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près semblables à celles de notre proposi- | le faire lorsqu'il s'agira des plus considé- | gues ont pensé, du moins, que la forme

tion de loi, un arrêt de mise en accusation. rables intérêts dont une cour de justice ait que nous donnions à la mise en accusation, Cet arrêt statue sur le sort de 75 inculpés jamais à s'occuper! Cela ne supporte pas, que l'organisation que nous vous propocompris dans l'instruction. Que fait-il? Il je le crois, un examen véritablement sé- sions d'en faire, n'était pas celle à laquelle prononce un non-lieu en faveur de 42 de rieux. Et ce qui nous a ancrés dans l'idée on devrait s'arrêter. L'honorable M. Bar

ces 75 inculpés et une mise en accusation | à laquelle nous sommes attachés et dans | doux, notamment, ainsi que les honorables

qui ne porte que sur 33 d'entre eux.

Vous voyez combien il circonscrit le champ des procès, combien il simplifie l'affaire en réduisant le nombre de ceux qui y restent impliqués.

Voici maintenant un arrêt de mise en accusation dans le procès d'avril 1834.

laquelle nous persistons malgré les obser- | MM. Trarieux et Bérenger ont formulé des

vations qui ont été présentées par M. le garde des sceaux, c'est que, en outre des arguments que je viens d'exposer aussi brièvement que possible au Sénat en faveur de ma thèse, nous avons constaté que la manière de procéder que nous adoptions était

cédents français et les précédents étrangers par nous consultés.

Ce que nous vous demandons de voter, c'est la procédure suivie à la cour des pairs, non pas une fois, deux fois, dix fois, mais toujours; c'est ce qui a été proposé dans les principaux projets de lois présentés sous le régime des Chartes, pour la réglementation de la procédure à suivre devant la cour des pairs; c'est ce que nous retrouvons dans les précédents étrangers, notamment dans le règlement judiciaire du Sénat italien.

Il y avait à la suite de l'information à la- | celle-là même que consacraient et les préquelle ce grand procès donna lieu 443 inculpés qui pouvaient avoir à répondre de leur conduite devant la cour des pairs. L'arrêt de mise en accusation qui porte sur un nombre considérable d'inculpés, 443, écarte de l'affaire dès le moment où il est rendu 280 inculpés en faveur desquels il déclare qu'il n'y a pas lieu à suivre! Il ne retient pour être soumis au jugement que 143 personnes. Vous voyez quelle simplification résulte de ce premier travail : au lieu d'avoir affaire à 443 accusés qu'il aurait fallu juger avec plaidoiries, avec dépositions de nombreux témoins à l'audience pour chacun d'eux, il n'en reste plus que 163, c'est-à-dire moins de la moitié!

Vous citerai-je d'autres chiffres? Envoici quisont de l'affaire dite «attentat du 15 octobre 1840», attentat de Darmès contre la vie du roi Louis-Philippe. Le 11 mai 1841, intervient un arrêt sur la mise en accusation. II concerne 11 inculpés. Au profit de combien d'entre eux prononce-t-il le non-lieu? Au profit de 8, c'est-à-dire de plus des deux tiers!

Ici encore vous voyez la simplification qui résulte pour les débats ultérieurs de la formalité de la mise en accusation!

Voilà des faits probants, semble-t-il, et plus forts que tous les raisonnements. Eh bien, c'est parce que ces faits nous ont touchés que nous nous sommes attachés à maintenir la procédure qui, dans le passé, leur a permis de se produire.

Si l'on n'observait pas cette procédure, si l'on supprimait la formalité dont je me fais ici le défenseur, qu'arriverait-il ? Le décret constitutif du Sénat en haute cour de justice pourrait être en quelque sorte assimilé, à bien des égards, à ce que, en matière correctionnelle, on appelle la citation directe.

Par le seul fait du décret qui nous saisit, les inculpés désignés dans le décret ou tout au moins ceux qui seraient compris dans l'information ouverte en suite du décret, devraient tous être conservés dans le procès jusqu'au jugement rendu par le Sénat. Alors, vous voyez d'ici le nombre beaucoup plus considérable d'examens individuels que nous aurions à faire dans le jugement à rendre.

Bien plus, la Constitution elle-même, en outre des arguments que je viens de rappeler, nous convie à persister dans le système d'une mise en accusation précédant le jugement.

Que dit, en effet, la Constitution?

Vous savez, messieurs, quels en sont les termes; je n'ai pas sous la main mon rapport, qui en contient le texte même; mais vous savez que l'article 9 de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 dit que le Sénat est appelé « à connaître >> des attentats contre la sûreté de l'Etat.

Or, que veut dire « connaître? >>>

Un éminent jurisconsulte qui s'est occupé de la question qui nous intéresse en ce moment, dans un journal que nous avons tous lu, faisait remarquer, il y a quelques jours, dans un très intéressant article, que <<< connaître » c'est instruire, mettre en accusation et juger.

Les termes de la Constitution sont donc dans le sens du système que nous vous proposons, et l'article 12 de la loi du 16 juillet 1875 constitutionnelle aussi cellelà abonde dans le même sens, puisque, parlant de l'organisation de la procédure que nous avons effectivement à organiser en ce moment, il dit qu'une loi réglera ce qui concerne l'accusation, l'instruction et le jugement.

objections contre la mise en accusation par le Sénat tout entier, et ils ont déposé des amendements qu'il faut examiner.

Je puis le faire, soit en répondant à l'argumentation qui sera développée par les auteurs de l'amendement, soit en prenant les devants et en vous disant, dès maintenant, les raisons qui nous ont décidés.

Puisque je suis à la tribune, le Sénat pensera peut-être qu'il convient de m'expliquer tout de suite sur l'amendement de MM. Bérenger, Bardoux et Trarieux... Je suis, à cet égard, entièrement à sa disposition. (Parlez! parlez!)

