pace annulaire par lequel l'eau pourra s'échapper et remonter à mesure qu'on en fera affluer de nouvelle quantité par l'intérieur du tube. Mais si cette eau est poussée avec énergie, elle entrainera dans son cours les débris du forage à mesure qu'ils se formeront. Or, voici trois avantages inhérents à cette manière d'opérer. Les débris incessamment rejetés au dehors n'exigent plus comme autrefois l'enlèvement et le démontage de la tige, première économie de temps; en second lieu, par suite de l'enlèvement continu et spontané de ces débris, l'outil agit toujours à vif sur le sol sans aucun intermédiaire capable de retarder son action, ce qui active encore considérablement la manœuvre. Enfin ce support tubulaire, comparé à égalité de poids avec une tige pleine, résiste bien plus énergiquement aux torsions et aux flexions, et les parois du trou demeurent inaltérées. L'auteur prétend en outre que la pression exercée par le liquide de dedans au dehors maintient les terres et prévient les éboulements. En somme, deux puits artesiens ont été percés paralielement à Perpignan dans le même terrain; l'un, par les anciens procédés, n'était pas encore terminé apres onze mois de travail; l'autre, entrepris par M. Fauvelle, a été conduit à bonne fin en l'espace de quinze jours, et tous deux ont été poursuivis à la profondeur de 170 mètres. LETTRES. De la littérature sérieuse, il y a, comme d'ordinaire, peu de nouvelles à donner. La réception à l'Académie de MM. de Vigny et Vitet, les discours des récipiendaires, remarquables par leurs qualités habituelles, la réserve et la clarté, les réponses pleines de sens et d'élévation faites par M. Molé, cela est de la haute littérature, sans doute, mais ce n'est pas assez. M. Thiers finit cette histoire brillante, improvisée à grands traits, dont nous signations, l'amée derniere, les qualités et les défauts. Comme contraste à cette narration si vive et si popuJaire, M. Lacretelle nous a donné une histoire du Consulat, pleine de naïveté, mais aussi étudiée avec un soin et une vérité historique qu'on retrouverait difficilement dans l'œuvre de l'orateur parlementaire. Derriere la bonhomie charmante de M. Lacretelle, il y a une vigueur réelle, et la verdeur de ce gracieux vieillard défie bien des jeunesses d'aujourd'hui. C'est de lui ce vers piquant, qu'il a plus qu'un autre le droit d'écrire : Donnez-moi vos vingt ans, si vous n'en faites rien Un roman est-il de la littérature? Oui, sans doute, quand il s'appelle Manon Lescaut, Paul et Virginie, ou André. Mme Sand a fait cette année, comme par un beureux accident, une charmante petite esquisse des mœurs de la Creuse, la Mare au Diable, qui nous a consolés de ses interminables sermons socialistes. Il n'y a pas dans cette gracieuse nouvelle une seule theorie fourieriste : ce sont deux enfants de village, s'aimant chastement et simplement, sans se le dire, et ne s'en apercevant qu'au milieu des bois, égarés la nuit sous les grands arbres el transis par la bise. Ce qu'il y a d'adorables détails daus ces quelques pages, il est impossible de le dire, et, comme ou est toujours récompensé de ses bonnes intentions, la Mare au Diable est écrite de ce beau style que nous ne croyions plus retrouver désormais chez l'auteur de Consuelo, Georges Sand s'écrie quelque part dans ses Lettres d'un voyageur: Sancta simplicitas! Cette prière du cœur a plus fait pour sa gloire que bien des grands mots cousus les uns à côté des autres. Le roman s'appelle roman, qu'il soit la Mare au Diable ou MonteChristo, André ou les Mémoires d'un valet de chambre. Pourquoi n'y a-t-il pas deux noms qui fassent distinguer ces choses si différentes, comme il y a des noms divers pour la rose et l'ortie, pour la fleur odorante et la plante veneneuse? Nous avons déjà dit plus d'une fois ce que nous pensions de cette exploita tion honteuse de la curiosité oisive qui produit des folies comme MonteChristo, des livres coupables et ridicules comme Martin. On a encore été plus loin pourtant. Certains auteurs, dépités de s'être vus enlever largot des bagnes ou des tapis-francs, le cynisme social ou les rêveries monstrueuses inspirées par la soif de l'or, 1 sont retournés aux Mystères d'Udolphe, à Rinaldo_Rinaldini, à