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Dans nos bois parut un beau jour :

Grand bruit chez les oiseaux ; leur troupe réunie Vole pour lui faire sa cour.

Chacun l'observe, l'examine;

Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,
Tout est beauté, grace divine,

Tout charme l'oreille et les yeux.

Pour la premiere fois on vit céder l'envie
Au besoin de louer et d'aimer son vainqueur.
Le rossignol disoit : Jamais tant de douceur
N'enchanta mon ame ravie.

Jamais, disoit le paon, de plus belles couleurs
N'ont eu cet éclat que j'admire ;

Il éblouit mes yeux et toujours les attire.
Les autres répétoient ces éloges flatteurs,
Vantoient le privilege unique

De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cedre aromatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Pendant tous ces discours la seule tourterelle

Sans rien dire fit un soupir.

Son époux, la poussant de l'aile,
Lui demande d'où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse:
De cet heureux oiseau desires-tu le sort?

- Moi! mon ami, je le plains fort;
Il est le seul de son espece.

FABLE X II I.

La Pie et la Colombe.

UNE colombe avoit son nid

Tout auprès du nid d'une pie.

Cela s'appelle voir mauvaise compagnie,

D'accord;

mais de ce point pour l'heure il ne s'agit. Au logis de la tourterelle

Ce n'étoit qu'amour et bonheur;

Dans l'autre nid toujours querelle,

OEufs cassés, tapage et rumeur.
Lorsque par son époux la pie étoit battue,
Chez sa voisine elle venoit,

La jasoit, crioit, se plaignoit,
Et faisoit la longue revue

Des défauts de son cher époux :
Il est fier, exigeant, dur, emporté, jaloux;

De plus, je sais fort bien qu'il va voir des corneilles;
Et cent autres choses pareilles
Qu'elle disoit dans son courroux.
Mais vous, répond la tourterelle,
Êtes-vous sans défauts? Non, j'en ai, lui dit-elle;
Je vous le confie entre nous :

En conduite, en propos, je suis assez légere,
Coquette comme on l'est, par fois un peu colere,
Et me plaisant souvent à le faire enrager:

Mais qu'est-ce que cela?— C'est beaucoup trop, ma chere:
Commencez par vous corriger;

Votre humeur peut l'aigrir... Qu'appelez-vous,

Interrompt aussitôt la pie:

ma mie?

Moi de l'humeur! Comment! je vous conte mes maux,

Et vous m'injuriez ! Je vous trouve plaisante:
Adieu, petite impertinente;

Mêlez-vous de vos tourtereaux."

Nous convenons de nos défauts,
Mais c'est pour que l'on nous démente.

FABLE X I'V.

L'Education du Lion.

ENFIN le roi lion venoit d'avoir un fils;
Par-tout dans ses états on se livroit en proie
Aux transports éclatants d'une bruyante joie :
Les rois heureux ont tant d'amis!

Sire lion, monarque sage,

Songeoit à confier son enfant bien aimé
Aux soins d'un gouverneur vertueux, estimé,
Sous qui le lionceau fit son apprentissage.
Vous jugez qu'un choix pareil

Est d'assez grande importance
Pour que long-temps on y pense.
indécis assemble son conseil :
En peu de mots il expose

Le monarque

Le point dont il s'agit, et supplie instamment Chacun des conseillers de nommer franchement Celui qu'en conscience il croit propre à la chose. Le tigre se leva: Sire, dit-il, les rois

Il faut

N'ont de grandeur que par la guerre ;

que votre fils soit l'effroi de la terre:
Faites donc tomber votre choix

Sur le guerrier le plus terrible,

Le plus craint après vous des hôtes de ces bois.
Votre fils saura tout s'il sait être invincible.
L'ours fut de cet avis : il ajouta pourtant

Qu'il falloit un guerrier prudent,
Un animal de poids, de qui l'expérience
Du jeune lionceau sût régler la vaillance
Et mettre à profit ses exploits.
Après l'ours, le renard s'explique,
Et soutient que la politique

Est le premier talent des rois;

Qu'il faut donc un Mentor d'une finesse extrêmePour instruire le prince et pour le bien former. Ainsi chacun, sans se nommer

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Clairement s'indiqua soi-même :

De semblables conseils sont communs à la cour. Enfin le chien parle à son tour:

Sire, dit-il, je sais qu'il faut faire la

guerre,

Mais je crois qu'un bon roi ne la fait qu'à regret ; L'art de tromper ne me plaît guere:

Je connois un plus beau secret

Pour rendre heureux l'état, pour en être le pere;
Pour tenir ses sujets, sans trop les alarmer,
Dans une dépendance entiere;

Voilà

Ce secret, c'est de les aimer.

pour bien régner la science suprême; Er, si vous desirez la voir, dans votre fils, Sire, montrez-la lui vous-même

Tout le conseil resta muet à cet avis,

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