Nos honorables collègues nous ont fait grand grief de ce que pour la mise en accusation nous faisons fonctionner le Sénat tout entier aussi bien que pour le jugement. Ils s'arment contre notre système des dispositions de l'article 257 du code d'instruction criminelle. C'est un principe, disent-ils, que les juges qui ont statué sur la mise en accusation ne doivent pas connaître du jugement.

L'expression de ce principe est déposée dans l'article 257 du code d'instruction criminelle, vous allez à l'encontre de ce principe, vous faites statuer par le Sénat tout entier sur la mise en accusation.

Ce n'est pas discutable; nos honorables collègues ont parfaitement raison, nous allons à l'encontre de ce principe. Mais la question est de savoir si, dans les conditions spéciales où nous nous trouvons, il faut appliquer ce principe ou s'il en faut appliquer un autre.

Eh bien, quelque chose nous a vivement frappés dans l'organisation de la procédure devant le Sénat en cour de justice, c'est que l'une des principales garanties qu'on rencontre devant cette juridiction tient au nombre de juges qui la composent, tient à ce que dans ce nombre considérable de juges on compte des représentants de toutes les opinions politiques, on trouve des représentants de tous les partis.

Et alors nous disons: Grâce à ce nombre considérable, grâce à cette représentation de toutes les opinions politiques qui s'y rencontrent, les inculpés, quels qu'ils soient, lorsqu'ils paraîtront devant le haut tribunal tout entier, y puiseront des garanties résultant expressément de sa composition, de son grand nombre et de la division entre les divers partis qui s'y trou

Je sais bien qu'on a essayé de faire des distinctions en ce qui concerne la procédure relative au Président de la République et aux ministres d'une part, pour laquelle on reconnaît qu'il faut accusation, instruc-vent représentés: car, à quelque opinion Voici maintenant une autre affaire, l'attentat du 13 septembre 1841, attentat contre la vie des ducs d'Aumale, d'Orléans et de Nemours, et complot ayant pour but de changer la forme du Gouvernement. L'arrêt de mise en accusation (du 18 novembre 1841) retient 17 inculpés. Le 23 décembre de la même année, arrêt prononçant le jugemeut. Combien d'inculpés sont condamnés? Combien sont acquittés? Sur 17.5 sont acquittés, 12 seulement sont condamnés.

tion et jugement, et la procédure relative aux personnes inculpées d'attentat contre la sûreté de l'Etat.

Mais ces distinctions, qui peuvent avoir

A quelles inextricables difficultés la cita- | leur caractère séduisant, subtil, ingénieux,

tion directe ainsi comprise ne nous mènerait-elle pas? Ne savez-vous pas que, même en matière correctionnelle, dans bien des cas le ministère public et là où les choses sont beaucoup plus simples et portent sur des difficultés infiniment moins graves - le ministère public hésite beaucoup à faire usage de la procédure de la citation directe? Ne savez-vous pas, alors même qu'elle est précédée d'une enquête officieuse remplaçant l'instruction, ne savezvous pas à quelles surprises elle expose à l'audience? Ignorez-vous que pour peu qu'une affaire correctionnelle présente de complications ou d'importance, le parquet renonce à la citation directe et saisit le juge d'instruction?

Eh bien, ce que le ministère public hésite à faire lorsqu'une affaire correctionnelle a

ont un grave défaut, c'est qu'elles ne sont pas contenues dans la loi. Or, vous le savez, messieurs, c'est un principe qui est aussi vrai quand il s'agit des lois constitutionnelles que quand il s'agit de la loi ordinaire, - là où la loi n'a pas distingué, nous ne devons pas nous-mêmes faire de distinctions.

Il y a donc de nombreuses raisons, soit tirées de l'examen direct de la question, soit tirées des précédents, soit tirées de la Constitution elle-même, pour maintenir les formalités de la mise en accusation.

Voilà la réponse que j'avais à faire au nom de votre commission à l'argumentation présentée par M. le garde des sceaux.

Si le principe de la mise en accusation, dans la procédure suivie devant le Sénat, n'a jusqu'ici rencontré que lui d'adversaire

quelque importance, on nous demande de I dans cette Assemblée, certains de nos collè

politique qu'appartiennent les inculpés, ils seront sûrs de trouver dans le Sénat une opinion qui correspond à la leur, ou tout au moins à laquelle la leur se rattache, et parmi les représentants de cette opinion ils auront des défenseurs-nés; ils auront la certitude de trouver des avocats dans le sein même du tribunal.

Il y a là une garantie du plus haut prix, garantie qui n'est pas moins utile lorsqu'il s'agit de prononcer sur la mise en accusation que lorsqu'il s'agit de prononcer sur le jugement.

Si cette garantie est utile en ce qui concerne la mise en accusation, nous devons nous efforcer de l'assurer dans la plus large mesure possible aux inculpés. Or, le meilleur moyen de la leur donner dans son intégralité, c'est de faire que le Sénat tout entier prononce sur la mise en accusation.

Ainsi, d'un côté, la garantie de l'article 257 frappe beaucoup MM. Bardoux, Bérenger et Trarieux; de l'autre, la garantie propre, spéciale à l'organisation même même de la haute juridiction qu'il faut faire fonc-1 tionner, frappe plus particulièrement la commission. Il n'est pas possible de réaliser à la fois ces deux garanties; il faut faire un choix: ou bien ce sera la garantie, je ne dirai pas banale, mais la garantie générale du code d'instruction criminelle, article 257, que nous appliquerions ici par analogie en sectionnant le Sénat: une partie chargée de la mise en accusation, une autre chargée du jugement; ou bien la garantie qui dérive de l'analyse propre, de la nature particulière de la juridiction du Sénat. C'est celle-là que nous avons choisie, c'est à celle-là que nous nous sommes rattachés.