l'Ombre sanglante. Le français n'étant plus de mise et prêtant peu aux mystères, ils ont parlé anglais et allemand. A ce déplorable spectacle de la presse quotidienne, opposons les efforts consciencieux, quoique stériles, des poëtes comiques et tragiques. Sans doute, les deux théâtres francais ont été envahis comme le feuilleton des journaux par l'école improvisatrice, et il a fallu fentendre une Nuit au Louvre, drame en cinq actes, par M.Vanderburck, une Fille du Régent, drame en cinq actes, par M. Duinas, dans cette salle qui retentit encore des beaux vers de nos grands poëtes; il a failu que ces crimes de lèse-histoire et de lèse-grammaire fussent permis sur les planches où se jouent encore les Précieuses ridicules; mais, à côté de ces conceptions déplorables, on a pu remarquer un mouvement sérieux vers la tragédie honnête et française. L'Agnès de Meranie de M. Ponsard, la Virginie de M. Latour de Saint-Ybars, sont de froides, mais consciencieuses études. Sans doute, la tragédie est morte de nos jours; sans doute, cette antiquité n'est pas de bon aloi: mais encore est-il juste que des efforts sincères, quoique impuissants, inspirent, à défaut d'admiration, une sérieuse estime. BEAUX-ARTS. L'exposition annuelle du Louvre n'a pas manqué, cette année, d'exciter, par les nombreuses exclusions du jury, ce concert de malédictions qui semble en être la préface nécessaire. Tout est dit sur le jury i est bien entendu aujourd'hui que les quelques artistes de talent qui pourraient juger sérieusement se sont retirés pour ne pas participer à la bonte des exclusions infligées par MM. Blondel, Bidault, Picot, e tutti quanti. Un tri1 bunal composé de ces trois grands peintres, auxquels s'adjoignent quelques architectes et compositeurs de musique, c'est assurément quelque chose de bizarre, pour ne pas dire plus. Ces experts-jurés refusant l'un parce qu'il n'est pas dans leur voie, l'autre parce qu'il a reçu des commandes, celui-ci parce qu'il est véhémentement soupçonné d'appeler la collaboration à son aide, celui-là parce qu'ils ne le recevront jamais, de telles choses se passant, non pas en Chine ou au Maroc, mais dans la capitale de la France, cela est assurément incroyable. Il y a eu, cette année, un luxe inouï de refus. M. Decamps, proh pudor! oui, une toile de l'auteur des Cimbres et du Samson, trois Corot, onze Flers!... M. Bidault a été, on le voit, impitoyable; M. Bidault résiste énergiquement au mauvais goût. M. Gudin avait envoyé, dans la prévision d'une hécatombe, assez de tableaux pour en sauver quelques-uns; on ne lui en a refusé que onze, onze marines destinées, là est le plaisant, au musée de Versailles! Nous n'y echapperons pas. M. Maindron, le consciencieux artiste, a été exclu, c'est d'usage, ainsi que dixhuit élèves de M. Rudde, refusés parce qu'ils sont élèves de M. Rudde, et parce que M Rudde serait refusé lui-même. En revanche, MM. Bidault, Blondel et Picot ont accueilli avec une paternelle indulgence cinq à six cents croûtes effroyables que recommandait à leurs yeux une rassurante nullité. Peinture.-L'événement le plus important de cette exposition, c'a été la rentrée brillante de M. Ary Scheffer. Sept toiles, dout quelques-unes fort remarquables, composent l'envoi de ce peintre. Faust et Margarethe, le Christ et les saintes Femmes, témoignent d'une direction sérieuse. Saint Augustin conversant avec sainte Monique (no 1601 ) serait un chef-d'oeuvre si le mysticisme était une religion. A force d'épurer son expression, à force de creuser sa pensée, M. Scheffer est arrivé dans cette toile aux dernières limites de la spiritualité. A ce point, les corps s'effilent, les lignes s'amaigrissent, les couleurs de la vie pâlissent; encore un peu, et la chair disparaîtrait. Saint Augustin et sainte Monique sont des âmes peintes. Ce raffinement de l'expression, si habituel aux Allemands, et qui a été poussé jusqu'au bout par l'école impuissante d'Overbeck, cet amoindrissement de la forme ne vaut rien pour la peinture. Le Saint Paul du Poussin, la Vierge mère de Rubens, n'en sont pas moins sublimes, pour laisser deviner le sang et la vie à travers leur extase ou leur douleur divine. Quoi qu'il en soit, on ne tombe dans de semblables erreurs qu'à