En s'applaudissant du moyen. Les beliers, les moutons, sauterent assez bien: Mais les brebis vinrent ensuite, Les agneaux, les vieillards, les foibles, les peureux, Se laissoient choir dans la riviere. Il s'en noya le quart; un autre quart s'enfuit, Colas, réduit à la misere, S'apperçut, mais trop tard, que pour un bon pasteur Le plus court n'est pas le meilleur, FABLE V I. Les deux Chats. DEUX chats qui descendoient du fameux Rodilard, Tant il étoit dodu, potelé, frais et beau: Le cadet n'avoit que la peau Collée à sa tranchante échine Cependant ce cadet, du matin jusqu'au soir, Trottoit, couroit, il falloit voir! Sans en faire meilleure chere. Enfin, un jour, au désespoir, Il tint ce discours à son frere: Explique-moi par quel moyen, Passant ta vie à ne rien faire, Moi travaillant toujours, on te nourrit si bien, Et moi si mal. La chose est claire, Lui répondit l'aîné : tu cours tout le logis Pour manger rarement quelque maigre souris..... -N'est-ce pas mon devoir?- D'accord, cela peut être : Mais moi je reste auprès du maître, Je sais l'amuser par mes tours. Admis à ses repas sans qu'il me réprimande, Je prends de bons morceaux, et puis je les demande En faisant patte de velours, Tandis que toi, pauvre imbécille, Tu ne sais rien que le servir. Va, le secret de réussir, C'est d'être adroit, non d'être utile. FABLE VII. Le Singe qui montre la lanterne magique. MES [ESSIEURS les beaux esprits, dont la prose et les vers Sont d'un style pompeux et toujours admirable, Mais que l'on n'entend point, écoutez cette fable, Et tâchez de devenir clairs. Un homme qui montroit la lanterne magique Jacqueau, c'étoit son nom, sur la corde élastique Puis faisoit le saut périlleux, Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne, Notre Jacqueau fait tout du long Un jour qu'au cabaret son maître étoit resté (C'étoit, je pense, un jour de fète), Notre singe en liberté Veut faire un coup de sa tète. Il s'en va rassembler les divers animaux Qu'il peut rencontrer dans la ville; Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux, Arrivent bientôt à la file. Entrez, entrez, messieurs, crioit notre Jacqueau; Va se placer, et l'on apporte Content de son succès, notre singe saisit Et crie en le poussant: Est-il rien de pareil? Messieurs, vous voyez le soleil, Ses rayons et toute sa gloire. Voici présentement la lune ; et puis l'histoire D'Adam, d'Eve et des animaux..... Voyez, messieurs, comme ils sont beaux! Ma foi, disoit un chat, de toutes les merveilles Le fait est que je ne vois rien. Ni moi non plus, disoit un chien. Moi, disoit un dindon, je vois bien quelque chose; Mais je ne sais pour quelle cause Je ne distingue pas très bien. Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne Un enfant élevé dans un pauvre village Revint chez ses parents, et fut surpris d'y voir D'abord il aima son image; Et puis, par un travers bien digne d'un enfant, Il veut outrager ce qu'il aime, Il lui montre un poing menaçant, Il se voit menacé de même. Notre marmot fâché s'en vient, en frémissant, |