Imágenes de páginas
PDF
EPUB

FABLE XI.

Le Grillon.

Un pauvre petit Grillon,

Caché dans l'herbe fleurie,

Regardait un Papillon

Voltigeant dans la prairie.

L'insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;

L'azur, le pourpre et l'or, éclataient sur ses ailes;
Jeune, beau, petit-maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles :

Ah! disait le Grillon, que son sort et le mien
Sont différents! dame Nature

Pour lui fit tout, et pour moi rien.

Je n'ai point de talent, encor moins de figure: Nul ne prend garde à moi! l'on m'ignore ici-bas;

Autant vaudrait n'exister pas.

Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants :

Aussitôt les voilà courants

Après ce Papillon dont ils ont tous envie ;

Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper.

L'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.

L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps;

Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d'efforts

Pour déchirer la pauvre bête.

Oh! oh! dit le Grillon, je ne suis plus fâché;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde :
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.

[merged small][merged small][ocr errors]

Un bon mari, sa femme et deux jolis enfants,

Coulaient en paix leurs jours dans le simple ermitage
Où, paisibles comme eux, vécurent leurs parents.

Ces époux partageait les doux soins du ménage,
Cultivaient leur jardin, recueillaient leurs moissons;
Et le soir, dans l'été soupant sous le feuillage,
Dans l'hiver devant leurs tisons,

[ocr errors]

Ils prêchaient à leurs fils la vertu, la sagesse,

Leur parlaient du bonheur qu'elles donnent le toujours;

Le père par un conte égayait ses discours,

La mère par une caresse.

L'aine de ses enfants, né grave, studieux,

Lisait et méditait sans cosse;

Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse,
Sautait, riait toujours, ne se plaisait qu'aux jeux.
Un soir, selon l'usage, à côté de leur père,

Assis près d'une table où s'appuyait leur mère
L'aîné lisait Rollin : le cadet, peu soigneux

[ocr errors]

D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes,
Employait tout son art, toutes ces facultés,

A joindre, à soutenir par les quatre côtés

Un fragile château de cartes.

Il n'en respirait pas d'attention, de peur.

Tout-à-coup voici le lecteur

Qui s'interrompt: Papa, dit-il, daigne m'instruire
Pourquoi certains guerriers sont nommés conquérants,

Et d'autres fondateurs d'empire:

Ces deux noms sont-ils différents?

Le père méditait une réponse sage,

Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir

Après tant de travail, d'avoir pu parvenir

A placer son second étage,

S'écrie: il est fini! son frère murmurant

Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage ;

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Le Phénix, venant d'Arabie,

Dans nos bois parut un beau jour;

Grand bruit chez les oiseaux; leur troupe réunie

Vole pour lui faire sa cour.

Chacun l'observe, l'examine :

Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,

Tout est beauté, grâce divine,

Tout charme l'oreille et les yeux.

Pour la première fois on vit céder l'envie
Au besoin de louer et d'aimer son vainqueur.
Le rossignol disait : Jamais tant de douceur

N'enchanta mon ame ravie.

Jamais, disait le paon, de plus belles couleurs

N'ont eu cet éclat que j'admire:

Il éblouit mes yeux et toujours les attire.

Les autres répétaient ces éloges flatteurs,

Vantaient le privilége unique

[ocr errors]

De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cèdre aromatique,
Se consume lui-même`, et renaît immortel.

Pendant tous ces discours la seule tourtourelle,

Sans rien dire, fit un soupir.

Son époux la poussant de l'aile,
Lui demande d'où peut venir

Sa rêverie et sa tristesse :

De cet heureux oiseau désires-tu le sort ?

- Moi! mon ami, je le plains fort;

Il est le seul de son espèce.any, Thund ed

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors]
« AnteriorContinuar »