la condition d'être un penseur et un artiste de premier ordre. Un portrait de M. Lamennais, par M. Scheffer, nous a semblé complètement manqué comme expression. Ce n'est pas là cet esprit inquiet, ce chercheur sombre et faussement naïf, cet enthousiaste mobile qui apporte dans sa poursuite du bien une passion sauvage et des haines profondes. La plus grande toile, la plus regardée, la plus admirée, c'est la Bataille d'Isly, de M. Horace Vernet. C'est toujours la même brutalité d'imitation, la même vérité vulgaire, le même défaut d'ensemble, Dans quel pays se passe cette scène aussi amusante qu'une estampe? C'est ce qu'on ne peut deviner en voyant ce ciel blafard et ces tons froids répandus sur toute la toile. Il est juste de dire que cela est fait avec un entrain, un métier, une facilité inconcevables. Deux toiles d'artistes sérieux sont celles de M. H. Flandrin, un portrait de femme, et de M. Amaury Duval. Cette dernière surtout, un portrait de femme vêtue de bleu (no 15), est une adorable peinture d'une sobriété, d'une finesse, d'une profondeur, d'une pureté indicibles. L'école flamboyante et ses produits kaleidoscopiques font un singulier con traste avec ces œuvres calmes et sévères. A la tête des fantaisistes, se place M. Decamps, représenté par une Salle d'asile en Asie Mineure, un Retour du berger, et deux paysages turcs. C'est toujours ce même soleil aveuglant, ces murailles si merveilleusement empâtées, cette eau semblable à de la chaux liquide, cette richesse fulgurante de couleurs et cette rondeur de poses, qui distinguent l'illustre peintre. Un peu d'étude ferait peut-être des qualités de ces défauts, élèverait peut-être à la hauteur des grands maîtres cette crânerie amusante et pleine de vigueur; mais M. Decamps étudie peu et se contente trop souvent, lorsqu'il étudie, de s'étudier lui-même. M. Eugène Delacroix est placé, on le sait, par quelques-uns au faite de la peinture moderne; c'est le dieu parlant au milieu des nuages et qui cache sa face pour ne pas aveugler les faibles mortels. La Barque, le Mas sacre de Chio, la Médée, ces violentes débauches de pinceau, esquisses pleines de couleur et d'inexpérience sauvage, avaient fait présager autrefois à certaines gens la venue d'un grand peintre. Ce peintre, hélas! se nomme aujourd'hui M. Delacroix, et se moque impitoyablement du public, de lui-même, et surtout de ses entêtés admirateurs. Une Rebecca enlevée par Bois-Guilbert ( no502 }, les Adieux de Roméo et Juliette, et Marguerite à l'église, nous sembient, à nous qui ne sommes pas initiés sans doute, des pochades burlesques brossees en dépit de toute forme, et, quoi qu'on dise, de toute couleur. Comme pour faire mieux deviner une plaisanterie, sous ces enseignes de cabaret, M. Delacroix exposait en même temps une charmante aquarelle finie! non pas léchée, fièrement dessinée, représentant un Lion couché, un vrai lion qui abat un serpent de sa griffe puissante (no 1915). On dit que M. Eugène Delacroix prépare en silence la foudre dont il doit, un de ces jours, terrasser l'envie et l'ignorance. Cette arme céleste se forge à la Chambre des pairs, et la coupole peinte par le maître doit surpasser, dit-on, tout ce qui se fait ou se fera. Attendons. L'école brillante, qui se préoccupe moins des formes que de la lumiere, n'a pas de disciple plus hardi que M. Diaz. Des amours étincelants dans un rayon de soleil, comme les luccioles par les belles nuits d'Afrique; des femmes nues d'un rose impossible, mais charmant; des feuilles d'arbre fauves et impénétrables, des gazons luxuriants de toutes les couleurs, l'abus, l'excès, le libertinage de la couleur, voilà M. Diaz. Il faut une attention scrupuleuse pour démêler quelque chose de vivant dans ce chaos lumineux, et pourtant l'œil ébloui se laisse charmer par ce rêve du coloriste. M. Célestin Nanteuil, lui aussi, est un coloriste; mais au moins, dans sa Bacchante, on voit ce qu'il a voulu faire, et si ses bacchantes et ses satyres sont bien moins des demi-dieux enivrés de ténédos ou de chio que de vulgaires compagnons largement im bibes de vin bleu, au moins y a-t-il dans cette orgie une verve et une vérité peu communes. Le libertinage du pinceau, lorsqu'il n'est pas soutenu par une couleur