On nous dit bien, il est vrai, insistant sur les raisons qui ont fait insérer l'article 257 du code d'instruction criminelle dans nos lois, que la conséquence du système que nous adoptons c'est de faire prononcer deux fois les mêmes juges sur le même procès. On ajoute: Par cela seul qu'ils auront prononcé une première fois, ils ne seront plus complètement indépendants. II y aura de leur part un préjugé sur l'affaire. Je crois que cette argumentation, qui a une certaine valeur, on l'exagère cependant beaucoup. Deux fois, sans doute, le Sénatse sera prononcé sur l'affaire, deux fois ce seront à peu près les mêmes juges. Je dis « à peu près », car le Sénat ne sera pas nécessairement composé de la même manière quand il se prononcera sur la mise en accиsation et quand il en viendra au jugement; mais il prononcera, remarquez-le, dans des conditions profondément différentes. Dans un cas, lorsqu'il s'agit de statuer sur la mise en accusation, le Sénat juge sur pièces, en chambre du conseil, sans avoir entendu publiquement les témoins et la défense; il juge sur des apparences et des indices.

Au contraire, quand il s'agit du jugement, vous savez que c'est à la suite d'un débat public, et éclairé par la lumière qu'il aura jetée sur toute l'affaire, que le Sénat se prononce. Dans ces deux cas, le Sénat aura à statuer dans des conditions absolument différentes.

L'étude de la mise en accusation, quand le Sénat tout entier y procède, pourrait être comparée à la procédure de la prise en considération en matière législative. C'est le ministère public qui introduit une demande devant le Sénat. Eh bien, le Sénat étudiera si cette demande présente des indices, des présomptions suffisantes pour qu'il y ait lieu d'en poursuivre l'examen plus à fond; absolument comme quand on nous soumet une proposition de loi: nous examinerons si elle est suffisamment plausible et raisonnable et s'il y a lieu de l'étudier plus à fond.

Et de même que lorsque nous avons pris une proposition de loi en considération, nous ne sommes pas engagés par cela même à en voter plus tard le fond, de même, par cela seul que nous aurons voté la prise en considération de la demande introduite par le ministère public, nous nous serons simplement engagés à l'examiner plus à fond, plus mûrement, dans des conditions différentes, qui nous permettent de mieux connaître l'affaire. Nous ne nous serons pas engagés à condamner par cela seul que nous aurons prononcé la mise en accusation; et qu'il me soit ici permis une fois de plus de substituer les faits dans leur réalité, les faits vécus, au raisonnement de pure logique et de pure doctrine.

On dit: Par cela seul que le Sénat tout entier aura voté la mise en accusation, le Sénat se sera pour ainsi dire engagé à prononcer une condamnation; mais voici les faits:

des pairs; affaire Barbès et autres. Arrêt d'accusation du 12 juin 1839. Je vois 19 inculpés qui sont mis en accusation; on en écarte, dans l'étude de la mise en accusation, un certain nombre qui sont l'objet d'un arrêt de non-lieu; 19 sont retenus, 19 sont l'objet d'une mise en accusation. Or, sur ces 19, j'en vois plus tard, le 12 juillet 1839, 4 qui sont l'objet d'un arrêt d'acquittement. 4 sur 19, c'est une proportion considérable, au moins égale, supérieure peutêtre à celle que nous fournissent parfois les statistiques en matière criminelle ordinaire.

Voici l'attentat du 15 décembre 1840,

Eh bien, quelles seront les conséquences? Tout d'abord les garanties que nous trouvions dans le nombre des juges, dans leur répartition parmi les différents partis politiques qui peuvent exister dans le pays, vont diminuer forcément. Si vous ne formez la chambre d'accusation que d'un petit nombre de sénateurs, il sera bien difficile que vous retrouviez parmi eux la représentation proportionnelle des différentes opinions politiques qui se partagent le Sénat.

Il y a là presque impossibilité matérielle; par conséquent, la garantie qui a plus particulièrement touché la commis

hilée. Comment ferez-vous d'ailleurs le sectionnement du Sénat en chambre, en commission d'accusation peu importe la dénomination que vous donnerez et en chambre de jugement?

l'affaire Darmès dont je vous entretenaission est ici à peu près complètement annitout à l'heure: le 11 mai 1841, arrêt de mise en accusation, non-lieu en faveur de 8 inculpés, 3 inculpés seulement mis en accusation par la cour des pairs réunie tout entière en chambre du conseil. Com bien sont condamnés sur ces 3 inculpés? Un seul!

Voilà des faits qui parlent plus haut, je crois, que toutes les théories. Ce sont des faits qui ne peuvent pas être et qui ne sont pas contestés. Ils prouvent une chose, c'est que l'argumentation tirée de l'article 257 ne s'applique véritablement pas autant qu'on voudrait bien le dire, et qu'en réalité le préjugé résultant de la mise en accusation par le Sénat tout entier n'est pas un de ces préjugés auxquels on devra s'arrêter comme devant une barrière infranchissable qui empêche de prendre une solution contraire au principe de l'article 257.

Nous sommes, je crois, en général, je pourrais même dire: nous sommes tous suffisamment éclairés pour savoir distinguer ce qu'est la mise en accusation et ce qu'est le jugement; ce qu'il faut exiger pour prononcer la mise en accusation et ce qu'il faut exiger pour prononcer la condamnation.

Dans un cas les indices suffisent, dans l'autre il faut des preuves. Et il n'y aurait rien d'inconciliable entre ces deux faits: le même tribunal prononçant la mise en accusation de tel individu et rendant plus tard, à l'égard du même individu, un arrêt d'acquittement.

L'argumentation tirée du préjugé qui découle de la mise en accusation est donc une de ces argumentations dont on s'exagère peut-être trop facilement la valeur.

D'ailleurs, messieurs, il ne faut pas oublier que, dans la matière qui nous occupe, comme en toute autre, la critique est aisée, mais ne suffit pas. Il ne suffit pas, en effet, de démolir, il faut encore construire. Notre système peut avoir des inconvénients, et il en a assurément, y substituerez-vous?

mais quel système

Vous ne pourrez guère opérer cette division que par un de ces deux moyens: ou le sort ou le choix, soit que le choix résulte d'une désignation faite par tel ou tel, comme par le président du Sénat, par exemple, soit qu'il résulte d'une élection.

