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la porte du vieillard qu'il était mort de la veille! Je le regrettai comme un bienfaiteur, car il l'aurait été, et c'est la même chose. Je ne me sentis pas le courage de corriger sans lui mes apologues, encore moins celui d'en retrancher, et privé de conseil, de guide, précisément à l'instant où l'on m'avait fait sentir combien j'en avais besoin, pour me délivrer du soin fatigant de songer sans cesse à mes fables, je pris le parti de les imprimer. C'est à présent au public à faire l'office du vieillard : peut-être trouverai-je en lui moins de politesse, mais il trouvera dans moi la même docilité.

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DE FLORIAN.

LIVRE PREMIER.

FABLE I.

La Fable et la Vérité.

La Vérité toute nue

Sortit un jour de son puits.

Ses attraits par le temps étaient un peu détruits;

Jeune et vieux fuyaient à sa vue.

La pauvre Vérité restait là morfondue,

Sans trouver un asile où pouvoir habiter.

A ses yeux vient se présenter

La Fable richement vêtue,

Portant plumes et diamants,

La plupart faux, mais très brillants.

Eh! vous voilà, bonjour, dit-elle :
Que faites-vous ici seule sur le chemin ?

La Vérité répond: Vous le voyez, je gėle;
Aux passants je demande en vain

De me donner une retraite,

Je leur fais peur à tous. Hélas! je le vois bien,

Vieille femme n'obtient plus rien.
Vous êtes pourtant ma cadette,

Dit la Fable, et, sans vanité,
Partout je suis fort bien reçue.

Mais aussi, dame Vérité,

Pourquoi vous montrer toute nue?

Cela n'est pas adroit. Tenez, arrangeons-nous;

Qu'un même intérêt nous rassemble :

Venez sous mon manteau, nous marcherons ensemble; sage, à cause de vous,

Chez le

Je ne serai point rebutée;

A cause de moi, chez les fous,

Vous ne serez point maltraitée.

Servant par ce moyen chacun selon son goût,

Grace à votre raison et grace à ma folie,

Vous verrez, ma sœur, que partout

Nous passerons de compagnie.

FABLE II.

Le Boeuf, le Cheval et l'Ane.

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Un Boeuf, un Baudet, un Cheval,

Se disputaient la préséance.»

Un baudet! direz-vous, tant d'orgueil lui sied mal.
A qui l'orgueil sied-il? et qui de nous ne pense
Valoir ceux que le rang, , les talents, la naissance,
Élèvent au-dessus de nous?

Le Boeuf, d'un ton modeste et doux,
Alléguait ses nombreux services,

Sa force, sa docilité;

"

Le Coursier sa valeur, ses nobles exercices,

Et l'Ane son utilité.

Prenons, dit le Cheval, les hommes pour arbitres.

En voici venir trois, exposons-leur nos titres;

Si deux sont d'un avis, le procès est jugé.
Les trois hommes venus, notre Bœuf est chargé
D'être le rapporteur; il explique l'affaire,

Et demande le jugement.

Un des juges choisis, maquignon bas-normand,

Crie aussitôt la chose est claire,

:

+

Le Cheval a gagné. Non pas, mon cher confrère,

Dit le second jugeur, c'était un gros meunier;
L'Ane doit marcher le premier :

Tout autre avis serait d'une injustice extrême.
Oh que nenni! dit le troisième

Fermier de sa paroisse et riche laboureur,

Au Boeuf appartient cet honneur.
Quoi ! reprend le Coursier, écumant de colère,

Votre avis n'est dicté que par votre intérêt ?

Eh mais! dit le Normand, par quoi donc, s'il vous plaît ! N'est-ce pas le code ordinaire ?

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Certain Monarque un jour déplorait sa misère,
Et se lamentait d'être roi :

Quel pénible métier! disait-il; sur la terre

Est-il un seul mortel contredit comme moi?

Je voudrais vivre en paix, on me force à la guerre;

Je chéris mes sujets, et je mets des impôts;

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