vraie, par un talent réel, produit des fadeurs nauséabondes, des enluminures vivement goûtées du public pour leur apparence coquette et léchée. Ainsi M. Muller a, dans sa Primavera, fait un digne pendant à ce Décameron célèbre dont le malheureux auteur est réduit aujourd'hui à brosser des Victoria rose vif et des Prince Albert du plus beau violet. Rien n'est triste comme la fausse élégance, comme la grâce fardée. Une école bien différente est celle des réalistes. Ceux-là peignent brutalement la nature comme ils la voient: peut-être même lui ajoutent-ils quelque peu de crasse et de volgarité, de peur qu'on ne la croie pas sincère. Ce défaut-là vient au moins d'une qualité sérieuse. MM. Armand et Adolphe Leleux, M. Hédouin, M. Guillemin, M. Penguilly-Lharidon, procèdent de cette manière qui n'exclut pas la finesse. li y a toujours quelque chose de bon à gagner avec la nature, en copiât-on scrupuleusement les immondices. Les Contrebandiers espagnols et les Faneuses de la basse Bretagne, par M. Adolphe Leleux, sont le chef-d'œuvre de ce genre impitoyablement vrai. Nous avons rencontré dans quelque coin du Bocage ces horribles villageoises, courtes, ramassées, sordides, tannées, marchant lourdement dans les plaines; cela est trop vrai, L'école réaliste donne, pour le paysage, des résultats satisfaisants. l'homme, vu de trop près et comme il est, est bien souvent peu digne d'être reproduit sur une toile; mais où est le site si sombre, si horrible, le coin de terre si ingrat, si pelé, qui n'ait sa beauté propre. Imiter, même sans élévation, c'est souvent pour un paysagiste la condition de bien faire. Sans doute, nous préférons l'austère passion de M. Cabat, l'inexpérience naïve de M. Corot, à une étude consciencieuse, mais vulgaire; mais dans des terrains rendus comme ceux de M. Troyon, dans les plages si vraies de M. Hoguet, dans les troupeaux si honnêtes de mademoiselle Rose Bonheur, il y a une sincérité si grande qu'elle nous satisfait plus que les paysages les plus vantés du Poussin. Nous n'avons jamais pu rien comprendre au paysage com posé, comme en font avec tant de patience MM. Paul Flandrin et Desgoffe. En dehors de ces directions differentes, on trouve toujours quelques rares intelligences qui se cherchent avec plus ou moins de bonheur. Ainsi M. Papety, renonçant, pour cette fois, aux rêves de l'école phalanstérienne, nous apporte une consciencieuse et lourde étude intitulée Solon décrétant ses lois. M. Glaize continue à répandre un peu au hasard, sur des formes encore indécises, la brillante poésie d'une imagination jeune et ardente. Deux jeunes gens inconnus ont débuté cette année d'une manière assez remarquable: le premier, M. Kwiatkowski, par des Sirènes (no 1034), composition originale, Cans un vrai style de ballade allemande, mais sans recherche; le second, M. Varcollier, par un Evanouissement de la Vierge. Il y avait, dans cette toile pleine de mélancolie et d'un grand style, la promesse d'un artiste élevé; mais, comme tant d'autres, M. Varcollier est mort trop tôt. On ne fait pas de la peinture que pour le musée, et la peinture monumentale est chaque jour plus à la mode. M. Blondel, le féroce exécuteur du jury, a donné dans quelques peintures faites sur la coupole de Saint-Thomas d'Aquin la mesure de son talent. Cela est froid, criard de tons, inintelligent de composition, comme il est convenable pour un homme qui juge si fièrement les autres. M. Amaury-Duval termine les fresques de la chapelle de la Vierge à SaintGermain-l'Auxerrois, et M. Motret y étale sous le porche et à l'air lib de curieuses imitations très-religieusement senties de la vieille peinture catholique. Nous avons revu, aux galeries du bazar Bonne-Nouvelle, quelques-uns de ces tableaux déjà vieux de l'école moderne qui forment avec l'exposition annuelle un contraste plein d'enseiguements. Là étaient onze toiles de M. Ingres, ce maître de génie qui depuis trop long emps se complaisait dans la solitude de l'amour-propre offensé. M. Horace Vernet y avait envoyé Judas et Thamar, Rebecca et Eliezer. Aujourd'hui que le sentiment vrai de l'antiquité inspire quelques rares artistes, c'est un curieux spectacle que celui d'un talent facile jus qu'à l'excès, interprétant à