Voyons ce qui concerne la désignation par le sort. Rien n'est plus aveugle que le sort, et l'un des effets du tirage au sort pour nommer la chambre des mises en accusation pourra être, dans bien des cas, d'écarter du nombre de ceux qui doivent étudier l'accusation à peu près tous les hommes compétents.

Il y a parmi nous des juristes, il y a des industriels, des commerçants, des rentiers; ce sont, semble-t-il, surtout des juristes qu'il serait désirable de voir dans la chambre des mises en accusation.

Prenez une chambre de dix membres, comme l'honorable M. Bérenger propose d'en désigner une. Si c'est le sort qui les désigne, dans ces dix membres nous pouvons ne pas trouver un seul jurisconsulte...

Quelque chose de pis pourrait se réaliser : ce serait que le sort composât la commission restreinte comme celle qu'on nous propose de désigner d'adversaires de celui ou de ceux qu'il s'agit de juger. Voici pour le choix par le sort.

Mais examinons la désignation par l'élection. Avec la désignation par l'élection, forcément, inévitablement, quoi qu'on fasse, dans les procès comme ceux dont il s'agit en ce moment, votre eommission ne serait rien autre chose que la représentation exclusive de la majorité politique du Sénat.

La représentation à un degré quelconque des minorités, représentation utile, nécessaire même, dirai-je, pour servir de garantie aux inculpés, aurait complètement disparu; il n'en serait plus question.

Eh bien, messieurs, n'est-ce pas là un argument considérable contre le système de l'élection?

Je sais bien que l'honorable M. Bérenger ne parle pas d'élire la commission chargée de la mise en accusation; il nous dit: Cette commission sera désignée par le président. Certes, nul plus que moi, messieurs, n'est convaincu de l'esprit d'impartialité du collègue qui préside à nos débats; je suis convaincu qu'il s'efforcerait, s'il était chargé de la désignation qu'on le convie à faire,

Et si vous arrivez à substituer un sys-d'exercer le louable esprit d'impartialité

tème au nôtre, votre système n'aura-t-il pas, lui aussi, ses inconvénients égaux et peut-être supérieurs j'estime qu'ils ie sont à ceux que vous relevez dans la proposition par nous formulée?

Si, étant donné qu'on admet le principe de l'étude de la mise en accusation par le Sénat, ce n'est pas le Sénat tout entier qui prononce sur la mise en accusation, ce sera une section, une portion de cette Assemblée, formant le dixième, le quart, le hui

Attentat du 13 mai 1839, jugé par la cour | tième ou la moitié, etc...

que nous lui reconnaissons tous; mais ce serait une tâche pénible, difficile, délicate, que vous lui imposeriez. Il lui serait bien difficile, quelque valeur qu'eussent les désignations qu'il serait amené à faire, d'échapper à de nombreuses critiques.

Voulez-vous le mettre dans cette situation?

Et puis nous ne légiférons pas pour aujourd'hui seulement, et nous ne sommes pas assurés d'avoir toujours des présidents animés d'un égal esprit de justice.

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Veut-on donner à une commission, à un petit nombre de sénateurs un semblable pouvoir? S'il s'agissait d'une décision d'incompétence rendue par cette commission spéciale, qui ne voit qu'il y aurait là, par le fait d'une petite partie du Sénat, l'exercice d'un pouvoir qui ne peut appartenir qu'au Sénat tont entier? car il s'agit ici du pouvoir de juger. Et qui ne sait que le pouvoir de juger ne se délègue pas?

Vos commissaires, messieurs, tout autant que nos honorables collègues, auraient été heureux de pouvoir donner satisfaction aux scrupules qui les animent; mais, après mur examen, ils n'ont pas cru que celaleur fût possible, et je viens de vous en donner

les raisons.

D'ailleurs la difficulté soulevée par l'amendement de M. Bérenger n'est pas une difficulté nouvelle: l'article 257 du code d'instruction criminelle, le principe qu'il consacre ne datent pas d'aujourd'hui; ce principe est vieux comme le code d'instruction criminelle, plus vieux même, et la difficulté que nous envisageons en ce moment, nos prédécesseurs l'avaient rencontrée, eux aussi.

La cour des pairs aurait été, aussi bien que nous-mêmes, désireuse de se conformer à l'article 257; et cependant, malgré les objections qu'on en pouvait tirer, elle n'a pas hésité, elle qui comptait dans son sein des jurisconsultes de la plus haute valeur, à décider qu'elle prononcerait tout entière sur la mise en accusation aussi bien que sur le jugement.

Les raisons qui militent en faveur de cette pratique sont données en des termes excellents dans le rapport présenté en 1836 par le baron Mounier à la Chambre des pairs.

Je vous demande la permission de les placer sous vos yeux. Les voici :

On avait pensé qu'il serait avantageux de diviser la cour de manière qu'une section formât la chambre d'accusation et l'autre la chambre de jugement. Par ce

moyen on obtiendrait justice plus facilement et plus promptement. La chose publique y gagnerait que la Chambre des pairs serait moins longtemps détournée de ses fonctions législatives, et quant à ceux qui seraient traduits devant la cour, ils obtiendraient ce double de degré de jugement assuré par nos lois ordinaires à tous les eitoyens accusés d'un crime. »

La commission a examiné cette question avec le plus grand soin.

« Elle est arrivée à cette conclusion qu'il n'y avait pas lieu de diviser ainsi la Chambre en deux sections, l'une d'accusation, l'autre de jugement.

