne pourra pas atteindre la batterie. En effet, les projectiles de l'artillerie peuvent atteindre l'infanterie à des distances d'où le feu de celle-ci ne saurait atteindre les batteries. Mais voyons jusqu'à quel point le feu de n'importe quelle arme, ouvert en dehors du champ de tir, c'est-à-dire d'un point d'où on ne voit pas l'objet à battre, est pratique et utile. Dans la Belgique, qui passe pour un pays de plaines, on trouve rarement un champ de tir de 600 mètres, qui est la portée du fusil. Or, une batterie qui ouvrirait son feu en dehors du champ de tir, c'est-à dire à une distance plus éloignée de l'objet à battre que celle de la portée du fusil, ne voyant pas ce but, son tir n'aura pas de justesse, son feu restera sans efficacité, elle consommera ses mu nitions en pure perte, et, comme l'a dit Skobelef, l'artillerie qui agirait ainsi serait plus embarrassante qu'utile. D Nous ne croyons pas, comme le dit Skobelef: « que, dans le combat, l'artillerie ne compte pour rien. » Sur ce point, il pourrait avoir raison si on se battait toujours dans des plaines où il n'y aurait pas d'obstacles à enlever ou à renverser; mais un champ de bataille étant généralement parsemé de localités, fermes, châteaux, villages, etc., le canon est indispensable pour les battre en brêche ou pour les renverser. «Que l'assaut par l'infanterie soit le seul moyen de succès, comme dit Skobelef, cette opinion nous semble trop exclusive. Plus haut nous avons émis l'avis qu'à Plewna les Russes ont fait abus de l'assaut. Si, dans le combat, c'est généralement l'action de l'infanterie qui décide le succès, on doit reconnaître que dans les attaques des localités, souvent l'assaut ne peut réussir que lorsqu'il a été préparé par l'artillerie en 1859, huit régiments d'infanterie battent contre le cimetière de Solferino, le canon renverse le mur qui couvre les défenseurs du cimetière et un seul bataillon enlève ce poste qui avait arrêté deux divisions. En 1870, au début de la campagne, les attaques de l'infanterie dirigées contre le château du Geisberg ont échoué parce qu'elles n'avaient pas été préparées par l'artillerie. Après avoir sacrifié un millier d'hommes devant cette cassine, une batterie entre en action, bat la cassine en brêche, et ses défenseurs sont immédiatement obligés de se rendre. On le voit, en campagne, pour enlever les localités, comme pour P'attaque et la défense des places, l'artillerie est très utile, même indispensable. Seulement la pratique a démontré que sur le champ. de bataille on ne sait pas toujours en faire un judicieux emploi. S'en servir à propos est un grand point: souvent elle se présente trop tardivement sur le lieu de l'action, et il arrive aussi qu'on la retire trop tôt de la ligne de feu. Quoiqu'il en soit, de ce qui précède il ressort, contrairement aux prévisions de la majorité des militaires, que le perfectionnement des armes à feu a augmenté la suprématie du fusil sur le canon, et a, sur le terrain du combat, notablement augmenté l'action de l'infanterie et restreint celle de l'artillerie. Au reste, c'est le tir rapide et la grande portée du fusil qui ont forcé les artilleurs à chercher des améliorations dans leur armement. Les ont-ils trouvées? La pratique a démontré que non. Si à l'aide de la rayure ils ont obtenu une portée plus grande, par contre, cette portée a considérablement diminué l'espace dangereux de leurs projectiles, ce qui constate que le perfectionnement du canon est plus factice que réel. Si dans la guerre russo-turque l'artillerie n'a pas fait merveille, un autre engin de guerre, le navire cuirassé, dont le prestige, qui en est le seul mérite, avait déjà été fortement ébranlé dans l'Adriatique, en 1859, et dans la Baltique, en 1870, a dévoilé complétement son impuissance en 1877-1878. Pour cette guerre, la Turquie avait sur la Russie une prépondérance maritime écrasante et les pachas comptaient bien obtenir de notables avantages par leur grande supériorité en navires cuirassés. Or, en fait de services à rendre, ces navires n'ont pas pu seulement maintenir un blocus effectif dans la mer Noire. Plus bas nous trouverons l'opinion d'un marin qui étonnera les militaires partisans des coupoles pour la défense des cours d'eau: ils verront qu'Hobart pacha a reconnu lui-même que c'eût été folie d'attaquer des villes fortifiées telles que Sébastopol, Odessa, etc., avec des navires cuirassés. Aussi la marine turque a-t-elle soigneusement évité d'entrer en lice avec les forteresses russes; elle a préféré s'en prendre aux villes ouvertes, qui, du reste, n'ont même guère souffert de ces canonnades tant redoutées. Eupatoria a été bombardé le 11 janvier, Théodosi le 13, Anopa le 14. Ce sont là les exploits de cette marine qui a ruiné les finances de la Turquie. Beau résultat! Sur le Danube, les opérations que les monitors y ont tentées, lofn de réussir, ont toutes échoué, et même plusieurs de ces navires y ont été coulés ou pris par l'ennemi. Or, se présentera-t-il jamais ailleurs une occasion où les navires cuirassés auront autant de chances pour témoigner de leur puissance? Si ces citadelles flottantes, avec leur carapace invulnérable, n'ont pas pu empêcher les Russes d'établir des ponts sur le Danube, ni n'ont pas su se jeter à toute vapeur à travers ces ponts pour les rompre, je me demande en quelles circonstances on sera en droit d'attendre des services de la marine cuirassée ? Voici, du reste, sur ce sujet, comment Hobart pacha s'est exprimé, dans une lettre publiée dans le Levant Herald, concernant l'emploi de la marine ottomane dans la mer Noire. Après avoir énuméré les services que la marine turque a rendus en transportant des troupes d'une côte à l'autre et en contribuant au ravitaillement des armées voyons, dit Hobart, ce que la flotte n'a pas fait, mais pouvait faire, dans l'opinion de quelques personnes. Quant à nuire à l'ennemi en détruisant des villages et des propriétés le long de la côte, je suis d'opinion que la flotte turque, en agissant ainsi, eût plutôt gagné de la honte que de l'honneur. C'eût été pure folie que d'attaquer les villes fortifiées telles qu'Odessa, Sébastopol, etc., avec le peu de navires qui restaient disponibles après la protection efficace donnée à Soulina, Batoum, la Crète et Antivari, et même avec la flotte entière. A chacune des places en question il y a des torpilles placées en grand nombre jusqu'à 3 ou 4 milles (7 kilomètres) du rivage, et des canons de 35 tonnes et plus, protégés par des ouvrages de terre à l'épreuve des obus, sont placés dans des batteries dix fois plus nombreuses que celles que la marine turque pourrait transporter pour lutter avec elles. La portée des canons russes des batteries est presque deux fois plus grande que celle des canons de navire, principalement par suite de la hauteur à laquelle ils sont placés et qui leur donne un feu plongeant. Une escadre qui les attaquerait pourrait tirer tout le jour sans faire autre chose que quelques dégâts insignifiants à ces travaux de terre imprenables et ce serait là tout le profit, à moins qu'on ne puisse débarquer des troupes pour tirer parti des avantages que le |