la moderne les grandes scènes de la Bible. Il y avait la Richelieu, Mazarin, et la Mort de Guise, histoires froides et léchées dues au pinceau lent et patient de M. Paul Delaroche, une grande réputation d'autrefois; le Tintoret peignant sa fille morte, vigourense toile de M. Léon Coignet; Dante et Virgile, hallucination ultra-romantique de M. Ary Scheffer. L'exposition du boulevard BonneNouvelle nous a fait remonter jusqu'aux glorieux préludes de l'école moderne. Louis David y était représenté par une magnifique toile tout étrangère aux habitudes emphatiques et antinaturelles de son talent, Marat assassiné dans son bain. Malheureusement, à côté de ce chef-d'œuvre, il fallait voir une déplorable Mort de Socrate, une Diane et Endymion, et ce malencontreux Napoléon, tant de fois reproduit par la gravure, qui se cabre si solennelle ment pour enjamber le Saint-Bernard. Des Guérin, des Gros, des Gérard, des Girodet, y servaient de repoussoir à une chaude esquisse de Géricault, l'Engagement de cavalerie, et au Brigand italien de Léopold Robert. Sculpture.-Le morceau le plus remarquable exposé cette année est, sans contredit, la Poésie légère (no 2222), de M. Pradier. On y retrouve cette habileté de main qui distingue le grand sculpteur, et cependant peut-être estelle là à un degré moindre que d'ordinaire. C'est toujours la grâce du païen de la décadence, mais, à coup sûr, ce n'est pas une grâce sans afféterie. Il y a, dans ce corps qui ondule et fuit les yeux, l'absence de cette ligne unique qui est la première beauté des marbres antiques. La Poésie légère, qui pourrait tout aussi bien être une nymphe ou tout autre chose, a quelque chose de contourné et d'étriqué à la fois. Malgré d'admirables détails, il est impossible de ne pas être choqué par quelque chose de grêle et par des défauts matériels d'un ordre assez vulgaire. La Phryné valait cent fois mieux. M. Pradier travaille vite et il fait beaucoup. Son exposition se compose encore d'une statue assise du Duc d'Orléans, avec bas-reliefs, et de deux bustes et statues de Jouffroy et de M. Paillet. Le prince royal est rendu avec bonheur; c'est incontesta blement la meilleure statue qui en ait été faite, et M. Marochetti a des raisons suffisantes pour la trouver détestable. Le Jouffroy est d'une belle expres sion. Nous avons remarqué encore deux figurines en bronze, tiers-nature, honnetes études de l'antiquité, qui témoi gneut chez M. Pradier d'une de ces passions sérieuses pour l'art qui survivent au succès et à la fortune. Une Mater amabilis (no 2210), de M. Ottin, quoique complétement depourvue d'expression religieuse, indique un travail consciencieux et de fortes études. Mais pourquoi donc faire des vierges quand rien n'y force, et qu'on n'y comprend pas plus que M. Ottin. M. Clesinger est en voie de progrès, dlt-on; il s'agit de s'entendre: si c'est du progrès matériel, peut-être, en effet, y a-t-il dans ses œuvres d'a: jourd'hui plus de métier que dans celles d'hier. Son marbre est plus gras qu'au trefois, sans doute, mais c'est là une qualité de praticien et de polisseur qui nous intéresse médiocrenient. M. Ciesinger nous annonce une Mélancolie, et nous cherchons une mélancolie; nous ne trouvons qu'une femme d'une tristesse maniérée, assez incorrectement dessinée, assez finement modelée, en somme, une grande statuette. Le Faune enfant, du même auteur, est aussi recherché dans sa pose, et trahit une grande inexpérience de dessin. M. Clesinger pourrait ben dans cette voie, devenir un élégant sculpteur de genre. De M. Duret, le charmant auteur du Mercure et du Danseur, nous n'avons eu cette année qu'un buste de femme, dans lequel on retrouve les solides qualités d'un maitre. Nous sommes heureux de signaler deux débuts remarquables. C'est chose si rare! M. Deligand aborde le musée avec deux statues, un Flûteur écon tant l'écho et une Jeune fille con sultant une marguerite (no 2150, 2151). Ce sont là deux études consciencieuses, antiques sans pastiche, antiques comme les idylles comprises dans la manière d'André Chénier. Le flûteur est d'une homme et saive naïveté. Le Faune de M. Clesinger, qui est un faune de bonne maison, trouverait à coup sûr ce herger-là fort stupide. La jeune fille a de char |