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« Le sort? C'est le plus aveugle et le plus capricieux des électeurs. Il se pourrait faire, un jour, que les ennemis d'un accusé, les adversaires les plus prononcés du système d'opinions sous l'impulsion duquel un attentat paraîtrait avoir été conçu, s'y trouvassent réunis; un autre jour, que les pairs les moins défavorables à ce système siégeassent dans la section d'accusation, sans contradicteurs qui pussent les forcer à examiner et à ne pas céder au premier entrainement d'une prévention trop indulgente.

«L'intérêt des accusés et celui de la dispensation de la justice repoussent également la composition par la voie du sort. << Reste celle de l'élection. Et d'abord la tendance naturelle ne serait-elle pas de désigner les hommes les plus capables, les plus versés dans les matières judiciaires? La cour se trouverait par conséquent privée de leurs lumières au moment du jugement. Cet inconvénient ne saurait être légèrement traité.

« Que si, pour éviter ce danger d'écarter les juges les plus expérimentés, on concertait les choix afin de les conserver dans la chambre de jugement, la chambre d'accusation rassurera-t-elle suffisamment le prévenu et la société?

<< Je sais qu'on pourrait parer à cette difficulté en établissant que les pairs qui auront prononcé sur l'accusation n'en participeront pas moins au jugement; mais alors on n'aurait point le principal avantage que faisaient valoir les partisans de la division proposée.

<<Le jugement ne serait pas confié exclusivement aux pairs qui n'auraient pas pris part à la mise en accusation, qui se présenteraient dégagés de toute prévention. La première objection que nous avons signalée subsisterait d'ailleurs dans toute sa force; l'élection formerait évidemment une chambre d'accusation dans le sens de la majorité de l'Assemblée. Le prévenu n'aurait plus la chance d'être défendu par l'opposition des opinions. >>>

Ainsi, messieurs, pour me résumer, nous sommes en présence de deux systèmes : celui qu'a vingt fois appliqué la Chambre des pairs, qui vous apparaît en quelque sorte comme une loi qui a subi vingt délibérations successives, celui auquel, après la Chambre des pairs, s'est attachée la commission nommée par celle-ci en 1836, celui qu'a adopté plus tard le Sénat italien et dont votre commission, après une étude qui, je puis vous l'assurer, a été des plus consciencieuses, vous propose à son tour

l'adoption.

Vous avez, d'un autre côté le système de l'amendement de M. Bérenger et plusieurs de nos collègues. Il y a des argu

« Ce sont principalement des considérations tirées des difficultés et des inconvénients invinciblement attachés à l'exécution de la mesure indiquée, qui ont dé-ments pour le premier; il y a des arguterminé notre opinion.

« Messieurs, les tribunaux de différents ordres ont des conditions d'existence qui leur sont propres; il s'ensuit que les garanties qu'on veut y trouver ne sauraient être toujours de la même nature. On doit parfois s'écarter d'une analogie qui naîtrait des apparences extérieures et pénétrer plus au fond des choses.

<< La première garantie de la cour des pairs vient du grand nombre de juges et de la diversité des opinions politiques qui y sont représentées. (La cour des pairs à à

ments pour le second.

Je vous ai fait connaître - trop longuement peut-être pourquoi nous avons préféré le premier. A vous, messieurs, qui ètes les juges souverains, à vous de choisir entre les deux! (Très bien! très bien!)

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M. Trarieux. Cependant, les amendements deviendraient tout à fait inutiles si le Sénat se prononçait dans le sens de l'opinion émise par le Gouvernement et décidait qu'il n'y a pas lieu à la mise en accusation. Les amendements supposent le principe de la mise en accusation et ne sont, par conséquent, à discuter que si ce principe est admis. Il semble donc que la question posée par M. le ministre de la justice devrait être examinée la première.

M. le garde des sceaux. Je croyais qu'il était d'usage et même conforme au règlement de mettre les amendements aux voix avant la disposition principale. S'il en est ainsi, les amendements doivent être discutés d'abord, et l'on arrivera ensuite au texte de la commission.

Je suis, du reste, à la disposition du Sé

nat.

M. le président. On ne peut pas voter sur un principe (Approbation sur divers bancs), on ne peut voter que sur un texte. Or, les seuls textes que j'aie entre les mains sont d'abord la rédaction de la commission et ensuite les différents amendements.

M. Trarieux. Voulez-vous me permettre de poser la question, monsieur le président?

M. le président. La parole est à M. Trarieux.

M. Trarieux. Il me paraît certain, messieurs, que la question posée par M. le garde des sceaux a un caractère absolument préjudiciel.

A droite. Très bien!

C'est vrai!

M. Trarieux. M. le garde des sceaux а raison de dire qu'un amendement s'examine avant le texte du projet de loi; mais la proposition de M. le garde des sceaux n'est autre chose qu'un amendement au texte du projet de loi. (Nouvelles marques d'approbation.) C'est donc sur le texte

même que la discussion est engagée.

Or, que propose ce texte ? Il organise une mise en accusation dont M. le garde des sceaux conteste le principe; et, par suite, c'est bien ce principe qui, en bonne logique, doit être tout d'abord mis en question. L'ordre de la discussion doit done s'établir ainsi: Prononcons-nous en premier lieu sur la théorie du Gouvernement. Si vous l'écartez, messieurs, vous maintiendrez dans le projet de los le chapitre relatif à la mise en accusation, et nous aurons ensuite à statuer sur les amendements. Si vous l'adoptez, au contraire, nous aurons à passer à la discussion de ces amendements et à choisir entre eux et le texte de la commission. (Très bien!)

M. Demôle. M. le garde des sceaux ne fait pas de proposition. Il combat simplement le texte proposé par la commission. Je demande sur quoi la délibération va s'engager si M. le garde des sceaux est appelé à la tribune.

Un sénateur à droite. Nous allons le

M. le président. Il y a, messieurs, plu-voir! sieurs amendements sur l'article 9.

Il y a d'abord un amendement de MM. Bérenger, Bardoux et Trarieux; il y a ensuite un amendement de M. Lenoël...

