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Le renard fut charmé de faire son entrée
A la cour; il arrive, il prêche, et cette fois,
Se surpassant lui-même, il tonne, il épouvante
Les féroces tyrans`des bois,

Peint la foible innocence à leur aspect tremblante,
Implorant chaque jour la justice trop lente
Du maître et du juge des rois.
Les courtisans, surpris de tant de hardiesse,
Se regardoient sans dire rien;

Car le roi trouvoit cela bien.

La nouveauté par fois fait aimer la rudesse.
Au sortir du sermon, le monarque enchanté
Fit venir le renard: Vous avez su me plaire,
Lui dit-il; vous m'avez montré la vérité:

Je vous dois un juste salaire;

Que me demandez-vous pour prix de vos leçons ? Le renard répondit : Sire, quelques dindons.

FABLE XVI.

LE PAON, LES DEUX OISONS ET LE

UN paon

PLONGEON.

faisoit la roue, et les autres oiseaux Admiroient son brillant plumage.

Deux oisons nasillards du fond d'un marécage Ne remarquoient que ses défauts.

Regarde, disoit l'un, comme sa jambe est faite, Comme ses pieds sont plats, hideux.

Et son cri, disoit l'autre, est si mélodieux,

Qu'il fait fuir jusqu'à la chouette. Chacun rioit alors du mot qu'il avoit dit.

Tout-à-coup un plongeon sortit:

Messieurs, leur cria-t-il, vous voyez d'une lieue
Ce qui manque à ce paon : c'est bien voir, j'en conviens;
Mais votre chant, vos pieds, sont plus laids que les siens,
Et vous n'aurez jamais sa queue.

FABLE XVII.

LE HIBOU, LE CHAT, L'OISON ET LE RAT.

De jeunes écoliers avoient pris dans un trou
Un hibou,

Et l'avoient élevé dans la cour du collége.
Un vieux chat, un jeune oison,

Nourris par le portier, étoient en liaison
Avec l'oiseau; tous trois avoient le privilége
D'aller et de venir par toute la maison.
A force d'être dans la classe,

Ils avoient orné leur esprit,

Savoient par cœur Denys d'Halicarnasse,
Et tout ce qu'Hérodote et Tite-Live ont dit.
Un soir, en disputant, (des docteurs c'est l'usage,)
Ils comparoient entre eux les peuples anciens.
Ma foi, disoit le chat, c'est aux Egyptiens
Que je donne le prix : c'étoit un peuple sage,
Un peuple ami des lois, instruit, discret, pieux,
Rempli de respect pour ses dieux;

Cela seul à mon gré lui donne l'avantage.

J'aime mieux les Athéniens,

Répondit le hibou: que d'esprit ! que de grâce!
Et dans les combats, quelle audace!
Que d'aimables héros parmi leurs citoyens!
A-t-on jamais plus fait avec moins de moyens?
Des nations c'est la première.
Parbleu, dit l'oison en colère,
Messieurs, je vous trouve plaisans:
Et les Romains, que vous en semble?
Est-il un peuple qui rassemble

Plus de grandeur, de gloire et de faits éclatans? Dans les arts, comme dans la guerre,

Ils ont surpassé vos amis.

Pour moi, ce sont mes favoris:

Tout doit céder le pas aux vainqueurs de la terre.
Chacun des trois pédans s'obstine en son avis,
Quand un rat, qui de loin entendoit la dispute,
Rat savant, qui mangeoit des thèmes dans sa hutte,
Leur cria: Je vois bien d'où viennent vos débats;
L'Égypte vénéroit les chats,

Athènes les hibous, et Rome, au Capitole,
Aux dépens de l'Etat nourrissoit des oisons.
Ainsi notre intérêt est toujours la boussole
Que suivent nos opinions.

FABLE XVIII.

LE PARRICIDE.

Un fils avoit tué son père.

Ce crime affreux n'arrive guère

Chez les tigres, les ours; mais l'homme le commet.
Ce parricide eut l'art de cacher son forfait,
Nul ne le soupçonna. Farouche et solitaire,
Il fuyoit les humains et vivoit dans les bois,
Espérant échapper aux remords comme aux lois.
Certain jour on le vit détruire à coups de pierre
Un malheureux nid de moineaux.

Eh! que vous ont fait ces oiseaux?

Lui demande un passant; pourquoi tant de colère?
Ce qu'ils m'ont fait? répond le criminel ;
Ces oisillons menteurs, que confonde le ciel,
Me reprochent d'avoir assassiné mon père.
Le passant le regarde; il se trouble, il pâlit;
Sur son front son crime se lit;

Conduit devant le juge, il l'avoue et l'expie.

O des vertus dernière amie!

Toi qu'on voudroit en vain éviter ou tromper, Conscience terrible! on ne peut t'échapper!

FABLE XIX.

L'AMOUR ET SA MÈRE.

QUAND la belle Vénus, sortant du sein des mers,
Promena ses regards sur la plaine profonde,
Elle se crut d'abord seule dans l'univers;
Mais près d'elle aussitôt l'Amour naquit de l'onde.
Vénus lui fit un signe; il embrassa Vénus;
Et se reconnoissant, sans s'être jamais vus,
Tous deux sur un dauphin voguèrent vers la plage.
Comme ils approchoient du rivage,

L'Amour, qu'elle portoit, s'échappe de ses bras,
Et lance plusieurs traits, en criant: Terre! terre!
Que faites-vous? mon fils, lui dit alors sa mère.
Maman, répondit-il, j'entre dans mes Etats.

FABLE XX.

LE PERROQUET CONFIANT.

CELA ne sera rien, disent certaines gens, Lorsque la tempête est prochaine; Pourquoi nous affliger avant que le mal vienne? Pourquoi? Pour l'éviter, s'il en est encor temps. Un capitaine de navire,

Fort brave homme, mais peu prudent.

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