Le lion court au chien: Ami, je te confie Le bonheur de l'état et celui de ma vie, Prends mon fils, sois son maître, et, loin de tout flatteur, S'il se peut, va former son cœur. il dit, et le chien part avec le jeune prince. Qu'il n'est point lionceau, qu'il n'est qu'un pauvre chien, Le bœuf travaillant sans salaire, Et le singe récompensé. Le jeune lionceau frémissoit de colere: Mon pere, disoit-il, de pareils attentats Sont-ils connus du roi? Comment pourroient-ils l'être? Disoit le chien: les grands approchent seuls du maître, Et les mangés ne parlent pas. Ainsi, sans raisonner de vertu, de prudence, Notre jeune lion devenoit tous les jours ▲ cette bonne école il acquit avec l'âge ll ignoroit Lorsqu'un jour qu'il parloit de sa reconnoissance A son maître, son bienfaiteur', Un tigre furieux d'une énorme grandeur, Paroissant tout-à-coup, contre le chien s'avance. Le lienceau plus prompt s'élance, Il hérisse ses crins, il rugit de fureur, Bat ses flancs de sa queue, et ses griffes sanglantes A peine il est vainqueur qu'il court à son ami: Sais-tu que l'amitié, dans cet heureux moment, Vous l'êtes, mon cher fils, oui, vous êtes mon roi, Le voilà donc venu, ce moment plein de charmes, A UN pauvre petit grillon Caché dans l'herbe fleurie Voltigeant dans la prairie. L'insecte ailé brilloit des plus vives couleurs ; Sont différents! Dame nature Pour lui fit tout et pour moi rien. Aussitôt les voilà courants Après ce papillon dont ils ont tous envie. Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper. L'insecte vainement cherche à leur échapper, Il devient bientôt leur conquête. L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps; Un troisieme survient et le prend par la tête: Pour déchirer la pauvre bête. Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché; FABLE X V I. Le Danseur de corde et lc Balancier. SUR la corde tendue un jeune voltigeur Faisoient venir maint spectateur. Sur son étroit chemin on le voit qui s'avance, corps droit, Hardi, léger autant qu'adroit; Il s'éleve, descend, va, vient, plus haut s'élance, Retombe, remonte en cadence, Et, semblable à certains oiseaux Qui rasent en volant la surface des eaux, Son pied touche, sans qu'on le voie, A la corde qui p'ie et dans l'a'r le renvoie. Notre jeune danseur, tout fier de son talent, Dit un jour : A quoi bon ĉe balancier pesant Qui me fatigue et m'embarrasse Si je dansois sans lui, j'aurois bien plus de grace, Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté, Notre étourdi chancelle, étend les bras, et tombe. Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pas dit Dans vos desirs fougueux vous causent quelque peine; FABLE X VII. La jeune Poule et le vieux Renard. UNE poulette jeune et sans expérience, En trottant, cloquetant, grattant, Fort loin du poulailler, berceau de son enfance. Comme elle y retournoit, voici qu'un vieux renard La pauvre poulette tremblante |