M. Le Guen. Sur le chapitre 3, qui parle de la mise en accusation.

M. le garde des sceaux. Je Zenmande la

M. Trarieux. Est-ce que M. le garde des I parole.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Messieurs, il me paraît utile de bien poser la question d'ordre.

Lorsque j'ai pris la parole, à la dernière séance, j'ai demandé que les articles 9 à 16 inclusivement du projet de la commission fussent renvoyés à la commission. Quelles étaient mes intentions au sujet de ces textes? Je n'avais pas le moins du monde le dessein de les amender, je voulais en demander la suppression pure et simple. (Très bien! C'est cela!) Voilà bien quelle était ma prétention.

M. Lacombe. C'est l'amendement extrême!

M. le garde des sceaux. La pensée du Gouvernement, qu'on me permette de le dire, était donc absolument radicale. Elle tendait à cette solution: la suppression du

texte de la commission.

Eh bien, si je ne propose qu'une suppression, il va de soi que la question que je pose ne peut utilement être soumise à votre délibération que sur les textes mêmes que je vous demande de supprimer.

M. Lacombe. Et si l'on adopte les amendements?

M. Trarieux. Si l'amendement est voté, le texte est voté!

M. le garde des sceaux. Lorsque la discussion s'engagera sur le texte même dont je demande la suppression et que vous serez appelés à voter, vous vous trouverez en présence de deux systèmes: le système de la commission, qui tend à vous faire voter le texte, et le système du Gouvernement, qui tend au rejet tout entier de ce texte.

M. Blavier. Mais on vote avant sur les amendements!

M. le garde des sceanx. Ces amendements, que nous discuterons, feront mieux connaître la question dans ses détails; cet examen sera profitable à la solution générale de la question de principe. (Interruptions.)

M. Blavier. Une fois les amendements votés, c'est fini!

M. le garde des sceaux. Je suis d'ailleurs à la disposition du Sénat; mais il me semble plus logique de suivre le règle

ment.

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M. Emile Lenoël. Messieurs, il me paraît, en effet, après les observations qui ont été présentées, qu'il est impossible que le Sénat entre dans l'examen des amendements sur la mise en accusation, alors que le Gouvernement prétend qu'il ne doit pas y avoir de mise en accusation.

Par conséquent, nous sommes en présence du chapitre 3, intitulé << De la mise en accusation ».

Le Gouvernement, par l'organe de M. le garde des sceaux, dit et M. le garde des sceaux se propose de soutenir qu'il ne doit pas y avoir de mise en accusation. Il faut en conséquence, ce me semble, de toute nécessité que le Sénat se prononce d'abord sur cette question : Y aura-t-il ou n'y aurat-il pas de mise en accusation?

Si le Sénat déclare qu'il n'y aura pas de mise en accusation, nos amendements disparaissent; si le Sénat déclare qu'il y aura en principe une mise en accusation, chacun de nous présentera le système qu'il croira devoir soumettre au Sénat. (Très bien! tres bien! sur plusieurs bancs.)

M. le garde des sceaux. Quel sera le | l'heure, et d'une façon contraire au texte texte qui sera soumis au vote du Sénat?

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M. Emile Lenoël. C'est le titre, c'est la procédure, c'est l'organisation.

M. Tolain. On n'a jamais vu voter sur un titre!

M. Emile Lenoël. Je me suis mal expliqué, monsieur Tolain, ou vous m'avez mal compris, peut-être les deux. En disant << le titre », je me suis trompé; j'ai voulu dire «le chapitre ».

Si l'on ne croit pas devoir, lorsqu'on discute une loi dans son ensemble, s'occuper d'une matière qui est traitée dans une série d'articles, il est parfaitement clair qu'il n'y a pas lieu à amender cet article. Il faut d'abord savoir si cette matière sera traitée par la législation. (Très bien! très bien!)

M. le rapporteur. La force des choses est ici plus puissante que le règlement!

M. le président. L'article 60 du règlement est formel; il est ainsi conçu:

<< Les projets de lois et propositions sont votés par article.

<<< Les amendements sont mis aux voix avant la disposition principale. >>

Il serait donc impossible de suivre le système de M. Lenoël sans violer de la manière la plus évidente l'article 60. Si l'on veut se prononcer sur la suppression que demande M. le garde des sceaux, il y a un moyen bien simple, c'est de repousser successivement tous les amendements et, dans l'article 9, la disposition dont M. le garde des sceaux demande la suppres

sion.

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Ne trouveriez-vous pas une solution dans le vote de cet amendement que, pour ma part, je proposerai au Sénat :

<< Art. 1er. Il y a une mise en accusation >>?

Le Sénat déciderait alors si, oui ou non, il veut d'une mise en accusation. (Marques d'approbation sur divers bancs.)

M. Emile Lenoël. C'est ce que j'allais proposer sous une autre forme, en disant: « La mise en accusation est réglée de la manière suivante. >>>

M. le rapporteur. La commission se rallie à cet amendement.

M. Volland. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Volland.

M. Volland. Messieurs, j'ai demandé la parole sur la position de la question. Il m'a semblé, en effet, que la méthode proposée par M. le rapporteur pouvait être pleine de dangers.

En définitive, il faut qu'une question de cette importance soit discutée jusqu'au fond et ne laisse dans l'esprit de personne aucune arrière-pensée,

Or, qu'est venu nous proposer tout à

du règlement que M. le président vient de remettre sous nos yeux, qu'est venu, disje, proposer M. le rapporteur ? Il est venu proposer ceci : « Art. 1er Il y aura une mise en accusation. >>>

M. le rapporteur. « Art. 9, § 1er! »

M. Volland. Cette affirmation suppose nécessairement le droit, soit pour le Gouvernement, soit pour tout membre du Sénat, de la contredire.

Mais, messieurs, ne voyez-vous pas le danger auquel seraient exposés ceux qui sont, comme moi, prêts à se rallier à la proposition du Gouvernement et à soutenir qu'il y aurait un véritable danger à entrer dans la voie de la mise en accusation?

nous

Dans ces conditions, en effet, la discussion ne serait pas complète; un grand nombre de nos collègues pourraient se dire: << Mais il y a plusieurs sortes de mises en accusation (Marques d'approbation) le savons par les amendements qui nous sont proposés. Nous sommes disposés à repousser la mise en accusation de la commission, mais nous ne sommes pas disposés à repousser des procédures de mise en accusation qui n'ont pas encore été discutées devant nous. On se réserverait, et il est bien évident que ces réserves paralyseraient les effets possibles de la discussion. (Nouvelles marques d'approbation.)

M. Demole. Il faut suivre le règlement! M. le président. Messieurs, je suis saisi d'un amendement de M. Lenoël qui devien drait le paragraphe for de l'article 9.

Ce texte est ainsi conçu:

<< La mise en accusation est réglée de la manière suivante. >>>

Un sénateur. C'est un amendement, celal M. le président. Si le Sénat y consent, la discussion s'ouvrira sur ce paragraphe...

M. le rapporteur. C'est exactement ce que j'avais ais Thonneur de proposer; seule

ment sous une autre forme.

M. le garde des sceaux. Messieurs, la question qui est soumise aux délibérations du Sénat est une grave question de procédure, car elle intéresse la liberté de la défense.

Eh bien, est-il prudent de voter sur cette question de principe sans examiner en même temps avant le vote toutes les solutions possibles?

Quel est le but des amendements proposés? C'est d'organiser une procédure différente de celle de la commission.

Voilà bien le but. Ce sont des solutions divergentes qui sont proposées. Eh bien, ces solutions divergentes, examinez-les toutes... (Bruit et interruptions)... et, lorsque vous les aurez jugées au point de vue pratique, vous serez, ce me semble, bien mieux éclairés sur le fond.

Du moment qu'il s'agit avant tout d'une question de procédure, lorsque vous aurez examiné toutes les procédures proposées, vous serez bien mieux en état de statuer sur le point de savoir si, oui ou non, il doit y en avoir une. (Mouvements divers. Assentiment sur divers bancs.)

M. le rapporteur. Mais, avant les amendements, il y a le principe de la mise en accusation qui est supérieur à tout!

M. Delsol. Il n'y a qu'à discuter tous les amendements et à réserver le vote de ces amendements jusqu'à la fin de la discussion d'ensemble.

M. de Sal. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. de Sal.

M. de Sal. Je vous demande bien pardon, messieurs, de monter à la tribune pour m'expliquer sur une question qui me semble, pour ma part, bien simple: Y at-il lieu, oui ou non, d'admettre la mise en accusation?

Si oui, nous admettrons les articles et, par suite, nous discuterons les amendements.

Mais si nous repoussons dès à présent le principe de la mise en accusation...

Un sénateur. Il n'y a plus rien à examiner!

...

M. de Sal. il est évident qu'il est inuile, dans ces conditions, de discuter les amendements. (C'est évident! à droite.)

Un sénateur. Alors, on ne serait plus libre!

M. de Sal. Et notez bien qu'il s'agit d'une question qui, précisément, irait à l'encontre de ce que vous voulez faire. (Bruit.)

La discussion à laquelle nous nous livrons en ce moment est, à mon avis, la preuve que le règlement ne tranche pas la question comme elle doit être tranchée. Admettez-vous en principe la mise en accusation?...

M. Blavier. C'est l'objet de la proposition de M. Lenoël.

M. le rapporteur. Le principe de la mise en accusation forme la base de tous les amendements.

M. Ernest Boulanger. Cela dépend des conditions dans lesquelles elle sera pré

sentée !

M. de Sal. Admettez-vous en principe la mise en accusation? Si vous l'admettez, il y a lieu de faire une loi qui en règle le fonctionnement, la procédure. Prononçonsnous d'abord sur ce point.

M. Delsol. On vous répond à cela, mon cher collègue, qu'on ne peut pas se prononcer sur le principe avant d'avoir discuté les amendements...

M. le président. Ceux qui repousseront l'amendement de M. Lenoël décideront par cela même qu'il n'y a pas lieu à la mise en accusation.

Le Sénat a à se prononcer sur la question de savoir s'il veut donner la priorité dans la discussion au paragraphe introduit en tête de l'article 9 par M. Lenoël.

M. le rapporteur. La commission adhère, à la majorité, à l'amendement de M. Lenoël.

M. le président. J'en donne une nouvelle lecture: « La mise en accusation est réglée de la manière suivante... »

Je mets aux voix la question de savoir si la priorité est accordée à ce paragraphe.

(La priorité est accordée au paragraphe additionnel de M. Lenoěl.)

Quelqu'un demande-t-il la parole sur ce paragraphe?

Un sénateur à gauche. Monsieur le président, il ne peut s'agir que d'une prise en considération.

M. le président. Pardon! il n'y a pas de prise en considération en tre délibération. M. le garde des sceaux. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. le garde des sceaux. Messieurs, je m'excuse auprès du Sénat de revenir sur cette question que j'ai déjà traitée à une des précédentes séances, mais elle me paraît avoir une telle importance que vous me permettrez d'y insister, et surtout de répor pondre aux arguments qui vous ont été présentés dans la séance d'aujourd'hui par l'honorable M. Morellet.

M. Morellet invoquait plusieurs considérations. Il vous disait, d'abord: Vous allez, en supprimant la mise en accusation, introduire dans notre législation criminelle une innovation. La Chambre des pairs a constamment organisé la procédure qui se

M. de Sal. Je vous demande bien faisait devant elle en admettant la mise en pardon!

M. Delsol. ... parce que la mise en accusation varie selon qu'on adopte tel système ou tel autre.

Il faut donc les discuter tous et réserver le vote jusqu'à la fin. (Bruit.)

accusation. Si vous la supprimez, vous méconnaissez les précédents et vous violez, en taire. quelque sorte, une jurisprudence parlemenJe réponds que le précédent dont on nous parle remonte déjà à une époque ancienne et que la loi sur l'instruction criminelle est battue en brèche depuis quelques an

M. le président. Messieurs, veuillez garder le silence: on n'entend pas les ob-nées. servations qui sont échangées.

M. de Sal. La première question qu'on se pose est celle-ci: Admettez-vous ou non la mise en accusation? Selon la solution, il y aura lieu de discuter les articles 9 et suivants et les amendements, ou de passer à d'autres articles.

Ceux qui pensent qu'il ne doit pas y avoir de mise en accusation, que le renvoi qui sera fait par M. le Président de la République au Sénat équivaut à une mise en accusation et qu'en conséquence le Sénat n'aura à se prononcer uniquement que sur la culpabilité ou sur la nonculpabilité, voteront comme le demande M. le garde des sceaux. Ceux, au contraire, qui sont partisans de la mise en accusation...

M. Blavier. Ceux-là n'auront qu'à voter l'amendement de M. Lenoël.

M. de Sal, Parfaitement! c'est cela!

M. le président. Monsieur de Sal, vous adhérez à l'addition proposée par M. Lenoël

à l'article 9?

M. de Sal. Dans les conditions que je viens d'indiquer, oui, monsieur le président.

Le code d'instruction criminelle est en

effet l'objet d'une proposition de réforme, soumise à la Chambre des députés, où l'on s'efforce de remédier à certains inconvénients que présente la procédure criminelle. Il semble par conséquent que cet appel aux précédents soit en quelque sorte

démenti par ce qui se passe aujourd'hui.

On a l'intention, en effet, de réformer le code d'instruction criminelle, parce qu'il ne répond plus aux nécessités...

M. Oscar de Vallée. Le Sénat a déjà voté le projet et il n'a jamais songé à supprimer la chambre des mises en accusation!

M. le garde des sceaux. Le Sénat s'est déjà prononcé, en effet, sur l'innovation

discutée par par le le Parie Parlement, truction criminelle.

en matière d'ins

Au moment où la Chambre des pairs réglait ainsi sa procédure, elle n'avait point la liberté de la presse autour d'elle. Nos mœurs politiques ne sont plus les mêmes qu'en 1830. Et qu'on me permette de le dire, il n'y avait pas à cette époque autour des décisions de la haute cour cette atmos

phère qui pourrait régner aujourd'hui...

M. Delsol. Mais comment entendez-vous proceder?

M. le garde des sceaux. La Chambre des pairs pouvait peut-être sans inconvénient se réunir en comité secret, délibérer sur l'affaire qui lui était soumise, écarter certains des accusés, en maintenir d'autres et formuler le dernier mot sur l'instruction criminelle, sur l'instruction préparatoire. Elle n'était pas soumise à l'opinion publique comme le serait aujourd'hui le Sénat réuni en haute cour de justice.

Mais actuellement, si vous décidez que vous examinerez l'instruction en comité secret, immédiatement, dans la presse et dans l'opinion, vous semblerez préparer à huis clos une condamnation définitive et vous paraîtrez, dans une certaine mesure, avoir fait connaître par avance la solution que vous donnerez au débat définitif. (Mouvements divers.)

Et cette solution secrète, comment l'aurez-vous préparée? Vous l'aurez préparée sur des pièces, sur des pièces seulement, sans avoir entendu les accusés, sans avoir entendu les témoins, sans avoir entendu la contradiction, la défense; en un mot, vous la préparerez avec des éléments d'information absolument insuffisants.

On se demandera dès lors si véritablement vous n'aurez pas préjugé la question, si vous n'aurez pas, dans ce comité secret, préparé une décision politique plutôt qu'un véritable arrêt. C'est l'opinion publique qui se posera cette question et qui essayera de la résoudre; c'est la presse tout entière qui s'insurgera et qui viendra dire: Mais il y a là une décision qui ne présente pas toutes les garanties nécessaires!

Voilà, messieurs, pourquoi il me semble qu'aucune assimilation n'est possible entre le moment où je parle et le moment où la Chambre des pairs réglait la procédure de la haute cour de justice.

Je demande donc au Sénat d'écarter les précédents, et je me résume en vous disant: Autre temps, autres mœurs; il faut examiner la situation actuelle telle qu'elle est, faire la loi en tenant compte des progrès réalisés, des réformes accomplies, des tendances nouvelles, et se demander dans quel milieu cette loi va fonctionner désormais.

Voyons maintenant le fond. La difficulté de la solution vous est démontrée par la

multiplicité même des amendements présentés. Il n'y a pas un système unique sur la question dont je m'occupe. Il y a beaucoup de systèmes, et tous, vous le verrez dans un instant, soulèvent les objections les plus sérieuses.

Lorsque la Chambre des pairs a examiné la procédure qu'elle devait suivre, elle s'est demandé s'il fallait composer la chambre des mises en accusation en sectionnant la Chambre des pairs. Et ce système, que j'appellerai le système du sectionnement,

a été

repoussé. C'est précisément le même sysque nous retrouvons aujourd'hui dans les amendements qui vont vous être soumis.

Il faut l'écarter, comme l'avait décidé autrefois la Chambre des pairs. Il y a, aujourd'hui, pour cela les mêmes raisons qui étaient invoquées autrefois devant la Chambre des pairs.

Il en est une nouvelle: c'est une raison tirée de la Constitution elle-même.

L'article 12 de la Constitution de 1875 donne en effet au Sénat ce droit de juger, mais au Sénat tout entier et non pas au Sénat sectionné; et s'il est vrai que la mise en accusation puisse aboutir à une décision judiciaire rendue par le Sénat, c'est le Sénat tout entier qui doit la rendre, et non pas une portion quelconque du Sénat, (Marques d'approbation.)

J'ajoute que M. le rapporteur lui même faisait comprendre les difficultés de la matière, les obstacles qui s'opposent à une

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